On désigne par le terme de « chansonnier » (cançonièr en occitan) des recueils manuscrits de « chansons », poésies des troubadours d’expression occitane, compilés et rédigés entre le milieu du XIIIe et le milieu du XIVe siècle.
Les chansonniers occitans - parfois appelés « chansonniers provençaux » selon la tradition philologique du XIXe siècle - forment des recueils de la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècles, ordonnés par un créateur, qui est parfois un troubadour, mais dans la très grande majorité des cas un « collectionneur » ou « compilateur » selon un projet anthologique : le plus souvent par genre (cansos, sirventes, tensos et partimens, etc.) et, à l’intérieur de chaque genre, par troubadour ainsi élevés au rang d’ « auteur », que le compilateur peut présenter par une biographie (vida) et une explication de son poème (razo).
Un chansonnier n’est pas à proprement parler un recueil fidèle de l’art des troubadours mais « constitue une délimitation, voire une organisation particulière du corpus de la poésie lyrique des troubadours, pourvue d’un sens historique et culturel même par rapport à l’ensemble de la tradition1».
Pour autant, les 40 chansonniers occitans conservés, auxquels il faut ajouter les copies et les citations de troubadours dans d’autres œuvres (manuscrits dits « de la tradition indirecte »), constituent le conservatoire de la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècle, ayant transmis 2542 poèmes attribués à 460 troubadours connus auxquels il convient d’ajouter les œuvres anonymes. Le nombre de ces dernières n’est à ce jour pas déterminé, les sources variant d’environ 250 à quelques dizaines.
< chansonniers provençaux
< chansonniers limousins
La tradition philologique du XIXe siècle fit de « provençal » l’adjectif désignant le domaine de l’ancien occitan dans son ensemble, reprenant l’appellation italienne qui, dès le Moyen Âge la désignait par proensal (provenzale), en référence à la provincia romana (Gaule meridionale). Les termes de « provençal » et « ancien provençal » sont aujourd’hui abandonnés au profit de « occitan » afin de ne pas créer d’ambiguïté avec la région de la Provence historique ou actuelle et avec le dialecte occitan provençal.
Une appellation plus ancienne et moins répandue qualifie également ces chansonniers de « limousins » principalement à cause du nombre important de troubadours issus de cette région. Elle fut néanmoins assez rapidement délaissée.
Les chansonniers occitans forment le plus important corpus littéraire médiéval du domaine occitan avec 40 manuscrits (chansonniers originaux complets ou fragmentaires, et copies de chansonniers perdus), et plus d’une centaine si l’on compte les copies de chansonniers.[imatge id=21645]
Ce corpus présente des documents très divers, souvent sur parchemin (34 sur 40), de formats et de contenus très différents, allant du chansonnier précieux, de grand format, très soigné et miniaturé, contenant un grand nombre de poésies présentées selon une organisation rigoureuse, à des chansonniers de formats plus petits, moins précieux et moins volumineux.
Les chansonniers les plus soignés peuvent contenir des miniatures, souvent des initiales historiées (représentations d’un personnage dans les initiales les plus importantes du texte) contenant le portrait stéréotypé de chaque troubadour représenté d’après sa vida. Ils sont pour la plupart parés d’attributs qui les situent socialement : en arme ou à cheval, en costume noble, clérical ou populaire. On remarque une majorité de troubadours nobles (chansonniers A, I, H et K).
Le chansonnier R suggère une image plus facétieuse de la poésie des troubadours avec ses initiales qui se terminent en tête grotesques de jongleur, d’oiseaux et de chimères.
[imatge id=21646] Quelques chansonniers contiennent également des notations mélodiques. Ces chansons ont pour principal sujet l’amour, exprimé avec magnificence dans le genre de la canso. Cette louange poétique de la femme aimée est magnifiée par le troubadour par sa capacité à « trouver » une ingénieuse combinaison entre mots et musique. De cette poésie chantée, seuls 4 chansonniers ont conservé une notation musicale de la mélodie (1/10e seulement des textes de troubadours comportent une mélodie) : R, BnF fr. 22543 ; G, Milan, Bibl. Ambr., R 71 sup. ; W, BnF fr. 844 ; X, BnF fr. 20050. Dans les chansonniers musicaux, seule la mélodie de la première strophe est notée.
L’ensemble des mélodies des chansonniers a fait l’objet de deux grandes éditions scientifiques. D’abord par Ismael Fernández de la Cuesta et Robert Lafont dans Las cançons dels trobadors édité par l’Institut d’Estudis Occitans en 1979 puis par Hendrik Van der Werf dans The Extant Troubadour Melodies édité par Rochester en 1984.
L’ensemble du corpus des chansons avec notation mélodique a fait l’objet d’un travail de recherche, d’interprétation et d’enregistrement par le Troubadour Art Ensemble dirigé par Gérard Zuchetto. Ce travail, La Tròba, a été publié entre 2006 à 2011.
Si les chansonniers occitans ont permis de conserver et transmettre la poésie lyrique des XIIe et XIIIe siècles, influençant la poésie lyrique européenne dans son ensemble et devenant à partir du XVIe siècle (Jean de Nostredame) et surtout du XIXe siècle (Rochegude, Raynouard, Bartsch, Meyer, Jeanroy, etc.) un objet d’étude international, les chansonniers ne reflètent en réalité la lyrique occitane des troubadours qu’avec un certain décalage. [imatge id=11274]
D’abord parce que l’entreprise de compilation a fixé par écrit une poésie qui était chantée et vivante. Elle est le fait d’un compilateur collectionneur de chansons de troubadours, et non des troubadours eux-mêmes à quelques exceptions près. Laura Kendrick a par exemple noté que les poésies du premier des troubadours Guilhem IX duc d’Aquitaine, sans doute jugées trop grivoises, ne sont jamais placées en tête voire ne figurent pas du tout dans les plus anciens chansonniers : « Le rôle des compilateurs des XIIIe et XIVe siècles a été de recadrer d’une manière plus valorisante les images que les troubadours des premières générations ont données d’eux-mêmes et de leur art ». Ainsi, comme le note Jean-Baptiste Camps « chaque chansonnier se veut une redéfinition, voire une recréation, du corpus de la littérature occitane, et porte en lui des traces assez fortes d’un projet. »
Ensuite les chansonniers sont produits avec un décalage chronologique, dans une période comprise entre 1250 et 1350 tandis que les troubadours sont actifs des années 1200 aux années 1300 environ. La lyrique des troubadours est ainsi compilée et mise à l’écrit dans un contexte de déclin, puis de disparition, les chansonniers devenant des livres-conservatoires comme le note Jean-Baptiste Camps : « Pour la plupart rédigés aux dernières heures de gloire de la lyrique occitane, ils fixent et donnent une forme achevée, une interprétation, à ce qui était une tradition vivante, chamarrée, et souvent bien peu sage. Ils en font un objet de connaissance, tandis que cette lyrique devient peu à peu une littérature pour spécialistes, pour érudits. »
Le dernier décalage est lui géographique. En effet, une grande partie des chansonniers conservés est le fruit de la migration des troubadours à la recherche d’un nouveau patronage : Marcabru partira pour la cour de Barcelone, Peire Vidal en Espagne, d’autre en France du Nord. C’est ensuite l’Italie qui au cours du XIIIe siècle recueillera de nombreux troubadours. Raimbaut de Vaqueyras est ainsi le premier à franchir les Alpes, aux alentours de 1191, et à se fixer auprès de Boniface de Montferrat. Nombre l’imiteront, probablement en grande partie en raison de la croisade contre les Albigeois. Parmi les chansonniers modernes plus de la moitié sont ainsi produits en Italie du Nord. François Zufferey a pu noter que ces décalages brouillent considérablement notre perception de la lyrique des troubadours, comme par exemple la koinè, unité linguistique des textes occitans médiévaux quelle que soit l’origine de leur auteur. Celle-ci pourrait ainsi être davantage issue du fait du compilateur.
Selon Laura Kendrick cette théorie pourrait d’ailleurs être prolongée. Pour elle, ces quelques exemples suggèrent que les compilateurs de la poésie des troubadours ont pu prendre modèle sur certaines compilations de textes bibliques classiques pour leur mise en page ainsi que leur appareil visuel.
La bibliographie contemporaine des chansonniers occitans médiévaux est établie à partir de deux types de sources. D’une part les manuscrits témoins, qui ne contiennent que les textes lyriques des troubadours, et d’autre part les manuscrits qui citent ces textes comme celui du Breviari d’amour par exemple.
Aussi il fut nécessaire depuis les débuts de l’étude de ce corpus de classer ces manuscrits anciens afin de constituer des ensembles les plus cohérents possible. La première personne a effectuer un travail de ce type est le romaniste Paul Meyer dans Les derniers troubadours de Provence publié en 1871, il y propose un système de classement basé sur le lieu de dépôt des chansonniers mais ce système ne sera pas suivi par ses confrères. C’est en fait l’allemand Karl Bartsch dans son Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Literatur publié en 1872 qui pose les jalons de classement contemporain des chansonniers provençaux. Ce premier travail sera plusieurs fois amélioré en suite des progrès de la recherche sur la matière médiévale occitane. D’abord par Alfred Jeanroy dans sa Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux parue en 1916, puis par Alfred Pillet et Heny Carstens dans Bibliographie der troubadours en 1933, peu après par Clovis Brunel dans sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal parue en 1935 et enfin par François Zufferey dans sa Bibliographie des poètes provençaux des XIVe et XVe siècles paru en 1981.
Le corpus défini, l’emploi de sigles a été adopté afin de définir chaque manuscrit spécifiquement. Ceci afin de pallier à l’absence d'appellation sur chaque manuscrit. Nombre d’entre eux ne possédant pas de titre ou n’étant que fragmentaire. Ainsi Karl Bartsch distingue d’abord les manuscrits en fonction de la nature de leur matériau de fabrication, appliquant des appellations par lettre latine majuscule (exemple : manuscrit A) se réfèrent aux manuscrits en parchemin tandis que les appellations par lettre latine minuscule (exemple : manuscrit a) se réfèrent aux manuscrits en papier. Cette proposition de dénomination sera par la suite étoffée par chaque bibliographe et aujourd’hui encore les modifications basées sur ce système sont possible. Néanmoins, il convient de distinguer :
- ces appellations, propres aux romanistes, pouvant parfois être reprises par les établissements de conservation (exemple le chansonnier K de la BNF)
- les appellations employées par les établissements de conservation et qui reprennent parfois les lettres de l’alphabet.
En 1935, Clovis Brunel répertorie par une étude minutieuse 376 manuscrits dans sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal distinguant ainsi 95 chansonniers, aujourd’hui le classement de François Zufferey recense 40 chansonniers occitans, ceci par la mise à l’écart des copies multiples de certaines pièces, des chansonniers français et catalans et par une définition plus stricte du chansonnier comme émanation de la lyrique des troubadours.
Cette liste a été établie par François Zufferey dans ses Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux.
Chansonniers en parchemin :
A = Fin du XIIIe siècle, Vénétie (copistes probablement auvergnats)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 5232 -> Voir le manuscrit en ligne
B = Fin du XIIIe siècle, Haute-Auvergne
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1592 -> Voir le manuscrit en ligne
C = XIVe siècle, région de Narbonne
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 856 -> Voir le manuscrit en ligne
D = 1254, Vénétie
Modène, Biblioteca Estense, α . R. 4. 4 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
E = XIVe siècle, région comprise entre Béziers et Montpellier
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1749 -> Voir le manuscrit en ligne
F = Vénétie
Rome, Biblioteca Chigiana, Chigi L. IV. 106
G = Origine possible : Lombardie
Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 71 sup. -> Voir le manuscrit en ligne (accès payant, 5€ pour 24 heures d’accès)
H = Vénétie
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat.lat. 3207
I = Début du XIVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 854 -> Voir le manuscrit en ligne
J = Réalisé à la fin du XIIIe siècle ou au XIVe siècle, probablement à Nimes
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Conv. Sopp. F. IV. 776
K = Début du XIVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12473 -> Voir le manuscrit en ligne
L = origine possible : Lombardie
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3206
M = origine possible : Lombardie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 -> Voir le manuscrit en ligne
N = Origine possible : Mantoue
New York, Pierpont Morgan Library, 819 -> Voir le manuscrit en ligne
O = Vénétie (copistes italiens et Jacques Teissier, de Tarascon)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3208
P = 1310, Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 42
Q = Lombardie, peut-être Pavie ou Crémone
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2909
R = Début du XIVe siècle, origine possible : Toulouse
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 22543 -> Voir le manuscrit en ligne
S = Origines possibles : Vénétie ou Toscane
Oxford, Bodleian Library , Douce 269
T = XVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 15211 -> Voir le manuscrit en ligne
U = Origines possibles : Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 43
V = 1268, réalisé en Catalogne ou par des copistes catalans
Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, fr. App. cod. XI
Y = XIVe siècle, réalisé par un copiste italien dans le Nord de la France
Copenhague, Bibliothèque Royale, Thott 1087
Z = XIVe siècle, réalisé en Catalogne ou par des copistes catalans, sur un modèle italien
Barcelone, Biblioteca de Catalunya, 146 -> Voir le manuscrit en ligne
Fragments :
A’ = Fin du XIIIe siècle, Vénétie (copistes probablement auvergnats)
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 (fol. 269) [= fol. 71] -> Voir le feuillet en ligne
Ravenne, Biblioteca Classensa, 165 [= fol. 88]
K’ = Début du XIVe, Vénétie
Udine, Biblioteca Arcivescovile, Cod. frag. I, 265
K’’ = Début du XIVe, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, naf. 23789 -> Voir le manuscrit en ligne
m = Vénétie
La Haye, Bibliothèque Royale, 135 F 28 [= cah. III]
Milan, Biblioteca della Facoltà di Giurisprudenza [= cah. VI]
p = XIIIe ou XIVe siècle, Languedoc oriental ou Provence
Perpignan, Bibliothèque Municipale, 128 -> Voir le manuscrit en ligne
r = Lombardie
Florence, Biblioteca Riccardiana, 294
s = Lombardie
Sienne, Archivio di Stato, C 60 (int. 4)
x = Vénétie
Rome, Biblioteca Nazionale Centrale, Vitt. Em. 1119
y = Vénétie
Sondrio, Archivio di Stato, Romegialli [me, Coll. Paolo Gaffuri]
z = Vénétie
Bologne, Archivio di Stato
Chansonniers en papier :
c = XVe siècle, origines possibles : Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XC inf. 26
f = Début du XIVe siècle, Provence, probablement Arles
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12472 -> Voir le manuscrit en ligne
Copies (en papier) de chansonniers perdus :
a = Manuscrit du XIVe siècle perdu, copie du début du XVIe siècle, faite à Florence par Jacques Teissier, de Tarascon
“chansonnier de Bernart Amoros” reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2814 (fol. 1-132)
Modène, Biblioteca Estense, γ. N. 8. 4. 11, 12, 13 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Pal. 1198
b = Manuscrit du XIIIe siècle perdu, copie du XVIe siècle, faite par le copiste Barbieri
chansonnier de Miquel de la Tor reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 4087 (fol. 9-53)
Barbieri, Giovanni Maria. Dell'Origine della poesia rimata opera di Giammaria Barbieri... Pubblicata ora per la prima volta e con annotazioni illustrata dal cav. ab. Girolamo Tiraboschi. Modène : Presso la Societa tipografica, 1790
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 3965
d = XVIe siècle, origine possible : Vénétie
Berlin, Staatsbibliothek, Phillipps 1910
e = XVIe siècle, origine possible : Lombardie, sur un modèle languedocien occidental
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 7182
1. Stefano Asperti, « Répertoires et attributions : une réflexion sur le système de classification des textes dans le domaine de la poésie des troubadours », dans Contacts de langues, de civilisation et intertextualité. IIIe Congrès international de l’association d’études occitanes, t. II, Montpellier, 1992, p. 592↑
]]>On désigne par le terme de « chansonnier » (cançonièr en occitan) des recueils manuscrits de « chansons », poésies des troubadours d’expression occitane, compilés et rédigés entre le milieu du XIIIe et le milieu du XIVe siècle.
Les chansonniers occitans - parfois appelés « chansonniers provençaux » selon la tradition philologique du XIXe siècle - forment des recueils de la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècles, ordonnés par un créateur, qui est parfois un troubadour, mais dans la très grande majorité des cas un « collectionneur » ou « compilateur » selon un projet anthologique : le plus souvent par genre (cansos, sirventes, tensos et partimens, etc.) et, à l’intérieur de chaque genre, par troubadour ainsi élevés au rang d’ « auteur », que le compilateur peut présenter par une biographie (vida) et une explication de son poème (razo).
Un chansonnier n’est pas à proprement parler un recueil fidèle de l’art des troubadours mais « constitue une délimitation, voire une organisation particulière du corpus de la poésie lyrique des troubadours, pourvue d’un sens historique et culturel même par rapport à l’ensemble de la tradition1».
Pour autant, les 40 chansonniers occitans conservés, auxquels il faut ajouter les copies et les citations de troubadours dans d’autres œuvres (manuscrits dits « de la tradition indirecte »), constituent le conservatoire de la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècle, ayant transmis 2542 poèmes attribués à 460 troubadours connus auxquels il convient d’ajouter les œuvres anonymes. Le nombre de ces dernières n’est à ce jour pas déterminé, les sources variant d’environ 250 à quelques dizaines.
< chansonniers provençaux
< chansonniers limousins
La tradition philologique du XIXe siècle fit de « provençal » l’adjectif désignant le domaine de l’ancien occitan dans son ensemble, reprenant l’appellation italienne qui, dès le Moyen Âge la désignait par proensal (provenzale), en référence à la provincia romana (Gaule meridionale). Les termes de « provençal » et « ancien provençal » sont aujourd’hui abandonnés au profit de « occitan » afin de ne pas créer d’ambiguïté avec la région de la Provence historique ou actuelle et avec le dialecte occitan provençal.
Une appellation plus ancienne et moins répandue qualifie également ces chansonniers de « limousins » principalement à cause du nombre important de troubadours issus de cette région. Elle fut néanmoins assez rapidement délaissée.
Les chansonniers occitans forment le plus important corpus littéraire médiéval du domaine occitan avec 40 manuscrits (chansonniers originaux complets ou fragmentaires, et copies de chansonniers perdus), et plus d’une centaine si l’on compte les copies de chansonniers.[imatge id=21645]
Ce corpus présente des documents très divers, souvent sur parchemin (34 sur 40), de formats et de contenus très différents, allant du chansonnier précieux, de grand format, très soigné et miniaturé, contenant un grand nombre de poésies présentées selon une organisation rigoureuse, à des chansonniers de formats plus petits, moins précieux et moins volumineux.
Les chansonniers les plus soignés peuvent contenir des miniatures, souvent des initiales historiées (représentations d’un personnage dans les initiales les plus importantes du texte) contenant le portrait stéréotypé de chaque troubadour représenté d’après sa vida. Ils sont pour la plupart parés d’attributs qui les situent socialement : en arme ou à cheval, en costume noble, clérical ou populaire. On remarque une majorité de troubadours nobles (chansonniers A, I, H et K).
Le chansonnier R suggère une image plus facétieuse de la poésie des troubadours avec ses initiales qui se terminent en tête grotesques de jongleur, d’oiseaux et de chimères.
[imatge id=21646] Quelques chansonniers contiennent également des notations mélodiques. Ces chansons ont pour principal sujet l’amour, exprimé avec magnificence dans le genre de la canso. Cette louange poétique de la femme aimée est magnifiée par le troubadour par sa capacité à « trouver » une ingénieuse combinaison entre mots et musique. De cette poésie chantée, seuls 4 chansonniers ont conservé une notation musicale de la mélodie (1/10e seulement des textes de troubadours comportent une mélodie) : R, BnF fr. 22543 ; G, Milan, Bibl. Ambr., R 71 sup. ; W, BnF fr. 844 ; X, BnF fr. 20050. Dans les chansonniers musicaux, seule la mélodie de la première strophe est notée.
L’ensemble des mélodies des chansonniers a fait l’objet de deux grandes éditions scientifiques. D’abord par Ismael Fernández de la Cuesta et Robert Lafont dans Las cançons dels trobadors édité par l’Institut d’Estudis Occitans en 1979 puis par Hendrik Van der Werf dans The Extant Troubadour Melodies édité par Rochester en 1984.
L’ensemble du corpus des chansons avec notation mélodique a fait l’objet d’un travail de recherche, d’interprétation et d’enregistrement par le Troubadour Art Ensemble dirigé par Gérard Zuchetto. Ce travail, La Tròba, a été publié entre 2006 à 2011.
Si les chansonniers occitans ont permis de conserver et transmettre la poésie lyrique des XIIe et XIIIe siècles, influençant la poésie lyrique européenne dans son ensemble et devenant à partir du XVIe siècle (Jean de Nostredame) et surtout du XIXe siècle (Rochegude, Raynouard, Bartsch, Meyer, Jeanroy, etc.) un objet d’étude international, les chansonniers ne reflètent en réalité la lyrique occitane des troubadours qu’avec un certain décalage. [imatge id=11274]
D’abord parce que l’entreprise de compilation a fixé par écrit une poésie qui était chantée et vivante. Elle est le fait d’un compilateur collectionneur de chansons de troubadours, et non des troubadours eux-mêmes à quelques exceptions près. Laura Kendrick a par exemple noté que les poésies du premier des troubadours Guilhem IX duc d’Aquitaine, sans doute jugées trop grivoises, ne sont jamais placées en tête voire ne figurent pas du tout dans les plus anciens chansonniers : « Le rôle des compilateurs des XIIIe et XIVe siècles a été de recadrer d’une manière plus valorisante les images que les troubadours des premières générations ont données d’eux-mêmes et de leur art ». Ainsi, comme le note Jean-Baptiste Camps « chaque chansonnier se veut une redéfinition, voire une recréation, du corpus de la littérature occitane, et porte en lui des traces assez fortes d’un projet. »
Ensuite les chansonniers sont produits avec un décalage chronologique, dans une période comprise entre 1250 et 1350 tandis que les troubadours sont actifs des années 1200 aux années 1300 environ. La lyrique des troubadours est ainsi compilée et mise à l’écrit dans un contexte de déclin, puis de disparition, les chansonniers devenant des livres-conservatoires comme le note Jean-Baptiste Camps : « Pour la plupart rédigés aux dernières heures de gloire de la lyrique occitane, ils fixent et donnent une forme achevée, une interprétation, à ce qui était une tradition vivante, chamarrée, et souvent bien peu sage. Ils en font un objet de connaissance, tandis que cette lyrique devient peu à peu une littérature pour spécialistes, pour érudits. »
Le dernier décalage est lui géographique. En effet, une grande partie des chansonniers conservés est le fruit de la migration des troubadours à la recherche d’un nouveau patronage : Marcabru partira pour la cour de Barcelone, Peire Vidal en Espagne, d’autre en France du Nord. C’est ensuite l’Italie qui au cours du XIIIe siècle recueillera de nombreux troubadours. Raimbaut de Vaqueyras est ainsi le premier à franchir les Alpes, aux alentours de 1191, et à se fixer auprès de Boniface de Montferrat. Nombre l’imiteront, probablement en grande partie en raison de la croisade contre les Albigeois. Parmi les chansonniers modernes plus de la moitié sont ainsi produits en Italie du Nord. François Zufferey a pu noter que ces décalages brouillent considérablement notre perception de la lyrique des troubadours, comme par exemple la koinè, unité linguistique des textes occitans médiévaux quelle que soit l’origine de leur auteur. Celle-ci pourrait ainsi être davantage issue du fait du compilateur.
Selon Laura Kendrick cette théorie pourrait d’ailleurs être prolongée. Pour elle, ces quelques exemples suggèrent que les compilateurs de la poésie des troubadours ont pu prendre modèle sur certaines compilations de textes bibliques classiques pour leur mise en page ainsi que leur appareil visuel.
La bibliographie contemporaine des chansonniers occitans médiévaux est établie à partir de deux types de sources. D’une part les manuscrits témoins, qui ne contiennent que les textes lyriques des troubadours, et d’autre part les manuscrits qui citent ces textes comme celui du Breviari d’amour par exemple.
Aussi il fut nécessaire depuis les débuts de l’étude de ce corpus de classer ces manuscrits anciens afin de constituer des ensembles les plus cohérents possible. La première personne a effectuer un travail de ce type est le romaniste Paul Meyer dans Les derniers troubadours de Provence publié en 1871, il y propose un système de classement basé sur le lieu de dépôt des chansonniers mais ce système ne sera pas suivi par ses confrères. C’est en fait l’allemand Karl Bartsch dans son Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Literatur publié en 1872 qui pose les jalons de classement contemporain des chansonniers provençaux. Ce premier travail sera plusieurs fois amélioré en suite des progrès de la recherche sur la matière médiévale occitane. D’abord par Alfred Jeanroy dans sa Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux parue en 1916, puis par Alfred Pillet et Heny Carstens dans Bibliographie der troubadours en 1933, peu après par Clovis Brunel dans sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal parue en 1935 et enfin par François Zufferey dans sa Bibliographie des poètes provençaux des XIVe et XVe siècles paru en 1981.
Le corpus défini, l’emploi de sigles a été adopté afin de définir chaque manuscrit spécifiquement. Ceci afin de pallier à l’absence d'appellation sur chaque manuscrit. Nombre d’entre eux ne possédant pas de titre ou n’étant que fragmentaire. Ainsi Karl Bartsch distingue d’abord les manuscrits en fonction de la nature de leur matériau de fabrication, appliquant des appellations par lettre latine majuscule (exemple : manuscrit A) se réfèrent aux manuscrits en parchemin tandis que les appellations par lettre latine minuscule (exemple : manuscrit a) se réfèrent aux manuscrits en papier. Cette proposition de dénomination sera par la suite étoffée par chaque bibliographe et aujourd’hui encore les modifications basées sur ce système sont possible. Néanmoins, il convient de distinguer :
- ces appellations, propres aux romanistes, pouvant parfois être reprises par les établissements de conservation (exemple le chansonnier K de la BNF)
- les appellations employées par les établissements de conservation et qui reprennent parfois les lettres de l’alphabet.
En 1935, Clovis Brunel répertorie par une étude minutieuse 376 manuscrits dans sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal distinguant ainsi 95 chansonniers, aujourd’hui le classement de François Zufferey recense 40 chansonniers occitans, ceci par la mise à l’écart des copies multiples de certaines pièces, des chansonniers français et catalans et par une définition plus stricte du chansonnier comme émanation de la lyrique des troubadours.
Cette liste a été établie par François Zufferey dans ses Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux.
Chansonniers en parchemin :
A = Fin du XIIIe siècle, Vénétie (copistes probablement auvergnats)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 5232 -> Voir le manuscrit en ligne
B = Fin du XIIIe siècle, Haute-Auvergne
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1592 -> Voir le manuscrit en ligne
C = XIVe siècle, région de Narbonne
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 856 -> Voir le manuscrit en ligne
D = 1254, Vénétie
Modène, Biblioteca Estense, α . R. 4. 4 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
E = XIVe siècle, région comprise entre Béziers et Montpellier
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1749 -> Voir le manuscrit en ligne
F = Vénétie
Rome, Biblioteca Chigiana, Chigi L. IV. 106
G = Origine possible : Lombardie
Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 71 sup. -> Voir le manuscrit en ligne (accès payant, 5€ pour 24 heures d’accès)
H = Vénétie
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat.lat. 3207
I = Début du XIVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 854 -> Voir le manuscrit en ligne
J = Réalisé à la fin du XIIIe siècle ou au XIVe siècle, probablement à Nimes
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Conv. Sopp. F. IV. 776
K = Début du XIVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12473 -> Voir le manuscrit en ligne
L = origine possible : Lombardie
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3206
M = origine possible : Lombardie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 -> Voir le manuscrit en ligne
N = Origine possible : Mantoue
New York, Pierpont Morgan Library, 819 -> Voir le manuscrit en ligne
O = Vénétie (copistes italiens et Jacques Teissier, de Tarascon)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3208
P = 1310, Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 42
Q = Lombardie, peut-être Pavie ou Crémone
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2909
R = Début du XIVe siècle, origine possible : Toulouse
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 22543 -> Voir le manuscrit en ligne
S = Origines possibles : Vénétie ou Toscane
Oxford, Bodleian Library , Douce 269
T = XVe siècle, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 15211 -> Voir le manuscrit en ligne
U = Origines possibles : Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 43
V = 1268, réalisé en Catalogne ou par des copistes catalans
Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, fr. App. cod. XI
Y = XIVe siècle, réalisé par un copiste italien dans le Nord de la France
Copenhague, Bibliothèque Royale, Thott 1087
Z = XIVe siècle, réalisé en Catalogne ou par des copistes catalans, sur un modèle italien
Barcelone, Biblioteca de Catalunya, 146 -> Voir le manuscrit en ligne
Fragments :
A’ = Fin du XIIIe siècle, Vénétie (copistes probablement auvergnats)
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 (fol. 269) [= fol. 71] -> Voir le feuillet en ligne
Ravenne, Biblioteca Classensa, 165 [= fol. 88]
K’ = Début du XIVe, Vénétie
Udine, Biblioteca Arcivescovile, Cod. frag. I, 265
K’’ = Début du XIVe, Vénétie
Paris, Bibliothèque Nationale de France, naf. 23789 -> Voir le manuscrit en ligne
m = Vénétie
La Haye, Bibliothèque Royale, 135 F 28 [= cah. III]
Milan, Biblioteca della Facoltà di Giurisprudenza [= cah. VI]
p = XIIIe ou XIVe siècle, Languedoc oriental ou Provence
Perpignan, Bibliothèque Municipale, 128 -> Voir le manuscrit en ligne
r = Lombardie
Florence, Biblioteca Riccardiana, 294
s = Lombardie
Sienne, Archivio di Stato, C 60 (int. 4)
x = Vénétie
Rome, Biblioteca Nazionale Centrale, Vitt. Em. 1119
y = Vénétie
Sondrio, Archivio di Stato, Romegialli [me, Coll. Paolo Gaffuri]
z = Vénétie
Bologne, Archivio di Stato
Chansonniers en papier :
c = XVe siècle, origines possibles : Vénétie ou Toscane
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XC inf. 26
f = Début du XIVe siècle, Provence, probablement Arles
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12472 -> Voir le manuscrit en ligne
Copies (en papier) de chansonniers perdus :
a = Manuscrit du XIVe siècle perdu, copie du début du XVIe siècle, faite à Florence par Jacques Teissier, de Tarascon
“chansonnier de Bernart Amoros” reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2814 (fol. 1-132)
Modène, Biblioteca Estense, γ. N. 8. 4. 11, 12, 13 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Pal. 1198
b = Manuscrit du XIIIe siècle perdu, copie du XVIe siècle, faite par le copiste Barbieri
chansonnier de Miquel de la Tor reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 4087 (fol. 9-53)
Barbieri, Giovanni Maria. Dell'Origine della poesia rimata opera di Giammaria Barbieri... Pubblicata ora per la prima volta e con annotazioni illustrata dal cav. ab. Girolamo Tiraboschi. Modène : Presso la Societa tipografica, 1790
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 3965
d = XVIe siècle, origine possible : Vénétie
Berlin, Staatsbibliothek, Phillipps 1910
e = XVIe siècle, origine possible : Lombardie, sur un modèle languedocien occidental
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 7182
1. Stefano Asperti, « Répertoires et attributions : une réflexion sur le système de classification des textes dans le domaine de la poésie des troubadours », dans Contacts de langues, de civilisation et intertextualité. IIIe Congrès international de l’association d’études occitanes, t. II, Montpellier, 1992, p. 592↑
Se designa per lo tèrme de cançonièr los recuèlhs manuscrits de « cançons », poesias de trobadors d’expression occitana, compilats e redigits entre lo mitan del sègle XIII e lo mitan del sègle XIV.
Los cançonièrs occitans - de còps apelats « cançonièrs provençals » segon la tradicion filologica del sègle XIX - fòrman de recuèlhs de la lirica occitana dels sègles XII e XIII, ordenats per un creator, qu’es dins qualques cases un trobador, mas dins la granda majoritat un « colleccionaire » o « compilaire » segon un projècte antologic : mai sovent segon un genre (cansos, sirventes, tensos e partiments, etc.) e, al dintre de cada genre, per trobadors enauçats al reng d’ « autor », que lo compilaire pòt presentar per una biografia (vida) e una explicacion de son poèma (razo).
Un cançonièr es pas exactament un recuèlh fidèl de l’art dels trobadors mas « constituís una delimitacion, veire una organizacion particulara del còrpus de la poesia lirica dels trobadors, provesida d’un sens istoric e cultural emai rapòrt a l’ensems de la tradicion12 ».
Pasmens, los 40 cançonièrs occitans conservats, que i cal apondre las còpias e las citacions de trobadors dins d’autras òbras (manuscrits diches « de la tradicion indirècta »), constituisson un conservatòri de la lirica occitana dels sègles XII e XIII, qu’an transmés 2542 poèmas atribuïts a 460 trobadors coneguts que i cal encara apondre las òbras anonimas. Lo nombre d’aquelas darrièras es d’uèi pas encara determinat, las sorsas pòdon variar d’environ 250 a qualquas desenas.
< chançonièrs provençals
< chançonièrs lemousins
La tradicion filologica del sègle XIX faguèt de « provençal » l’adjectiu que designava lo domeni de l’occitan ancian dins son ensems que tornava emplegar l’apellacion italiana de l’Edat Mejana proensal (provenzale en italian), en referéncia a la provincia romana (Gàllia meridionala). Los tèrmes de « provençal » e « ancian provençal » son d’uèi abandonats al profièch d’ « occitan » per tal de pas crear d’ambiguitat amb la region de la Provença istorica o actuala e amb lo dialecte provençal ancian.
Una apellacion mai anciana e mens espandida qualifica tanben aqueles cançonièrs de « lemosins » mai que mai en causa del nombre important de trobadors eissits d’aquela region. Es pasmens estada lèu mesa de costat.
Los cançonièrs occitans fòrman lo còrpus literari medieval mai important del domeni occitan amb 40 manuscrits (cançonièrs originals complets o fragmentaris, e còpias de cançonièrs perduts), e mai d’un centenat se comptam las còpias de cançonièrs. [imatge id=21645]
Aquel còrpus presenta de documents fòrça divèrses, sovent sus pergamin (34 sus 40), de formats e de contenguts fòrça diferents, que van del cançonièr preciós, de grand format, fach amb fòrça suènh e illustrat de miniaturas, que conten un grand nombre de poesias presentadas segon una organizacion rigorosa, a de cançonièrs del format mai pichòt, mens precioses e voluminoses.
Los cançonièrs faches amb lo mai de suènh pòdon conténer de miniaturas, sovent d’inicialas istoriadas (representacions d’un personatge dins las inicialas mai importantas del tèxte) que contenan lo retrach estereotipat de cada trobador representat segon sa vida. An per la màger part d'entre eles d’atributs que los plaçan socialament : en armas o a caval, en vestit nòble, clerical o popular. Se remarca una majoritat de trobadors nòbles (cançonièrs A, I, H e K).
Lo cançonièr R suggerís un imatge mai faceciós de la poesia dels trobadors amb las inicialas que s’acaban amb de fàcias grotescas de jonglaires, d’aucèls e de quimèras.
[imatge id=21646] Qualques cançonièrs contenon tanben de notacions melodicas. Aquelas cançons an per principal subjècte l’amor, exprimit amb magnificéncia dins lo genre de la canso. Aquel laus poetic de la femna aimada es magnificat per lo trobador per sa capacitat a « trobar » una combinason engenhosa entre mots e musica. D’aquela poesia cantada, sonque 4 cançonièrs an servats una notacion musicala de la melodia (1/10en solament dels tèxtes de trobadors compòrtan una melodia) : R, BnF fr. 22543 ; G, Milan, Bibl. Ambr., R 71 sup. ; W, BnF fr. 844 ; X, BnF fr. 20050. Dins los cançonièrs musicals, la melodia de la primièra estròfa es la sola a èsser notada.
L’ensems de las melodias dels cançonièrs faguèron l’objècte de doas grandas edicions scientificas. Primièr per Ismael Fernández de la Cuesta e Robert Lafont dins Las cançons dels trobadors editat per l’Institut d’Estudis Occitans en 1979 puèi per Hendrik Van der Welf dins The Extant Troubadour Melodies editat per Rochester en 1984.
L’ensems del còrpus de las cançons amb notacion musicala faguèt l’objècte d’un trabalh de recèrca, d’interpretacion e d’enregistrament per lo Troubadour Art Ensemble dirigit per Gérard Zuchetto. Aquel trabalh, La Tròba, es estat publicat entre 2006 a 2011.
Se los cançonièrs occitans an permés de conservar e transmetre la poesia lirica dels sègles XII e XIII, influenciant la poesia lirica europenca dins son ensems e devenent a partir del sègle XVI (Joan de Nòstradòna) e mai que mai del sègle XIX (Rochegude, Raynouard, Bartsch, Meyer, Jeanroy, etc.) un objècte d’estudi internacional, los cançonièrs revèrtan en realitat la lirica occitana dels trobadors sonque amb una fidelitat un pauc relativa. [imatge id=11274]
D’abòrd perque l’entrepresa de compilacion a fixat per escrich una poesia qu’èra cantada e viventa. Es deguda a un compilaire colleccionaire de cançons de trobadors, e non als trobadors eles-meteisses, a qualquas exepcions pròche. Laura Kendrick a per exemple notat que las poesias del primièr dels trobadors, Guilhem IX duc d’Aquitània, probablament jutjadas tròp calhòlas, son jamai plaçadas en debuta dels cançonièrs mai ancians o ne son de còps absentas : « Lo ròtle dels compilaires dels sègles XIII e XIV es estat de recadrar d’un biais mai valorizant los imatges que los trobadors de las primièras generacions an donat d’eles-meteisses e de lor art »3. Doncas, coma lo nòta Jean-Baptiste Camps, « cada cançonièr se vòl una redefinicion, veire una recreacion, del còrpus de la literatura occitana, e pòrta en el de traças pro fòrtas d’un projècte. » 4
Puèi los cançonièrs son produches amb una diferéncia cronologica, dins un periòde comprés entre 1250 e 1350 mentre que los trobadors son actius de las annadas 1200 a las annadas 1300 environ. La lirica dels trobadors es doncas compilada e mesa a l’escrich dins un contèxte de declin, puèi de desaparicion, los cançonièrs devenon de libres-conservatòris coma o nòta Jean-Baptise Camps : « Per la màger part redigidas a las darrièras oras de la glòria de la lirica occitana, fixan e dònan una forma acabada, una interpretacion, de çò qu’èra una tradicion viventa, chimarrada, e sovent plan pauc sàvia. Fan d’aquela lirica un objècte de coneissença, mentre que deven pauc a pauc una literatura per especialistas, per erudits. » 5
La darrièra diferéncia es ela geografica. En efièch, una granda partida dels cançonièrs conservats es la frucha de la migracion dels trobadors a la recèrca d’un novèl patronatge : Marcabru partirà per la cort de Barcelona, Peire Vidal en Espanha, d’autres en França del Nòrd. Es apuèi l’Itàlia que pendent lo sègle XIII reculhirà un grand nombre de trobadors. Raimbaut de Vaqueyras es lo primièr a passar los Alps, vèrs 1191, e a se fixar alprèp de Boniface de Montferrat. Serà fòrça imitat, probablament en causa de la crosada contra los Albigeses. Demest los cançonièrs modèrnes mai de la mitat seràn doncas produches en Itàlia. François Zufferey a pogut notar qu’aquelas diferéncias borrolan fòrça nòstra percepcion de la lirica dels trobadors, coma per exemple la koinè, unitat linguistica dels tèxtes medievals que preval sus l’origina de l’autor. La koinè poiriá doncas èsser mai deguda al compilaire qu’a l’autor.
Segon Laura Kendrick aquela teoria poiriá èsser perlongada. Per ela, aqueles qualques exemples suggerisson que los compilaires de la poesia dels trobadors an pogut prene modèl sus certanas compilacions de tèxtes biblics classics per lor mesa en pagina e per lor aparelh visual.
La bibliografia contemporanèa dels cançonièrs occitans medievals es establida a partir de doas menas de sorsas. D’una part los manuscrits testimònis, que contenan pas que los tèxtes lirics dels trobadors e d’autra part los manuscrits que citan aqueles tèxtes coma lo del Breviari d’amor per exemple.
Foguèt doncas necessari dempuèi las debutas de l’estudi d’aquel còrpus de classar aqueles manuscrits ancians per tal de constituïr d’ensembles mai coerents possible. La primièra persona a efectuar un tal trabalh es lo romanista Paul Meyer dins Les derniers troubadours de Provence publicat en 1871, ont propausa un sistèma de classament basat sus lo luòc de depaus dels cançonièrs mas aquel sistèma serà pas représ per sos confraires. Es en fach l’alemand Karl Bartsch dins son Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Literatur publicat en 1872 que met en plaça lo classament contemporanèu dels cançonièrs provençals. Aquel primièr trabalh serà mantun còps melhorat amb los progrèsses de la recèrca sus la matèria medievala occitana. D’abòrd per Alfred Jeanroy dins sa Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux paregut en 1916, puèi per Alfred Pillet e Henry Carstens dins Bibliographie der troubadours en 1933, pauc après per Clovis Brunel dins sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal pareguda en 1935 e enfin per François Zufferey dins sa Bibliographie des poètes provençaux des XIVe et XVe siècles pareguda en 1981.
Lo còrpus definit, l’emplec de sigles es estat adoptat per tal de definir cada manuscrit specificament. Aquò en causa de l’abséncia d’apellacion sus cada manuscrit puèi qu’un grand nombre d’aqueles possedís pas de títol o es sonque fragmentari. Karl Bartsch destria dins un primièr temps los manuscrits en fonccion de la natura de lor material de fabricacion e aplica d’apellacions per letra latina majuscula (exemple : manuscrit A) que se referisson als manuscrits de pergamin mentre que las apellacions per letra latina minuscula (exemple : manuscrit a) se referisson als manuscrits de papièr. Aquela propausicion de denominacion serà apuèi melhorada per cada bibliografia e uèi encara las modificacions basadas sus aquel sistèma son encara possiblas. Cal pasmens destriar aquelas apellacions, pròprias als romanistas, que son de còps represas pels establiments de conservacion (exemple lo cançonièr K de la BnF) de las apellacions emplegadas per los establiments de conservacion e que reprenon de còps las letras de l’alfabet.
En 1935, Clovis Brunel repertòria per un estudi minuciós 376 manuscrits dins sa Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal que i distinguís 95 manuscrits, uèi lo classament de François Zufferey recensa 40 cançonièrs occitans, aquò perque met de caire las còpias multiplas d'unas pèças, los cançonièrs franceses e catalans e causís una definicion mai estricta del cançonièr coma emanacion de la lirica dels trobadors.
Aquela lista foguèt establida per François Zufferey dins sas Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux.
Cançonièrs en pergamin :
A = Fin del sègle XIII, Venècia (copistas probablament auvernhats)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 5232 -> Voir le manuscrit en ligne
B = Fin del sègle XIII, Nauta-Auvèrnha
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1592 -> Voir le manuscrit en ligne
C = Sègle XIV, region de Narbona
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 856 -> Voir le manuscrit en ligne
D = 1254, Venècia
Modène, Biblioteca Estense, α . R. 4. 4 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
E = Sègle XIV, region compresa entre Besièrs e Montpelhièr
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 1749 -> Voir le manuscrit en ligne
F = Venècia
Rome, Biblioteca Chigiana, Chigi L. IV. 106
G = Origina possibla : Lombardia
Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 71 sup. -> Voir le manuscrit en ligne (accès payant, 5€ pour 24 heures d’accès)
H = Venècia
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat.lat. 3207
I = Debuta del sègle XIV, Venècia
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 854 -> Voir le manuscrit en ligne
J = Realizat a la fin del sègle XIII o al sègle XIV, probablament a Nimes
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Conv. Sopp. F. IV. 776
K = Debuta del sègle XIV, Venècia
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12473 -> Voir le manuscrit en ligne
L = Origina possibla : Lombardia
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3206
M = Origina possibla : Lombardia
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 -> Voir le manuscrit en ligne
N = Origina possibla : Màntoa
New York, Pierpont Morgan Library, 819 -> Voir le manuscrit en ligne
O = Venècia (copistas italians e Jacques Teissier, de Tarascon)
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. lat. 3208
P = 1310, Venècia o Toscana
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 42
Q = Lombardia, benlèu Pavia o Cremona
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2909
R = Debuta del sègle XIV, origina possibla : Tolosa
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 22543 -> Voir le manuscrit en ligne
S = Originas possiblas : Venècia o Toscana
Oxford, Bodleian Library , Douce 269
T = Sègle XV, Venècia
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 15211 -> Voir le manuscrit en ligne
U = Originas possiblas : Venècia o Toscana
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XLI. 43
V = 1268, realizat en Catalonha o per de copistas catalans
Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, fr. App. cod. XI
Y = Sègle XIV, realizat per un copista italian dins Nòrd de França
Copenhague, Bibliothèque Royale, Thott 1087
Z = Sègle XIV, realizat en Catalonha o per de copistas catalans, sus un modèl italian
Barcelone, Biblioteca de Catalunya, 146 -> Voir le manuscrit en ligne
Fragments :
A’ = Fin del sègle XIII, Venècia (cospistas probablament auvernhats)
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12474 (fol. 269) [= fol. 71] -> Voir le feuillet en ligne
Ravenne, Biblioteca Classensa, 165 [= fol. 88]
K’ = Debuta del sègle XIV, Venècia
Udine, Biblioteca Arcivescovile, Cod. frag. I, 265
K’’ = Debuta del sègle XIV, Venècia
Paris, Bibliothèque Nationale de France, naf. 23789 -> Voir le manuscrit en ligne
m = Venècia
La Haye, Bibliothèque Royale, 135 F 28 [= cah. III]
Milan, Biblioteca della Facoltà di Giurisprudenza [= cah. VI]
p = Sègle XIII o XIV, Lengadòc oriental o Provença
Perpignan, Bibliothèque Municipale, 128 -> Voir le manuscrit en ligne
r = Lombardia
Florence, Biblioteca Riccardiana, 294
s = Lombardia
Sienne, Archivio di Stato, C 60 (int. 4)
x = Venècia
Rome, Biblioteca Nazionale Centrale, Vitt. Em. 1119
y = Venècia
Sondrio, Archivio di Stato, Romegialli [me, Coll. Paolo Gaffuri]
z = Venècia
Bologne, Archivio di Stato
Chansonniers en papier :
c = Sègle XV, originas possiblas : Venècia o Toscana
Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, XC inf. 26
f = Debuta del sègle XIV, Provença, probablament Arle
Paris, Bibliothèque Nationale de France, fr. 12472 -> Voir le manuscrit en ligne
Copies (en papier) de chansonniers perdus :
a = Manuscrit del sègle XIV perdut, còpia de la debuta del sègle XVI facha a Florença per Jacques Teissier, de Tarascon
“chansonnier de Bernart Amoros” reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Florence, Biblioteca Riccardiana, 2814 (fol. 1-132)
Modène, Biblioteca Estense, γ. N. 8. 4. 11, 12, 13 -> Télécharger le .pdf du manuscrit
Florence, Biblioteca Nazionale Centrale, Pal. 1198
b = Manuscrit del sègle XIII perdut, còpia del sègle XVI, facha pel copista Barbieri
chansonnier de Miquel de la Tor reconstitué à l’aide des sources suivantes :
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 4087 (fol. 9-53)
Barbieri, Giovanni Maria. Dell'Origine della poesia rimata opera di Giammaria Barbieri... Pubblicata ora per la prima volta e con annotazioni illustrata dal cav. ab. Girolamo Tiraboschi. Modène : Presso la Societa tipografica, 1790
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. lat. 3965
d = Sègle XVI, origina possibla : Venècia
Berlin, Staatsbibliothek, Phillipps 1910
e = Sègle XVI, origina possibla : Lombardia, sus un modèl lengadocian occidental
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 7182
1. Stefano Asperti, « Répertoires et attributions : une réflexion sur le système de classification des textes dans le domaine de la poésie des troubadours », dans Contacts de langues, de civilisation et intertextualité. IIIe Congrès international de l’association d’études occitanes, t. II, Montpellier, 1992, p. 592↑
2. Citacion originala en francés. ↑
3. Citacion originala en francés. ↑
4. Citacion originala en francés. ↑
5. Citacion originala en francés. ↑
- BARTSCH, Karl. Grundriss zur Geschichte der provenzalischen Literatur. Elberfeld : R. L. Friderichs, 1872, VII-216 p.
- BRUNEL, Clovis. Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal. Paris : E. Droz, 1935, XVII-146 p.
- CAMPS, Jean-Baptiste. Les Manuscrits occitans à la Bibliothèque nationale de France [En ligne]. Disponible sur : http://www.academia.edu/414213/Les_Manuscrits_occitans_à_la_Bibliothèque_nationale_de_France
- KENDRICK, Laura. L’image du troubadour comme auteur dans les chansonniers in "Auctor et Auctoritas : invention et conformisme dans l’écriture médiévale". Paris, École des chartes, pp. 508-519
- JEANROY, Alfred. Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux. Paris : H. Champion, 1916, VIII-86 p.
- MEYER, Paul. Les derniers troubadours de Provence. Paris : A. Franck, 1871, 207 p.
- PILLET, Alfred. Bibliographie der troubadours. Halle : M. Niemeyer, 1933, XLIV-518 p.
- ZUFFEREY, François. Bibliographie des poètes provençaux des XIVe et XVe siècles. Genève : Droz, 1981, XLV-93 p.
- ZUFFEREY, François. Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux. Genève : Droz, 1987, XIII-380 p.