Avec humour et finesse le spectacle déroule les temps forts d’une écriture, d’une vie. Dans un enchaînement rythmé de chansons, de saynètes, d’extraits de l’œuvre de Mistral, on passe sans difficulté de la fantaisie à l’émotion, de l’ Histoire à la Poésie. Un spectacle bilingue permettant à tous de goûter aux anecdotes de la vie du poète, depuis li cambareleto de son enfancio populario jusqu’à la remise de son prix Nobel. C’est aussi l’occasion de découvrir l’écriture somptueuse d’un poète majeur de l’Europe occidentale avec des extraits de Mireio, Calendau, Lou Pouemo dou Rose….
Pour beaucoup de nos contemporains, Frédéric Mistral n’est qu’une connaissance vague et floue.
Yves Rouquette nous a guidés sur ces « terra incognita ». Avec sa connaissance et sa fougue, il a éclairé notre chemin, attisé notre curiosité et nous sommes partis à la découverte du continent Mistral : un territoire immense plein de surprises et d’émotion, souvent à contre pied de l’image désuète qui est véhiculée.
Les comédiens Bruno Cécillon et Gilles Buonomo jouent, dansent et chantent sur les notes du musicien Frédéric Fortès. Dans un espace libéré de tout artifice, un piano et une caisse à malice farandolent sous la lumière. La mise en scène d’Isabelle François donne le tempo et renouvelle notre regard sur le poète, à l’image des illustrations et de l’affiche de Pierre François, le peintre de l’école sétoise.
Au final un spectacle qui fait visiter tout Mistral en 1H20 !
LA RAMPE TIO ouvre la porte « du jardin Mistral ».
1965 : La guerre d’Algérie est finie depuis 3 ans et la secousse de mai 68 se prépare. Dans les années 60, l’immigration économique espagnole, provoquée par la misère, atteint son point culminant avec l’aval du régime franquiste. Elle apporte à la France des Trente Glorieuses une main d’oeuvre nécessaire et laborieuse. Cette vague venue de Murcia et d’Andalousie, s’ajoutant aux précédentes, portera le pourcentage d’espagnols dans notre région à environ 25 % de la population. En 1962, 45% d’entre eux travaillent dans l’agriculture et 26% dans le bâtiment.
La pièce met en scène deux familles : l’une française, M. et Mme Delpech, propriétaires d’une exploitation viticole ; l’autre espagnole, M. et Mme Fuensanta, immigrés économiques, employés agricoles, avec leur fille Maria et le grand-père Paco, réfugié républicain. A travers ces deux familles se posent les enjeux d’un avenir qui ne peut porter tous les rêves. Ceux de Dolorès et Esteban Fuensanta qui, depuis 11 ans d’une vie rustre de labeur et de volonté, ont réussi à constituer un petit pécule : servira-t-il à un retour honorable au pays, ou à une installation plus définitive dans la vie française ? Les rêves de Maria, belle jeune fille qui a grandi ici, et dont le choix de vivre en France est clair. Ceux de Paco, resté fidèle à son idéal politique, usé par la vie et par son combat. Les rêves de Marguerite et Armand Delpech, dont les enjeux sociaux sont si différents, confrontés à l’idylle entre leur fils Pascal et Maria, « la petite espagnole ».
Michel Cordes pose les situations dans un rapport de vie et laisse apparaître les thèmes essentiels :
Michel Cordes, par son vécu, a été confronté à ces situations. Il a depuis toujours côtoyé ces immigrés, s’est construit avec eux. Cela a nourri et attisé son écriture. Le parti-pris d’un hyper-réalisme dans les décors de Jean-Yves Rabier et les costumes de Rosario Alarcon complètent son souci de coller à une réalité des objets et des lieux qui disent autant que les mots, les rapports et les gens. La musique de Sergio Perera accompagne cet univers en illustrant le métissage qui va s’opérer entre culture espagnole et occitane.
D’après Monsieur de Pourceaugnac de Molière.
C’est une adaptation occitane de la pièce de Molière. Dans l’écriture initiale Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme limousin vient à Paris pour épouser Julie la fille d’un gentilhomme parisien. Celui-ci a préféré un riche provincial au jeune Erast dont sa fille est amoureuse. Julie et Eraste, aidés par la servante vont mettre en place un stratagème pour dévaloriser le provincial et lui faire peur au point de le convaincre de fuir. Pour Molière cette situation est prétexte à créer des scènes dramatiques et comiques pour dénoncer la suffisance des médecins, la rouerie des avocats mais aussi la lourdeur pataude des provinciaux, et l’intelligente vivacité des gens de la capitale. C’est une pièce écrite pour faire rire la cour et qui exploite les caricatures et archétypes provinciaux.
L’adaptation occitane inverse la situation. Nous sommes dans une ville méridionale d’Occitanie et Monsieur de Pourceaugny, riche gentilhomme parisien, débarque pour épouser Julie. Cette inversion des géographies pose un bilinguisme occitan français porté par les personnages. Il met en valeur la défiance et la cruauté vis à vis de l’étranger, même si les rires et moqueries sont au service de l’amour. Elle renforce la naîveté candide de Monsieur de Pourceaugnac que Molière tournait en ridicule. Composé à la « va vite » cette pièce est faussement didactique et ouvre une dimension plus complexe de la définition des personnages. Le rire demeure, il est même essentiel. Mais s’ajoute à ce cabaret (comédie-ballet commandée par Louis XIV) une dimension sociale et humaine qui interpelle notre société d’aujourd’hui.
La création occitane est riche d’écritures contemporaines comme de productions plus anciennes, issues de son patrimoine. Pour autant, l’adaptation en occitan des grands auteurs de l’écriture théâtrale mondiale est plus rare. C’est ce que nous avons voulu aborder : traiter un « classique » et lui faire prendre les habits de la langue occitane. Une démarche finalement commune pour le théâtre où les compagnies, les metteurs en scène adaptent dans toutes les langues Shakespeare, Llorca, Faulkner, Tchekhov…
Le choix de monter un Molière est venu assez naturellement du fait des tournées en Languedoc de l’ « Illustre Théâtre ». De plus «Monsieur de Pourceaugnac» contient une séquence importante avec un personnage parlant l’occitan languedocien. Il était tentant de travailler sur une matière qui portait déjà une parole occitane authentique.
« Monsieur de Pourceaugnac« , c’est aussi une écriture dramaturgique qui donne de l’espace au jeu, à la fantaisie des comédiens. Ecrite et répétée en trois semaines, Molière a puisé dans le « fond de jeu et de répertoire » des comédiens de sa troupe, pour composer ce qu’on appelerait aujourd’hui un cabaret dramatisé. Nous avons fait de même en exploitant dans la pratique du théâtre occitan d’aujourd’hui les éléments qui permettent d’en éclairer la modernité.
Ainsi sous couvert de divertissement, cette pièce interroge aussi le poids des Pouvoirs sur le bon sens, le rapport Paris-Province, le regard sur l’étranger.
L’adaptation occitan français, l’inversion géographique, les révèlent de façon surprenante. Marceau Esquieu y a contribué en apportant une finesse à la définition de chaque protagoniste de cette pièce. Finalement Monsieur de Pourceaugnac annonce l’écriture plus travaillée du Bourgeois gentilhomme. Elle pourrait en permettre une étude originale. A suivre ?