- « Bon dieu, c'est étrange, est-ce qu'ici ils plantent les drapeaux dans les jardins parce qu'ils font des fruits ? »
- « Non, c'est un moyen de dire de quel côté on est : les républicains avec le drapeau US ont une pancarte où on peut lire « Support our troups » et, si tu regarde dans l'autre jardin, tu peux voir qu'ils sont démocrates parce qu'ils ont une pancarte où il y a écrit : « War is not an answer », « Obama president ».
- « Comme ça chacun sait ce que vote vote son voisin ! C'est plus simple, pas d'embrouille ! »
- « Jeanne, nous aurons le temps de discuter dans la voiture, va t'habiller. Dépêche-toi. Je commence à 11 heures : c'est une leçon sur la trobairitz La comtessa de Dia ».
On était encore dans la chaleur de l'été, j'avais mis une robe jaune et rouge. on partit et je me retournai : Mathilde avait mis sa tête à la fenêtre, mais je ne pense pas qu'elle me voyait.
Elle semblait être ailleurs. C'était la première fois que je la laissais pour une journée entière. Je lui avais laissé 100 dollars, si elle voulait s'acheter quelque chose, on ne sait jamais !
Rémy était heureux ; il sifflait le « Se Canta ».
- « Madame est vêtue comme un drapeau occitan, pour un cours de langue romane c'est une bonne idée : ça fait folklorique. Il y en a qui ont le drapeau dans le jardin et d'autres qui le mettent sur eux ! »
- « Toi, tu es habillé comme un professeur : à chacun son métier. »
Rémy me prit la main :
- « Ça me fait plaisir d'être avec toi! »
- « Moi aussi mais je suis inquiète d'avoir laissé Mathilde seule ! »
- « Mathilde est majeure, elle peut vivre sans une mère à ses côtés. »
Nous étions sur une autoroute, puis nous avons tourné vers UMBC c'est à dire : University of Maryland Baltimore County. Une université publique.
Moi qui avais passé toute ma vie dans la poste de mon village, je me sentais comme une enfant à côté de ces grands buildings avec des étudiants qui courraient partout, de toutes les couleurs et surtout qui ne parlaient que l'anglais. Pas tous : j'entendais parler espagnol aussi. A chaque fois que Rémy rencontrait quelqu'un qu'il connaissait il me présentait : « Jeanne Belcaire, une amie d'enfance venue du midi de la France et qui parle la langue occitane que j'enseigne dans mes cours. »
Je ne comprenais pas tout mais j'essayais de faire celle qui... en faisant beaucoup de sourires et de Hello !
Peut-être que dans peu de temps j'oserai dire : How are you ?
Nous étions enfin arrivés dans la classe où les étudiants de Rémy nous attendaient.
- « Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Jeanne does not understand a word of English. She came especially from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her. »
Tout le monde commença à rire. C'était trop difficile pour eux de maîtriser la langue occitane. Donc Rémy fit les traductions de l'anglais à l'occitan et de l'occitan à l'anglais. Mais il y en avait qui essayaient de me comprendre et disaient que c'était plus simple que le français parce que c'était proche de l'espagnol.
Les questions tournaient autour de la langue, du vin, des taureaux :
-« Do people still speak occitan in the street ? »
-« Do you drink wine every day ? »
- « Do you like to see bullfights ? »
Puis Rémy me demanda de chanter une chanson : je choisis la chansin de Claire d'Anduze « en greu esmai ». Peut-être qu'une chanson de « Moussu T e lei Jovents » comme « Lo gabian » aurait été plus belle pour ces jeunes, mais je ne connaissais pas les paroles.
Après le repas il y avait encore un cours.
Je me régalais : Mathilde était loin. J'étais tellement heureuse d'être avec tous ces jeunes et Rémy semblait se régaler aussi.
En rentrant à la maison il me dit :
- « C'est la première fois que je fais ça et c'est un plaisir. Dommage que la retraite est si proche.... nous aurions pu faire tant de choses ensemble ».
- « Quand t'arrêtera-tu ? »
- « L'année prochaine et je ne sais pas ce que je vais faire... Allons au supermarché près de la maison : Giant. »
- « Je veux du poisson, de la salade verte, du roquefort et du sorbet. C'est moi qui régale aujourd'hui ! »
- « Ma Dame, c'est comme vous voulez ! »
Quand je payais avec la carte Visa la caissière me demanda :
- « Cash ? »
- « Que veut-elle dire ? »
- « Le supermarché est comme une banque. Si tu veux cette dame peut te donner de l'argent. »
- « No, thank you ! »
- « Hourra ! Tu commence à parler ! »
Nous arrivâmes à la maison, c'était le soir mais la maison était complètement obscure, pas une lumière.
- « Que se passe-t'il, Mathilde n'est pas rentrée ? »
- « Ne te fais pas de mauvais sang : elle est allée se promener, s'il s'était passé quoi que ce soit elle m'aurait appelé sur mon portable ! »
Rémy ouvrit la porte d'entrée, nous avons porté les courses dans la cuisine. Sur la table il y avait une lettre.
Je commençai à frissonner : la tête de Mathilde à la fenêtre ce matin si lointaine !
Je m'assis, maintenant c'était le moment de lire :
« Jeanne,
Je sais que tu pleureras ce soir, mais tu ne seras pas seule : Rémy sera à côté de toi. Merci pour tout. Je n'ai pas voulu te le dire mais j'ai rencontré un amoureux par Internet, et il est venu me chercher depuis Philadelphie. Si tout se passe bien avec lui je te rapellerai et quand nous viendrons en France ce sera chez toi. Je veux être libre de choisir ma vie et être indépendante. Il y avait trop d'amour entre nous : tout l'amour que tu n'as pas eu dans ta vie sans mari et sans enfant, tout l'amour que je n'ai jamais eu avec ma famille. Ça me faisait peur.
Adieu et peut être à un jour, je ne sais pas quand.
Ta fille qui t'aime
Mathilde
P.S. : Merci à Rémy pour son hospitalité »
C'était la fin d'un rêve. Tout tournait autour de moi.
Je pleurai et nous avons parlé toute la nuit avec Rémy : quand on est vieux, un avenir est-il possible ? Quand on est jeune peut-on être heureux tout seul ?
Et maintenant que faire : rester, rentrer à la maison... ou changer complètement de vie ?
FIN
]]>Texte de l'épisode 10 :
La nuit fut courte et le réveil plus que difficile avec le décalage horaire. La pauvre Jeanne buvait son thé sans savoir où elle était : heureusement elle voyait de l'autre côté de la rue,dans le jardin où se promenaient les écureuils, un drapeau planté qui n'était pas un drapeaufrançais, ni un drapeau occitan mais celui du plus grand pays du monde occidental, les Etats-Unis d'Amérique.
- « Bon dieu, c'est étrange, est-ce qu'ici ils plantent les drapeaux dans les jardins parce qu'ils font des fruits ? »
- « Non, c'est un moyen de dire de quel côté on est : les républicains avec le drapeau US ont une pancarte où on peut lire « Support our troups » et, si tu regarde dans l'autre jardin, tu peux voir qu'ils sont démocrates parce qu'ils ont une pancarte où il y a écrit : « War is not an answer », « Obama president ».
- « Comme ça chacun sait ce que vote vote son voisin ! C'est plus simple, pas d'embrouille ! »
- « Jeanne, nous aurons le temps de discuter dans la voiture, va t'habiller. Dépêche-toi. Je commence à 11 heures : c'est une leçon sur la trobairitz La comtessa de Dia ».
On était encore dans la chaleur de l'été, j'avais mis une robe jaune et rouge. on partit et je me retournai : Mathilde avait mis sa tête à la fenêtre, mais je ne pense pas qu'elle me voyait.
Elle semblait être ailleurs. C'était la première fois que je la laissais pour une journée entière. Je lui avais laissé 100 dollars, si elle voulait s'acheter quelque chose, on ne sait jamais !
Rémy était heureux ; il sifflait le « Se Canta ».
- « Madame est vêtue comme un drapeau occitan, pour un cours de langue romane c'est une bonne idée : ça fait folklorique. Il y en a qui ont le drapeau dans le jardin et d'autres qui le mettent sur eux ! »
- « Toi, tu es habillé comme un professeur : à chacun son métier. »
Rémy me prit la main :
- « Ça me fait plaisir d'être avec toi! »
- « Moi aussi mais je suis inquiète d'avoir laissé Mathilde seule ! »
- « Mathilde est majeure, elle peut vivre sans une mère à ses côtés. »
Nous étions sur une autoroute, puis nous avons tourné vers UMBC c'est à dire : University of Maryland Baltimore County. Une université publique.
Moi qui avais passé toute ma vie dans la poste de mon village, je me sentais comme une enfant à côté de ces grands buildings avec des étudiants qui courraient partout, de toutes les couleurs et surtout qui ne parlaient que l'anglais. Pas tous : j'entendais parler espagnol aussi. A chaque fois que Rémy rencontrait quelqu'un qu'il connaissait il me présentait : « Jeanne Belcaire, une amie d'enfance venue du midi de la France et qui parle la langue occitane que j'enseigne dans mes cours. »
Je ne comprenais pas tout mais j'essayais de faire celle qui... en faisant beaucoup de sourires et de Hello !
Peut-être que dans peu de temps j'oserai dire : How are you ?
Nous étions enfin arrivés dans la classe où les étudiants de Rémy nous attendaient.
- « Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Jeanne does not understand a word of English. She came especially from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her. »
Tout le monde commença à rire. C'était trop difficile pour eux de maîtriser la langue occitane. Donc Rémy fit les traductions de l'anglais à l'occitan et de l'occitan à l'anglais. Mais il y en avait qui essayaient de me comprendre et disaient que c'était plus simple que le français parce que c'était proche de l'espagnol.
Les questions tournaient autour de la langue, du vin, des taureaux :
-« Do people still speak occitan in the street ? »
-« Do you drink wine every day ? »
- « Do you like to see bullfights ? »
Puis Rémy me demanda de chanter une chanson : je choisis la chansin de Claire d'Anduze « en greu esmai ». Peut-être qu'une chanson de « Moussu T e lei Jovents » comme « Lo gabian » aurait été plus belle pour ces jeunes, mais je ne connaissais pas les paroles.
Après le repas il y avait encore un cours.
Je me régalais : Mathilde était loin. J'étais tellement heureuse d'être avec tous ces jeunes et Rémy semblait se régaler aussi.
En rentrant à la maison il me dit :
- « C'est la première fois que je fais ça et c'est un plaisir. Dommage que la retraite est si proche.... nous aurions pu faire tant de choses ensemble ».
- « Quand t'arrêtera-tu ? »
- « L'année prochaine et je ne sais pas ce que je vais faire... Allons au supermarché près de la maison : Giant. »
- « Je veux du poisson, de la salade verte, du roquefort et du sorbet. C'est moi qui régale aujourd'hui ! »
- « Ma Dame, c'est comme vous voulez ! »
Quand je payais avec la carte Visa la caissière me demanda :
- « Cash ? »
- « Que veut-elle dire ? »
- « Le supermarché est comme une banque. Si tu veux cette dame peut te donner de l'argent. »
- « No, thank you ! »
- « Hourra ! Tu commence à parler ! »
Nous arrivâmes à la maison, c'était le soir mais la maison était complètement obscure, pas une lumière.
- « Que se passe-t'il, Mathilde n'est pas rentrée ? »
- « Ne te fais pas de mauvais sang : elle est allée se promener, s'il s'était passé quoi que ce soit elle m'aurait appelé sur mon portable ! »
Rémy ouvrit la porte d'entrée, nous avons porté les courses dans la cuisine. Sur la table il y avait une lettre.
Je commençai à frissonner : la tête de Mathilde à la fenêtre ce matin si lointaine !
Je m'assis, maintenant c'était le moment de lire :
« Jeanne,
Je sais que tu pleureras ce soir, mais tu ne seras pas seule : Rémy sera à côté de toi. Merci pour tout. Je n'ai pas voulu te le dire mais j'ai rencontré un amoureux par Internet, et il est venu me chercher depuis Philadelphie. Si tout se passe bien avec lui je te rapellerai et quand nous viendrons en France ce sera chez toi. Je veux être libre de choisir ma vie et être indépendante. Il y avait trop d'amour entre nous : tout l'amour que tu n'as pas eu dans ta vie sans mari et sans enfant, tout l'amour que je n'ai jamais eu avec ma famille. Ça me faisait peur.
Adieu et peut être à un jour, je ne sais pas quand.
Ta fille qui t'aime
Mathilde
P.S. : Merci à Rémy pour son hospitalité »
C'était la fin d'un rêve. Tout tournait autour de moi.
Je pleurai et nous avons parlé toute la nuit avec Rémy : quand on est vieux, un avenir est-il possible ? Quand on est jeune peut-on être heureux tout seul ?
Et maintenant que faire : rester, rentrer à la maison... ou changer complètement de vie ?
FIN
Tèxte de l'episòdi 10 :
La nèit foguèt corteta e lo revelh amb lo desfasament orari mai que dificil. La paura Joana beguèt son tè sens saupre ont’èra : urosament vegèt de l’autre costat de la carrièra, dins lo jardin ont se passejavan los esquiròls, un drapèl plantat qu’èra pas un drapèl frances ni mai un drapèl occitan mas lo del país mai grand del mond occidental, the United States of America.
- "Bondieu aquò’s estranh, es qu’aicí plantan los drapèls dins los jardins perque fan de frucha ?"
- "Non, es un biais de dire de quin costat òm es : los republicans amb lo drapèl US an una pancarta ont se pòt legir « Support our troups» e, se gaitas dins l’autre jardin, avisas que son de democratas per de que an una pancarta ont es escrich : « War is not an answer », « Obama president ».
- "Com’aquò cadun sap çò que vòta son vesin ! Es mai simple, pas d’embolh !"
- "Joana, aurem lo temps de parlar dins la veitura, vai t’en te vestir. Despacha-te. Comenci a 11 oras : es una leiçon sus la trobairitz La comtessa de Dia."
Èra encara la calor de l’estiu, aviái mes una rauba jauna e roja. Partiguèrem e me virèri : Matilda aviá mes sa cara a la fenèstra, mas pensi pas que me vegèt.
Semblava d’èstre endacòm mai. Èra lo primièr còp que la daissava per una jornada. Li aviái daissat 100 dolars, se se voliá crompar quicòm, òm sap jamai !
Romieg èra urós; siblava lo « Se canta ».
- "Madama es vestida coma un drapèl occitan, per un cors de lenga romana es una bona idèia : fa folcloric. N’i a qu’an lo drapèl dins lo jardin e d’autres que se'n vestisson !"
- "Tu sès vestit coma un professor : a cadun son mestièr."
Romieg me prenguèt la man :
- "Me fa plaser d’èstre ambe tu !"
- "Ieu tanben mas soi inquieta d’aver laissada Matilda soleta !"
- "Matilda es majora, pòt viure sens una maire a son costat."
Èrem sus una autostrada, puèi virèrem vers UMBC es a dire : University of Maryland Baltimore County. Una universitat publica.
Ieu qu’aviái passat tota ma vida dins la pòsta de mon vilatge me sentissiái coma un enfant a costat d’aqueles buildings grandaràs amb d’estudiants que corrissián de pertot, de totas las colors e subretot que parlavan pas que l’anglés. Pas totes : ausiguèri parlar espanhòl tanben. Cada còp que Romieg rescontrèt quauqu’un que conneissiá me presentèt : « Joana Belcaire, una amiga d’enfança, venguda del miègjorn de França e que parla la lenga occitana qu’ensenhi dins mos corses. »
Compreniái pas tot mas ensajavi de faire aquela que… en fasent fòrça sorires e Hello !
Benlèu que dins gaire de temps gausariái dire : how are you ?
Èrem enfin arribats dins la classa ont los estudiants de Romieg nos esperavan.
- "Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Joana does not understand a word of English. She came especialy from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her."
Tot lo mond comencèt de rire. Èra trop difficil per eles de mestrejar la lenga occitana. Donc Romieg faguèt las reviradas de l’anglés en occitan e de l’occitan en anglés. Mas n’i aviá qu’ensajavan de me comprene e disián qu’èra mai simple que lo francés per de que èra pròche de l’espanhòl.
Las questions viravan a l’entorn de la lenga, del vin, dels buòus :
- "Do people still speak occitan in the sreet?"
- "Do you drink wine every day ?"
- "Do you like to see bullfights ?"
Puèi Romieg me demandèt de cantar una cançon : Causiguèri la canson de Clara d’Anduza « en greu esmai ». Benlèu qu’una canson de « Mossu T e lei Jovents » coma « Lo gabian » seriá estada mai bèla per aqueles joves, mas coneissiái pas las paraulas.
L’aprèp dinnar i aguèt encara un cors.
Me regalèri : Matilda èra luènh.
Èri tant urosa d’èstre ambe tot aqueles joves e Romieg semblava de se regalar tanben.
Tornant a l’ostal me diguèt :
- "Es lo primièr còp que fau aquò e es un plaser. Domatge que la retirada siá tan pròcha… auriam poscut faire tantas de causas ensems."
- "Quand t’arrestaràs ?"
- "L’an que ven, e sabi pas çò que vau faire…Anam al subremercat a costat de l’ostal : Giant."
- "Ieu vòli de peis, d’ensalada verda, de rocafòrt, e de glacet. Es ieu que regali uèi !"
- "Ma Dòna es coma volètz !"
Quand paguèri ambe la carta Visa la caissièra me demandèt :
- "Cash ?"
- "De que vòl dire ?"
- "Lo supermercat es com’una banca. Se vòs aquela Dòna te pòt donar d’argent."
- "No, thank you !"
- "Òsca ! Començas de parlar !"
Arribèrem a l’ostal, èra lo ser mas l’ostal èra completament escur, pas un lum.
- "De qué se passa, Matilda es pas dintrada ?"
- "Te fagues pas de marrit sang : es anada se passejar, s’aviá passat quicòm auriá sonat mon telefonet !"
Romieg dubriguèt la pòrta d’intrada, portèrem las crompas dins la cosina. Sus la taula i aviá una letra.
Comencèri de tremolar : la tèsta de Matilda a la fenèstra aqueste matin tant luèncha !
M’assetèri, ara èra temps de legir :
« Joana
Sabi que ploraràs aqueste ser, mas seràs pas soleta : Romieg serà a costat de tu. Mercé per tot. T’o ai pas volgut dire mas aviái rescontrat un amorós per l’internet, e m'es venguda quèrre de Filadelfia. Se tot se passa plan amb el te tornarai sonar e quand vendrem en França serà a ton ostal. Vòli èstre liura de causir ma vida e èstre independenta. I aviá tròp d’amor entre nos : tot l’amor qu’as pas agut dins ta vida sens marit e sens enfant, tot l’amor qu’ai pas jamai agut ambe ma familha. Me fasiá paur.
Adieu e benlèu a un jorn, sabi pas quora.
Ta filha que t’aima Matilda
PS : Mercé a Romieg per son espitalitat. »
Foguèt la fin d’un pantais. Tot virèt a l’entorn de ieu.
Plorèri e parlèrem tota la nèit ambe Romieg : quand òm es vièlh i a un avenidor possible ? quand òm es jove òm pòt èstre urós tot sol ?
E ara de que faire : demorar, tornar a l’ostal…o cambiar completament de vida ?
FIN
Baltimore au bord de la baie du Cheasepeake, est un peu le pendant de Marseille sur le bord de la mer Méditerranée : deux villes qui étaient à une époque deux grands ports.
Évidemment, il y en a une avec ses gratte-ciels américains qui est plus grande que l'autre avec la Bonne Mère. En se promenant sur l'ancien port de Baltimore Fellspoint, on pense au vieux port de Marseille ! Mais ici pas de bouillabaisse : que des crabes : c'est l'animal totémique de la ville !
Nous avons fait un petit tour dans le centre ville avec ses très grandes avenues et les sirènes des voitures de police qui n'arrêtaient pas de hurler. Et Rémy dit :
« J'ai besoin d'aller dans une épicerie italienne si je veux vous faire un peu de bonne cuisine. On y trouvera tout ce qu'il faut. »
« Mais c'est trop tard ! Les boutiques doivent être fermées, il est onze heures du soir ! »
« Tu n'es plus en France, petite, ici tu peux trouver tout ce que tu veux quand tu le veux ! »
« The new world ! »
Nous avons garé la voiture et sommes entrés dans la « Sicilienne ».
Mathilde était ébahie de voir tout ce qu'il y avait sur les rayonnages de la boutique : olives, tomates, huile d'olive, pâtes, parmesan, comme dans un village de Toscane.
Tout d'un coup Rémy cria :
« Attention ! Tout le monde au fond de la boutique».Un bruit de fusillade dans la rue où il n'y avait plus de voitures. On entendit des cris, une balle transperça la vitrine, on vit deux hommes qui courraient. Dans la boutique pas un mot. Puis le silence dehors et pour finir la sirène des voitures de police.
Mathilde pleurait :
« Mais que se passe-t-il ? C'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur. C'est un mauvais rêve : je veux rentrer à Montpellier. Jeanne partons ! Ce new world ne me plaît pas ! »
Elle ressemblait à une enfant et j'avais envie de rire à m'exploser les côtes : c'était mieux qu'au cinéma ! Rémy était sérieux et pas très content de cette aventure. Sa voix était celle d'un professeur :
« Baltimore est une ville où les fusils sont rois : 300 personnes sont tuées chaque année par balles. Ne te fais pas de mauvais sang petite, nous allons à Catonsville, c'est une ville calme. Ça fait trente cinq ans que je vis dans ce pays et c'est la première fois que je me trouve au milieu d'une telle affaire ! »
« Il nous faut terminer les courses ! Mathilde, quand on racontera ça au village, personne ne nous croira ! »
« J'aimerais goûter une pizza américaine ! »
C'était un peu comme un bizutage ! Quelle chance !
Nous sommes arrivés à Catonsville : il était minuit passé.
Une jolie maison avec un étage, au milieu d'un jardin, toute en bois:
« Elle est ancienne, elle a été bâtie en 1920 ».
Nous sommes entrés dans la maison :
« Allez poser vos valises. En haut de l'escalier à droite Mathilde et de l'autre côté Jeanne ! Je commence à préparer le dîner. »
« Je peux prendre une douche ? »
« Bien sûr petite ! Tant que tu veux ! ».
Je montai dans la chambre. Elle était petite mais jolie : un lit, une table, une armoire. Je me sentais timide et un peu nigaude. J'essayai de me faire jolie, pecaire, qu'à mon âge ce n'est pas simple.
Rémy était dans la cuisine : une cuisine américaine moderne qui n'avait rien à voir avec la mienne au village.
Je ne savais pas que faire pour l'aider.
« Je suis heureuse d'être ici, merci de nous recevoir. »
« C'est un plaisir pour moi. Depuis la mort de Lise je me sens seul comme un vieux. Heureusement qu'il y a l'université et les collègues. »
« Est-ce que tu rentreras quand tu seras à la retraite ? »
« Pour quoi faire ? Je ne connais plus personne au pays et je pense que changer de mode de vie doit être difficile à mon âge ! »
« Mais peut-être que tu pourrais venir plus souvent : il y a toujours la maison de ta mère ? »
« C'est ma soeur qui l'a prise pour sa retraite. »
« Maintenant j'ai deux maisons. J'ai fait un bel héritage ! »
« Un héritage ? Comment ? Tu te moques de moi ?! Ta famille n'avait pas un sou ! »
« Mon oncle Vincent m'a tout laissé. C'est pour ça que je suis ici : j'ai de l'argent ! »
« Et cette Mathilde, où l'as tu trouvée ? Jeanne aurait eu une fille sans rien dire à personne ? Tu me feras toujours rire ! »
« Si je te racontais comment ça s'est passé tu me croirais pas ! »
« Essaie, on verra bien ! »
« Le jour de la mort de l'oncle Vincent, quelqu'un a sonné à ma porte et... c'était Mathilde ! Depuis elle est restée avec moi et je suis heureuse. Je n'ai pas pu résister à son sourire et au plaisir d'avoir enfin une fille, mon vieux rêve... »
« Il faudra lui trouver un travail... »
« Non... une école de diététique... je paierai pour elle ! »
« J'ai faim ! Est-ce que nous pouvons manger ? »
« Ne t'en fais pas ma fille, pour commencer nous allons boire un peu de vin de l'Hérault, un Faugères ! Et demain vous viendrez avec moi au cours de langue romane... »
« Vous ferez comme vous voudrez, mais demain, je veux rester seule à la maison pour dormir et découvrir Catonsville. »
« Quelle idée ! Comme tu veux ! Tu es grande et tu sais ce que tu fais ! Mais ça ne me plaît pas trop te laisser seule, même si Catonsville n'est pas Baltimore ! »
« Hourra ! Santé ! ».
]]>Texte de l'épisode 9 :
Après l'autoroute, nous sommes entrés dans la ville. Rémy était heureux de faire le guide. Pour commencer le quartier de la mer avec le gigantesque aquarium.
Baltimore au bord de la baie du Cheasepeake, est un peu le pendant de Marseille sur le bord de la mer Méditerranée : deux villes qui étaient à une époque deux grands ports.
Évidemment, il y en a une avec ses gratte-ciels américains qui est plus grande que l'autre avec la Bonne Mère. En se promenant sur l'ancien port de Baltimore Fellspoint, on pense au vieux port de Marseille ! Mais ici pas de bouillabaisse : que des crabes : c'est l'animal totémique de la ville !
Nous avons fait un petit tour dans le centre ville avec ses très grandes avenues et les sirènes des voitures de police qui n'arrêtaient pas de hurler. Et Rémy dit :
« J'ai besoin d'aller dans une épicerie italienne si je veux vous faire un peu de bonne cuisine. On y trouvera tout ce qu'il faut. »
« Mais c'est trop tard ! Les boutiques doivent être fermées, il est onze heures du soir ! »
« Tu n'es plus en France, petite, ici tu peux trouver tout ce que tu veux quand tu le veux ! »
« The new world ! »
Nous avons garé la voiture et sommes entrés dans la « Sicilienne ».
Mathilde était ébahie de voir tout ce qu'il y avait sur les rayonnages de la boutique : olives, tomates, huile d'olive, pâtes, parmesan, comme dans un village de Toscane.
Tout d'un coup Rémy cria :
« Attention ! Tout le monde au fond de la boutique».Un bruit de fusillade dans la rue où il n'y avait plus de voitures. On entendit des cris, une balle transperça la vitrine, on vit deux hommes qui courraient. Dans la boutique pas un mot. Puis le silence dehors et pour finir la sirène des voitures de police.
Mathilde pleurait :
« Mais que se passe-t-il ? C'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur. C'est un mauvais rêve : je veux rentrer à Montpellier. Jeanne partons ! Ce new world ne me plaît pas ! »
Elle ressemblait à une enfant et j'avais envie de rire à m'exploser les côtes : c'était mieux qu'au cinéma ! Rémy était sérieux et pas très content de cette aventure. Sa voix était celle d'un professeur :
« Baltimore est une ville où les fusils sont rois : 300 personnes sont tuées chaque année par balles. Ne te fais pas de mauvais sang petite, nous allons à Catonsville, c'est une ville calme. Ça fait trente cinq ans que je vis dans ce pays et c'est la première fois que je me trouve au milieu d'une telle affaire ! »
« Il nous faut terminer les courses ! Mathilde, quand on racontera ça au village, personne ne nous croira ! »
« J'aimerais goûter une pizza américaine ! »
C'était un peu comme un bizutage ! Quelle chance !
Nous sommes arrivés à Catonsville : il était minuit passé.
Une jolie maison avec un étage, au milieu d'un jardin, toute en bois:
« Elle est ancienne, elle a été bâtie en 1920 ».
Nous sommes entrés dans la maison :
« Allez poser vos valises. En haut de l'escalier à droite Mathilde et de l'autre côté Jeanne ! Je commence à préparer le dîner. »
« Je peux prendre une douche ? »
« Bien sûr petite ! Tant que tu veux ! ».
Je montai dans la chambre. Elle était petite mais jolie : un lit, une table, une armoire. Je me sentais timide et un peu nigaude. J'essayai de me faire jolie, pecaire, qu'à mon âge ce n'est pas simple.
Rémy était dans la cuisine : une cuisine américaine moderne qui n'avait rien à voir avec la mienne au village.
Je ne savais pas que faire pour l'aider.
« Je suis heureuse d'être ici, merci de nous recevoir. »
« C'est un plaisir pour moi. Depuis la mort de Lise je me sens seul comme un vieux. Heureusement qu'il y a l'université et les collègues. »
« Est-ce que tu rentreras quand tu seras à la retraite ? »
« Pour quoi faire ? Je ne connais plus personne au pays et je pense que changer de mode de vie doit être difficile à mon âge ! »
« Mais peut-être que tu pourrais venir plus souvent : il y a toujours la maison de ta mère ? »
« C'est ma soeur qui l'a prise pour sa retraite. »
« Maintenant j'ai deux maisons. J'ai fait un bel héritage ! »
« Un héritage ? Comment ? Tu te moques de moi ?! Ta famille n'avait pas un sou ! »
« Mon oncle Vincent m'a tout laissé. C'est pour ça que je suis ici : j'ai de l'argent ! »
« Et cette Mathilde, où l'as tu trouvée ? Jeanne aurait eu une fille sans rien dire à personne ? Tu me feras toujours rire ! »
« Si je te racontais comment ça s'est passé tu me croirais pas ! »
« Essaie, on verra bien ! »
« Le jour de la mort de l'oncle Vincent, quelqu'un a sonné à ma porte et... c'était Mathilde ! Depuis elle est restée avec moi et je suis heureuse. Je n'ai pas pu résister à son sourire et au plaisir d'avoir enfin une fille, mon vieux rêve... »
« Il faudra lui trouver un travail... »
« Non... une école de diététique... je paierai pour elle ! »
« J'ai faim ! Est-ce que nous pouvons manger ? »
« Ne t'en fais pas ma fille, pour commencer nous allons boire un peu de vin de l'Hérault, un Faugères ! Et demain vous viendrez avec moi au cours de langue romane... »
« Vous ferez comme vous voudrez, mais demain, je veux rester seule à la maison pour dormir et découvrir Catonsville. »
« Quelle idée ! Comme tu veux ! Tu es grande et tu sais ce que tu fais ! Mais ça ne me plaît pas trop te laisser seule, même si Catonsville n'est pas Baltimore ! »
« Hourra ! Santé ! ».
Tèxte de l'episòdi 9 :
Aprèp l’autostrada dintrèrem en vila. Romieg èra urós de faire lo guida. Per començar lo quartièr de la mar ambe lo gigantesc aquarium.
Baltimòre, a la broa de la baia del Cheaseapeake, es un pauc lo rebat de Marselha en riba de la mar Mediterranèa : doas vilas que son estadas un còp èra dos grands pòrts.
Evidentament n’i una ambe sos gratacèls americans qu’es mai granda que l’autra ambe la Bòna Maire. En se passejant sus l’ancian pòrt de Baltimore Fellspoint, òm pensa al pòrt vièlh de Marselha ! Mas aquí ges de bolhabaissa : pas que de crancs : es l’animal totemic de la vila !
Faguèrem un pichòt torn dins lo centre ciutat ambe sas avengudas grandarassas e las sirènas de las veituras de polícia qu’arrestavan pas de cridar. E Romieg diguèt :
- "Ai besonh d’anar dins una espiçariá italiana se vos vòli faire un pauc de cosina gostosa. Aicí traparem tot çò que cal."
- "Mas es tròp tard ! Las botigas dèvon èstre tancadas, es 11 oras del ser !"
- "Sès pas pus en França, pichòta, aicí pòs trapar tot çò que vòs quand vòs !"
- "The new world !"
Parquèrem la veitura e dintrèrem dins « la siciliana ».
Matilda èra espaventada de veire tot çò que i aviá sus las estaudèlas de la botiga : olivas, tomatas, òli d’oliva, pasta, parmigiano, coma dins un vilatge de Tòscana.
Tot d’un còp Romieg cridèt :
- "Mèfi, tot lo mond dins lo fond de la botiga. »
Un bruch de fusilhada dins la carrièra ont i aviá pus ges de veituras. Ausiguèrem de crits, una bala trauquèt la veirina, veguèrem dos òmes que corrissián. Dins la botiga pas un mot. Puèi lo silenci defòra e per acabar la sirèna de las veituras de polícia.
Matilda plorava :
- "Mas de qué se passa ? Es lo primièr còp dins ma vida qu’ai tan paur. Es un marrit sòmi : vòli tornar a Montpelhièr. Joana partissèm ! Me plai pas aquel new world !"
Semblava un enfant, e ieu aviái enveja de rire a m’espetar las còstas : èra melhor qu’al cinèma ! Romieg èra seriós e pas tròp content d’aquela aventura. Sa votz èra aquela d’un professor :- "Baltimore es una vila ont los fusilhs son reis : 300 personas son tuadas cada annada per bala. Te fagues pas de marrit sang pichòta, anam anar dins Catonsville, es una vila calma. Fa trenta cinq ans que vivi dins aquel país e es lo primièr còp que me tròbi au mitan d’un tal embolh !"
- "Nos cal ara acabar las crompas ! Matilda, al vilatge quand contarem aquò, degun nos creiràn pas !"- "M’agradariá de tastar una pizza americana !"
Éra un pauc coma un bizutatge ! Quina chança !
Arribèrem a Catonsville. Èra la mièja nèit passada.
Un polit ostal amb un estanci, au mitan d’un jardin, tot en bòsc :
- "Es ancian, es estat bastit en 1920."
Dintrèrem dins l’ostal :
- "Anatz pausar las maletas. En naut de l’escalièr a drecha Matilda e de l’autre costat Joana ! Començi de preparar lo dinar."
- "Pòdi prendre una docha".
- "De segur pichota! tant que vòs !"
Montèri dins la cambra. Èra pichòta, mas polida : un lièch, una taula, un armari. Me sentissiái timida e un pauc nècia. Ensagèri de me faire polideta, pecaire, qu’a mon atge es pas simple.
Lo Romieg èra dins la cosina : una cosina americana moderna qu’aviá res de veire amb la mieuna dal vilatge.
Sabiái pas de que faire per l’ajudar.
- "Soi urosa d’èstre aquí. Mercé de nos reçaupre."
- "Es un plaser per ieu. Dempuèi la mòrt de Lisa me sentissi solet com’un vièlh. Urosament que i a l’universitat e los collègas."
- "Es que tornaràs quand seràs retirat ?"
- "Per de qué faire ? Coneissi pus degun al país e cresi que cambiar de biais de viure deu èstre difficil a mon atge !"
- "Mas benlèu que podriás venir mai sovent : i a totjorn l’ostal de ta maire ?"
- "Es ma sòrre que l’a pres per se retirar."
- "Ara ai dos ostals. Ai fach un bèl eretatge !"
- "Un eretatge ? Coma ? Te trufas de ieu ?! Ta familha aviá pas un sòu !"
- "Mon oncle Vincenç m’a tot laissat. Es per aquò que soi aquí : ai d’argent !"
- "E aquela Matilda, onte l’as trapada ? Joana as agut una filha sens res dire a degun ? Me faràs totjorn rire !"
- "Se te lo contèsse cossí s’es passat, me creiriás pas !"
- "Ensaja, veirem ben !"
- "Lo jorn de la mòrt de l’oncle Vincenç, quauqu’un sonèt a ma pòrta e pas mai…èra la Matilda ! Dempuèi es demorada ambe ieu e soi urosa. Ai pas poscut resistir a son sorire e al plaser d’aver enfin una filha, mon vièlh pantais…"
- "Li caldrà trapar un trabalh…"
- "Non… una escòla de dietetica…pagarai per ela !"
- "Ai talent ! Es que podèm manjar ? "
- "T’en fagues pas ma filha, per començar anam beure un pauc de vin d’Erau, un Faugèra ! E deman vendretz ambe ieu a l’universitat al cors de lenga romana…"
- "Faretz coma voldretz, mas ieu deman, vòli demorar soleta a l’ostal per dormir e descobrir Catonsville."
- "Quina idèa ! Coma vòs ! Sès granda e sabes çò que fas ! Mas m’agrada pas tròp de te daissarsoleta, emai se Catonsville es pas Baltimòre !"
- "Òsca ! Santat !"
« Ladies and gentlemen welcome to the United States. The FDA, Food and Drugs administration prohibits the importation of fresh food into the country. Our dogs are here to smell your luggage ».
Il ne manquait plus que ça ! Deux chiens allaient d'un sac à l'autre et il y en avait un qui commençait à aboyer devant le sac d'une famille : une femme en uniforme courut et ouvrit le sac : peuchère les gens avaient gardé un sandwich SNCF! Il fut vite jeté dans une poubelle. La famille, le père, la mère et les deux enfants avec un accent de Marseille se serraient les uns contre les autres, honteux et effrayés, peut-être qu'ils avaient peur d'être emprisonnés à Guantanamo !
Je vis arriver ma valise rouge suivie de celle de Mathilde. Chacune prit la sienne et les chiens ne sentirent rien, après avoir fait le tour de la valise ils s'en allèrent : ouf !
Maintenant la douane et tout le tremblement : ils prirent des photographies des mains, des yeux, puis il nous fallut remplir des papiers avec l'adresse de Rémy, le téléphone etc... Heureusement Matilda comprenait tout ce qui était demandé sur les papiers.
« Do you have something to declare ? No fresh food in your luggage ? »
Et les fromages de chèvre ? Tout allait bien : ils avaient échappé au nez du chien !
Il nous fallait aller porte 19B pour prendre l'avion pour Baltimore. Couloirs sans fin, escalators et puis personne qui parlait français ! C'était la musique d'un autre monde !
Dehors c'était la nuit et le voyage était court : 45 minutes, montée/descente.
« Ladies and gentlemen, please fasten your seat belts. We are leaving Philadelphia for Baltimore BWI. »
L'avion était petit, on aurait dit un bus et le café c’était de l'eau. Les voyageurs n'avaient qu'un porte-documents. Peut-être que c'étaient des hommes et des femmes qui travaillaient à Philadelphie et qui rentraient le soir à Baltimore, comme ceux qui travaillent à Montpellier et qui rentrent le soir au village.
« Je commence à en avoir marre. Je suis fatiguée. Ici il est 8 heures. Il doit être 2 heures du matin au village. Nous avons fermé la maison à 6 heures du matin c'est à dire à minuit ici ! »
« Ne t'en fais pas. Rémy nous attendra avec un bon souper ! »
« On m'a dit que dans ce pays les gens ne boivent pas de vin. C'est vrai ? »
« Je ne sais pas mais Rémy, il a toujours aimé boire un coup. Et quand il est venu pour enterrer sa mère la dernière fois que je l'ai vu, ça fait dix ans, il n'a pas bu que de l'eau ! Ça je peux te l'affirmer ! »
« Ce qui m'étonne c'est que dans ce pays il y a plus de peaux noires que de peaux blanches »
« J'ai lu dans Wikipedia sur Internet que Baltimore, durant la guerre de Sécession était une ville sudiste et que maintenant il y a plus de 70% de noirs. »
« Mais c'est une ville démocrate et pas républicaine comme le Sud. »
« Eh bien tant mieux ! C'est comme le midi de la France à une époque ! »
« Tais-toi : il est toujours à gauche ! »
« On verra bien ! »
« Ladies and gentlemen welcome to Baltimore, Maryland. Please stay in your seats until fastenseat belt lights are off. United Airlines hopes you had a pleasant flight and looks forward flying with you again soon. »
Encore des couloirs, des escaliers mécaniques, la salle avec tapis roulant pour récupérer les valises, avec les fromages de chèvre des Cévennes... Une dernière porte, un escalier et en haut, un homme, les cheveux blancs, la peau brune de son père venu de Barcelone pendant «la retirada» en 1936, un peu timide mais avec un sourire généreux et plein de douceur. Tout d'un coup la peur me prit, je ne pouvais plus respirer, il était si agréable et moi je me sentais si vieille et laide à 60 ans comme à 20 ans . Le temps ne fait rien à l'affaire !
Il descendit l'escalier :
«La valise est trop lourde Jeanne ? Le voyage est un peu long peut-être quand on n’a pas l'habitude. Tu n'es pas malade au moins ? La grippe H1N1 n'est pas venue avec toi jusqu'à Baltimore ? «
Puis il me prit dans ses bras et me serra fort, ma peur s'en alla :
« Tu as eu une bonne idée de venir. Où es ta filleule ? »
« Ici ! »
Il l’embrassa. Nous étions tous trois au milieu de la salle d'attente de l'aéroport et j'étais tellement heureuse! Je ne savais rien de l'avenir mais le présent me plaisait et ça me suffisait pour l’heure.
« Ma voiture est devant. Avant d'aller à Catonsville, on va faire un tour dans la ville. De toute manière c'est sur le chemin. »
« Vive Baltimore ! » La voiture était une Toyota Prius très jolie et nous sommes partis. J'étais dans un autre monde pour le meilleur et pour le pire et mon coeur palpitait de bonheur !
]]>Texte de l'épisode 8 :
Nous étions entrés dans l'aéroport de Philadelphie. Nous n'avions plus qu'à attendre les valises. Nous attendions dans une grande salle les bagages qui devaient arriver sur un tapis roulant. Une voix s'écria dans un haut-parleur :
« Ladies and gentlemen welcome to the United States. The FDA, Food and Drugs administration prohibits the importation of fresh food into the country. Our dogs are here to smell your luggage ».
Il ne manquait plus que ça ! Deux chiens allaient d'un sac à l'autre et il y en avait un qui commençait à aboyer devant le sac d'une famille : une femme en uniforme courut et ouvrit le sac : peuchère les gens avaient gardé un sandwich SNCF! Il fut vite jeté dans une poubelle. La famille, le père, la mère et les deux enfants avec un accent de Marseille se serraient les uns contre les autres, honteux et effrayés, peut-être qu'ils avaient peur d'être emprisonnés à Guantanamo !
Je vis arriver ma valise rouge suivie de celle de Mathilde. Chacune prit la sienne et les chiens ne sentirent rien, après avoir fait le tour de la valise ils s'en allèrent : ouf !
Maintenant la douane et tout le tremblement : ils prirent des photographies des mains, des yeux, puis il nous fallut remplir des papiers avec l'adresse de Rémy, le téléphone etc... Heureusement Matilda comprenait tout ce qui était demandé sur les papiers.
« Do you have something to declare ? No fresh food in your luggage ? »
Et les fromages de chèvre ? Tout allait bien : ils avaient échappé au nez du chien !
Il nous fallait aller porte 19B pour prendre l'avion pour Baltimore. Couloirs sans fin, escalators et puis personne qui parlait français ! C'était la musique d'un autre monde !
Dehors c'était la nuit et le voyage était court : 45 minutes, montée/descente.
« Ladies and gentlemen, please fasten your seat belts. We are leaving Philadelphia for Baltimore BWI. »
L'avion était petit, on aurait dit un bus et le café c’était de l'eau. Les voyageurs n'avaient qu'un porte-documents. Peut-être que c'étaient des hommes et des femmes qui travaillaient à Philadelphie et qui rentraient le soir à Baltimore, comme ceux qui travaillent à Montpellier et qui rentrent le soir au village.
« Je commence à en avoir marre. Je suis fatiguée. Ici il est 8 heures. Il doit être 2 heures du matin au village. Nous avons fermé la maison à 6 heures du matin c'est à dire à minuit ici ! »
« Ne t'en fais pas. Rémy nous attendra avec un bon souper ! »
« On m'a dit que dans ce pays les gens ne boivent pas de vin. C'est vrai ? »
« Je ne sais pas mais Rémy, il a toujours aimé boire un coup. Et quand il est venu pour enterrer sa mère la dernière fois que je l'ai vu, ça fait dix ans, il n'a pas bu que de l'eau ! Ça je peux te l'affirmer ! »
« Ce qui m'étonne c'est que dans ce pays il y a plus de peaux noires que de peaux blanches »
« J'ai lu dans Wikipedia sur Internet que Baltimore, durant la guerre de Sécession était une ville sudiste et que maintenant il y a plus de 70% de noirs. »
« Mais c'est une ville démocrate et pas républicaine comme le Sud. »
« Eh bien tant mieux ! C'est comme le midi de la France à une époque ! »
« Tais-toi : il est toujours à gauche ! »
« On verra bien ! »
« Ladies and gentlemen welcome to Baltimore, Maryland. Please stay in your seats until fastenseat belt lights are off. United Airlines hopes you had a pleasant flight and looks forward flying with you again soon. »
Encore des couloirs, des escaliers mécaniques, la salle avec tapis roulant pour récupérer les valises, avec les fromages de chèvre des Cévennes... Une dernière porte, un escalier et en haut, un homme, les cheveux blancs, la peau brune de son père venu de Barcelone pendant «la retirada» en 1936, un peu timide mais avec un sourire généreux et plein de douceur. Tout d'un coup la peur me prit, je ne pouvais plus respirer, il était si agréable et moi je me sentais si vieille et laide à 60 ans comme à 20 ans . Le temps ne fait rien à l'affaire !
Il descendit l'escalier :
«La valise est trop lourde Jeanne ? Le voyage est un peu long peut-être quand on n’a pas l'habitude. Tu n'es pas malade au moins ? La grippe H1N1 n'est pas venue avec toi jusqu'à Baltimore ? «
Puis il me prit dans ses bras et me serra fort, ma peur s'en alla :
« Tu as eu une bonne idée de venir. Où es ta filleule ? »
« Ici ! »
Il l’embrassa. Nous étions tous trois au milieu de la salle d'attente de l'aéroport et j'étais tellement heureuse! Je ne savais rien de l'avenir mais le présent me plaisait et ça me suffisait pour l’heure.
« Ma voiture est devant. Avant d'aller à Catonsville, on va faire un tour dans la ville. De toute manière c'est sur le chemin. »
« Vive Baltimore ! » La voiture était une Toyota Prius très jolie et nous sommes partis. J'étais dans un autre monde pour le meilleur et pour le pire et mon coeur palpitait de bonheur !
Tèxte de l'episòdi 8 :
Èrem dintrats dins l’aeropòrt de Filadelfia. Nos caliá esperar las maletas. Esperàvem dins una granda sala los embagatges que devián arribar sus un tapís rotlant. Una votz cridava dins un nautparlaire :
« Ladies and gentlemen welcome to the United States. The FDA, Food and Drugs Administration prohibits the importation of fresh food into the country. Our dogs are here to smell your luggage »
Mancava pas qu’aquò ! Dos chins anavan d’un saquet a l’autre e n’i aviá un que començava de jaupar davant lo saquet d’una familha : una femna dins un unifòrm corriguèt e dubriguèt lo sac : pecaire las gens avián gardat un sandwich Sncf ! Foguèt lèu escampat dins una bordilhèra. La familha, lo paire, la maire e los dos pichòts amb un accent de Marselha, se sarravan los uns contra los autres, vergonhòs e espaurugats, benlèu qu’avián paur d’èstre embarrats a Guantanamo !
Vegèri arribar ma maleta roja seguida d’aquela de Matilda. Caduna prenguèt la sieuna e los chins sentiguèron pas res e aprèp aver fach lo torn de la maleta, se n'anèron : of !
Ara la doana e tot lo tremblament : prenguèron de fotografias de las mans, los uòlhs, puèi nos calguèt emplenar de papièrs ambe l’adreiça de Romieg, lo telefòn etc… Urosament Matilda compreniá tot çò que demadavan sus los papièrs.
- "Do you have something to declare ? No fresh food in your luggage ?"
E los fromages de cabra ? Tot anava plan : avián escapat al nas del chin !
Nos caliá anar pòrta 19 B per prene l’avion per Baltimòre. Corredors sens fin, escaladors e puèi pas que de gens que parlavan pas francès ! Èra la musica d’un autre mond !
Defòra èra la nèit, e lo viatge èra cortet : 45 minutes, monta/davala.
« Ladies and gentlemen, please fasten your seat belts. We are leaving Philadelphia for Baltimore BWI»
L’avion èra pichòt, semblava un bus e lo cafè èra d’aigueta. Los viatjaires avián pas qu’un cartable. Benlèu qu’èran d’òmes e de femnas que travalhavan a Filadelfia e que dintravan lo ser a Baltimòre, coma los que trabalhan a Montpelhièr e que tornan lo ser al vilatge.
- "Comenci de n’aver mon sadol. Soi cansada. Aicí es 8 oras. Deu èstre 2 oras del matin al vilatge. Avèm barrat l’ostal a 6 oras del matin es a dire a mièja nèit aquí !"
- "Te’n fagues pas. Romieg nos esperarà ambe un bon sopar !"
- "M’an dich que dins aquel país las gens bevián pas de vin. Aquò’s verai ?"
- "Sabi pas, mas lo Romieg, li a totjorn agradat de beure un còp. E quand es vengut per enterrar sa maire lo darrièr còp que l’ai vist fa dètz ans, a pas begut que d’aiga ! Lo te pòdi afortir !"
- "Çò que m’estona es que dins aquel país i a mai de pèl negra que de pèl blanca."
- "Ai legit dins Wikipèdia a l’internet que Baltimòre, dins la guerra de sessession, èra una vila sudista e que ara i a mai de 70 dau cent de negres." - "Mas es una vila democrata e pas republicana coma lo Sud."
- "E ben tan melhor ! Es coma lo miegjorn de la França d’un còp èra !"
- "Cala-te : es totjorn a esquèrra !"
- "Veirem ben !"
- "Ladies and gentlemen welcome to Baltimore, Maryland. Please stay in your seats untill fastenseat belt ligths are off. United Airlines hopes you had a pleasant flight and looks forward flying whith you again soon".
Encara de corredors, d’escalièrs mecanics, la sala ambe lo tapís rotlant per tornar prene las maletas, ambe los fromatges de cabra de las cevenas... Una darrièra pòrta, un escalièr e en aut un òme los pels blancs, la pèl bruna de son paire vengut de Barcelona a la retirada en 1936, un pauc timide, mas un sorire generós e plen de doçor. Tot d’un còp la paur me prenguèt, podiái pas pus alenar, èra tant agradiu e ieu me sentissiái tan vièlha e laida a 60 ans coma a 20 ans…Lo temps fai pas res a l’afaire !
Davalèt l’escalièr :
- Ta maleta es tròp pesuga Joana ? Lo viatge es un pauc long benlèu quand òm es pas acostumat. Sès pas malauta au mens? La gripa H1N1 es pas venguda ambe tu fins a Baltimore ?"
Puèi me prenguèt dins sos braces e me sarrèt fòrt e ma paur se n’anèt :
- "As agut una bona idèa de venir. Ont es ta filhòla ?"
- "Aquí !"
Li faguèt un poton. Èrem totes tres au mitan de l'esperal de l’aeropòrt e èri tan urosa. Sabiái pas res de l’avenidor mas lo present m’agradava e aquò bastava per uèi.
- "Ma veitura es davant. Abans de dintrar a Catonsvilla, farem una virada dins la ciutat. De tot biais es lo camin.
-"Viva Baltimòre !"
La veitura èra una Prius Toyota plan polida e partiguèrem. Èri dins un autre mond per lo melhor e per lo pièger e mon còr fasiá tifa tafa de bonur !
Dans l'avion il y avait un tas de retraités : ils étaient tous ensemble, les uns derrière les autres à l'entrée de la classe « économique ». Ils parlaient très fort et faisaient du bruit : ils riaient, chantaient « C'est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
C'était un voyage organisé : « L'automne en Floride, Miami Beach en bordure de mer ».
Nos sièges étaient sur le côté droit, au milieu après les ailes. Deux sièges derrière il y avait un couple : le type très grand et maigre comme un «estockefish», 45 ans, les cheveux teints en blond, une bouche fine qui semblait aller d'une oreille à l'autre. La femme, grande aussi, les cheveux rouges, bien en chair et tout sourire. Sur le siège de l'autre côté de l'allée, était assis un homme de trente ans, mal habillé, les cheveux sales, le menton mal rasé, la bouche amère. Ils parlaient tous avec un accent très pointu. Leurs voix étaient d'un autre monde : j'avais l'impression d'entendre un film policier. Dans ma tête, tournait la chansonnette de l'école de mon village : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Les hôtesses nous servirent le dîner et pour commencer, l'apéritif. Pour fêter ce grand jour de départ, nous avons bu du champagne. Puis, nous avons mangé, ça n'était pas mauvais pour une « classe économique ». Les parisiens, eux, n'arrêtaient pas d'appeler l'hôtesse pour demander du whisky. Après le café j'ai commencé à dormir, un petit somme était bienvenu car nous étions levées depuis l’aube. Les retraités continuaient à parler et à rire.
Tout à coup le type crasseux commença à crier :
« Eh les vieux fermez-là, moi je suis Bécon les Bruyères et j'ai la haine. Tas de vieux clous ! »
Un grand silence tomba et tout le monde se retourna pour voir qui criait :
« J'veux m'saoûler – à boire l'hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds plus de rien. »
Le grand blond commençait à éclater de rire en criant :
« Va-z y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es ! »
L'autre se redressa et continua :
« Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l'amour et vous vous n'avez plus qu'à faire le mort ! A boire ! Et plus vite que ça ! »
« Wisky à gogo sur l'Atlantique ! À nos femelles qui nous attendent à Philadelphie ! »
Les gens (les vieux et les autres) se cachaient dans les sièges. La pauvre hôtesse ne savait plus que faire, et quand la pauvre femme passa dans l'allée, le type lui donna une grande tape sur le cul !
« Olé ! L'Amérique est à nous ! »
Quand quelque chose comme ça arrive en bas, sur la terre, ce n'est pas agréable mais enfin on peut toujours se dire qu'on peut arrêter la machine, ouvrir la porte et sortir. Mais tout en haut, dans le ciel au-dessus de la mer, que faire ?
Mathilde me prit la main :
« Jeanne, ils sont idiots et ivres ! Tu n'as pas peur ? »
Maintenant les types dansaient en chantant et en criant :
« R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh! La femme ! Viens avec nous ! »
Mais la femme rousse ne voulait pas se lever pour danser.
« A boire ! A boire ! »
Mais les hôtesses ne venaient plus. Et tout à coup le capitaine de l'avion est arrivé avec son habit bleu et doré et son chapeau. Il n'était pas seul : de l'autre côté il y avait un autre homme, un stewart.
« Asseyez-vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles. »
« Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu'on veut non ? »
« Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous... »
« Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?! »
« Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ? »
Le capitaine sortit les menottes de sa poche et tout changea.
« Capitaine, vous avez gagné, on s'tait ! »
« Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers... »
Tout d'un coup le silence fut roi avec le bourdonnement de l'avion. La peur de la police avait fait son effet. La vie continua dans la « classe économique », mais les retraités étaient moins bruyants. Les deux parisiens se turent sans dire un mot de plus et commencèrent à ronfler, bouche ouverte : le whisky faisait son travail ! Il y avait encore 5 heures avant l’atterrissage. Mathilde, fatiguée, dormait comme une enfant. Je choisis de regarder un film : Harry Potter à l'école des sorciers, en français. Ça me plut beaucoup. Puis je suis restée les yeux ouverts rêveuse : peut-être que j'étais idiote d'essayer de revoir Rémi après 35 ans ! Mais de toute manière c'était une bonne occasion pour voyager avec ma petite Mathilde. On verrait bien, le déluge ne me faisait pas peur.
L'avion commença sa descente pour l'atterrissage : et les fromages de chèvre de ma soeur que j'avais cachés dans un tupperware, est-ce qu'ils les trouveraient dans la valise à la douane ?
]]>Texte de l'épisode 7 :
Et maintenant nous étions dans l'avion. Dessous il y avait les champs, les villages et aussi les villes et autour de l’avion d'Airbus Industrie A319, les nuages blancs qui s'étiraient comme des tableaux de Michel-Ange : c'était la première fois que j'étais dans le ciel ! Mon coeur battait la chamade ! Mathilde semblait être aux anges et, du hublot, elle regardait la terre s'éloigner. Quel plaisir d'être avec cette petite, ce n’était peut-être qu’un rêve ! Tout le bonheur de la terre m'était tombé dessus et je n'avais rien demandé : j'avais l'amour d'une fille jolie et sans attaches et l'argent du tonton mort. Le malheur des autres faisait mon bonheur !
Dans l'avion il y avait un tas de retraités : ils étaient tous ensemble, les uns derrière les autres à l'entrée de la classe « économique ». Ils parlaient très fort et faisaient du bruit : ils riaient, chantaient « C'est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
C'était un voyage organisé : « L'automne en Floride, Miami Beach en bordure de mer ».
Nos sièges étaient sur le côté droit, au milieu après les ailes. Deux sièges derrière il y avait un couple : le type très grand et maigre comme un «estockefish», 45 ans, les cheveux teints en blond, une bouche fine qui semblait aller d'une oreille à l'autre. La femme, grande aussi, les cheveux rouges, bien en chair et tout sourire. Sur le siège de l'autre côté de l'allée, était assis un homme de trente ans, mal habillé, les cheveux sales, le menton mal rasé, la bouche amère. Ils parlaient tous avec un accent très pointu. Leurs voix étaient d'un autre monde : j'avais l'impression d'entendre un film policier. Dans ma tête, tournait la chansonnette de l'école de mon village : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Les hôtesses nous servirent le dîner et pour commencer, l'apéritif. Pour fêter ce grand jour de départ, nous avons bu du champagne. Puis, nous avons mangé, ça n'était pas mauvais pour une « classe économique ». Les parisiens, eux, n'arrêtaient pas d'appeler l'hôtesse pour demander du whisky. Après le café j'ai commencé à dormir, un petit somme était bienvenu car nous étions levées depuis l’aube. Les retraités continuaient à parler et à rire.
Tout à coup le type crasseux commença à crier :
« Eh les vieux fermez-là, moi je suis Bécon les Bruyères et j'ai la haine. Tas de vieux clous ! »
Un grand silence tomba et tout le monde se retourna pour voir qui criait :
« J'veux m'saoûler – à boire l'hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds plus de rien. »
Le grand blond commençait à éclater de rire en criant :
« Va-z y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es ! »
L'autre se redressa et continua :
« Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l'amour et vous vous n'avez plus qu'à faire le mort ! A boire ! Et plus vite que ça ! »
« Wisky à gogo sur l'Atlantique ! À nos femelles qui nous attendent à Philadelphie ! »
Les gens (les vieux et les autres) se cachaient dans les sièges. La pauvre hôtesse ne savait plus que faire, et quand la pauvre femme passa dans l'allée, le type lui donna une grande tape sur le cul !
« Olé ! L'Amérique est à nous ! »
Quand quelque chose comme ça arrive en bas, sur la terre, ce n'est pas agréable mais enfin on peut toujours se dire qu'on peut arrêter la machine, ouvrir la porte et sortir. Mais tout en haut, dans le ciel au-dessus de la mer, que faire ?
Mathilde me prit la main :
« Jeanne, ils sont idiots et ivres ! Tu n'as pas peur ? »
Maintenant les types dansaient en chantant et en criant :
« R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh! La femme ! Viens avec nous ! »
Mais la femme rousse ne voulait pas se lever pour danser.
« A boire ! A boire ! »
Mais les hôtesses ne venaient plus. Et tout à coup le capitaine de l'avion est arrivé avec son habit bleu et doré et son chapeau. Il n'était pas seul : de l'autre côté il y avait un autre homme, un stewart.
« Asseyez-vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles. »
« Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu'on veut non ? »
« Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous... »
« Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?! »
« Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ? »
Le capitaine sortit les menottes de sa poche et tout changea.
« Capitaine, vous avez gagné, on s'tait ! »
« Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers... »
Tout d'un coup le silence fut roi avec le bourdonnement de l'avion. La peur de la police avait fait son effet. La vie continua dans la « classe économique », mais les retraités étaient moins bruyants. Les deux parisiens se turent sans dire un mot de plus et commencèrent à ronfler, bouche ouverte : le whisky faisait son travail ! Il y avait encore 5 heures avant l’atterrissage. Mathilde, fatiguée, dormait comme une enfant. Je choisis de regarder un film : Harry Potter à l'école des sorciers, en français. Ça me plut beaucoup. Puis je suis restée les yeux ouverts rêveuse : peut-être que j'étais idiote d'essayer de revoir Rémi après 35 ans ! Mais de toute manière c'était une bonne occasion pour voyager avec ma petite Mathilde. On verrait bien, le déluge ne me faisait pas peur.
L'avion commença sa descente pour l'atterrissage : et les fromages de chèvre de ma soeur que j'avais cachés dans un tupperware, est-ce qu'ils les trouveraient dans la valise à la douane ?
Tèxte de l'episòdi 7 :
E ara èrem dins l’avion. Dejós i aviá los camps, los vilatges e mai las vilas, e a l’entorn de la maquina d'Air Bus Industrie A319, las nívols blancas que s’estiravan coma de tablèus del Miquèl Àngel : èra lo primièr còp qu’èri dins lo cèl ! Mon còr fasiá tifa tafa ! Matilda semblava èstre ambe los àngels e, del fenestron, regardava la tèrra s’aluenhar. Quante plaser d’èstre amb’aquela pichòta, benlèu qu’èra pas qu’un sòmi ! Tot lo bonur de la vida m’èra tombat sus l’esquina e aviái res demandat : aviái l’amor d’una filha polideta e soleta e l’argent del tonton mòrt. Lo malastre dels autres fasiá mon bonur !
Dins l’avion i aviá un molon de retirats : èran totes ensems, en rengadas a l’intrada de la classa « economica ». Parlavan mai que fòrt e fasián de bruch : risián, cantavan « c’est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
Èra un viatge organizat : l’auton en Florida, Miami Beach en riba de mar.
Nòstres sètis èran sus lo costat drech au mitan aprèp las alas. Dos sètis darrièr i aviá un coble : lo tipe grandaràs e magre com’un estocafich, 45 ans, los pels blonds tintats, la boca fina que semblava anar d’una aurelha a l’autra. La femna, granda tanben, los pels roge, grasseta e risolièra. Sus lo sèti de l’autre costat de l'alèa, èra assetat un òme de trenta ans mal vestit, los pels crassós, lo menton pelut, la boca amara. Parlavan totes tres amb un accent fòrça ponchut. Lors voses èran d’un autre mond : me semblava d’ausir un filme policièr. Dins ma tèsta virava la comptina de l’escòla de mon vilatge : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Las ostèssas nos portèron lo dinnar e per començar, l’aperitiu. Per festejar aquel grand jorn de partença beguèrem de champanhe. Puèi manjèrem, èra pas michant per « una classa economica ». Los parisencs, eles, s’arrestavan pas de sonar l’ostessa per demandar de oisquí. Aprèp lo cafè commencèri de dormir, un pichòt penequet seriá benvengut qu'èrem levadas dempuèi lo matin d’ora. Los retirats contunhavan de parlar e de rire.
Subte lo tipe crassós commencèt de cridar :
- "Eh les vieux fermez-là, moi je suis de Bécon les Bruyères et j’ai la haine. Tas de vieux clous !"
Un grand silenci tombèt e tot lo mond se virèt per veire qual cridava :
- "J'veux m'saoûler – à boire l’hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds pus de rien."
Lo grand blondàs commencèt de s’espetar de rire en cridant :
- "Va-z-y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es !"
L’autre se quilhèt e contunhèt :
- "Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l’amour et vous vous n’avez plus qu’à faire le mort ! A boire ! et plus vite que ça !"
- "Wisky à gogo sur l’Atlantique ! à nos femelles qui nous attendent à Philadelphie !"
Las gens (los vièlhs e los autres) s’escondèron dins los sètis. La paura ostèssa sabiá pas pus de qué faire, e quand la paura femna passèt dins l'alèa, lo tipe li bailèt un grand carpan sus lo cuól !
- "Olé ! l’Amérique est à nous !"
Quand quicòm com’aquò arriba en bas sus la tèrra, es pas agradiu mas enfin se pòt totjorn dire qu’òm pòt arrestar la maquina, dubrir la pòrta e sortir. Mas tot en aut dins lo cèl en dessús de la mar, de qué faire ?
Matilda me prenguèt la man :
- "Joana, son capbords e son bandats ! As pas paur ?"
Ara los dos tipes dansavan en cantant e en cridant :
- "R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh ! La femme ! Viens avec nous !"
Mas la femna rossèla se volguèt pas levar per dançar.
- "A boire ! A boire !"
Mas las ostèssas venián pas pus. E d’un còp arribèt lo capitani de l’avion amb son vestit blau e daurat e son capèl. Èra pas solet : de l’autre costat i aviá un autre òme, un stewart.
- "Asseyez vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles."
- "Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu’on veut non ?"
- "Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous…"
- "Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?!"
- "Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ?"
Lo capitani sortiguèt las manetas de sa pòcha e tot cambièt.
- "Capitaine, vous avez gagné, on s'tait !"
- "Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers…"
Tot d’un còp lo silenci foguèt rei amb lo bronzinament de l’avion. La paur de la polícia aviá fach son efièch. La vida tornèt dins « la classa economica », mas los retirats èran mens brusents. Los dos parisencs se calèron sens dire un mot de mai e comencèron de roncar, boca duberta : lo oisquí fasiá son trabalh ! I aviá encara 5 oras davant de se pausar. Matilda, cansada, dormiguèt coma un enfant. Ieu causiguèri d’agachar un filme : Harry Potter a l’escòla de las mascas, en francés. M’agradèt fòrça. Puèi demorèri los uòlhs dubèrts somiant : benlèu qu’èri capborda d’ensajar de tornar veire Romieg aprèp 35 ans ! Mas de tot biais èra una escasença de las bonas per viatjar ambe ma pichòta Matilda. Veirem ben, lo deluvi me fasiá pas paur.
L’avion comencèt sa davalada per l’aterriment : e los fromatges de cabra de ma sòrre qu’aviái amagats dins un tuperware, es que los trobarián dins la valisa a la doana ?
« Avec la crise les seules terres qui se vendent sont celles où l'on peut construire des maisons pour les retraités et les touristes. Mais on ne sait jamais : un riche américain pour faire un vin spécial... »
Pour le moment, l'argent de l'oncle suffirait pour faire la fête avec Mathilde : il y en avait assez. Je ne voulais le dire à personne, mais, sur le papier personne n’entendra : 500 000 euros !
De toute manière il me fallait écrire un mail à Rémy à Baltimore avant d'acheter les billets d'avion. Heureusement, Mathilde – qui était très heureuse de partir avec moi – parlait anglais et fut d'une grande aide : Rémy était professeur à UMBC- University of Maryland Baltimore County Campus. Sa maison était à Catonsville dans le comté, pas dans la ville de Baltimore. Enfin, nous avons trouvé son numéro de téléphone.
J'avais honte, mais il me fallait l'appeler : il n'y avait pas d'autre choix pour partir. Je ne l'avais pas vu depuis 10 ans. La dernière fois il était venu pour l'enterrement de sa mère (encore, ça ne finira donc jamais ! Mais cette fois là c'était dans le cimetière, l'enterrement, pas dans le Vire, les pieds dans l'eau avec l'urne !). Et l'heure pour appeler ? Comment savoir quand il travaillait ? Avec le décalage horaire ce n'était pas facile : six heures de moins.
« Je pense que le mieux c'est de l'appeler le matin : j'ai vu sur la carte que l'université est proche de sa maison qui est sur Hill View numéro 875. »
« C'est à la campagne ? »
« Non mais ça doit être une maison avec un jardin comme on peut en voir à la TV. »
« Il nous faudra louer une voiture, autrement nous serons bloquées loin de la ville ! Je veux voir du monde ! »
« Donc nous appellerons à deux heures de l’après midi : il sera huit heures du matin pour lui ».
Avant d'aller nous coucher nous avons fait un tour sur les sites de « voyages économiques ».
Pour Baltimore, ça n'était pas simple et très long :
Montpellier/Paris puis Paris/Philadelphie et, pour terminer Philadelphie/Baltimore. Et en plus ça coûtait 1700 euros, c'était le moins cher.
Nous avions la nuit pour réfléchir. C'était la première fois de ma vie depuis que j'avais quitté la maison de ma mère que je pouvais dire « bonne nuit » à quelqu'un dans ma maison en ayant des projets de vie avec cette personne. Peut-être que Mathilde, jolie comme elle l'était, trouverait bientôt un homme et me laisserait tomber comme un vieux crouton : mais aujourd'hui c'était la vie « d'ici et maintenant » comme ils disent les intellos, qui m'intéressait.
Le lendemain matin nous avons parlé des papiers : les passeports. Nous avons appelé la préfecture : pour moi tout allait bien. Mathilde, elle, avait un passeport biométrique tout neuf : j'étais très surprise que cette petite ait ça.
« Le jour de ma majorité j'ai voulu être libre de me laisser l'occasion de partir quand ça serait possible et de laisser ce vieux monde. »
« Mais tu sais Mathilde que ce n'est qu’un voyage de trois mois que nous allons faire. Puis nous reviendrons. »
« On verra bien : je pense que tout est possible à mon âge ! J'ai toute la vie devant moi et je veux la déguster . »
Bon : je n'avais rien à dire.
C’était deux heures : « Allo Rémy. C'est Jeanne. Jeanne Belcaire ! »
« Ah ! Jeanne, ça fait plaisir d'entendre ta voix et surtout ton accent. Et la langue occitane, ici ce n'est pas simple de trouver quelqu'un pour la parler. Quel bon vent ?... »
« Rémy, je voudrais venir te voir à Baltimore. Je suis retraitée et j'ai envie de voyager. Et j'aimerais beaucoup te revoir. Tu es un ami pour moi depuis toujours. »
« Jeanne, ça me ferait plaisir aussi. Mais je travaille et tu seras seule à la maison. Tu t'ennuieras toute la journée et en plus tu ne parle pas la langue d'ici. »
« Rémy : je ne suis pas seule ! »
« Comment ? Tu as un homme ? Enfin ?! Et moi qui croyais... »
« Non : ma filleule est venue vivre avec moi ! »
« Quelle filleule ? Je ne la connais pas ! »
« C'est la fille d'une amie de collège, Lucienne. Sa mère est morte et aujourd'hui elle est venue vivre avec moi. »
« Et elle ne travaille pas ? »
« Elle voudrait apprendre la diététique. Elle commencera l'an prochain »
« Bon ! Etrange ! Tout ceci me fait plaisir. Je vous attends : prenez les billets et je viendrai vous chercher à l'aéroport BWI Baltimore. J'attends les horaires. Je te fais la bise : à bientôt ! » « Je te fais aussi la bise et je t'appellerai vite ! »
Mathilde dansait sur la terrasse tellement heureuse ! Puis, elle vint me faire un bisou. Et nous avons valsé toutes les deux en chantant « la mazurka sous les pins »
« Comment connais-tu cette chanson ? »
« Une institutrice nous a appris quelques mots d'occitan et des chansons aussi ! »
Une heure après nous avions pris les billets électroniques : le premier octobre nous serions à Catonsville Maryland.
]]>Texte de l'épisode 6 :
Le lendemain c’était le jour de l'automne. Les vendanges étaient terminées. J'allais voir le notaire. Je lui dis que je voulais vendre les vignes qui n'étaient pas louées quand je reviendrai. Si quelqu'un cherchait... Il me dit :
« Avec la crise les seules terres qui se vendent sont celles où l'on peut construire des maisons pour les retraités et les touristes. Mais on ne sait jamais : un riche américain pour faire un vin spécial... »
Pour le moment, l'argent de l'oncle suffirait pour faire la fête avec Mathilde : il y en avait assez. Je ne voulais le dire à personne, mais, sur le papier personne n’entendra : 500 000 euros !
De toute manière il me fallait écrire un mail à Rémy à Baltimore avant d'acheter les billets d'avion. Heureusement, Mathilde – qui était très heureuse de partir avec moi – parlait anglais et fut d'une grande aide : Rémy était professeur à UMBC- University of Maryland Baltimore County Campus. Sa maison était à Catonsville dans le comté, pas dans la ville de Baltimore. Enfin, nous avons trouvé son numéro de téléphone.
J'avais honte, mais il me fallait l'appeler : il n'y avait pas d'autre choix pour partir. Je ne l'avais pas vu depuis 10 ans. La dernière fois il était venu pour l'enterrement de sa mère (encore, ça ne finira donc jamais ! Mais cette fois là c'était dans le cimetière, l'enterrement, pas dans le Vire, les pieds dans l'eau avec l'urne !). Et l'heure pour appeler ? Comment savoir quand il travaillait ? Avec le décalage horaire ce n'était pas facile : six heures de moins.
« Je pense que le mieux c'est de l'appeler le matin : j'ai vu sur la carte que l'université est proche de sa maison qui est sur Hill View numéro 875. »
« C'est à la campagne ? »
« Non mais ça doit être une maison avec un jardin comme on peut en voir à la TV. »
« Il nous faudra louer une voiture, autrement nous serons bloquées loin de la ville ! Je veux voir du monde ! »
« Donc nous appellerons à deux heures de l’après midi : il sera huit heures du matin pour lui ».
Avant d'aller nous coucher nous avons fait un tour sur les sites de « voyages économiques ».
Pour Baltimore, ça n'était pas simple et très long :
Montpellier/Paris puis Paris/Philadelphie et, pour terminer Philadelphie/Baltimore. Et en plus ça coûtait 1700 euros, c'était le moins cher.
Nous avions la nuit pour réfléchir. C'était la première fois de ma vie depuis que j'avais quitté la maison de ma mère que je pouvais dire « bonne nuit » à quelqu'un dans ma maison en ayant des projets de vie avec cette personne. Peut-être que Mathilde, jolie comme elle l'était, trouverait bientôt un homme et me laisserait tomber comme un vieux crouton : mais aujourd'hui c'était la vie « d'ici et maintenant » comme ils disent les intellos, qui m'intéressait.
Le lendemain matin nous avons parlé des papiers : les passeports. Nous avons appelé la préfecture : pour moi tout allait bien. Mathilde, elle, avait un passeport biométrique tout neuf : j'étais très surprise que cette petite ait ça.
« Le jour de ma majorité j'ai voulu être libre de me laisser l'occasion de partir quand ça serait possible et de laisser ce vieux monde. »
« Mais tu sais Mathilde que ce n'est qu’un voyage de trois mois que nous allons faire. Puis nous reviendrons. »
« On verra bien : je pense que tout est possible à mon âge ! J'ai toute la vie devant moi et je veux la déguster . »
Bon : je n'avais rien à dire.
C’était deux heures : « Allo Rémy. C'est Jeanne. Jeanne Belcaire ! »
« Ah ! Jeanne, ça fait plaisir d'entendre ta voix et surtout ton accent. Et la langue occitane, ici ce n'est pas simple de trouver quelqu'un pour la parler. Quel bon vent ?... »
« Rémy, je voudrais venir te voir à Baltimore. Je suis retraitée et j'ai envie de voyager. Et j'aimerais beaucoup te revoir. Tu es un ami pour moi depuis toujours. »
« Jeanne, ça me ferait plaisir aussi. Mais je travaille et tu seras seule à la maison. Tu t'ennuieras toute la journée et en plus tu ne parle pas la langue d'ici. »
« Rémy : je ne suis pas seule ! »
« Comment ? Tu as un homme ? Enfin ?! Et moi qui croyais... »
« Non : ma filleule est venue vivre avec moi ! »
« Quelle filleule ? Je ne la connais pas ! »
« C'est la fille d'une amie de collège, Lucienne. Sa mère est morte et aujourd'hui elle est venue vivre avec moi. »
« Et elle ne travaille pas ? »
« Elle voudrait apprendre la diététique. Elle commencera l'an prochain »
« Bon ! Etrange ! Tout ceci me fait plaisir. Je vous attends : prenez les billets et je viendrai vous chercher à l'aéroport BWI Baltimore. J'attends les horaires. Je te fais la bise : à bientôt ! » « Je te fais aussi la bise et je t'appellerai vite ! »
Mathilde dansait sur la terrasse tellement heureuse ! Puis, elle vint me faire un bisou. Et nous avons valsé toutes les deux en chantant « la mazurka sous les pins »
« Comment connais-tu cette chanson ? »
« Une institutrice nous a appris quelques mots d'occitan et des chansons aussi ! »
Une heure après nous avions pris les billets électroniques : le premier octobre nous serions à Catonsville Maryland.
Tèxte de l'episòdi 6 :
L'endeman èra lo jorn de l’auton. Las vendémias èran acabadas. Anèri encò del notari. Li diguèri que voliái vendre las vinhas qu’èran pas afermadas quand tornariái. Se quaucun cercava …. Me diguèt :
« Ambe la crisi las solas tèrras que se vendan son aquelas ont se pòt bastir d’ostals per los retirats e los toristas. Mas òm sap pas jamai : un ric american per faire un vin especial… »
Per lo moment l’argent de l’oncle bastariá per faire la fèsta ambe Matilda : n’i aviá pron. Voliái pas lo dire a degun, mas sus lo papièr, degun l’ausirà pas : 500.000€ !
De tot biais me caliá escriure un mail a Romieg a Baltimore avant de cercar a crompar las bilhetas d’avion. Urosament Matilda – qu’èra fòrça urosa de partir ambe ieu - parlava l’Anglés e foguèt un’ajuda de las grandas : Romieg èra professor a UMBC-University of Maryland Baltimore County Campus. Son ostal èra dins Catonsville dins lo comtat pas dins la ciutat de Baltimore. Enfin trapèrem son numèro de telefòn.
Èri vergonhosa, mas lo me caliá sonar : i aviá pas d’autra causida per partir. L’aviái pas vist dempuèi 10 ans. Lo darrièr còp èra vengut per l’enterrament de sa maire (encara, aquò finira pas jamai ! mas aqueste còp èra dins lo cementari, l'enterrament, pas dins lo Vire los pes dins l’aiga ambe l’urna !) E l’ora per sonar? Cossí saupre quand travalhava ? ambe lo desfasament orari èra pas simple : sièis oras de mens.
- "Pensi que lo melhor es de lo sonar de matin : ai vist sus la mapa que l’universitat es pròcha de son ostal qu’es sus Hill View numerò 875."
- "Es dins lo campèstre ?"
- "Non mas deu èstre un ostal ambe un jardin coma ne pòdes veire a la TV."
- "Nos caldrà logar una veitura, autrament serem embarradas luènh de la ciutat ! Vòli veire de mond !"
- "Donc sonarem a doas oras aprèp dinnar : serà uèch oras del matin per el."
Abans de nos anar jaire avèm fach una virada sus los sits de « vols économiques ».
Per Baltimòre èra pas simple e fòrça long : Montpelhièr/Paris, puèi Paris/Filadelfia e, per acabar, Filadelfia/ Baltimòre. E mai se costava 1700 €, èra lo mens car.
Aviam la nèit per soscar.
Èra lo primier còp de ma vida dempuèi qu’aviái quitat l’ostal de la maire que podiái dire « bona nèit » a quaucun dins mon ostal e qu’aviái de projèctes de vida vidanta amb aquela persona. Benlèu que Matilda, polida coma èra, trapariá lèu lèu un òme e que me daissariá tombar coma un vièlh crostet : mas uèi èra la vida « d’ici et maintenant » comme ils disent les intellos, que m’apassionava.
L'endeman matin avèm parlat dels papièrs : los passapòrts. Avèm sonat la prefectura : per ieu tot anava plan. Matilda, ela, aviá un passapòrt biometric tot nòu : èri fòrça suspresa qu’aquela pichòta aguèsse aquò.
- "Lo jorn de ma majoritat ai volgut èstre liura de me laissar l’escasença de partir lo jorn onte seriá possible e de laissar aquel vièlh mond."
- "Mas sabes Matilda qu’es pas qu’un viatge de 3 meses qu’anam faire. Puèi tornarem."
- "Veirem ben : pensi que tot es possible a mon atge ! Ai tota la vida davant ieu e la vòli engolir."
Bon : aviái pas res a dire.
Doas oras arribèron :
- "Allo. Romieg. Es Joana. Joana Belcaire !"
- "Ah ! la Jeanne , ça fait plaisir d’ausir ta votz e subretot ton accent. E la lenga occitana, qu’aicí es pas simple de trapar quaucun per la parlar. Quel bon vent ?.."
- "Romieg : je voudrais venir te voir à Baltimore. Je suis retraitée et j’ai envie de voyager. Et j’aimerais beaucoup te revoir. Sès un amic per ieu dempuèi totjorn."
- "Joana me fariá plaser tanben. Mas ieu trabalhi e seràs soleta a l’ostal. Te languiràs tota la jornada e en mai parlas pas la lenga d’aquí."
- "Romieg : soi pas soleta !"
- "Coma ? As un òme ? Enfin ?! E ieu que cresiái..."
- "Non : ma filhòla es venguda viure ambe ieu !"
- "Quina filhòla ? La coneissi pas !"
- "Es la filha d’una amiga del collègi, Luciana. Sa maire es mòrta e ara es venguda viure ambe ieu."
- "E trabalha pas ?"
- "Voldriá aprene la dietetica. Commençarà l’an que ven."
- "Bon ! Strange ! Aquò me fa plaser. Vos espèri : pren las bilhetas e vos vendrai quèrre a l’aeropòrt BWI Baltimore. Espèri los oraris. Te fau un poton : a benlèu." - "Te fau un poton tanben e te sonarai lèu lèu !"
Matilda dansava sus la terrassa, tant urosa ! Puèi me venguèt faire un poton. E valsèrem totas doas en cantant « la mazurka sota lei pins ».
- "Cossí coneisses aquela canson ?"
- "Una regenta nos aprenguèt quauques mots d’occitan e de cansons tanben !"
Un ora aprèp aviam pres las bilhetas electronicas : lo primièr d’octòbre seriam a Cattonsville Maryland.
Au bout d'une heure je me suis levée pour prendre le journal et j’ai commencé à le lire – Le Midi Libre -, avec toute la poésie que nous connaissons bien – et alors j'ai entendu :
« Est-ce que je peux vous parler Jeanne ? »
« Bien sûr, rien ne me ferait plus plaisir. »
« Bon : je suis prête et je commence. Je suis née à Béziers il y a 19 ans. Je n'ai jamais vu mon père. Ma mère m'a dit un jour qu'elle l'avait foutu dehors parce que c'était un alcoolique et qu'il rentrait ivre chaque soir. Mais un autre jour, elle m'a dit que c'était lui qui l'avait abandonnée quand il avait appris qu'elle était enceinte. Je ne sais pas la vérité. Mais qu'elle qu'elle soit, ça ne change rien à ma vie : pas de papa ! Et je ne sais rien de lui, de sa vie et de sa famille. Ma mère était très jeune :18 ans. Elle n'avait pas d'argent et devait chercher du travail : j'ai été élevée par ma grand-mère, dans un coin de la ville, derrière la cathédrale. Ma mère trouva un travail à Marseille dans une boutique de vêtements. Le patron était un ami de mon grand-père, Monsieur Chauvet. Peut-être qu'il était amoureux de ma mère... Elle rentrait chaque mois. J'étais heureuse de pouvoir l'embrasser et j'aimais sentir ses mains sur ma peau. Je me rappelle qu'un soir je lui ai dit avant d'aller au lit : « si tu t'en vas demain matin, je ne veux pas le savoir, autrement je ne dormirai pas et je ne veux pas pleurer toute la nuit ! Demain je dois aller à l'école pour voir mes copines». J'aimais l'école et j'ai eu la chance d'avoir des instituteurs formidables. Pour les vacances ma mère m'emmenait, quand elle était avec nous, chaque jour à la mer avec la voiture de mon grand-père. J'aime beaucoup l'eau, la mer, et les mouettes. »
Mathilde commença à pleurer doucement. Je n'osai pas remuer. Le vent de la mer faisait danser le rideau de perles entre le salon et la cuisine. Le chat sauta sur mes genoux.
« Mathilde, tu veux une tisane de verveine du jardin ? » (sans faire attention, je l'avais tutoyée !) »
« Merci bien : je ne suis pas une amatrice de tisane. Un verre de lait plutôt ! »
Elle engloutit le lait sans respirer et puis :
« J'ai été très heureuse pendant des années. Et d'un coup tout a changé. Le malheur est arrivé. Mon grand père est mort quand j'avais 15 ans. Et un jour, il y a 2 ans, Monsieur Chauvet nous a appelé : ma mère n'était pas venue à la boutique depuis une semaine. Elle n'était pas à son studio non plus. La police fit des recherches poussées : rien. Nous sommes allées avec ma grand-mère chercher tout ce qu'elle avait laissé dans sa chambre. Nous avons payé le loyer. C'était l'année du bac. Tout s'était bien passé et j'avais décidé d'aller à l'université de Montpellier. Ma grand-mère, après tout ça, ne voulait pas rester toute seule à Béziers. Elle est allée dans une maison de retraite et elle est vite partie rejoindre son homme, l'an passé. Elle m'a laissé un peu d'argent mais pas beaucoup. Ce n'était pas possible pour moi de continuer l'université : je voulais apprendre la diététique et les études sont chères. »
« Comment es-tu arrivée chez moi ? »
« J'ai un ami dans votre village : nous avons vécu ensemble à Montpellier. Il s'appelle Jacques. Il m'a invité chez lui. Ses parents m'ont très bien accueillie. Mais je ne veux pas rester avec ce jeune : peut-être que dans quelques années nous nous retrouverons. On ne sait jamais. A l'heure d'aujourd'hui ma vie c’est moi qui doit me la choisir ! Après une nuit je suis partie : j'ai bu un café au Printemps et j'ai entendu un homme qui parlait de Jeanne Belcaire, qui était toute seule, qui n'avait pas de mari, pas d'enfants et qui avait un peu d'argent. Je ne savais pas où aller : j'ai réfléchi un moment et me suis dit : peut-être que cette dame a besoin de quelqu'un pour l'aider dans sa maison ? Et comme la vie ne m'a rien donné, mon chemin je dois le creuser toute seule, sans attendre qu'il me tombe du ciel. Et voilà, vous savez tout ! C'est sûr que j'ai un peu menti... »
C'était comme une histoire d'un autre siècle : un conte pour faire pleurer la grand-mère de ma grand-mère, le soir au coin de la cheminée. Mais de toute manière c'était la vie d'une fille d'aujourd'hui et cette fille, assise devant moi, me demandait l'hospitalité.
« Mathilde, tu peux rester chez moi, je suis d'accord. Demain sera un autre jour. J'ai décidé de voyager est-ce que tu veux venir avec moi rendre visite à un ami à Baltimore, USA ? »
]]>Texte de l'épisode 5 :
La porte-fenêtre de la terrasse était ouverte. Cela faisait un bon moment que nous étions assises toutes les deux : les mouches faisaient la ronde autour de la lampe et les moustiques la farandole. Mathilde ouvrit ses lèvres comme pour révéler le secret de sa vie et c'est un sourire qui s’épanouit sur son visage si beau. Je la regardais et j’attendais. Et la soirée semblait s'étirer sans but.
Au bout d'une heure je me suis levée pour prendre le journal et j’ai commencé à le lire – Le Midi Libre -, avec toute la poésie que nous connaissons bien – et alors j'ai entendu :
« Est-ce que je peux vous parler Jeanne ? »
« Bien sûr, rien ne me ferait plus plaisir. »
« Bon : je suis prête et je commence. Je suis née à Béziers il y a 19 ans. Je n'ai jamais vu mon père. Ma mère m'a dit un jour qu'elle l'avait foutu dehors parce que c'était un alcoolique et qu'il rentrait ivre chaque soir. Mais un autre jour, elle m'a dit que c'était lui qui l'avait abandonnée quand il avait appris qu'elle était enceinte. Je ne sais pas la vérité. Mais qu'elle qu'elle soit, ça ne change rien à ma vie : pas de papa ! Et je ne sais rien de lui, de sa vie et de sa famille. Ma mère était très jeune :18 ans. Elle n'avait pas d'argent et devait chercher du travail : j'ai été élevée par ma grand-mère, dans un coin de la ville, derrière la cathédrale. Ma mère trouva un travail à Marseille dans une boutique de vêtements. Le patron était un ami de mon grand-père, Monsieur Chauvet. Peut-être qu'il était amoureux de ma mère... Elle rentrait chaque mois. J'étais heureuse de pouvoir l'embrasser et j'aimais sentir ses mains sur ma peau. Je me rappelle qu'un soir je lui ai dit avant d'aller au lit : « si tu t'en vas demain matin, je ne veux pas le savoir, autrement je ne dormirai pas et je ne veux pas pleurer toute la nuit ! Demain je dois aller à l'école pour voir mes copines». J'aimais l'école et j'ai eu la chance d'avoir des instituteurs formidables. Pour les vacances ma mère m'emmenait, quand elle était avec nous, chaque jour à la mer avec la voiture de mon grand-père. J'aime beaucoup l'eau, la mer, et les mouettes. »
Mathilde commença à pleurer doucement. Je n'osai pas remuer. Le vent de la mer faisait danser le rideau de perles entre le salon et la cuisine. Le chat sauta sur mes genoux.
« Mathilde, tu veux une tisane de verveine du jardin ? » (sans faire attention, je l'avais tutoyée !) »
« Merci bien : je ne suis pas une amatrice de tisane. Un verre de lait plutôt ! »
Elle engloutit le lait sans respirer et puis :
« J'ai été très heureuse pendant des années. Et d'un coup tout a changé. Le malheur est arrivé. Mon grand père est mort quand j'avais 15 ans. Et un jour, il y a 2 ans, Monsieur Chauvet nous a appelé : ma mère n'était pas venue à la boutique depuis une semaine. Elle n'était pas à son studio non plus. La police fit des recherches poussées : rien. Nous sommes allées avec ma grand-mère chercher tout ce qu'elle avait laissé dans sa chambre. Nous avons payé le loyer. C'était l'année du bac. Tout s'était bien passé et j'avais décidé d'aller à l'université de Montpellier. Ma grand-mère, après tout ça, ne voulait pas rester toute seule à Béziers. Elle est allée dans une maison de retraite et elle est vite partie rejoindre son homme, l'an passé. Elle m'a laissé un peu d'argent mais pas beaucoup. Ce n'était pas possible pour moi de continuer l'université : je voulais apprendre la diététique et les études sont chères. »
« Comment es-tu arrivée chez moi ? »
« J'ai un ami dans votre village : nous avons vécu ensemble à Montpellier. Il s'appelle Jacques. Il m'a invité chez lui. Ses parents m'ont très bien accueillie. Mais je ne veux pas rester avec ce jeune : peut-être que dans quelques années nous nous retrouverons. On ne sait jamais. A l'heure d'aujourd'hui ma vie c’est moi qui doit me la choisir ! Après une nuit je suis partie : j'ai bu un café au Printemps et j'ai entendu un homme qui parlait de Jeanne Belcaire, qui était toute seule, qui n'avait pas de mari, pas d'enfants et qui avait un peu d'argent. Je ne savais pas où aller : j'ai réfléchi un moment et me suis dit : peut-être que cette dame a besoin de quelqu'un pour l'aider dans sa maison ? Et comme la vie ne m'a rien donné, mon chemin je dois le creuser toute seule, sans attendre qu'il me tombe du ciel. Et voilà, vous savez tout ! C'est sûr que j'ai un peu menti... »
C'était comme une histoire d'un autre siècle : un conte pour faire pleurer la grand-mère de ma grand-mère, le soir au coin de la cheminée. Mais de toute manière c'était la vie d'une fille d'aujourd'hui et cette fille, assise devant moi, me demandait l'hospitalité.
« Mathilde, tu peux rester chez moi, je suis d'accord. Demain sera un autre jour. J'ai décidé de voyager est-ce que tu veux venir avec moi rendre visite à un ami à Baltimore, USA ? »
Al cap d’un’ora me soi levada per prene lo jornal, ai començat de lo legir - lo Midi Libre -, ambe tota la poësia que conneissèm ben - e alara ai ausit :
- "Es que vos pòdi dire Joana ?"
- "De segur, me farà puslèu plaser."
- "Bon : Soi prèsta e comenci. Soi nascuda a Besièrs fa 19 ans. Ai pas jamai vist lo paire. La maire me diguèt un jorn qu’es ela que l’aviá fotut defòra de l’ostal per de qu’èra un ivronhàs e que dintrava cada ser bandat. Mas un autre jorn me diguèt qu’èra el que l’aviá abandonada quand aprenguèt qu’èra gròssa. Sabi pas quina es la vertat. Mas que que siague cambiarà pas res a ma vida : ges de papa ! E sabi res d'el, sa vida e sa familha. La maire èra fòrça joina : 18 ans. Aviá ges d’argent, e se deguèt cercar de trabalh : soi estada abalida per ma grand dins un caire de la vila, darrièr la catedrala. La maire trapèt un trabalh a Marselha dins una botiga de vestits. Lo patron èra un amic de mon grand, Sénher Chauvet. Belèu qu’èra amorós de ma maire… Ela tornava cada mes. Èri urosa de la potonejar e m’agradava de sentir sas mans sus ma pèl. Me soveni qu’un ser li ai dich abans d’anar au lièch : "se te'n vas deman de matin, o vòli pas saupre, autrament dormirai pas e vòli pas plorar tota la nèit ! Deman, me cal anar a l’escòla per veire mas amigas." M'agradava, l’escòla e aguèri l’astre d’aver de regentas formidablas. Per las vacanças ma maire me menava, quand èra ambe nos autres, cada jorn a la mar ambe la veitura de mon grand. M'agrada fòrça l’aiga, la mar e los gabians."
Matilda comencèt de plorar doçament. Gausavi pas bolegar. Lo vent de la mar faguèt dançar la cortina de pèrlas entre lo salon e la cosina. Lo cat sautèt sus mos genolhs.
- "Matilda, vòs una tisana de verbena dau jardin ?" ( sens faire mèfi, l’aviái tutejada !)
- "Mercè plan : soi pas tisanejaira. Un veire de lach puslèu !"
Engoliguèt lo lach sens alenar e puèi :
- Soi estada plan urosa d’annadas. E d’un còp tot a cambiat. Lo malastre es arribat. Mon grand se moriguèt quand èri dins mos 15 ans. E un jorn, fa 2 ans, lo Sénher Chauvet nos telefonèt : ma maire èra pas venguda a la botiga dempuèi una setmana. Èra pas a son estudi tanpauc. La polícia faguèt de (re)cèrcas prigondas : res. Anèrem ambe ma grand per prene tot çò qu’aviá laissat dins sa cambra. Paguèrem la renda. Èra l’annada del bachelierat. Tot s’èra plan passat e aviái decidit d’anar a l’universitat de Montpelhièr. Ma grand, aprèp tot aquò, voliá pas demorar tota sola a Besièrs. Anèt dins un ostal pels retirats e partiguèt lèu lèu rejónher son òme, l’an passat. Me daissèt un pauc d’argent mas pas gaire. Èra pas possible per ieu de contunhar a l’universitat : voliái aprene la dietetica e los estudis son cars.
- "Coma sès arribada a mon ostal ?"
- "Dins vòstre vilatge ai un amic : avèm viscut ensems a Montpelhièr. Jaume se ditz. M’a convidada a son ostal. Sos parents m’an fòrça ben aculhida. Mas vòli pas demorar amb aquel joine : benlèu dins quauques annadas nos tornarem trapar. Òm sap jamai. A l’ora d’ara ma vida, la me devi causir ieu ! Aprèp una nèit soi partida : ai begut un cafè a la Prima, e ai ausit un òme que parlava de Joana Belcaire qu’èra tota sola, qu’aviá ges de marit, ges d’enfants e qu’aviá un pauc de moneda. Sabiái pas ont anar : ai soscat un briu e me soi dich : benlèu qu’aquela dòna a besonh de quaucun per l’ajudar dins son ostal ? E coma la vida m’a res bailat, lo camin lo me devi cavar soleta, sens esperar que tombe del cèl. E vaquí, sabètz tot ! Segur ai un pauc mentit…"
Èra coma una istòria d’un autre sègle : un conte per faire plorar lo ser al canton de la chiminèia la grand de ma grand. Mas de tot biais èra la vida d’una filha d’uèi e aquela filha, assetada davant ieu, me demandava l’espitalitat.
- "Matilda, pòs demorar dins mon ostal, soi d’acòrdi. Deman es un autre jorn. Ai decidit de viatjar : es que vòs venir ambe ieu vesitar un amic a Baltimòre USA ?"
Puis, il y eut la cérémonie au funérarium : le choix de l'urne, rouge et jaune. Les amis de Vincent qui n'étaient évidemment pas des jeunes ont chanté le « se canta » et leurs petits enfants ont chanté avec eux : le monde changeait, peut-être que les troubadours revenaient, hourra !
Je pense que tout ceci aurait fait plaisir à l'oncle.
Au moment de partir, quand les discours furent terminés, la vieille Julia voulut chanter (certains disent que quand elle était jeune, elle était amoureuse de Vincent) cette chanson cévenole que j'aimais tant :
Quand un jour tu sentiras que l'âge réveille
De plus en plus en toi des souffrances diverses
Las de bêcher ce sol ingrat comme un désert
A l'appel du repos tu tendras l'oreille
Le temps aboutira ton corps devenu trop vieux
Et par dessus ta tombe
Et dominant la plaine
La pointe d'un cyprès
Laissera voir le ciel
Le temps aboutira
Ton corps devenu trop vieux
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
Toute fleurie d'immortelles
à deux pas de ton mas
Où l'on entend si fort
Souffler la tramontane
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
L'astre qui nous réchauffe et nous ensoleille
Sera ton compagnon
L'été comme l'hiver.....
Nous l'avons laissée terminer la chanson seule et nous sommes partis.
Nous sommes allés tous ensemble avec l'urne et j'ai fait ce que m'avait demandé Vincent : j'ai éparpillé les cendres dans le ruisseau de la Vire. Je ne sais pas si j'avais le droit ! Les gens étaient surpris mais disaient : C'est lui qui l'a voulu. Il est parti tranquille, sans souffrir : aller se coucher le soir, et sans se réveiller le matin, dormir pour l'éternité....Cocagne !
Puis nous sommes rentrés à la maison où Mathilde nous attendait avec l'apéritif. Elle avait une jolie robe grise. Tout le monde m'a demandé qui était cette fille si jolie : j'ai continué d'affirmer que c'était ma filleule, la fille d'une amie d'école, Lucienne. Mathilde ne disait rien, elle faisait simplement des sourires à tout le monde.
J'avais décidé que j'aurais une discussion avec elle dans la soirée.
-« Et que vas-tu faire maintenant que tu as de l'argent, Jeanne : la charité, la vie, l'artiste ? Tu as une jolie voix ! Il te faudrait essayer d'aller au conservatoire de Montpellier. On ne sait jamais.... Il n'y a pas d'âge pour chanter et surtout pour se faire plaisir. » •
Celui qui me disait tout ça était René - mon amoureux! - dont, pécaire, la femme, Rosette était morte l'an passé et qui c'était sûr aurait bien aimé trouver une compagne de son âge, surtout avec un peu d'argent. Souvenir! souvenir : peut-être qu'il me plaisait quand j'étais jeune mais aujourd'hui...
Le cousin Paul et Denise, sa femme, étaient très contents de l'accord que nous avions conclu chez le notaire :
- « Merci Jeanne pour le loyer si bas : avec les problèmes de la viticulture peut-être qu'il me faudra tout arracher et faire un potager. Denise ira vendre sur le marché. » • «
Sûr que ça me plaira plus que de travailler au supermarché ! ».
« On essayera le bio, aujourd'hui il n'y a que ça qui marche, et encore plus pour le vin... Et toi, que vas-tu faire de ton temps, des terres et de la maison de Vincent ? Il t'a laissé de l'argent ? «
"Oui ! Je ne peux rien te dire de plus aujourd'hui. Mais je te promets que si un jour je vends les terres, c’est toi qui seras le premier informé."
« Merci pour tout ! »
À 8 heures tout le monde était parti : le dernier à s'en aller était René. Il vint me faire une bise, il avait bu un coup et me dit sur le pas de la porte :
« Si un jour tu en as assez d'être seule, ça me ferait plaisir de vivre avec toi. Tu sais bien que je t'aime depuis toujours ! » «
Tais-toi grand imbécile ! Une fois ça suffit : c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie ! Adieu ! »
Je fermai la porte sur ce pauvre René. Nous avons fait le ménage et avons mangé un morceau.
« Et maintenant Mathilde, il est temps de parler. Si vous voulez rester avec moi, je dois savoir d'où vous venez et tout ce que vous avez fait dans votre vie. »
« Je ne sais pas si je peux : j'ai peur... » « Vous n'avez pas le choix, sinon demain il me faudra vous demander de partir. »
« Non ! Je veux rester ici. Je me sens si heureuse avec vous. C'est comme si j'étais avec une mère, vous comprenez... »
]]>Texte de l'épisode 4 :
Et toute la nuit j'ai vu courir des cauchemars à califourchon sur des mules : mes aïeux, communistes du côté de mon père et huguenots des Cévennes du côté de ma mère, étaient furieux. Le matin, mes cheveux étaient dressés sur ma tête : il me fallait réfléchir : comment faire pour ne rien laisser après mon dernier souffle. Je ne pouvais pas digérer la chose entendue chez Maître Bardot : après moi, l'église catholique et romaine allait tout avaler, les papistes !
Puis, il y eut la cérémonie au funérarium : le choix de l'urne, rouge et jaune. Les amis de Vincent qui n'étaient évidemment pas des jeunes ont chanté le « se canta » et leurs petits enfants ont chanté avec eux : le monde changeait, peut-être que les troubadours revenaient, hourra !
Je pense que tout ceci aurait fait plaisir à l'oncle.
Au moment de partir, quand les discours furent terminés, la vieille Julia voulut chanter (certains disent que quand elle était jeune, elle était amoureuse de Vincent) cette chanson cévenole que j'aimais tant :
Quand un jour tu sentiras que l'âge réveille
De plus en plus en toi des souffrances diverses
Las de bêcher ce sol ingrat comme un désert
A l'appel du repos tu tendras l'oreille
Le temps aboutira ton corps devenu trop vieux
Et par dessus ta tombe
Et dominant la plaine
La pointe d'un cyprès
Laissera voir le ciel
Le temps aboutira
Ton corps devenu trop vieux
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
Toute fleurie d'immortelles
à deux pas de ton mas
Où l'on entend si fort
Souffler la tramontane
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
L'astre qui nous réchauffe et nous ensoleille
Sera ton compagnon
L'été comme l'hiver.....
Nous l'avons laissée terminer la chanson seule et nous sommes partis.
Nous sommes allés tous ensemble avec l'urne et j'ai fait ce que m'avait demandé Vincent : j'ai éparpillé les cendres dans le ruisseau de la Vire. Je ne sais pas si j'avais le droit ! Les gens étaient surpris mais disaient : C'est lui qui l'a voulu. Il est parti tranquille, sans souffrir : aller se coucher le soir, et sans se réveiller le matin, dormir pour l'éternité....Cocagne !
Puis nous sommes rentrés à la maison où Mathilde nous attendait avec l'apéritif. Elle avait une jolie robe grise. Tout le monde m'a demandé qui était cette fille si jolie : j'ai continué d'affirmer que c'était ma filleule, la fille d'une amie d'école, Lucienne. Mathilde ne disait rien, elle faisait simplement des sourires à tout le monde.
J'avais décidé que j'aurais une discussion avec elle dans la soirée.
-« Et que vas-tu faire maintenant que tu as de l'argent, Jeanne : la charité, la vie, l'artiste ? Tu as une jolie voix ! Il te faudrait essayer d'aller au conservatoire de Montpellier. On ne sait jamais.... Il n'y a pas d'âge pour chanter et surtout pour se faire plaisir. » •
Celui qui me disait tout ça était René - mon amoureux! - dont, pécaire, la femme, Rosette était morte l'an passé et qui c'était sûr aurait bien aimé trouver une compagne de son âge, surtout avec un peu d'argent. Souvenir! souvenir : peut-être qu'il me plaisait quand j'étais jeune mais aujourd'hui...
Le cousin Paul et Denise, sa femme, étaient très contents de l'accord que nous avions conclu chez le notaire :
- « Merci Jeanne pour le loyer si bas : avec les problèmes de la viticulture peut-être qu'il me faudra tout arracher et faire un potager. Denise ira vendre sur le marché. » • «
Sûr que ça me plaira plus que de travailler au supermarché ! ».
« On essayera le bio, aujourd'hui il n'y a que ça qui marche, et encore plus pour le vin... Et toi, que vas-tu faire de ton temps, des terres et de la maison de Vincent ? Il t'a laissé de l'argent ? «
"Oui ! Je ne peux rien te dire de plus aujourd'hui. Mais je te promets que si un jour je vends les terres, c’est toi qui seras le premier informé."
« Merci pour tout ! »
À 8 heures tout le monde était parti : le dernier à s'en aller était René. Il vint me faire une bise, il avait bu un coup et me dit sur le pas de la porte :
« Si un jour tu en as assez d'être seule, ça me ferait plaisir de vivre avec toi. Tu sais bien que je t'aime depuis toujours ! » «
Tais-toi grand imbécile ! Une fois ça suffit : c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie ! Adieu ! »
Je fermai la porte sur ce pauvre René. Nous avons fait le ménage et avons mangé un morceau.
« Et maintenant Mathilde, il est temps de parler. Si vous voulez rester avec moi, je dois savoir d'où vous venez et tout ce que vous avez fait dans votre vie. »
« Je ne sais pas si je peux : j'ai peur... » « Vous n'avez pas le choix, sinon demain il me faudra vous demander de partir. »
« Non ! Je veux rester ici. Je me sens si heureuse avec vous. C'est comme si j'étais avec une mère, vous comprenez... »
Tèxte de l'episòdi 4 :
E tota la nèit ai vist córrer de cachavièlhas d’escambarlon sus de muòlas : mos aujòls, comunistas del costat de mon paire e uganauds de las Cevènas del costat de la maire, èran furioses. Lo matin mos pels èran dreches sus ma tèsta : me caliá soscar d’a fons per res laissar aprèp mon darrièr buf. Podiái pas digerir la causa ausida encò de mèstre Bardòt : aprèp ieu la glèisa catolica e romana anava tot engolir, los papistas!
Puèi i aguèt la ceremonia al funerarium : la causida de l’urna, roja e jaune. Los amics de Vincenç qu’èran evidentament pas de joines an cantat lo « se canta » e lors felens tanben an cantat amb eles : lo mond cambiava, benlèu que los trobadors tornavan, òsca !
Pensi que tot aquò auriá fach plaser a l’oncle.
Al moment de partir quand las charadissas foguèron acabadas, la vielha Julia a volgut cantar (n’i a que dison que quand èra joina èra amorosa del Vincenç) aquela cançon cevenola que m’agrada tant :
Quand un còp sentiràs que l’atge desrevelha
De mai en mai en tu de patiments divers
Las de fóire aquel sòl ingrat com’un desert
A l’apèl dau repaus apararàs l’aurelha
Lo temps abotirà ton còr vengut tròp vièlh
E per dessús ton cròs
E dominant la plana
La poncha d’un ciprès
Farà veire lo cèl
Lo temps abotirà
Ton còr vengut trop vièlh
Alòr t’enterraràn per amont dins l’ermàs
Tot florit d’imortèlas a dos pas de ton mas
Onte s’ausís pron fòrt
Bufar la tramontana
Alòr t’enterraràn per amont dins l’ermàs
L’astre que nos rescaufa e que nos ensorelha
Sarà ton companhon
Tan l’estiu que l’ivèrn
L’avèm laissada acabar la canson soleta e sèm partits.
Sèm anats totes ensems amb l’urna e ai fach çò que m’aviá demandat lo Vincenç : ai esparpalhat los cendres dins lo riu de Vire. Sabi pas s’aviái lo drech !
Las gens èran susprès mas diguèron : Es el que l’a volgut. Es partit tranquil, sens sofrir… Anar se colcar lo ser, e sens se desrevelhar lo matin… Dormir per l’eternitat…..Caucanha !
Puèi sèm tornat a l’ostal onte Matilda nos esperava ambe l’aperitiu. Aviá una polida rauba grisa. Tot lo mond m’a demandat quala èra aquela filha tan polida : ai contunhat d’afortir qu’èra ma filhòla, la filha d’una amiga d’escòla, Luciena. Matilda diguèt res, fasiá simplament de sorires a tota l’assemblada.
Aviái decidit qu’auriái una discutida amb ela dins la serada.
- "E de qué vas faire ara qu’as d’argent Joana : la caritat, la vida, l’artista ? As una polida votz! Te caldriá ensajar d’anar al conservatòri de Montpelhièr. Òm sap pas jamai….I pas d’atge per cantar e subretot per se faire plaser.
Lo que me disiá tot aquò èra lo Renat – mon amorós - que pecaire sa femna, la Roseta, èra mòrta l’an passat e que de segur li auriá plan agradat de trapar una companha de son atge, subretot amb un pauc de moneda. Sovenir ! Sovenir : benlèu que m’aviá agradat quand èri joina mas ara…
Lo cosin Paul e Danisa, sa femna, èran fòrça contents de la pacha qu’aviam facha encò del notari :
- "Mercé Joana per la renda tan pichòta : ambe los problèmas de la vinha benlèu que me caldrà tot derabar e faire un òrt. Danisa anarà vendre sus lo mercat."
- "Segur que m’agradarà mai que de trabalhar al supermercat !"
- "Ensajarem lo biò, ara i a pas qu’aquò que marcha, e mai per lo vin….E tu de qué vas faire de ton temps, de las tèrras e de l’ostal del Vincenç ? T’a daissat d’argent ?
- "Òc ! Te pòdi pas res dire uèi. Mas te prometi que se un jorn vendi las tèrras es tu que seràs lo primièr avisat."
- "Mercé per tot !"
A 8 oras tot lo mond èra partit : lo darrièr a se n’anar èra lo Renat. Me venguèt faire un poton de prèp, aviá begut un còp e me diguèt sus lo pas de la pòrta :
- "S’un jorn n’as pron d’èstre soleta, me fariá plaser de viure ambe tu. O sabes ben que t’aimi dempuèi totjorn !"
- "Taisa-te grand tablèu! Un còp e pas mai : es totjorn çò qu’ai fach dins ma vida ! Adieussiatz !"
Ai tancat la pòrta sus aquel paure Renat. Avèm fach lo recapte, avèm manjat un bocin.
- "E ara Matilda, es temps de parlar. Se volètz demorar amb ieu devi saupre d’onte venètz e tot çò qu’avètz fach dins vòstra vida."
- "Sabi pas se pòdi : ai paur…"
- "Avètz pas d’autra causida, autrament deman me caldrà vos dire de partir."
- "Non pas ! vòli demorar aicí. Me senti tant urosa ambe vos. Es coma s’èri amb una maire, comprenètz…"
Qui pouvait bien appeler à cette heure ?
Sur l’écran du téléphone, on pouvait lire : Funérarium. J'avais oublié !
Mathilde était assise sur une chaise de l'autre côté du salon. Elle avait l’air complètement épuisée : bouche ouverte et yeux mi clos. Toujours jeune et belle mais il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez cette petite jeune fille : peut être avait-elle faim ? C'était l'heure du repas, midi et demi.
Pour le moment, je devais répondre :
- "Allo ! Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour ! C'est bien elle !"
- "Vous n'oubliez pas que la cérémonie se tiendra demain à quinze heures. "
- "Oui, je sais"
- "Nous avons besoin de quelques renseignements pour tout organiser."
- "Je vous écoute"
- "Combien de personnes avez-vous invitées – pour les chaises ? Est-ce que vous avez prévu un sermon avec un curé – pour savoir combien de temps ça durera. Vous n'avez pas encore choisi l'urne pour les cendres.... " (La femme ne s'arrêtait pas...)
- "Alors : 25 personnes, pas de curé, deux discours de 5 minutes. Pour l'urne, je la choisirai demain. Nous arriverons aux alentours de deux heures et demie. "(C'était tout, mais la femme continuait et Mathilde était en train de tourner de l'oeil : elle avait besoin de manger.)
- "Bon madame, j'ai un millier de choses à faire : au revoir. Nous reparlerons de tout ça demain. Bonne après-midi ! "
Et cric et crac, je reposai le téléphone.
- "Eh bien ! C'est pas trop tôt!"
Je me dirigeai vers la cuisine.
- "Mathilde, vous avez faim ? "
- "Oui, si vous avez un petit quelque chose à grignoter, ça me ferait plaisir. Je pense qu'il y a longtemps que je n'ai rien mangé."
Je préparai une casserole de pâtes/pesto avec un peu de parmesan. Puis nous avons mangé, ou plutôt, elle a englouti deux assiettes pleines sans prendre le temps de respirer. Je n'osais rien dire et, de toute manière, je ne savais pas ce que j'aurais pu dire : on a le droit d'avoir faim.
- "Merci Mademoiselle Belcaire, c'était bon."
- "Maintenant peut-être que ça vous ferait du bien d'aller vous reposer un peu avant d'aller chez le notaire ?"
- "Est-ce que je pourrais appeler mon ami ? Je ne lui dirai pas où je suis mais j'aimerais savoir comment il va, le pauvre. Il n'est pas loin, ça ne coûtera pas cher !"
- "Si ça vous fait plaisir, prenez le téléphone dans votre chambre : mais j'ai un forfait de deux heures : vous serez bien gentille de faire vite."
- "Merci Mademoiselle"
Elle prît le téléphone, ferma la porte de sa chambre et commença à parler, tellement doucement que je ne pouvais rien entendre. Puis elle revint poser le téléphone sur l'étagère et me dit :
- "Merci, vous êtes bien gentille".
Elle retourna dans sa chambre. J'étais sûre que ses yeux étaient humides : elle avait pleuré, pécaire, que pouvais-je faire ? Si elle ne voulait rien me dire, moi je ne pouvais rien lui demander. Une nuit et demain Mathilde devrait trouver un autre logis : je n'étais pas mère Thérésa ! J'ai travaillé un peu – tellement de papiers à remplir pour l'enterrement!
Puis j'ai enfilé un « jean », une « chemise » - il faisait trop chaud pour s'habiller comme une dame, et je suis allée frapper à la porte de la chambre :
- "Mathilde, il est l'heure de partir !"
- "J'arrive !" Elle sortit de la chambre avec une belle robe rouge, des chaussures d'été, rouges également : elle était jolie et élégante. Le trajet fut court. Et quand je suis entrée chez le notaire, j'étais fière d'être avec une si belle fille. Le notaire vint m'ouvrir la porte :
- "Bonjour Maître, je vous présente ma filleule, Mathilde !"
(Ça m'était venu comme ça : il fallait bien que je dise quelque chose ! Mathilde esquissa un petit sourire et s'assit sur un fauteuil en osier de Vallabrègues )
- "Enchanté, si vous voulez bien attendre ici Mathilde ! Peut- être que ce sera un peu long mais vous avez de quoi lire et si vous avez soif, il y a une bouteille d'eau et un verre."
- "J'ai tout mon temps, merci beaucoup. Je serai bien ici."Nous sommes entrés dans l'étude de Maître Bardot : Paul n'était pas encore arrivé. C'était un beau bureau : deux grandes fenêtres qui donnaient sur un grand jardin avec des palmiers, des cèdres du Liban, des marronniers et j'avais l'impression d'être, assise dans un grand fauteuil vert Napoleon III, dans un roman du Balzac de Rodez.
- "Je vous ai demandé de venir un peu plus tôt parce qu'il y a un petit problème. Bien sûr votre oncle vous a bien légué à peu près tout ce qu'il avait. Mais il y a une chose pas très claire : votre cousin Paul avait un fermage sur la vigne du Clapas, qui fait deux hectares. Et la volonté de votre oncle est que Paul continue de travailler cette vigne c'est à dire que vous ne pourrez pas la vendre et que vous devrez le garder comme fermier. Le loyer n'est pas très élevé."
- "Ne vous faîtes pas de mauvais sang : même s'il la lui avait donnée cette vigne, il n'y aurait pas eu de problème. Je suis seule et j'ai assez d'argent pour vivre et voyager".
- "Autre chose : comme vous n'avez pas d'enfants, quand vous partirez pour l'autre monde, le plus tard possible je vous le souhaite, tout ce que vous aurez gardé, argent, terres et maison iront à l'Eglise catholique."
- "Je n'ai rien à ajouter : la volonté d'un mort dans son testament doit être suivie."
-" Jeanne il faut que je vous dise : j'ai été surpris, je ne savais pas que vous aviez une filleule aussi jolie, ces yeux verts...."
Heureusement la porte s'ouvrit et la secrétaire fit entrer le cousin Paul. Ouf !
]]>Texte de l'épisode 3 :
Qui pouvait bien appeler à cette heure ?
Sur l’écran du téléphone, on pouvait lire : Funérarium. J'avais oublié !
Mathilde était assise sur une chaise de l'autre côté du salon. Elle avait l’air complètement épuisée : bouche ouverte et yeux mi clos. Toujours jeune et belle mais il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez cette petite jeune fille : peut être avait-elle faim ? C'était l'heure du repas, midi et demi.
Pour le moment, je devais répondre :
- "Allo ! Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour ! C'est bien elle !"
- "Vous n'oubliez pas que la cérémonie se tiendra demain à quinze heures. "
- "Oui, je sais"
- "Nous avons besoin de quelques renseignements pour tout organiser."
- "Je vous écoute"
- "Combien de personnes avez-vous invitées – pour les chaises ? Est-ce que vous avez prévu un sermon avec un curé – pour savoir combien de temps ça durera. Vous n'avez pas encore choisi l'urne pour les cendres.... " (La femme ne s'arrêtait pas...)
- "Alors : 25 personnes, pas de curé, deux discours de 5 minutes. Pour l'urne, je la choisirai demain. Nous arriverons aux alentours de deux heures et demie. "(C'était tout, mais la femme continuait et Mathilde était en train de tourner de l'oeil : elle avait besoin de manger.)
- "Bon madame, j'ai un millier de choses à faire : au revoir. Nous reparlerons de tout ça demain. Bonne après-midi ! "
Et cric et crac, je reposai le téléphone.
- "Eh bien ! C'est pas trop tôt!"
Je me dirigeai vers la cuisine.
- "Mathilde, vous avez faim ? "
- "Oui, si vous avez un petit quelque chose à grignoter, ça me ferait plaisir. Je pense qu'il y a longtemps que je n'ai rien mangé."
Je préparai une casserole de pâtes/pesto avec un peu de parmesan. Puis nous avons mangé, ou plutôt, elle a englouti deux assiettes pleines sans prendre le temps de respirer. Je n'osais rien dire et, de toute manière, je ne savais pas ce que j'aurais pu dire : on a le droit d'avoir faim.
- "Merci Mademoiselle Belcaire, c'était bon."
- "Maintenant peut-être que ça vous ferait du bien d'aller vous reposer un peu avant d'aller chez le notaire ?"
- "Est-ce que je pourrais appeler mon ami ? Je ne lui dirai pas où je suis mais j'aimerais savoir comment il va, le pauvre. Il n'est pas loin, ça ne coûtera pas cher !"
- "Si ça vous fait plaisir, prenez le téléphone dans votre chambre : mais j'ai un forfait de deux heures : vous serez bien gentille de faire vite."
- "Merci Mademoiselle"
Elle prît le téléphone, ferma la porte de sa chambre et commença à parler, tellement doucement que je ne pouvais rien entendre. Puis elle revint poser le téléphone sur l'étagère et me dit :
- "Merci, vous êtes bien gentille".
Elle retourna dans sa chambre. J'étais sûre que ses yeux étaient humides : elle avait pleuré, pécaire, que pouvais-je faire ? Si elle ne voulait rien me dire, moi je ne pouvais rien lui demander. Une nuit et demain Mathilde devrait trouver un autre logis : je n'étais pas mère Thérésa ! J'ai travaillé un peu – tellement de papiers à remplir pour l'enterrement!
Puis j'ai enfilé un « jean », une « chemise » - il faisait trop chaud pour s'habiller comme une dame, et je suis allée frapper à la porte de la chambre :
- "Mathilde, il est l'heure de partir !"
- "J'arrive !" Elle sortit de la chambre avec une belle robe rouge, des chaussures d'été, rouges également : elle était jolie et élégante. Le trajet fut court. Et quand je suis entrée chez le notaire, j'étais fière d'être avec une si belle fille. Le notaire vint m'ouvrir la porte :
- "Bonjour Maître, je vous présente ma filleule, Mathilde !"
(Ça m'était venu comme ça : il fallait bien que je dise quelque chose ! Mathilde esquissa un petit sourire et s'assit sur un fauteuil en osier de Vallabrègues )
- "Enchanté, si vous voulez bien attendre ici Mathilde ! Peut- être que ce sera un peu long mais vous avez de quoi lire et si vous avez soif, il y a une bouteille d'eau et un verre."
- "J'ai tout mon temps, merci beaucoup. Je serai bien ici."Nous sommes entrés dans l'étude de Maître Bardot : Paul n'était pas encore arrivé. C'était un beau bureau : deux grandes fenêtres qui donnaient sur un grand jardin avec des palmiers, des cèdres du Liban, des marronniers et j'avais l'impression d'être, assise dans un grand fauteuil vert Napoleon III, dans un roman du Balzac de Rodez.
- "Je vous ai demandé de venir un peu plus tôt parce qu'il y a un petit problème. Bien sûr votre oncle vous a bien légué à peu près tout ce qu'il avait. Mais il y a une chose pas très claire : votre cousin Paul avait un fermage sur la vigne du Clapas, qui fait deux hectares. Et la volonté de votre oncle est que Paul continue de travailler cette vigne c'est à dire que vous ne pourrez pas la vendre et que vous devrez le garder comme fermier. Le loyer n'est pas très élevé."
- "Ne vous faîtes pas de mauvais sang : même s'il la lui avait donnée cette vigne, il n'y aurait pas eu de problème. Je suis seule et j'ai assez d'argent pour vivre et voyager".
- "Autre chose : comme vous n'avez pas d'enfants, quand vous partirez pour l'autre monde, le plus tard possible je vous le souhaite, tout ce que vous aurez gardé, argent, terres et maison iront à l'Eglise catholique."
- "Je n'ai rien à ajouter : la volonté d'un mort dans son testament doit être suivie."
-" Jeanne il faut que je vous dise : j'ai été surpris, je ne savais pas que vous aviez une filleule aussi jolie, ces yeux verts...."
Heureusement la porte s'ouvrit et la secrétaire fit entrer le cousin Paul. Ouf !
Qual sonava a n'aquesta ora ?
Sus la maquina òm podiá legir : Funerarium. Aviái doblidat !
Matilda èra assetada sus una cadièra de l'autre costat del salon. Semblava completament cansada : boca dubèrta e uòlhs barrats. Totjorn bèla e jove mas ia aviá quicòm que virava pas redond per aquela joineta : benlèu qu'aviá talent ? Èra l'ora del dinnar, miègjorn e mièja.
Per lo moment le caliá respondre :
-"Allò ! Madomaisèla Belcaire ?"
- "Bonjorn ! es èla !"
- "Avètz pas oblidat que la ceremonia es per deman a quinze oras."
- "Òc, sabi !"
- "Avèm besonh de quauques entresenhas per organizar."
- "Vos escoti !"
- "Quant de personas avètz convidadas - per las cadièras ? es qu'avètz previst un presic amb un curat - per saupre quant de temps durarà. avètz pas encara causit l'urna per los cendres ..." (la femna s'arrestava pas...)
- "Alara : 25 personas, ges de curat, doas charadissas de 5 minutas. Per l'urna la causirai deman. Arriarem a l'etorn de 2 oras e mièja" (N'aviai pron, mas la femna contunhava e la Matilda èra en trin de s'estavanir : aviá besonh de manjar).
-"Bon dòna, ai un molon de causas de far : adieussiatz. Tornarem parlar de tot aquò deman. Bona vesprada !"
E cric e crac ai atudat lo telefòn.
-"E ben ! es pas trop lèu."
Soi anada dins la cosina.
-"Matilda avètz talent ?"
-" Òc, s'avètz quicòm arosegar me farià plaser. Pensi que i a longtemps qu'ai pas res manjat."
Ai preparat una cassairolada de pasta/pesto amb un pauc de parmiggianó. Avèm manjat o pus lèu èla a engolit doas sietadas rasièras sens prendre lo temps d'alenar. Gausavi res dire e, de tot biais, sabiái pas de qu'auriái poscut dire : òm a lo drech d'aver talent.
-"Mercé Madomaisèla Belcaire : èra bon."
-"Ara belèu que vos fariá de ben d'anar vos pausar un pauc abans d'anar encò del notari ?"
-"Es que me serià possible de sonar mon amic ? Li dirai pas onte soi, mas m'agardariá de saupre cossí va, lo paure. Es pas luenh, costarà pas car !"
-"S'aquò vos fa plaser, prenètz lo telefòn dins vòstra cambra : mas ai un prètz fach per doas oras : siaguetz plan brava de faire lèu."
-"Mercé Madomaisèla."
Prenguèt lo telefòn, barrèt la pòrta de sa cambra e comencèt de parlar talament sotavotz que posquèri pas res ausir. Puèi tornèt pausar lo telefòn sus l'estaudèla e me diguèt :
-"Mercé plan, siatz plan brava."
Tornèt dins sa cambra. N'èri segura sos uòlhs èran banhats : aviá plorat. pecaire de qué faire ? Se voliá pas res me dire ieu podiái res demandar. Una nèit e deman la Matilda deuriá trapar un autr'ostal : èri pas Maire Terèsa ! Ai trabalhat un pauc - talament de papièrs que me caliá emplenar per l'enterrament.
Puèi a mes un "jin", un "camison" - que fasiá tròp caud per se vestir coma una dama, e soi anada picar a la pòrta de la cambra :
-"Matilda, es ora de partir !"
-"Arribi."
Es sortida de la cambra amb una bèla rauba roja, de sabatas d'estiu rojas tanben : èra eleganta e polida. Lo viatge foguèt cortet. E quand soi dintrada encò del notari, èri fièra d'èstre amb una tan bèla filha. Lo notari me venguèt dubrir la pòrta :
-"Bonjorn Mèstre, vos presenti ma filhòla, Matilda !"
(M'èra vengut com'aquò : me caliá ben dire quicòm ! Matilda aguèt coma un pichòt sorire e s'assetèt sus un sèti de vim de Valabrègas)
-"Encantat. se volètz esperar aquí Matilda ! Benlèu que sarà un pauc longuet mas avètz de que legir e s'avètz ser, aquí una botelha d'aiga amb un veire."
-"Ai lo temps, mercé plan. Sarai ben aquí."
Sèm dintrats dins l'estudi de Mèstre Bardòt : lo Paul èra pas encara arribat. Èra un bèl burèu : doas grandas fenèstras que regardavan un grand jardin ambe de palmièrs, de cèdres del Liban, de marronièrs, e me semblava d'èstre, assetada atal dins un grand sèti verd Napoleon III, dins un roman del Balssas de Rodés.
-"Vos ai demandat de venir un pauc mai lèu per de que i a un pichòt problèma. Segur que vòstr'oncle vos a bailat mai o mens tot çò qu'avià. Mas i a una causa pas clara : es que vòstre cosin Paul aviá un fermatge sus la vinha del Clapàs que fa 2 ectars. E la volontat de vòstr'oncle es que serà pas possible per vos de la vendre e lo vos caldrà gardar coma baile, lo cosin Paul. la renda es pas granda."
-"Vos fagatz pas de marrit sang : e mai se la li aviá donada aquela vinha, i auriá pas agut de problèma. Soi soleta e ai pron d'argent per viure e viatjar."
-"Una autra causa : coma avètz pas ges d'enfant quand partirez per l'autre mond, lo mai tard possible o vos sovète, tot ço qu'auretz gardat, argent, tèrras e ostal anarà a la Glèisa catolica."
-"Ai pas res a dire : la volontat d'un mòrt dins un testament deù èstre seguida."
-"Joana, me cal vos o dire : soi estat susprés, sabiái pas qu'aviatz une filhòla tant polida, aqueles uòlhs verds..."
Urosament la pòrta se dubriguèt e la secretària feguèt intrar lo cosin Paul. Of !
J'ouvris la porte de la maison et devant moi, une fille, dans ses vingt ans peut-être, les cheveux noirs, les yeux verts, la peau brune, grande et mince, une valise à la main, qui me demande avec un beau sourire et une douce voix :
-« Madame Jeanne Belcaire ? »
-« Oui, c'est moi ! Que voulez-vous ? »
-« Vous vous souvenez de Marie Delbas, ma mère ? »
-« Peut-être, c'est possible... »
-« Vous étiez ensemble au collège dans les années... »
-« Et que fait votre mère aujourd'hui ? »
-« Pécaire, elle est morte, la pauvre, l'an passé et elle m'avait toujours dit : si un jour tu as des problèmes, va t'en voir mon amie Jeanne Belcaire, elle t'aidera."
-« Moi ? Comment pourrais-je vous aider : je n'ai pas de travail pour une fille comme vous, je suis seule et surtout, je pense que maintenant que je suis à la retraite je veux voyager. »
- "Peut-être que vous pourriez me loger ? En échange du gîte et du couvert j'entretiendrai l'intérieur mais aussi l'extérieur, je vois que vous avez un joli jardin."
- "Je peux le faire toute seule !"
- "Madame, soyez gentille, je n'ai pas d'endroit où aller !"
Il y eut un silence : ça me faisait peine de laisser cette fille dehors.... Peut-être que c'était vrai, que sa mère était au collège avec moi. Puis, sans réfléchir plus :
- "Entrez : vous dormirez ici cette nuit et demain vous chercherez un endroit où aller !"
J'essayais de trouver sur le visage de cette jeune fille une ressemblance quelconque avec une femme que j'aurais pu connaître dans ma jeunesse : rien. Je lui montrai la salle d'eau, et l'emmenai dans la chambre d'amis.
- "Installez-vous ici et je vous appellerai pour le dîner. Maintenant, j'ai des choses à faire."
- "Pour l'enterrement de votre tonton Vincent ?"
- "Comment le savez-vous ?"
- "Tout le village en parle, ils disent que maintenant vous êtes riche !"
- "Rien n'est encore décidé ! Mais vous avez raison, l'enterrement est pour demain."
- "Je vous aiderai pour recevoir la famille"
J'ai fermé la porte et suis allée dans le salon où je me suis assise : tout ça ne semblait pas vrai ! Qui était cette fille ? Et cette Marie Delbas ? Aucun souvenir de cette fille au collège ni ailleurs. Peut-être que c'était son nom de femme mariée ? Les rêves s'en étaient allés, la réalité m'emplissait la tête et me faisait mal.
Le téléphone sonna : sur l'appareil s'affichait le nom de Maître Bardot, le notaire de l'oncle Vincent :
- "Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour Maître Bardot, comment allez-vous ?"
- "Mademoiselle, j'ai besoin de vous voir : il est temps de lire le testament de votre oncle."
- "Peut-on le faire aujourd'hui ?"
- "Tout de suite : votre oncle a demandé que le testament soit lu à la famille, c'est à dire vous et votre cousin Paul, avant l'enterrement !"
- "Ah bon ?"
- "Votre cousin Paul sera dans mon bureau à 4 heures : je vous y attendrai aussi."
- "Je viendrai, soyez sans crainte, Maître Bardot !"
Je posais le téléphone. Et maintenant, qu'allais-je faire de cette fille ? La laisser seule dans la maison avec les chats ? Non, je n'avais pas confiance : elle viendrait avec moi et m'attendrait dans la salle d'attente du notaire. Quelle histoire !
- "Mademoiselle Delbas !"
- "Mon nom est Mathilde, Mathilde Delbas."
- "Mathilde, c'est un joli nom. Mathilde vous viendrez avec moi chez le notaire ou si vous voulez je vous déposerai devant le supermarché et je reviendrai vous chercher après mon rendez-vous."
- "Je n'ai pas d'argent pour acheter quoi que ce soit au supermarché !"
- "Alors vous viendrez avec moi et m'attendrez dans la salle d'attente du notaire."
Je commençai à suer et trembler : qu'est-ce que j'avais fait d'ouvrir la porte et laissé entrer dans ma maison une fille que je n'avais jamais vu ? Peut-être que ce serait bien de lui demander ses papiers ? On peut être courageux mais sans être complètement naïf ! Ou peut-être que Mathilde était la fille que je n'avais pas pu avoir? Quand j'étais jeune, ce n'était pas possible d'être « fille-mère », la seule solution était de rester « vieille fille » comme disaient les bonshommes au Café du Printemps.
Allons ! Encore le téléphone...
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J'ouvris la porte de la maison et devant moi, une fille, dans ses vingt ans peut-être, les cheveux noirs, les yeux verts, la peau brune, grande et mince, une valise à la main, qui me demande avec un beau sourire et une douce voix :
-« Madame Jeanne Belcaire ? »
-« Oui, c'est moi ! Que voulez-vous ? »
-« Vous vous souvenez de Marie Delbas, ma mère ? »
-« Peut-être, c'est possible... »
-« Vous étiez ensemble au collège dans les années... »
-« Et que fait votre mère aujourd'hui ? »
-« Pécaire, elle est morte, la pauvre, l'an passé et elle m'avait toujours dit : si un jour tu as des problèmes, va t'en voir mon amie Jeanne Belcaire, elle t'aidera."
-« Moi ? Comment pourrais-je vous aider : je n'ai pas de travail pour une fille comme vous, je suis seule et surtout, je pense que maintenant que je suis à la retraite je veux voyager. »
- "Peut-être que vous pourriez me loger ? En échange du gîte et du couvert j'entretiendrai l'intérieur mais aussi l'extérieur, je vois que vous avez un joli jardin."
- "Je peux le faire toute seule !"
- "Madame, soyez gentille, je n'ai pas d'endroit où aller !"
Il y eut un silence : ça me faisait peine de laisser cette fille dehors.... Peut-être que c'était vrai, que sa mère était au collège avec moi. Puis, sans réfléchir plus :
- "Entrez : vous dormirez ici cette nuit et demain vous chercherez un endroit où aller !"
J'essayais de trouver sur le visage de cette jeune fille une ressemblance quelconque avec une femme que j'aurais pu connaître dans ma jeunesse : rien. Je lui montrai la salle d'eau, et l'emmenai dans la chambre d'amis.
- "Installez-vous ici et je vous appellerai pour le dîner. Maintenant, j'ai des choses à faire."
- "Pour l'enterrement de votre tonton Vincent ?"
- "Comment le savez-vous ?"
- "Tout le village en parle, ils disent que maintenant vous êtes riche !"
- "Rien n'est encore décidé ! Mais vous avez raison, l'enterrement est pour demain."
- "Je vous aiderai pour recevoir la famille"
J'ai fermé la porte et suis allée dans le salon où je me suis assise : tout ça ne semblait pas vrai ! Qui était cette fille ? Et cette Marie Delbas ? Aucun souvenir de cette fille au collège ni ailleurs. Peut-être que c'était son nom de femme mariée ? Les rêves s'en étaient allés, la réalité m'emplissait la tête et me faisait mal.
Le téléphone sonna : sur l'appareil s'affichait le nom de Maître Bardot, le notaire de l'oncle Vincent :
- "Mademoiselle Belcaire ?"
- "Bonjour Maître Bardot, comment allez-vous ?"
- "Mademoiselle, j'ai besoin de vous voir : il est temps de lire le testament de votre oncle."
- "Peut-on le faire aujourd'hui ?"
- "Tout de suite : votre oncle a demandé que le testament soit lu à la famille, c'est à dire vous et votre cousin Paul, avant l'enterrement !"
- "Ah bon ?"
- "Votre cousin Paul sera dans mon bureau à 4 heures : je vous y attendrai aussi."
- "Je viendrai, soyez sans crainte, Maître Bardot !"
Je posais le téléphone. Et maintenant, qu'allais-je faire de cette fille ? La laisser seule dans la maison avec les chats ? Non, je n'avais pas confiance : elle viendrait avec moi et m'attendrait dans la salle d'attente du notaire. Quelle histoire !
- "Mademoiselle Delbas !"
- "Mon nom est Mathilde, Mathilde Delbas."
- "Mathilde, c'est un joli nom. Mathilde vous viendrez avec moi chez le notaire ou si vous voulez je vous déposerai devant le supermarché et je reviendrai vous chercher après mon rendez-vous."
- "Je n'ai pas d'argent pour acheter quoi que ce soit au supermarché !"
- "Alors vous viendrez avec moi et m'attendrez dans la salle d'attente du notaire."
Je commençai à suer et trembler : qu'est-ce que j'avais fait d'ouvrir la porte et laissé entrer dans ma maison une fille que je n'avais jamais vu ? Peut-être que ce serait bien de lui demander ses papiers ? On peut être courageux mais sans être complètement naïf ! Ou peut-être que Mathilde était la fille que je n'avais pas pu avoir? Quand j'étais jeune, ce n'était pas possible d'être « fille-mère », la seule solution était de rester « vieille fille » comme disaient les bonshommes au Café du Printemps.
Allons ! Encore le téléphone...
Durbissi la pòrta de l’ostal e davant ieu una filha dins sos 20 ans benlèu, polideta, los peus negres, los uòlhs verds, la pèl bruna, granda e linja, una maleta dins la man que me demanda amb un bel sorire e una votz doça :
- "Madama Joana Belcaire?"
- "Òc es ieu ! De qué volètz ?"
- "Vos sovenètz de Maria Delbàs, ma maire ?"
- "Benlèu, possible…"
- "Èretz au collègi ensemble dins las annadas…"
- "E de qué fa vòstra maire ara ?"
- "Pecaire es mòrta la paura l’an passat e m’a totjorn dich : s’un jorn sès dins la maganha vai te'n veire mon amiga Joana Belcaire, t’ajudarà.
- "Ieu ? Coma vos podriái ajudar : ai ges de trabalh per une filha coma vos, soisoleta e subretot pensi que ara que soiretirada, vòli viatjar."
- "Benlèu que me poiriatz lotjar ? En escambi de la cambra e del manjar fariái lo dedins e tanben lo defòra, qu’avètz un polit jardin."
- "Madama siatz plan brava : ai pas d’endrech ont anar !"
I aguèt un silenci : aquela filhòta me fasiá pena de la daissar defòra…Benlèu que verai, sa maire èra al collègi amb ieu? Puèi sens soscar mai longtemps :
- "Dintratz : dormiretz aquí aquesta nèit e deman cercaretz un endrech ont anar."
Ai ensajat de trapar sus la cara d’aquela jove una semblança amb una femna qu’auriái coneguda dins ma joinessa : res. Li ai mostrat la sala d’aiga, l’ai menada dins la cambra d’amics.
- "Pausatz vos aquí e vos sonarai per lo dinnar. Ara ai de causas de far."
- "Per l’enterrament de vòstre tonton Vincenç?"
- "Cossí o sabètz ?"
- "Tot lo vilatge ne parla e dison que ara siatz rica !"
- "Res es pas encara fach ! Mas avètz rason l’enterrament es per deman."
- "Vos ajudarai per reçaupre la familha…"
Ai tancat la pòrta e soi anada dins lo salon e me soi assetada : tot aquò semblava pas de bon ! Qual èra aquela filha ? E aquela Maria Delbàs ? Ges de sovenir d’aquela filha au collègi o endacòm mai. Benleù qu’èra son nom de femna maridada ? Los pantaisses se n’èran anats, la realitat m’emplenava la tèsta e me fasiá mau.
Lo telefòn sonèt : sus la maquina s’afichèt lo nom de Mèstre Bardòt, lo notari de l’oncle Vincenç :
- "Madomaisèla Belcaire ?"
- "Bonjorn Mèstre Bardòt, cossí anatz ?"
- "Madomaisèla ai besonh de vos veire : es temps de legir lo testament de vòstre oncle."
- "Lo cal faire uèi ?"
- "Sulpic : l’oncle a demandat que lo testament siá legit a la familha, es a dire vos e vòstre cosin Paul abans l’enterrament !"
- "A bon !?"
- "Vòstre cosin Paul serà dins mon burèu a 4 oras : i vos espèri tanben."
- "Vendrai, ajatz pas paur, Mèstre Bardòt !"
Ai pausat lo telefòn. E ara de qu'anavi faire d’aquela filha ? La laissar soleta dins l’ostal ambe los cats ? Non, aviái pas fisança : vendriá ambe ieu e m’esperariá dins la sala d’espèra del notari. Quina istòria !
- "Madomaisèla Delbàs!"
- "Mon nom es Matilda, Matilda Delbàs."
- "Matilda es un polit nom. Matilda vendretz amb ieu encò del notari o se volètz vos pausarai davant lo supermercat e vos tornarai prene aprèp mon rendètz-vos.
- "Ai ges d’argent per crompar de causas al supermercat !"
- "Alara vendretz amb ieu e m’esperaretz dins la sala d’espèra del notari."
Començavi de susar e de tremolar : de qu’aviái fach de durbir la pòrta e daissar dintrar dins mon ostal una filha qu’aviái pas jamai vista ? Benlèu que seriá una bona causa de li demandar sos papièrs? Òm pòt èstre brava, mas sens èstre completament nècia ! O benlèu que Matilda èra la filha qu’aviái pas poscut aver. Quand èri jove èra pas possible d’èstre «filha maire » la sola causida èra de demorar vièlha filha coma dison los mascles al cafè de la Prima.
Zo mai, lo telefòn…..
Je ne veux pas pleurer : aujourd'hui l'oncle Vincent s'en est allé. Ça toujours été un type un peu maladroit mais qui n'oubliait jamais le sourire et la convivialité avec ceux qu'il aimait : pour sûr, ce n'était pas un troubadour. Mais je vais vous le dire, des poètes, il n'y en a guère au village : Ah ! Si ! Le père Bertrand , au Café du Printemps, quand il a englouti trois ou quatre pastis, il se souvient du temps où sa grand-mère chantait et lui racontait des histoires : alors le ciel change de couleur et ses yeux s'emplissent de larmes qui coulent sur sa peau cuite au soleil, rouge de tous les coups bus entre kes souches de sa vigne.
Je me présente : je suis Jeanne Belcaire, la vieille fille du quartier, soixante ans, grande pour une femme du midi (1m67) ni maigre ni grosse, les yeux bleus trop gros pour être jolis, le menton pointu, les cheveux blonds pour cacher la blancheur de l'âge, la bouche grande et fine, la peau blanche et rouge. Certians disent que dans ma jeunesse j'étais une belle plante : mais personne ne me plaisait. Et quand je me promène dans les rues, ça me fait plaisir de revoir les vieux amours de ma jeunesse.
Il y a des jours où je vois encore s'éclairer la flamme de "l'amour de loin" dans leur : "Bonjour Jeanne, comment vas-tu ? Toujours raide et l'échine droite comme une jeunesse !". ce matin, la chanson a changé quand je rencontre dans la Rue Haute René - qui était si beaux et un de ceux que j'aimais tant dans mes vingt ans. Mais sans rien me dire il avait fait un enfant à la Rosette et avait été forcé de se marier avec elle. Aujourd'hui il est à la retraite : il était employé de Mairie.
- "Eh bien, ton oncle nous a laissé, il est parti boire un coup auprès du Bon Dieu. Hélàs, Vincent n'était pas un grand homme mais c'était un homme qui avait toujours travaillé et sué pour épargner. Qui sont les héritiers ? Il n'avait pas d'enfants et tu es sa plus proche parente. Tu vas devenir un parti intéressant : peut-être que tu trouveras enfin un mari. Ce ne sera pas trop tôt !
C'est vrai que l'oncle Vincent m'a laissé tout ce qu'il avait : c'est à dire une maison, ses vignes -20 hectares- et son compte en banque. Mais il faudra attendre un peu avant de savoir combien j'aurai d'argent. Je commence à rêver : dans mon souvenir, il y a un homme, Rémy que je n'ai jamais pu oublier : tous les mois de Janvier pour le jour de l'an il m'envoie une lettre de Baltimore dans le Maryland, aux États-Unis. Il était marié avec une américaine qui est morte aujourd'hui. Il était professeur de langue romane à l'université et comme dans ce pays ils travaillent tard, il doit toujours enseigner. Il est temps de vivre maintenant, temps de voyager : j'ai été empoyée de La Poste toute ma vie, je n'ai jamais eu d'enfants. La raison raisonnable et mes chats que je n'ai jamais voulu abandonner m'ont empêchée de vivre à fond. Je veux un lifting, des vêtements à la mode, il me faudra apprendre un peu d'anglais (je ne pense pas qu'il soit possible d'apprendre l'amerloque) et je partirai rejoindre l'amour de ma vie dans le pays d'Obama : l'aventure est à ma porte, ne me reste plus qu'à l'ouvrir pour la faire entrer : un, deux, trois...
Je vais boire un petit verre de Tuilet que j'ai acheté à Estagel et que j'aime tant : il est doux, ce vin, quand il coule dans la gorge. Maintenant je suis dans le fauteuil que m'a laissé ma grand-mère, les pieds sur une chaise, je veux me noyer dans mes rêves. Et pour commencerbil me faut aller voir le notaire. mais mon petit doigt me crie comme un fou :
-"Jeanne, d'abord il te faut enterrer l'oncle Vincent, aller au crématorium et inviter le village à boire un coup."
-"Tu as raison : Champagne pour tout le monde sur la terrasse de l'oncle Vincent ! Non, chez moi !"-"Des fois tu ne sembles pas être une femme d'ici : ce n'est pas du champagne qu'ils veulent boire tous : du pastis pour les hommes et du Muscat de Rivesaltes pour les femmes !"
-"Tu as toujours raison ! On va cfaire comme tu as dit. Et alors au travail, le monde m'appartient ! Et Rémy : à toi pour la vie !".
Et le Tuilet coule dans mon estomac.
Je n'ai qu'à aller voir sur l'ordinateur où est Baltimore, la baie du Cheasepeake - ça doit être difficile de prononcer ce nom - : Mappy, non ! Je n'ai qu'à cliquer sur États-Unis... chercher Maryland... Mais voici qu'on sonne à la porte. Qui cela peut-il bien être : le notaire, les cousins, un amoureux ou peut-être un voleur ? ...
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Texte de l'épisode 1 :
Je ne veux pas pleurer : aujourd'hui l'oncle Vincent s'en est allé. Ça toujours été un type un peu maladroit mais qui n'oubliait jamais le sourire et la convivialité avec ceux qu'il aimait : pour sûr, ce n'était pas un troubadour. Mais je vais vous le dire, des poètes, il n'y en a guère au village : Ah ! Si ! Le père Bertrand , au Café du Printemps, quand il a englouti trois ou quatre pastis, il se souvient du temps où sa grand-mère chantait et lui racontait des histoires : alors le ciel change de couleur et ses yeux s'emplissent de larmes qui coulent sur sa peau cuite au soleil, rouge de tous les coups bus entre kes souches de sa vigne.
Je me présente : je suis Jeanne Belcaire, la vieille fille du quartier, soixante ans, grande pour une femme du midi (1m67) ni maigre ni grosse, les yeux bleus trop gros pour être jolis, le menton pointu, les cheveux blonds pour cacher la blancheur de l'âge, la bouche grande et fine, la peau blanche et rouge. Certians disent que dans ma jeunesse j'étais une belle plante : mais personne ne me plaisait. Et quand je me promène dans les rues, ça me fait plaisir de revoir les vieux amours de ma jeunesse.
Il y a des jours où je vois encore s'éclairer la flamme de "l'amour de loin" dans leur : "Bonjour Jeanne, comment vas-tu ? Toujours raide et l'échine droite comme une jeunesse !". ce matin, la chanson a changé quand je rencontre dans la Rue Haute René - qui était si beaux et un de ceux que j'aimais tant dans mes vingt ans. Mais sans rien me dire il avait fait un enfant à la Rosette et avait été forcé de se marier avec elle. Aujourd'hui il est à la retraite : il était employé de Mairie.
- "Eh bien, ton oncle nous a laissé, il est parti boire un coup auprès du Bon Dieu. Hélàs, Vincent n'était pas un grand homme mais c'était un homme qui avait toujours travaillé et sué pour épargner. Qui sont les héritiers ? Il n'avait pas d'enfants et tu es sa plus proche parente. Tu vas devenir un parti intéressant : peut-être que tu trouveras enfin un mari. Ce ne sera pas trop tôt !
C'est vrai que l'oncle Vincent m'a laissé tout ce qu'il avait : c'est à dire une maison, ses vignes -20 hectares- et son compte en banque. Mais il faudra attendre un peu avant de savoir combien j'aurai d'argent. Je commence à rêver : dans mon souvenir, il y a un homme, Rémy que je n'ai jamais pu oublier : tous les mois de Janvier pour le jour de l'an il m'envoie une lettre de Baltimore dans le Maryland, aux États-Unis. Il était marié avec une américaine qui est morte aujourd'hui. Il était professeur de langue romane à l'université et comme dans ce pays ils travaillent tard, il doit toujours enseigner. Il est temps de vivre maintenant, temps de voyager : j'ai été empoyée de La Poste toute ma vie, je n'ai jamais eu d'enfants. La raison raisonnable et mes chats que je n'ai jamais voulu abandonner m'ont empêchée de vivre à fond. Je veux un lifting, des vêtements à la mode, il me faudra apprendre un peu d'anglais (je ne pense pas qu'il soit possible d'apprendre l'amerloque) et je partirai rejoindre l'amour de ma vie dans le pays d'Obama : l'aventure est à ma porte, ne me reste plus qu'à l'ouvrir pour la faire entrer : un, deux, trois...
Je vais boire un petit verre de Tuilet que j'ai acheté à Estagel et que j'aime tant : il est doux, ce vin, quand il coule dans la gorge. Maintenant je suis dans le fauteuil que m'a laissé ma grand-mère, les pieds sur une chaise, je veux me noyer dans mes rêves. Et pour commencerbil me faut aller voir le notaire. mais mon petit doigt me crie comme un fou :
-"Jeanne, d'abord il te faut enterrer l'oncle Vincent, aller au crématorium et inviter le village à boire un coup."
-"Tu as raison : Champagne pour tout le monde sur la terrasse de l'oncle Vincent ! Non, chez moi !"-"Des fois tu ne sembles pas être une femme d'ici : ce n'est pas du champagne qu'ils veulent boire tous : du pastis pour les hommes et du Muscat de Rivesaltes pour les femmes !"
-"Tu as toujours raison ! On va cfaire comme tu as dit. Et alors au travail, le monde m'appartient ! Et Rémy : à toi pour la vie !".
Et le Tuilet coule dans mon estomac.
Je n'ai qu'à aller voir sur l'ordinateur où est Baltimore, la baie du Cheasepeake - ça doit être difficile de prononcer ce nom - : Mappy, non ! Je n'ai qu'à cliquer sur États-Unis... chercher Maryland... Mais voici qu'on sonne à la porte. Qui cela peut-il bien être : le notaire, les cousins, un amoureux ou peut-être un voleur ? ...
Vòli pas plorar : uèi l’oncle Vincent se n’es anat. Es totjorn estat un tipe un pauc malbiaissut mas aviá pas oblidat lo sorire e la convivéncia ambe los qu’aimava : de segur èra pas un trobador. Me cal vos o dire, de trobaires, se'n tròba pas pus dins lo vilatge : a ! Si ! Lo papet Bertrand, al cafè de la Prima, quand a engolit tres o quatre pastagàs se soven del temps onte sa grand cantava e contava : alara lo cèl càmbia de color e sos uòlhs s’emplisson de lagremas que davalan sus sa pèl cuècha al solelh e roge de tant de còps beguts entre las socas de sa vinha.
Me presenti : ieu soi Joana Belcaire, la vièlha filha dau caire, sessanta ans, grandassa per una femna dau miegjorn (1m67), ni magra ni grassa, los uòlhs blaus tròp gròs per èstre polits, lo menton ponchut, los pels blondàs per amagar la blancor de l’atge, la boca granda e fina, la pèl blanca e roja . N’i a que dison que dins mon folhum soi estada una bèla planta : mas degun m’agradava pas. E quand me passegi per carrièra me fa plaser de tornar vèire los vielhs amorós de ma joinessa.
De còps que i a, vesi encara la flama de l’amor de luènh s’alucar dins lo : "Bonjorn Joana, cossí vas ? Totjorn redda e l’esquina drecha com’una joventa ! » Aqueste matin la cançon es cambiada quand rescontri dins la carrièra Nauta lo Renat – qu’èra tant polit e un de los qu’ai aimat tant e tant per mos vint ans. Mas sens res me dire aviá fach un enfant a la Roseta e èra estat forçat de la maridar. Ara es retirat : èra emplegat al servicis de la Comuna. : "E ben! ton oncle nos a laissat , es anat beure un còp encò del Bon Dieu. Pecaire, lo Vincenç èra pas un grand òme mas èra un òme qu’aviá totjorn trabalhat e susat per esparnhar tanben. Quales son los eretièrs ? Aviá ges d’enfants e es tu la mai pròcha. Vas devenir un partit interessant : benlèu que traparàs enfin un marit. Serà pas trop lèu !" .
Verai que l’oncle Vincenç m’a daissat tot çò qu’aviá : es a dire un ostal, sas vinhas – 20 ectares, e son compte a la banca. Mas caldrà esperar un pauc per saupre quant d’argent i a per ieu. Comenci de pantaissar : dins mon sovenir i a un òme, Romieg, qu’ai pas jamai poscut oblidar : cada mes de genièr me manda una letra de Baltimòre, dins lo Mariland en America, per l’an novèl. Èra maridat amb una americana qu’es mòrta, ara. Èra professor de lenga romana a l’universitat e coma dins aquel país trabalhan tard, deu totjorn ensenhar. Es temps de viure ara, es temps de viatjar : soi estada emplegada de la Pòsta tota ma vida, ai pas jamai agut d’enfants. La rason rasonabla, e mos cats qu’ai pas jamai volgut abandonar, m’an empachat de viure d’afons. Vòli un lifting, de vestits a la mòda, me caldrà aprene un pauc l’anglés (pensi pas que se pòsca aprene l’amerlòc) e partirai rejónher l’amor de ma vida dins lo país d’Obama : l’aventura es a ma pòrta, la me cal durbir per la faire dintrar : un dos tres….
Me cal beure un pichòt veire de Tuilet qu’ai crompat a Estagel, que l’aimi tant : es doç aquel vin quand passa dins la garganta. Ara soi dins lo sèti que m’a laissat ma grand, los pès sus una cadièra, me vòli negar dins mos pantaisses. E primièr me caldrà anar veire, lo notari. Mas mon pichòt det crida com’un fadòli :
-"Joana : primièr te cal enterrar l’oncle Vincenç, passar per lo crematorium e convidar lo vilatge a beure un còp".
- "As rason : champanhe per totes sus la terrassa de l’oncle Vincenç ! Non, dins mon ostal !"
- "De còps que i a semblas de pas èstre una femna d’aquí : es pas de champanhe que vòlon beure totes : vòlon de pastís e las femnas de muscat de Rivesaltas !"
- "As totjorn rason ! Farai com’as dich. E ara al trabalh lo monde es a ieu ! Romieg : a tu per la vida".
E lo Tuilet davalèt dins mon estomac.
Me cal veire sus l’ordenador ont’es Baltimòre, la baia del Cheasepeake - deu èstre dificil de mastegar aquel nom-: Mappy, non me cal clicar sus Estats-Units… cercar Mariland … Mas vaquí que quauqu’un sona a la pòrta : qual pòt èstre : lo notari, los cosins, un amorós o benlèu un panaire ?.....