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La courtoisie insurgée : un essai sur Pèire Cardenal par Denys Eissart
Eissart, Denys

Notes sur l'édition :
Cet ouvrage numérique a été établi à partir du contenu du site internet réalisé par Denys Eissart : www.cardenal.eu

La mise en forme du document a été réalisée par l’administrateur du site, M. Didier Grange, elle date de 2022. Elle répond à un besoin de pérenniser le travail accompli par son auteur mais aussi d’en faciliter la consultation.

Denys Eissart, à propos de son travail :


« Si Pèire Cardenal est considéré, par de nombreux commentateurs, comme un des plus grands écrivains du Moyen Age occidental, l'accès à ses oeuvres par le grand public reste très restreint. Ce constat est une des raisons qui ont entraîné la création de ce site.
[...]
Cette nouvelle version française ne prétend nullement faire oublier la précédente [celle de René Lavaud]. Elle a surtout été pour son auteur (ici seulement un peu "auteur") l'occasion d'un immense plaisir littéraire, celui de "rentrer" dans un texte superbe, autrement et sûrement mieux que par la simple lecture ; celui aussi de s'imprégner d'une langue expressive et d'une civilisation remarquable et de renouer ainsi avec son occitanité.
[...]
Souhaitons que son existence permette une meilleure connaissance du grand poète médiéval, injustement oublié. »

Ces extraits sont tirés des vues 224-226 du présent document.

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La vida de santa Enimia de Bertran de Marcilia
Bertran, -- de Marseille.

Manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de l'Arsenal 

La vie de sainte Énimie, en vers provençaux, par Bertrand de Marseille, XIVe siècle, parchemin en provençal, 58 feuillets, 156 × 117 mm, Reliure en parchemin vert, BnF, Arsenal, Ms-6355

Description physique 

Écriture du XIVe siècle. La place des initiales est restée blanche ; des places blanches en tête des chapitres étaient sans doute destinées à recevoir des miniatures

Note d’étude 

Publié, d'après le présent manuscrit, 1o par Karl Bartsch, Denkmaeler der provenzalischen Literatur (Stuttgart, 1856), p. 215 et suiv. ; et 2o par C. Sachs, La vie de sainte Énimie, von Bertran von Marseille, in provenzalischer Sprache zum ersten Male vollständig herausgegeben von C. Sachs (Berlin, 1857).

« Conventus Sancti Joseph Parisiensis Carmelitarum discalceatorum. » — Au fol. 58, on lit : « P. Flochat, curé du lict Scte Eye (?). »

Ressource numérique 

Microfilm : . Cote de consultation en salle de lecture de la Bibliothèque national de France : MICROFILM ARS R-35337. Cote de la matrice (pour commander une reproduction) : MICROFILM ARS R-35337.

Ressources bibliographiques 

  • La vie de Sainte Enimie : poème provençal du XIIIe siècle / Bertran de Marseille ; édité par Clovis Brunel, Paris : H. Champion, 1916, 1 vol. (XV-77 p.), Paris : H. Champion, 1916, CIRDOC-Mediatèca occitana, Cote CC 20-17+1
  • La vida de santa Enimia / Bertran de Marcilia = La vie de sainte Énimie / Bertrand de Marseille ; présentée et trad. par Félix Buffière... ; photos, Jean-François Salles..., fre, La Canourgue, 48500 : Éd. la Confrérie, [2001], 112 p.-[4] f., CIRDOC-Mediatèca occitana, Cote CAC 7316

 

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Ad suos compagnones / Antoine de Arena
Arène, Antoine (1500?-1544?)

résumé 

L’intérêt du traité réside d’abord dans le tableau que trace l’auteur de sa propre expérience militaire, d’une part, et, d’autre part, de la vie estudiantine provençale, apparemment marquée par une pratique régulière et assidue de la danse. En effet, le traité d’Arena constitue l’une des sources majeures de notre connaissance des danses du sud de la France à la Renaissance. C’est essentiellement la basse danse qui fait l’objet d’explications détaillées : 59 d’entre elles sont présentées avec 28 chorégraphies différentes, certaines mélodies étant dansées de façon identique. De plus, l’ouvrage propose une riche information sur les branles, et d’une manière plus générale, sur la mesure et les pas de danse. 

Editions

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On suppose que la première édition remonte à 1528. Les différentes éditions présentes dans les collections témoignent du succès considérable de l'oeuvre d’Arène, régulièrement rééditée jusqu’au XVIIIe siècle. 

édition de 1533 : http://www.sudoc.fr/150810334

édition de 1574: http://www.sudoc.fr/099621177

Musée Médard de Lunel :
https://occitanica.eu/items/show/58562

édition de 1631 : http://www.sudoc.fr/167060686

édition de 1648 : http://www.sudoc.fr/167060201

édition de 1649 : http://www.sudoc.fr/167060422

édition de 1670 : http://www.sudoc.fr/155125699

Bibliothèque de Turin :
https://books.google.fr/books?id=z_wPB_yaAOAC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ViewAPI&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

CIRDOC-Mediatèca occitana :
Antonius de Arena, provençalis de Bragardissima villa de Soleriis [Texte imprimé] : Ad suos compagnones qui sunt de persona friantes, bassas dansas et branlos practicantes, nouvellos perquam plurimos mandat, [s.l.], 1670, 1 vol. 191 p. ; 15 cm,
Cote CR-A 8123

édition de 1758 :
http://www.sudoc.fr/159377269
http://www.sudoc.fr/121132803

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Libre de pregàrias a l'usatge dels Augustins de Brinhòla

Contenu

Recueil de prières manuscrit à l'usage de la communauté des Grands Augustins de Brignoles de la main du frère Augustinus Perrone (signé f. 83). Il contient un calendrier et des prières en latin, en occitan provençal, en italien ainsi qu'un court texte – sans doute postérieur – en français. La dédicace en provençal au roi de France et aux citoyens de la ville de Brignoles (f. 25v) pourrait être un élément de datation (postérieur à 1480, mort du dernier comte de Provence).

Description physique

Reliure moderne, pleine basane, dos à trois nerfs fermeture à lacets, triple filets et petits fers à froid sur les plats, imitation des reliures estampées du XVe siècle.. 86 feuillets reliés. 150 x 205 mm.

Provenance 

Vignette ex-libris (fin du XIXe siècle) : « Maison curiale de Brignoles ».

Collection de Charles Perrat (1899-1976), archiviste paléographe, membre de l’École française de Rome, professeur à l’École des chartes (chaire de paléographie). Il a été archiviste aux Archives nationales, secrétaire de l’École des chartes, chargé de cours à la faculté des Lettres de Paris, professeur à l’École des chartes (chaire d'histoire des institutions politiques, administratives et judiciaires de la France), secrétaire de rédaction de la Revue historique de droit français et étranger.

Modalités d'entrée dans la collection : Achat, Galerie les Enluminures, décembre 2011

Bibliographie

- Brunel, C. Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal, Geneva [Slatkine reprints], 1973, n° 250 : “Livre d'oraisons en latin, provençal, italien et français” (Brunel, 1973, p. 72)

- Davies, Peter V. Glanures occitanes recueillies dans trois livres d’heures (fin XIVe s.-XVe s.), Glasgow, University of Glasgow French and German Publications, 1993

- Audisio, G. “Deux réseaux, quatre circuits. Le livre religieux en Provence au XVIe siècle,” dans Le livre religieux et ses pratiques : études sur l'histoire du livre religieux en Allemagne et en France à l'époque moderne, Göttingen, 1991, pp. 95-109

- Reboul Gabriel, Essai historique sur la ville de Brignoles : d'après les notes de M. Émilien Lebrun, Marseille, Impr. Marseillaise, 1897

- Archives départementales du Var, inventaire dactylographié, sous-série 5H : Clergé avant 1789, « Augustins de Brignoles ».


- Martignoni, Alice. "Un cas de plurilinguisme in Provence au début de l'époque moderne. Étude, analyse linguistique et édition critique du 'Laudario de Brignoles' et d'autres textes dévotionnels en occitan dans le ms. 913 du CIRdOC (Béziers)". Thèses en préparation à l'Université Paris sciences et lettres en cotutelle avec École Pratique des Hautes Études , dans le cadre de École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris), en partenariat avec Savoirs et pratiques du moyen-âge au XIXème siècle (laboratoire) et de École pratique des hautes études (Paris) (établissement opérateur d'inscription) depuis le 01-09-2017

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Canção de sancta Fides de Agen : texto provençal / J. Leite de Vasconcelos
Vasconcelos, José Leite de (1858-1941)
J. Leite de Vasconcelos, filològ portugués, publica pel primièr còp en 1902 dins la revista Romania lo tèxte complèt de la Cançon de Santa Fe.

Legir l’article (en francés) en linha sus Persée.
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Cançon de santa Fe d'Agen : poèma provençal del sègle XI / editat per Antòni Thomas
>> Accedir al document sus Gallica

Aqueste edicion de la Cançon de santa Fe, publicada per Antoine Thomas, professor de literatura de l'Edat Mejana e de filologia romana dins la coleccion Classiques français du Moyen âge,  compren lo facsimile del manuscrit de Leide, la trancripcion del tèxt e la traduccion francesa.
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Supplément du Tresor dóu felibrige de Frédéric Mistral / Jules Ronjat
Mistral, Frédéric (1830-1914)

Consulter le document sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7486f/f1180.image

Supplément au Tresor dóu felibrige ou Dictionnaire provençal-français de Frédéric Mistral, établi d’après les notes de Jules Ronjat et publié [fin du T. II] dans l'édition Culture Provençale et Méridionale, Marcel Petit en 1979.
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Que significa lo mot « Paratge » ?
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Votre question : Quelle est la signification du mot « Paratge » ?

Notre réponse :

Le terme d'ancien occitan « paratge » est relativement fréquent dans la poésie des troubadours où il revêt tour à tour le sens premier de « noblesse de sang » et le sens plus original de « noblesse de cœur » ou « de mérite ». Il est surtout connu par son emploi dans la Canso de la Crozada (ou « Chanson de la Croisade contre les Albigeois », XIIIe siècle), dont il représente la valeur centrale et qui continue de fasciner de nombreux auteurs contemporains pour son sens « patriotique ». La redécouverte du texte de la Canso au XIXe siècle – dans le contexte de l'éveil des nationalités en Europe et des premiers mouvements renaissantistes occitans – et surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, a rendu le terme paratge très courant dans les discours occitanistes et chez les écrivains et artistes d'expression occitane.

Fol. 231 du manuscrit de la<i> Canso de la crosada</i>. Ce manuscrit contient un nombre très important d'occurences du mot « Paratge ». Bibliothèque nationale de France, manuscrit Français 25425

Le terme est réputé « intraduisible »1. Il donne lieu à des interprétations qui en ont fait évoluer le sens2. Paratge n'aurait donc pas d'équivalent dans d'autres langues : soit parce que le concept incarne les valeurs spécifiques à la civilisation occitane du Moyen Âge (définition idéologique), soit parce qu'il s'agit d'une invention littéraire liée à une œuvre en particulier (définition historique).

Si le terme échappe à une définition claire – ou du moins unique – c'est qu'il connaît une évolution dans son emploi. En partant des sources littéraires, le terme occitan est, à l'origine, assez proche du français « parage »3 avec lequel il partage l'étymologie latine par- (= pair, égal). Mais son emploi littéraire par les troubadours occitans fait évoluer le paratge occitan de façon originale : de qualité de naissance, le terme évolue dans sa signification pour désigner une vertu morale, celle de « noblesse d'âme » pourrait-on dire.
Enfin, une œuvre particulière – tardive sur le plan de la littérature courtoise occitane et à bien des égards exceptionnelle dans l'histoire de la littérature occitane du Moyen Âge –, la Canso de la Crozada (deuxième partie du texte, dite de l'Anonyme ou du Continuateur) utilise le terme paratge à une fréquence extraordinaire dans le poème. S'il désigne la qualité morale essentiellement attachée au jeune comte de Toulouse, paratge est également utilisé comme allégorie de la ville et de ses habitants, voire en valeur universelle. De façon surprenante, le poème du XIIIe siècle revêt une connotation patriotique pour ses lecteurs du XIXe et XXe siècle. Dans la Canso, le comte de Toulouse, son allié le roi d'Aragon, la chevalerie languedocienne en général, puis la population tout entière semblent se battre pour paratge érigé en valeur suprême et partagée.
Plus qu'un concept moral qu'il serait difficile de définir tant son emploi varie dans le poème, le terme devient davantage une forme « d'étendard ». La redécouverte et les interprétations patriotiques, voire identitaires, du poème de la Canso eurent une grande influence sur l'ensemble des mouvements de renaissance culturelle ou de revendication occitans (Félibrige, occitanisme d'après-guerre ou contemporain). Il est aujourd'hui courant dans le discours des promoteurs de la langue occitane au même titre que convivencia ou larguesa qui connaissent toutefois des origines et des significations distinctes mais font écho aux thèmes de vivre-ensemble, de laïcité, de tolérance.

1/ Définitions et interprétations de « paratge »

1-1/ Définitions historiques

  • François-Just-Marie RAYNOUARD, Lexique roman : ou dictionnaire de la langue des troubadours..., à Paris, chez Silvestre, tome quatrième, 1842 :
    « PARATGE, s. m., parage, extraction, rang, qualité. »

  • Paul FABRE, Petit dictionnaire de la littérature occitane du Moyen-Age : auteurs, œuvres, lexique, Montpellier, Centre d'études occitanes, 2006, Lo Gat Ros :
    « En ancien occitan, ce mot signifie 'noblesse, haute naissance' ; il désigne aussi l'ensemble des nobles. Dans la langue des troubadours, il a pris également le sens de 'noblesse de cœur' ».

  • Charles ROSTAING, « Le vocabulaire courtois dans la deuxième partie de la « Chanson de la Croisade des Albigeois », dans Mélanges de linguistique, de philologie et de littérature offerts à Monsieur Albert Henry, Strasbourg, 1970 :
    « Le sens de paratge est donc très clair : de l'idée de 'famille noble' on est passé à celle de 'noblesse', d'abord la noblesse de la naissance, puis celle de l'esprit ou de l'âme : c'est dans cette dernière acception que le mot est pris dans la Chanson. »

  • Linda PATERSON, Le Monde des troubadours : la société médiévale occitane de 1100 à 1300, Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999 :
    « Paratge constitue évidemment l'éthique dominante du poème, et il y a fort peu d'exemple d'ailleurs que le concept de chevalerie transcende son aspect purement fonctionnel et militaire ; au contraire, ici la chevalerie semble prendre une valeur éthique. La meilleure définition de Paratge est peut-être ici le droit à son propre héritage : un droit qui n'est pas seulement celui d'un lignage noble, mais aussi de toute une société. L'éthique consiste à lutter pour ses droits propres et ceux de ses alliés, une différence notable avec l'éthique du vasselage dans les sources françaises de Flori. »

  • Robert LAFONT, La geste de Roland, tome 2 : Espaces, textes, pouvoirs, Paris, l'Harmattan, 1991 :
    « Étymologiquement paratge est formé sur par 'égal'. Il marque l'entente d'hommes qui se reconnaissent égaux entre eux. Le terme est d'origine aristocratique : il est apparu entre personnes 'de haut parage'. Il désigne la noblesse de sang et par suite d'âme. Mais il n'est pas généralement une qualité morale spécifique qui envahit la société, l'organise, lui donne un sens. Ce qu'il devient dans la seconde partie de la Chanson de la Croisade. »

  • Robert LAFONT, Prémices de l'Europe, Arles, Sulliver, 2007, Coll. Archéologie de la modernité :
    « C'est donc une valeur d'abord aristocratique, mais si elle signifie une égalité de rang en une classe, c'est dans la mesure où l'âme mérite la naissance. On reconnaît là l'idéal de la chevalerie dans sa pureté conquise, accessible à tout homme qui consacre sa vie à le servir. »

  • Miquèla STENTA, Larguesa : un art du don dans l'Occitanie médiévale, Montpellier, CRDP de l'Académie de Montpellier, 2011.
    « Paratge, c'est la noblesse de rang et d'esprit qui, dans ce cas, n'exclut pas la reconnaissance par le mérite, comme pairs, d'hommes d'origine humble. »

  • Miquèla STENTA, Les valeurs de la société de Cortesia : en pays d'Oc aux XIIe et XIIIe siècles, Meuzac, lo Chamin de Sent-Jaume, 2011. (à propos du concept de paratge dans le poème de la Canso)
    « Si paratge est cette noblesse de cœur, il est aussi un sentiment patriotique-national. (…) On se bat pour le défendre ou le rétablir ; il représente toute une civilisation. Il faut sauver paratge comme une patrie. »

  • Eliza MIRUNA GHIL, L’Âge de Parage : essai sur le poétique et le politique en Occitanie au XIIIe siècle, New York-Bern-Frankfurt am Main-Paris, Peter Lang, 1989.
    « Le terme de 'paratge' appartient à l'origine au vocabulaire du droit vassalique et nomme l'institution féodale qui règle l'héritage et le morcellement des fiefs. Il s'emploie, par exemple, pour préciser les obligations du fils aîné dans la famille noble à l'égard de son seigneur et de ses frères cadets. Dans la poésie courtoise le terme prend des connotations plus générales de valeur personnelle – par exemple, lorsqu'il est employé pour décrire la dame aimée dans la canso d'amour, qui est alors 'de gran paratge', 'd'aut paratge' ou lorsqu'il est employé par référence au sujet lyrique, dans le cas d'une trobairitz ('mos paratges', dit la comtesse de Dia). Il peut s'appliquer aussi, dans le sirventes, aux membres de la société courtoise qui partagent les valeurs morales chères aux troubadours et qui reçoivent l'appellation de 'om de paratge'.  Cette qualité n'est pourtant pas considérée comme essentielle, car c'est la noblesse de cœur (surtout amoureux) qui fait la valeur de l'individu et non pas celle de naissance. La fin'amor promeut ainsi, aux yeux d'une société différenciée hiérarchiquement, la possibilité morale d'une 'méritocratie'. »

1-2/ Définitions idéologiques

Qu'elles soient réellement fantasmées par les auteurs ou pensées dans l'idée légitime de bâtir une culture occitane contemporaine à partir de son héritage littéraire, les définitions que nous appelons par commodité « idéologiques » - sans jugement de valeur - affirment l'existence du concept de « paratge » au sein d'une partie de la société contemporaine, le terme fonctionnant comme un lieu de mémoire. Le terme est à ce titre fréquent dans la création artistique (littéraire, musicale, etc.). Parmi cette production idéologique, on peut signaler le texte célèbre de la philosophe Simone Weil : « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » publiée en 19434.

  • Émile NOVIS (pseudonyme de Simone WEIL), « L'agonie d'une civilisation », dans Le Génie d'oc et l'homme méditerranéen : études et poèmes, les Cahiers du Sud, 1943 :
    « Le poète de Toulouse [l'auteur anonyme de la deuxième partie de la Canso] sent très vivement la valeur spirituelle de la civilisation attaquée ; il l'évoque continuellement ; mais il semble impuissant à l'exprimer, et emploie toujours les mêmes mots, Prix et Parage, parfois Parage et Merci. Ces mots, sans équivalents aujourd'hui, désignent des valeurs chevaleresques. Et pourtant, c'est une cité, c'est Toulouse qui vit dans le poème, et elle y palpite tout entière, sans aucune distinction de classes. Le comte ne fait rien sans consulter toute la cité, 'li cavalier el borgez e la cuminaltatz', et il ne lui donne pas d'ordres, il lui demande son appui ; cet appui, tous l'accordent, artisans, marchands, chevaliers, avec le même dévouement joyeux et complet. C'est un membre du Capitole qui harangue devant Muret l'armée opposée aux croisés ; et ce que ces artisans, ces marchands, ces citoyens d'une ville – on ne saurait leur appliquer le terme de bourgeois – voulaient sauver au prix de leur vie, c'était Joie et parage, c'était une civilisation chevaleresque. »

  • Fernand Niel, Albigeois et cathares, Paris, Presses universitaires de France, 1955, Que sais-je ?
    « Paratge (signifie) honneur, droiture, égalité, négation du droit du plus fort, respect de la personne humaine pour soi et pour les autres. Le paratge s'applique dans tous les domaines, politique, religieux, sentimental. Il ne s'adresse pas seulement à une nation ou à une catégorie sociale, mais à tous les hommes, quelles que soient leur condition et leurs idées. »

  • Paul OURLIAC, « Réalité ou imaginaire : la féodalité toulousaine », dans Religion, société et politique : mélanges en l'honneur de Jacques Ethel, Paris, Presses universitaires de France, 1983 :
    « L'unité du Languedoc existe par sa langue mais plus encore dans cette communauté d'idéal qu'exprime le « Paratge » : un idéal qui est fait de loyauté, d'équité, de fidélité, de respect du droit, tout ce qui oppose le Midi aux chevaliers croisés. »

1-3/ Sur l'importance de paratge dans la Canso de la Crozada

  • Yves DOSSAT, « La croisade vue par les chroniqueurs », dans Paix de Dieu et Guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle, Toulouse, Privat, Cahiers de Fanjeaux, n° 4, 1969.
    « L'auteur de la seconde partie de la Chanson est un adversaire résolu de la croisade et pour tout dire un partisan. Bien qu'il ne l'exprime pas ouvertement, il n'est certainement pas loin d'admettre que les croisés sont des suppôts de Satan. Pour traduire sa pensée, le continuateur introduit dans la Chanson des allégories qui représentent les qualités et les vertus des uns, les vices et les tares des autres.
    D'un côté se trouvent Paratge, la noblesse d'âme, le sentiment de l'honneur, les vertus d'un cœur généreux, inséparable de Pretz, le mérite personnel, qu'accompagnent le bon droit, Dreitz, la justice de la cause, Dreitura, la loyauté, Lialtatz. De l'autre l'orgueil, Orgolhs, l'esprit de démesure, Desmesura, la fourberie, Engans, la mauvaise foi, Falhimens. »

  • Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.
    « En face [de l'Historia albigensis de Pierre des Vaux-de-Cenay], il y a la Chanson de la croisade, tout aussi engagée, surtout dans sa seconde partie, rédigée en occitan vers 1228 et qui est en fait un appel aux sujets du comte de Toulouse, au moment du dernier grand choc avec les croisés de Louis VIII. Ici encore, il serait vain d'attendre de notre auteur trop de nuances : les croisés sont des imposteurs et des usurpateurs, à l'ambition démesurée. Les seigneurs occitans, et notamment le jeune comte Raimond VII, représentent les valeurs courtoises – l'intraduisible Paratge par exemple – valeurs proposées à toute une population en guide d'idéologie « nationale » : l'état des liens féodo-vassaliques en pays d'oc ne permettant pas au poète-popagandiste de jouer uniquement de cette corde ('Nous suivons le comte parce qu'il est notre seigneur'), il faut compléter : 'Nous le suivons parce qu'il respecte les usages et valeurs du pays, et que ceux d'en face ne les suivent pas.' »

2/ Occurrences et emplois du terme

La Concordance de l'Occitan médiéval5 permet d'effectuer des recherches lexicales dans l'ensemble du corpus des textes littéraires en ancien occitan (corpus des Troubadours, corpus des textes narratifs en vers). La COM relève plus de 200 occurrences du terme paratge dans le corpus littéraire en ancien occitan (par comparaison « prètz » a plus de 2'300 occurrences sur le même corpus, larguesa ou dreitura, une centaine). À noter que le terme paratge apparaît 48 fois dans la seule Canso de la Crozada.

Assez fréquent chez le troubadours sans représenter pour autant une valeur centrale, l'expression « de (bon) paratge » désigne la qualité de naissance de la dame noble du poème au même titre que « de bon aire » ou « de bon linhatge ». Il s'applique de même pour qualifier la noblesse d'un chevalier, et par extension, la famille noble, la noblesse. Il prend également chez certains troubadours le sens de noblesse de cœur et de mérite. Il est surtout le concept essentiel de la Canso de la Crozada ou il peut désigner le comte de Toulouse et ses alliés, être une allégorie de la ville de Toulouse, résumer l'ensemble des valeurs morales positives à défendre et « à restaurer » face aux croisés.

Comtesse de Dia
Valer mi deu mos prètz e mos paratges
E ma beutatz, e plus mos fis coratges
« Mon mérite, ma haute naissance, ma beauté et plus encore mon cœur fidèle doivent me faire valoir. »

Girard de Roussillon
N'a baron chevaler de nul parage
N'i aie perdut home de son lignage
« Il n'y a pas de noble chevalier d'aucune famille qui n'ait perdu [dans la bataille] homme de sa parenté »

Guiraut de Bornelh 
Mot era dous e plazens
lo temps gay cant fon eslitz
paraties, et establitz ;
que.ls drechuriers conoissens
lials, francx, de ric coraties
plazens, larcx, de bona fe
vertadiers, de gran merce
establi hom de paratie
per cui fo servir trobatz
cortz e domneis e donars
amors et totz benestars
d'onor e gran drechura
« Il était doux et plaisant le temps joyeux où la noblesse fut choisie et créée ; car paratge fut conféré à ceux qui étaient justes et sages, loyaux, francs, au cœur noble, plaisants, généreux, de bonne foi, sincères, compatissants. C'est grâce à de tels hommes qu'on été inventés le service courtois, le domnei, la largesse, l'amour et toutes les coutumes agréables, selon l'honneur et le droit. »

Dans l'Ensenhamen d'Arnaut de Mareuil
Li borzes eissamens
An pretz diversamens ;
Li un son de paratge
E fan faitz d'agradatge
« Les bourgeois, de même, ont du prix diversement, les uns sont de grande famille, et agissent de manière agréable. »

La Vida de Peire Cardenal
Peire Cardinal si fo de Veillac, de la siutat del Puei Nostra Domna ; e fo d'onradas gens de paratge, e fo filz de cavallier e de domna...
« Pierre Cardenal était du Velay, de la cité du Puy-Notre-Dame ; il était d'une honorable famille de la noblesse, fils d'un chevalier et d'une dame... »

Canso de la Crozada : discours par lequel le troubadour Gui de Cavalhon accueille le jeune comte de Toulouse sur le chemin d'Avignon (laisse 154, vv.6-17)
Mons Guis de Cavalhon desobr'un caval ros
A dig al comte jove : « Òimais es la sasos
Que a grands òbs Paratges que siatz mals e bos, Car lo coms de Montfòrt que destrui los baros
E la Glèisa de Roma e la predicacios
Fa estar tot Paratge aunit e vergonhós,
Qu'enaissí es Paratges tornats de sus en jos
Que si per vos no.s lèva per tostemps es rescos.
E si Prèsts e Paratges no.s restaura per vos,
Doncs es lo mòrts Paratges e tots lo mons en vos,
E pòs de tot Paratge ètz vera sospeiços,
O tots Paratges mòria o vos que siats pros ! »
« Messire Gui de Cavalhon, monté sur un cheval roux, / a dit au comte jeune : « Voici le moment / où Paratge a besoin que vous soyez belliqueux et brave, / car le comte de Montfort qui détruit les barons / et l'Eglise de Rome et ses prédicateurs / couvrent Paratge de honte et d'ignominie / au point que Paratge est tellement tombé à la renverse / que s'il ne se redresse pas grâce à vous, il disparaîtra pour toujours. / Et si vous ne restaurez pas Mérite et Paratge / alors, par votre faute, sont morts Paratge et tout l'univers ; / et puisque de tout Paratge vous êtes la véritable espérance, / il faut que tout Paratge meure ou que vous soyez vaillant »

 

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Notes : 

1. Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820­-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.

2. Sur l'évolution de l'interprétation de la Canso de la Crozada au XIXe et au XXe siècle, voir Philippe MARTEL, op. cit. : « Pour Mary­-Lafon et Peyrat, les valeurs de la civilisation occitane médiévale existaient d'abord par leur caractère démocratique et progressiste : elles annonçaient celles qui triomphent en France après la Révolution. Chez nos auteurs du XXe, ce caractère démocratique est second. Joi et Paratge définissent une éthique abstraite, pas un comportement social. Et surtout, ces valeurs sont immanentes, ancrées presque biologiquement dans l'homme d'oc, et échappent donc à l'histoire. »

3. « Qualité, extraction, haute naissance. » (TLFI) ; la parage est également un concept de droit féodal réglant les partages entre aînés et puînés.

4. « La civilisation qui constitue le sujet du poème n'a pas laissé d'autres traces que ce poème même, quelques chants de troubadours, de rares textes concernant les cathares, et quelques merveilleuses églises. Le reste a disparu ; nous pouvons seulement tenter de deviner ce que fut cette civilisation que les armes ont tuées, dont les armes ont détruit les œuvres. Avec si peu de données, on ne peut espérer qu'en retrouver l'esprit ; c'est pourquoi, si le poème en donne un tableau embelli, il n'en est pas par là un moins bon guide ; car c'est l'esprit même d'une civilisation qui s'exprime dans les tableaux qu'en donnent ses poètes. (...) Chaque civilisation, comme chaque homme, a la totalité des notions morales à sa disposition, et choisit. (...) Si l'intolérance l'emporta, c'est seulement parce que les épées de ceux qui avaient choisi l'intolérance furent victorieuses (...) L’Europe n'a plus jamais retrouvé au même degré la liberté spirituelle perdue par l'effet de cette guerre. »

5. Peter T. RICKETTS (éd.), Concordance de l'Occitan médiéval : Les troubadours. Les textes narratifs en vers [CD ROM], Brepols.



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Menu servi à Saint Savournin d'Ate
Menu du banquet organisé à Saint Savournin d'Ate pour la fête du Moulin le 6 août 1939. menu imprimé illustré d'une photographie et d'un poème de Frédéric Mistral.
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Second congrès de langue et littérature du midi de la France, dîner du 6 septembre 1958

Menu du dîner donné à l'occasion du second congrès de langue et littérature du midi de la France, tenu le 6 septembre 1958 à Aix en Provence. Menu imprimé illustré d'un bois gravé et contenant un poème de Bellaud de la Bellaudière.

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