-
https://occitanica.eu/files/original/9596dde3dde4dce47c3c819f9fa5f16a.jpg
d1172f6ce9d85616e869249c81e52912
https://occitanica.eu/files/original/e6bf89727b88a91dd956f355bd020bb3.pdf
26039b1dac971b475f39200ebb6f801d
PDF Text
Text
��GO'NTES
POPULAIRES
RECUEILLIS EN AGENAIS
1
�Toulouse. — Typographie
BOÎJNAL ET GIBRAC,
rue Saint-Rome,
44.
�C0 NTES
POPIïLAIRES
RECUEILLÎS
•
EN
ACENAIS
PAR
M. ÌEAN-FRÌÍNÇOIS BLADÉ
TRADUCTION FRANÇAISE ET TEXTE AGENAIS
STJIVIS I)E NOTES
COMPARATIVES
PAR
M.
REIMIOLD RÒHLER
C.I.D.O.
BEZiERS
PARIS
LIBRAIRIE
RUE
DU
JOSEPH
QUATRE-SEPTEMBRE,
l874.
BAER
2
�CAC
448 4
�A MONSIEUR
PHILLIPPE TAMIZEY DE LAMOQUE
Lectoure (Gers), ce 15 novembre 1868.
MON CHER AMI,
J'ai publié, en 1867, une brochure de Contes et proterbes
populaires recueillis en Armagnac, et le succès de ce travail a
dépassé mon attente. Les érudits français et allemands, dont
Fattention s'est principalement arrêtée sur les Contes, m'ont
prouvé leur intérêt par des éloges que j'avais tâché de mériter, et par quelques censures dont je voudrais proriter (1).
Ils m'ont loué de m'être fait le greffier docile de la muse
populaire. La division de mes Contes en contes proprement
dits, récits et superstitions (2), a été trouvée heureuse et
juste, et l'on a même exprimé le désir de la voir adopter par
(1) Voir, notamment, les articles de MM. Léoncc Couture {Revue de Gascogne, 1867, p. 166, 373, 552); Gaston Paris (Revue critique, 1867, art. 81);
Adolphe Magen (Revue d'Aquitaine, 1867); Reinhold Kòlher (Gottingische
gelehrle Anzeigen, n° d'août 1868); et de Reimberg-Dilringsfeld {Jarhuch fûr
romanische Lileratur, t. IX).
(2) J'appelle conles proprement dits, les narrations plus ou moins merveilleuses, dont la fausseté n'est douteuse, ni pour celui qui parle, ni pour
ceux qui l'écoutent. Ils corrcspondent aux nmrchen allemands. Les récits
sont des anecdotes vraies ou vraisemblables, généralement plaisantes, et
qui n'ont rien de merveilleux, à peu près comme les schivmnhe d'OutreRhin. Les superstitions sont généralement acceptées comme vraies par le
narrateur et les auditeurs. Voilà les trois espèces de narrations que je désigne sous la dénomination générale de contes.
�II
ceux qui seraient tentés de recueillir, comme moi, les monuments prosa'iques de la littérature poptilaire.
Les censures que j'ai encourues, sont au moins aussi méritées que les éloges. On m'a reproché d'avoir négligé de
donner, à l'occasion, les mriantes defaits, dont l'importance
est si grande pour la littérature comparée; et mon petit glossaire gascon-français a été jugé insuffisant. Bon nombre de
lecteurs m'ont fait même l'honneur de m'écrire pour réclamer, à la place de ce glossaire, une traduction française séparée du texte gascon.
Je m'efforcerai de donner satisfation à des exigences légitimes, dans le recueil définitif que je prépare sur les Contes
populaires de l'Armagnac. L'exécution de ce travail est déjà
fort avancée, et je puis même regarder la recherche des variantes de faits, comme ayant à peu près donné tous les résultats que je pouvais espérer. Ces variantes ont été d'abord
exclusivement demandées à l'Armagnac. J'ai ensuite exploré
les provinces limitrophes, les Landes, le Béarn, le Bigorre, le
Bas-Comminges, les pays de Rivière et de Verdun, et surtout l'Agenais. Ces diverses contrées m'ont fourni des indications nouvelles, qui m'ont permis, un peu plus tard, de
suivre et d'atteindre, sur mon propre domaine, absolument
toutes les variantes rapportées des régions voisines.
L'impression du recueil définitif auquel je travaille pour
l'Armagnac, prouvera que ces variantes de faits ne sont pas
aussi nombreuses qu'on pourrait le croire. En attendant, je
dois constater qu'il existe, dans les pays limitrophes, un certain nombre de contes que je n'ai pu retrouver encore dans
ma province. Je n'aurais pu les recueillir tous sans faire
grand tort à des travaux historiques auxquels ma vie ne
suffira point; mais j'ai trouvé des facilités particulières pour
l'Agenais, où j'ai passé une partie de mon enfance et de ma
jeunesse, et où je reviens souvent, en attendant que je m'y
fixe pour toujours.
Ces facilités, et mon affection si vive et si naturelle pour
un pays où je compte tant de parents et d'amis, m'ont décidé
à consacrer à ses contes une publication spéciale. J'ai donc
battu la contrée dans tous les sens, et j'ai surtout profité des
foires si populeuses d'Agen, pour interroger une trentaine
�III
de personnes choisies, à peu près en nombre égal, dans tous
les cantons (1). C'est ainsi que deux années de recherches
actives et persévérantes ont fini par me mettre en possession
d'un certain contingent de traditions populaires, dont les
unes n'ont pu être retrouvées en Armagnac, et dont les autres
m'ont paru beaucoup plus complètes que leurs congénères de
mon pays. II en est aussi qui présentent, avec ces dernières,
des différences assez notables pour mériter que ces narratious soient intégralement recueillies. Quant aux variantes de
faits, je n'ai pu, malgré tous mes efforts, en découvrir une
seule, dans.mon domaine actuel.
Telle est, mon cher ami, l'idée principale qui a inspiré et
dirigé des recherches au moyen desquelles je crois avoir
rassemblé, pour l'Agenais, la majeure partie des pièces vraiment dignes de figurer dans un recueil provincial. Cette persuasion me vient de ce que, parmi toutes ces narrations, il
n'en estpas une seule qui ne soit possédée d'une manière
plus ou moins satisfaisante, par plus des trois-quarts des
personnes interrogées. Voilà même, à mon avis, le plus clair
résultat d'une enquête aussi longue que minutieuse. J'avais,
en effet sous la main, dès l'origine, les trois personnes
douées, au degré le plus éminent, de cette fidélité de souvenirs et de ce respect de la tradition qui se font de plus en plus
rares. Ce sont, dans l'ordre de ce mérite spécial : Catherine
Sustrac,jeune fille illettrée, de Sainte-Eugénie (Sento-Aulario),
commune du canton de Beauville; Madame Lacroix, née
Pinèdre, ma belle-mère, native de Notre-Dame de Bon-Encontre (canton d'Agen); et Marianne Bense, vieille femme illettrée, veuve d'un marinier du Passage-d'Agen, localité que je
crois pouvoir comprendre dans l'Agenais, bien qu'elle soit
située sur la rive gauch« de la Garonne. J'ai écrit sous leur
dictée la plupart des pièces de ce recueil, et j'offre de mettre
en relation avec ces conteuses les érudits qui auraient le
(1) L'Agenais s'étendait, d'abord, sur les deux rives de la Garonne, et ses
limites étaient les mêmes que celles de l'ancien évêché d'Agen. L'érection
du diocèse de Condom, en 1317, vint réduire l'Agenais ecclésiastique et
fcodal à la portion située sur la rive droite ,du fieuve. On peut en voir la
composition détaillée dans le dictionnaire d'Expilly, Art. Agen et Agenoìs.
C'estdans ce territoire ainsi restreint, que j'ai recherchéles éléments du'
présent recueil.
�IV
désir bien légitime de contrôler la sincérité de mon travail. Je
fais aussi appel aux souvenirs des lecteurs que je pourrai
trouver en Agenais, et je les mets en demeure de me contredire publiquement, si j'ai eu le tort irrémissible de mêler
une seule fois aux antiques traditions du pays des cboses de
mon propre crû.
Ce petit recueil se divise en deux parties : la première est
consacrée à la traduction française, et la seconde au texte
agenais (1). Je supplie les philologues de bien comparer
l'une et l'autre, et de m'en dire leur avis sans ménagement.
Je tâcherai de profìter, pour mes contes d'Armagnac, de
leurs sévérités salutaires. Le texte agenais a été ramené, dans
la mesure compatible avec la prononciation actuelle, à l'orthographe provençale de la bonne époque; et je remercie
mon excellent ami M. Léonce Couture, de m'avoir continué,
en cette occasion, le précieux concours dont j'ai déjà proflté
pour bien d'autres choses. Peut-être certains savants auraient-ils préféré, à ma traduction, un glossaire agenais-français. C'est aussi mon sentiment; mais j'ai dû céder au vceu de
la majorité des lecteurs, qui réclamait une version française.
La critique dispense, avec raison, les éditeurs des poósies
et des contes populaires, de tout travail de littérature comparée. L'érudit le plus spécialement compétent de toute l'Europe, M. Reinhold Kôlher, bibliothécaire à Weimar, a bien
voulu prendre pour lui cette tâche, et je bénis ma bonne
étoile de cette inestimable faveur.
Vous excuserez, mon cher ami, ces explications un peu
longues sur la façon dont j'ai compris mes devoirs d'éditeur
des Contes populaires recueillis en l'Agenais, et vous accepterez, je l'espère, l'hommage de cette modeste collection
comme une faible marque de toute l'estime et de la sincère
affection de
Votre bien dévoué serviteur,
JEAN-FRANÇOIS
BLADÉ.
(1) U y a plusieurs variétés dans le patois agenais; j'ai donné la prétérence à celle crai est en usage dans la commune d'Agen.
�PREMIÈRE PARTIE
—
—
>—*—»
TRADUCTION
PRANÇAISE
��CONTES
i
Peau-d'Ane
II y avait une fois (1) un homme quL avait trois filles. Un
jour cet homme alla travailler dans son champ, tout près
d'un noyer, et il entendit une voix qui disait :
— Homme, si tu ne me donnes pas une de tes filles en
mariage, je te mange.
— Qui est-tu? Je t'entends, mais je ne te vois pas.
— Je suis le roi de France.
— Eh bien t roi de France, si une de mes fìlles y consent,
tu l'auras en mariage.
L'homme rentra chez lui et se mit au lit. A peine était-il
couché, que sa fille aînée entra dans la chambre.
— Qu'avez-vous, père ?
— Je suis malade; tu peux me guérir si tu veux. II faut
épouser le roi de France.
(1) J'ai entendu, en Agenais, deux contes de Peau-d'Ane bien distincts.
Celui que je donne ici a été écrit sous la dictée de Catherine Sustrac, en présence de Madame Lacroix, dont le récit concordait parfaitement avec celui de
cette jeune fllle. L'une et l'autre m'ont affirmé l'avoir recueilli de la bouche
de bon nombre de personnes âgées et illettrées, qui le possédaient ellesmêmes par une tradition immémoriale. J'ai longtemps habité, pendant mon
enfance et ma jeunesse, Agen, Marmande, Birac, etc, et je puis ajouter, sur
ce point, la garantie de mes propres souvenirs à la déclaration sincère de
Catherine Sustrac et de Mme Lacroix. IIexiste aussi, en Agenais, un autre
conte de Peau-d'Ane qui, par la nature et la succession des faits, rappelle
exactement celui de Perrault. Les personnes illettrées qui me l'ont récité, le
tenaient toutes, directement ou par intermédiaire, de gens qui avaient lu
Perrault.
�— Je ne veux pas l'épouser.
Le lendemain, l'homme revint travailler dans son champ,
près du noyer, et il entendit la voix qui disait:
— Homme, si tu ne me donnes pas une de tes filles en
mariage, je te mange.
— Roi de France, ma fille aînée ne veut pas de toi. Je parlerai ce soir à la seconde, et si elle y consent, tu l'auras en
mariage.
L'homme rentra chez lui et se mit au lit. A peine était-il
couché que sa seconde fìlle entra dans la chambre.
— Qu'avez-vous, père?
— Je suis malade; tu peux me guérir si tu veux. II faut
épouser le roi de France.
— Je ne veux pas l'épouser.
Le lendemain, Fhomme revint travailler dans son champ,
près du noyer, et il entendit la voix qui disait:
— Homme, si tu ne me donnes pas une de tes filles en
mariage, je te mange.
— Roi de France, ma seconde fille ne veut pas de toi. Je
parlerai ce soir à la troisième, et si elle y consent, tu l'auras
en mariage.
L'homme rentra chez lui et se mit au lit. A peine était-il
coucbé que sa troisième fille entra dans la chambre.
— Qu'avez-vous, père?
— Je suis malade; tu peux me guérir si tu veux. II faut
épouser le roi de France.
—J'épouserai le roi de France; mais je veux qu'il me donne
en présent de noces trois robes : l'une couleur du ciel, l'autre
couleur de la lune, et l'autre couleur du soleil. Je veux qu'il
me donne aussi un couvert d'or, avec l'assiette et le gobelet,
un trol d'or (1), et douze fuseaux d'or avec la filière.
— Tu auras tout cela, dit le roi de France, qui écoutait à
la porte.
(1) Le trol est un instrument qui sert à faire les écheveaux.
�Les présents arrivèrent le lendemain, et le mariag* fut
fait quinze jours après. En sortant de l'église, le roi de France
dit à sa femme :
— Je pars pour un grand voyage. Si dans neuf ans je ne
suis pas revenu, tu partiras pour me chercher.
Le roi de France partit pour son grand voyage, et huit
années franches se passèrent sans qu'il revint. Sa femme
attendit encore un mois; puis elle partit àlá recherche de son
mari. Au hout de trois jours, elle trouva une petiu d'âne sur
son chemin et la mit sur son cou. Au hout de trois autres
jours, elle arriva au hord d'un ruisseau oíi des femmes
lavaient la lessive.
— Laveuses, avez-vous vu le roi de France?
— Oui, Peau-d'Ane, nous l'avons vu. II est là, dans cette
église, et il épouse une fìlle belle comme le jour.
— Merci, laveuses. Pour vous payer ce renseignement, je
veux vous aider à laver.
Les laveuses lui donnèrent un torchon noir comme la suie;
mais en un moment, Peau-d'Ane le rendit aussi blanc que la
plus belle serviette.
En quittant les laveuses, Peau-d'Ane s'en alla sur la porte
de l'église, et trouva le roi qui sortait.
— Roi de France, te souviens-tu quand mon père travaillait dans son champ, près du noyer, et que tu lui disais :
« Homme, si tu ne me donnes pas une de tes filles en mariage,
»je te mange ? »
Le roi de France ne répondit pas, et toujours Peau-d'Ane
répétait:
— Roi de France, te souviens-tu quand mon père travaillait dans son champ, près du noyer, et que tu lui disais :
« Homme, si tu ne me donnes pas une de tes filles en mariage,
»je te mange ? »
Alors le curé s'approcha.
-— Roi de France, je te commande , par le salut de ton
�— 6 —
âme»de me dire si tu n'as pas épousé d'autre femme avant de
te marier ici?
— Non, curé.
Alors Peau-d'Ane se tût et demeura sur la porte jusqu'à
la sortie de la mariée.
— Madame, lui dit-elle, n'avez-vous pas besoin d'une servante?
— Oui, Peau-d'Ane, j'en ai besoin d'une pour garder les
dindons.
Peau-d'Ane suivit le roi et la reine dans leur château, et le
soir elle dit à la reine :
— Madame, laissez-moi coucher avec le roi de France.
— Non, Peau-d'Ane; je n'y ai pas encpre couché moimême.
—Madame, sivous me laissez coucher avec le roi de France,
je vous donne un couvert d'or, avec l'assiette et le gobelet.
— Eh bien I Peau-d'Ane, c'est couvenu.
Peau-d'Ane donna à la reine le couvert d'or, avec l'assiette
et le gobelet, et alla se coucher à côté du roi de France.
— Roi de France, lui disait-elle toute la nuit, te souvienstu quand mon père travaillait dans son champ, près du noyer,
et que tu disais : « Homme, si tu ne me donnes pas une de
» tes fllles en mariage, je te mange? »
Mais la reine avait donné au roi de France un breuvage
pour le faire dormir, et il ne répondit pas à Peau-d'Ane.
Le lendemain matin la reine entra dans la chambre.
— Allons, Peau-d'Ane, lève-toi: il est temps d'aller garder
les dindons.
Peau-d'Ane se leva et s'en alla garder les dindons jusqu'au
soir. Alors, elle dit à la reine :
— Madame, laissez-moi coucher avec le roi de France.
— Non, Peau-d'Ane; je n'y ai pas encore couché moi-même,
et tu y as couché une fois.
—Madame, si vous me laissez coucher avec le roi de France,
�— 7 —
je vous donne un trol d'or et douze fuseaux d'or, avec la
filière.
— Eh bient Peau-d'Ane, c'est convenu.
Peau-d'Ane donna à la reine le trol d'or et les douze
fuseaux d'or, avec la filière, et alla se coucher à côté du roi
de France.
— Roi de France, lui disait-elle toute la nuit, te souviens-tu
quand mon père travaillait dans son champ, près du noyer,
et que tu disais: « Homme, si tu ne me donnes pas une de tes
fiìles en mariage, je te mange. »
Mais la reine avait donné au roi de France un breuvage
pour le faire dormir, et il ne répondit pas à Peau-d'Ane.
Le lendemain matin la reine entra dans la chambre.
— Allons, Peau-d'Ane, lève-toi; il est temps d'aller garder
les dindons.
Peau-d'Ane se leva et s'en alla garder les dindons jusqu'au
soir. Alors, elle dit àla reine :
— Madame, laissez-moi coucher avec le roi de Fránce.
— Non, Peau-d'Ane; je n'y ai pas encore couché moi-même,
et tu y as couché deux fois.
—Madame, si vousmelaissez coucher avec le roi de France,
je vous donne deux robes : l'une couleur du ciel et l'autre
couleur de la lune.
— Eh bien) Peau-d'Ane, c'est convenu.
Peau-d'Ane donna à la reine la robe couleur du ciel et la
robe couleur de la lune, ét alla se coucher à côté du roi de
France.
— Roi de France, lui disait-elle toute la nuit, te souvienstu quand mon père travaillait dans son champ, près du noyer,
et que tu disais : « Homme, si tu ne me donnes pas une de tes
filles en mariage, je te mange? »
Mais la reine avait donné au roi de France un breuvage
pour le faire dormir qui était moins fort que les deux autres,
et il répondait en pleurant:
�— Oui, je m'en souviens. Oui, je m'en souviens.
Le lendemain matin Peau-d'Ane se leva, et quand la reine
entra dans la chambre pour lui dire d'aller g-arder les dindons, elle la trouva vêtue de sa robe couleur du soleil.
— Reine, dit le roi de Erance, aimerais-tu mieux être la
première femme d'un homme ou la seconde?
— J'aimerais mieux être la première.
— Eh bien! tu t'es condamnée toi-même, par ce que tu as
fait et par ce que tu as dit. Prends ton couvert d'or, avec l'assiette et le g-obelet; prends le trol d'or et les douze fuseaux
d'or, avec la íìlière; prends les deux robes, l'une couleur du
ciel et l'autre couleur de la lune, et retourne cheztesparents.
La reine descendit aussitôt à l'écurie, fìt seller un cheval,
et retourna chez ses parents. Peau-d'Ane demeura dans le
château, et devint reine à sa place.
Et cric, cric,
Mon conte est fini;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé.
Je passe par mon pré
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a donnée (1).
(1) Les narrateurs de l'Agenais ne débutent pas, comme ceux de l'Armagnac, par la formule initiale Jou sabì un couníe; mais la fln de leurs contes
proprement dits est généralement caraetérisée par la formule ci-dessus.
�q
Les deux Jumeaux
II y avait une fois (1) un homme qui passait tout son temps
à pêcher. Un jour cet homme prit un gros poisson.
— Homme, dit le gros poisson, laisse-moi aller.
— Non, gros poisson, je veux te porter à ma femme qui te
fera cuire, etnous te mangerons ensemble.
— Homme, laisse-moi aller. Je t'enseignerai un endroit
où tu prendras des poissons tant que tu voudras.
L'homme laissa aller le gros poisson, qui lui enseigna un
endroit où il prit autant de poissons qu'il voulût.
Le lendemain, l'homme revint à la pêche et reprit le gros
poisson.
— Homme, dit le gros poisson, laisse-moi aller.
— Non, gros poisson, je veux te porter à ma femme qui te
fera cuire, et nous te mangerons ensemble.
— Homme, laisse-moi aller; je t'enseignerai un endroit où
tu prendras des poissons tant que tu voudras.
L'homme laissa aller le gros poisson, qui lui enseigna un
endroit où il prit autant de poissons qu'il voulut.
Quand il rentra à la maison, sa femme lui dit:
— Comment as-tu fait poúr prendre tant de poissons hier et
aujourd'hui.
— Hier et aujourd'hui, j'ai pris un gros poisson qui m'a
demandé de le laisser aller, et qui m'a enseigné deux endroits
où j'ai pris des poissons tant que j'ai voulu.
— Écoute, mon homme, si tu reprends ce gros poisson,
apporte-le moi; je veux en manger.
(1) Écrit sous ia dictée de Catherine Sustrac.
�— 10 Le lendemain, l'homme revint à la pêche et reprit le gros
poisson.
— Homme, dit le gros poisson, laisse-moi aller.
— Non, gros poisson, je veuxteporter à ma femme qui
te fera cuire, et nous te mangerons ensemble.
— Homme, laisse-moi aller; je t'enseignerai un endroit où
tu prendras du poisson autant que tu voudras.
— Non, gros poisson, je ne peux pas. J'ai raconté tout à
ma femme, qui m'a recommandé de t'apporter, si je te reprenais, parce qu'elle veut te manger.
— Eh bien! homme, puisque je dois être mangé, quand
tu seras rentré dans ta maison, tu donneras ma tête à ta
chienne, ma queue à ta jument et mon ventre à ta femme. Ta
chienne fera deux petits chiens, ta jument deux poulains, et
ta femme deux jumeaux.
L'homme revint à sa maison avec le gros poisson, et il
donna la tête à sa chienne, la queue à sa jument et Ie ventre
à sa femme.
Au temps voulu,la chienne fìt deux petits chiens, la jument
deux poulains et la femme deux jumeaux. Les deux petits
chiens, les deux poulains et les deux jumeaux grandirent
jusqu'à l'âge de vingt ans, et la ressemblance était si grande
pour chaque paire, qu'il était impossible de distinguer un
homme ou un animal de Fautre.
Au bout de vingt ans, les deux jumeaux prirent chacun un
cheval et un chien, et s'armèrent pour aller courir le monde.
Ils cheminèrent longtemps, longtemps, longtemps, jusqu'à
un carrefour où il y avait une croix de pierre.
— Frère, dit l'aîné des jumeaux, c'est ici qu'il faut nous
séparer. Je m'en vais du côté du soleillevant; toi, va-t-en du
côté du soleil couchant. Quand tu reviendras à la maison, tu
frapperas cette croix de pierre avec ton épée. S'il en coule du
sang, cela voudra dire qu'il m'est arrivé malheur. Mais s'il
n'en coule rien, ce sera bon signe, et tu pourras suivre ton
cheminjusqu'à la maison.
�— Frère, cela est convenu, dit le cadet des jumeaux.
Les deux frères se séparèrent et s'en allèrent, l'un au levant
et l'autre au couchant. Pendant trois jours et trois nuits,
l'aîné chemina dans un grand hois sans rien voir ni rien
entendre que les oiseaux du ciel et les bêtes sauvages.
Enfin, il arriva dans une ville où tous les gens étaient en
deuil et pleuraient.
— Gens de la ville, pourquoi êtes-vous en deuil, et pourquoi pleurez-vous ainsi ?
— Certes, nous avons bien raison d'être en deuil et de
pleurer. II y a dans le bois voisin une grand'bête à sept
têtes, qui nous prend chaque année la plus belle de nos
jeunes filles. Hier encore, elle nous a fait dire qu'elle viendrait nous manger tous si nous ne lui en amenions pas une.
Par force il a fallu obéir, et ce matin nous sommes allés dans
le bois lier au pied d'un arbre une demoiselle belle comme le
jour.
— Gens de la ville, quittez le deuil et ne pleurez plus. Je
vais aller dans le bois, et, s'il plaît à Dieu, je tuera'i la grand'
bête à sept têtes et délivrerai la demoiselle.
— Dieu t'assiste, brave jeune homme, et te garde de
malheur.
L'aîné des jumeaux siffla son chien, tira son épée, et
partit pour le bois au grand galop de son cheval. Après trois
heures de course, il trouva, liée au pied d'un arbre, la demoiselle belle comme le jour.
— Monsieur, dit la demoiselle, qu'êtes-vous venu faire
ici? Retournez-vous-en bien vîte. J'entends les cris de la
grand'bête à sept têtes qui s'approche. Vous pouvez encore
vous sauver pendant qu'elle me mangera.
— Demoiselle, je ne suis pas venu pour fuir. Je veux tuer
la grand'bête à sept têtes et vous épouser aujourd'hui. —
Hardi! mon chien. Gagne ton avoine, mon bon cheval.
Pendant trois heures' d'horloge, l'aîné des jumeaux combattit la grand'bête à sept têtes, et finit par la percer de part
�- 12 en part. Alors il lui arracha les sept langues qu'il mit dans
son mouchoir. Puis il coupa d'un coup d'épée les cordes qui
liaient la demoiselle, et la ramena en croupe à la ville.
— Braves gens, j'ai tué la grand'bête à sept têtes. Maintenant, il me faut cette demoiselle pour femme.
— Oui, oui, brave jeune homme, épouse-la; tu l'as bien
gagnée.
L'aîné des jumeaux mena aussitôt la demoiselle à l'église
et l'épousa. La noce dura jusqu'à minuit, et, au premier coup
de cloche, toutle monde alla se coucher. Le lendemain, au
point du jour, le mari réveilla sa femme.
— Femme, habille-toi, et allons nous promener dans la
campagne.
La dame s'habilla et suivit son mari à la promenade.
— Femme, dit le mari, quelle est cette maisonnette que je
vois là-bas? Je veux l'acheter pour m'y reposer quand j'irai
à la chasse.
— Gardez-vous-en bien, mon bon ami; c'est une maisonnette mal habitée. Si vous y alliez, il vous arriverait
malheur.
L'aîné des jumeaux ne répondit rien; mais il ramena sa
femme à la ville, et revint seul frapper à la porte de la maisonnette.
— Pan! pan! pan!
— Que demandes-tu?
— Ouvrez, ou j'enfonce la porte.
— La porte est en cceur de chêne et en fer, avec de bonnes
serrures et des verroux solides. Tu ne l'enfonceras pas. Si tu
veux entrer, arrache un cheveu de ta tête, et fais-nous le
passer par la chatière.
L'aîné des deux jumeaux arracha un cheveu de sa tête et
le fit passer par la chatière; mais, aussitôt, la terre l'engloutit.
Pendant que tout cela se passait, la dame, qui ne savait
rien, demandait des nouvelles de son mari.
�— 13 — Savez-vous où il est allé ? disait-elle à tout le monde.
— Madame, nous l'avons vu de loin entrer dans la maisonnette mal habitée ; mais nous ne l'en avons pas vu sortir.
— Ah! mon Dieu! il lui .sera arrivé malheur.
Pendant que la dame pleurait toutes les larmes de ses
yeux et priait Dieu de lui rendre son mari, le cadet desj umeaux avait fini son voyage au couchant, et retournait dans
son pays, monté sur son cheval et suivi de son chien. Arrivé
au carrefour où était la croix de pierre, il se souvint de la
promesse qu'il avait faite à son frère aîné. Aussitôt il tira son
épée et frappa la croix. A la première entaille, le sang coula.
— Ah! mon Dieut il est arrivé malheur à mon frère aîné.
— Hardit mon chien. Gagne ton avoine, mon hon cheval.
Au soleil couchant, le cadet des jumeaux était dans la ville
où la femme de son frère pleurait toutes les larmes de ses
yeux, et priait Dieu de lui ramener son mari.
— Madame, madame, crièrent les gens de la ville, voici
votre mari qui revient.
— Ah t mon Dieu, mon bon ami, je craignais qu'il ne vous
fût arrivé malheur dans la maisonnette mal habitée.
Le cadet des jumeaux ressemblait tellement à son frère
aîné, que tout le monde le prenait pour lui. II soupa avec la
dame et s'alla coucher avec elle. Mais à peine fût-il au lit
qu'il se tourna du côté du mur et s'endormit comme une
souche, de sorte qu'il ne se passa rien de toute la nuit. Le
lendemain, à la pointe du jour, il sella son cheval, siffla son
chien, et s'en alla frapper à.la porte de la maisonnette mal
habitée.
— Pan! pant pan!
— Que demandes-tu?
— Ouvrez, ou j'enfonce la porte.
-- La pòrte est en coeur de chêne et en fer, avec de bonnes
serrures et des verroux solides. Tu ne l'enfonceras pas. Si
tu veux entrer, arrache un cheveu de ta tête et fais-le passer
par la chatière.
�— 14 —
Le cadet des jurneaux arracha un crin de la crinière de
son cheval, et le fit passer par la chatière; mais, aussilôt, la
terre engloutit le cheval. Alors le cavalier entra avec son
chien par la porte ouverte, et tua toutes les méchantes gens
qui étaient dans la maisonnette. Cela fait, il dépava la chambre basse, et délivra son frère et son cheval.
— A présent, frère, il faut retourner à la ville. Quand nous
y serons, je verrai si tu es un homme avisé.
Quand ils arrivèrent à la ville, les gens furent fort étonnés
de voir deux hommes, deux chevaux et deux chiens, si parfaitement semblables; et la femme de l'aîné ne savait comment reconnaître son mari.
— Femme, dit le cadet, ne me reconnais-tu pas?
— Femme, dit I'aîné, ne me reconnais-tu pas?
— Vous vous ressemblez tellement, que je ne suis pas en
état de choisir. Que celui de vous deux qui est mon mari,
m'en donne la preuve.
Alors l'aîné des jumeaux tira de sa poche le mouchoir où
étaient les sept langues de la grand'bête.
— C'est vous qui êtes mon mari.
— Frère, dit le cadet, je vois que tu es un homme avisé.
Demeure ici avec ta femme, et que Dieu vous maintienne en
contentement et santé. Moi, je m'en retourne à la maison, et
je donnerai de vos nouvelles à nos parents.
Et cric, cric,
Mon conte est flni;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé.
Je passe par mon pré
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a dounée.
�- 15 -
III
Les deux Filles
II y avait une fois (1) un homme et une femme qui avaient
une fille jolie comme le jour. La femme mourut, et l'homme
se remaria avec une femme qui accoucha d'une autre fille
laide comme le péché.
Quand les deux fìlles furent grandelettes, la marâtre, qui
ne pouvait pas sentir la jolie fille et qui la rossait vingt fois
par jour, dit à son homme :
— Prends ta fille et va la faire perdre.
L'homme avait pitié de la jolie fìlle; mais il avait peur de
sa femme, et il répondit :
— Je ferai ce que tu veux.
Mais la jolie fìlle. qui était cachée derrière la porte, avait
tout entendu, et aussitôt elle courut le dire à sa marraine.
— Filleule, dit la marraine, remplis tes poches de cendres
que tu sèmeras sur ton chemin. Par ce moyen tu rentreras
à la maison.
La joiie fìlle revint au galop chez son père, et remplit ses
poches de cendres. A peine avait-elle fìni, que son père lui
dit :
— Allons chercher des champignons dans le bois.
Ils partirent pour le bois; mais le père n'avait pas le cceur
à chercher des champignons. Tout en marchant, la jolie fille
semait sur son chemin les cendres qu'elle avait dans ses
poches, comme sa marraine le lui avait dit. Enfin, le père se
jeta dans un fourré sans être vu, laissa la jolie fille seulette,
et revint dans sa maison à l'entrée de la nuit.
— Eh bien! mon homme, as-tu fait perdre ta fìlle ?
(1) Écrit sous la dictée de Catherine Sustrac, contrôlée par M™ Lacroix
�— C'est fait.
— Eh bien! mon homme, pour ta peine tu vas manger
avec nous une assiettée de cruchade (1).
Tout en mangeant la cruchade, l'homme pensait à la jolie
fille qu'il avait abandonnée toute seulette dans le bois, et
disait :
— Ah! si la pauvrette était ici, elle mangerait aussi sa portion de cruchade.
— Je suisici, père, dit la jeune fille qui avait retrouvé son
chemin au moyen des cendres, et qui écoutait à la porte.
Le père fut bien content de voir la jolie fille revenue et
mangeant sa portion de cruchade de bon appétit. Mais quand
elle fut allée se coucher avec sa soeur, la marâtre lui dit:
— Tu es une bête, tu n'as pas conduit ta fille assez loin.
Ramène-la demain dans le bois, et tâche qu'elle ne revienne
pas.
L'homme avait pitié de la jolie fille; mais il avait peur de
sa femme, et il dit:
— Je ferai ce que tu veux.
Mais la jolie fille qui s'était levée de son lit et qui écoutait,
cachée derrière la porte, avait tout entendu. Aussitôt elle
courut le dire à sa marraine.
— Filleule, dit la marraine, remplis tes poches de graines
de lin que tu sèmeras sur ton chemin. Par ce moyen tu rentreras à la maison.
La jolie fille revint au galop chez son père, remplit ses
poches de graines de lin et se remit au lit. Le lendemain
matin, son père entra dans sa chambre et lui dit:
— Allons chercher des champignons dans le bois.
Ils partirent pour le bois; mais le père n'avait pas le cceur
à chercher des champignons. Tout en marchant, la jolie fille
semait la graine de lin qu'elle avait dans ses poches, comme
sa marraine le lui avait dit. Enfin, le père se jeta dans un
(1) Bouillie épaisse í'aite avec de la farine de maïs.
�< - 17 —
fourré sans être vu, laissa la jolie fille seulette, et,s'en revint
dans sa maison à l'entrée de la nuit.
— Eh bienl mon homme, as-tu fait perdre ta fìlle?
— C'est fait.
— Eh bien! mon homme, pour ta peine tu vas manger
avec nous une assiettée de cruchade.
Tout en mangeant la cruchade, l'homme pensait à la jolie
fille qu'il avait abandonnée toute seulette dans le bois, et
disait :
— Ah! si la pauvrette était ici, elle mangerait aussi sa
portion de cruchade.
— Je suis ici, père, dit la jolie fìlle qui avait retrouvé son
chemin au moyen de la graine de lin, et qui écoutait à la
porte.
Le père fut bien content de voir la jolie fille revenue et
mangeant sa portion de cruchade de bon appétit. Mais quand
elle fut allée se coucher avec sa sceur, la marâtre lui dit :
— Tu es une bête, tu n'as pas conduit ta fìlle encore assez
loin. Ramène-la demain dans le bois, et tâche qu'elle ne
revienne pas.
L'homme avait pitié de la jolie fìlle; mais il avait peur de
sa femme, et il dit :
— Je ferai ce que tu veux.
Mais la jolie fille qui s'était levée de son lit et qui écoutait,
cachée derrière la porte, aváit tout entendu. Aussitôt elle
courut le dire à sa marraine.
— Filleule, dit la marraine, remplis tes poches de grains
de mil que tu sèmeras sur ton chemin. Par ce moyen tu
rentreras à la maison.
La jolie fìlle revint au galop chez son père, remplit ses
poches de grains de mil et se remit au lit. Le lendemain
matin son père entra dans sa chambre et lui dit:
— Allons chercher des champignons dans le bois.
Ils partirent pour le bois; mais le père n'avait pas le cceur
�- 18 à chercher des champignons. Tout en marchant, la jolie fílle
semait les grains de mil qu'elle avait dans ses poches, comme
sa marraine lui avait dit. Enfin, le père se jeta dans unfourré
sans être vu, laissa la jeune fille seulette, et s'en revint dans
sa maison.
Mais quand la jolie fille voulut reprendre son chemin au
moyen des grains de mil, il se trouva qu'ils avaient été
mangés par les pies. Elle marcha longtemps, longtemps,
longtemps à travers le bois, jusqu'à un château grand comme
la ville d'Agen.
— Pan! pan!
— Qui frappe?
— C'est une pauvre fille qui a perdu son chemin, et qui
demande à souper et à loger.
La dame du château envoya la jolie fille souper à la cuisine
avec ses valets et ses servantes, et commanda qu'on lui donnât
un hon lit. Le lendemain matin elle la fit venir dans sa
chambre, et ouvrit la porte d'un cabinet qui était tout plein
de robes.
— Jolie fille, quitte tes hardes, et choisis les habits que tu
voudras.
La jolie fille choisit la robe la plus laide. Alors la dame du
château la força de prendre la plus belle, et de la mettre surle-champ. Ensuite elle ouvrit un grand coffre plein de pièces
et de bijouterie.
— Jolie fille, prends dans ce coffre tout ce que tu voudras.
La jolie fille ne prit que deux liards et une bague de cuivre.
Alors la dame du château la chargea de quadruples, de bagues, de chaînes et dé pendeloques d'or,et la mena à l'écurie.
— Jolie fille, prends la bête que tu voudras, avec la bride et
la selle.
Mais la jolie fille ne prit qu'un âne, un licou de corde et
une mauvaise couverture. Alors la dame du château la força
de prendre le plus beau cheval, la plus belle bride et la plus
belle selle.
�- 19 — Maintenant, lui dit-elle, monte à cheval et reviens dans
ton pays. Ne te retourne point du côté du château que tu ne
sois là-bas, au sommet de cette côte. Alors, lève la tête et
attends.
La jolie fille remercia bien la dame du château, monta à
cheval, et partitpour sonpays, sans jamais se retourner
Quand elle fut au.sommet de la côte, elle leva la tête et attendit. Alors trois étoiles descendirent du ciel : deux se reposèrent sur sa tête, et une sur son menton.
Comme elle se remettait en route, un jeune homme s'en
revenait de la chasse, monté sur son grand cheval, avec neuf
chiens lévriers à sa suite : trois noirs comme des charbons,
trois rouges comme le feu, et trois blancs comme la plus fine
toile. Quand il vit une si belle cavalière, il mit son chapeau à
la main.
— Demoiselle, dit-il, je suis le fils du roi d'Angleterre. J'ai
roulé le monde pendant sept ans, et je n'ai trouvé aucun
homme aussi fort et aussi hardi que moi. Si vous le voulez,
je serai votre compagnon, pour vous défendre contre les méchantes gens.
— Merci, fils du roi d'Angleterre; je saurai bien retrouver
seulette le chemin de mon pays. Mais je n'ose pas retourner
à la maison par crainte de ma marâtre, qui ne peut me voir à
cause de sa fille, laide comme le péché. Par trois fois elle a
forcé mon père d'aller me perdre dans un bois.
Alors le fils du roi d'Angleterre entra dans une colère terrible. II tira son épée et siffia ses chiens lévriers :
— Jolie fille, montre-moi le chemin de ta maison. Je veux
aller faire manger par ma meute ton père, ta marâtre et ta
sceur.
— Fils du roi d'Angleterre, votre meute est à votre commandement; mais vous ne ferez pas cela. S'il plaît à Dieu, il
ne sera pas dit que mon père, ma marâtre et ma soeur auront
souffert le moindre mal à cause de moi.
Mais le fils du roi d'Angleterre ne voulait rien entendre, et
criait comme un aigle :
�- 20 — Eh bien, je dirai à mon juge rouge : « Juge-les tous les
trois à mort. » Je le paie : il faut qu'il gagne son argent.
— Fils du roi d'Angleterre, votre juge rouge est à votre
commandement; mais vous ne ferez pas cela. S'il plaît à Dieu,
il ne sera pas dit que mon père, ma marâtre et ma soeur
auront souffert le moindre mal à cause de moi.
— Ehbien, si vous voulez que je leur pardonne, il faut que
vous soyez ma femme.
— Fils du roi d'Angleterre , je serai votre femme si vous
voulez leur pardonner.
Le fils du roi d'Angleterre épousa la jolie fille, qui fut bien
heureuse avec lui et devint la plus grande dame du pays. Peu
de temps après la noce, la soeur, laide comme le péché, apprit
ce qui s'était passé et dit:
— J'irai au bois, moi aussi, et il m'en arrivera autant.
Elle partit pour le bois et marcha longtemps, longtemps,
longtemps. Eníìn, elle arriva à la porte du château grand
comme la ville d'Agen.
— Pan! pan 1
— Qui frappe!
— C'est une pauvre fille qui a perdu son chemin, et qui
demande à souper et à loger.
La dame du château envoya la fille laide comme le péché
souper à la cuisine, avec ses valets et ses servantes, et commanda qu'on lui donnât un bon lit. Le lendemain, elle la fit
venir dans sa chambre, et ouvrit la porte du cabinet qui était
tout plein de robes.
— Mie, quittes tes hardes, et choisis les habits que tu voudras.
La fille laide comme le péché choisit la plus jolie robe. Alors
la dame du château la força de prendre la plus laide, et de la
mettre sur-le-champ. Ensuite elle ouvrit le coffre plein de
pièces et de bijouterie.
— Mie, prends dans ce coffre ce que tu voudras.
La fille laide comme le péché choisit des quadruples, des
�- 21 bagues, des chaînes et des pendeloques d'or; mais la dame du
château ne lui laissa prendre que deux liards et une bague en
cuivre. Cela fait, elle la mena à l'écurie.
— Mie, choisis la bête que tu voudras, avec la bride et la
selle.
La fìlle laide comme le péché choisit le plus beau cheval, la
plus belle bride et la plus belle selle; mais la dame du château ne lui laissa prendre qu'un âne, un licou de corde et une
mauvaise couverture.
— Maintenant, lui dit-elle, monte sur ton âne, et reviens
dans ton pays. Ne te retourne pas que tu ne sois là-bas au
sommet de cette côte. Alors, lève la tête et attends.
La fìlle laide comme le péché ne remercia pas la dame du
château. Elle monta sur son âne et repartit pour son pays;
mais elle se retourna avant d'arriver au sommet de la côte et
attendit. Alors trois bouses de vache tombèrent sur elle, deux
sur la tête, et une sur le menton.
Comme elle se remettait en route, elle rencontra un vieil
homme, sale comme un peigne et ivrogne eomme une barrique.
— Mie, dit-il, je te trouve faite à ma fantaisie. II faut qne tu
sois ma femme, ou tu ne mourras que de mes mains.
Par force la fìlle laide comme le péché dut suivre l'ivrogne
dans sa maison et consentir au mariage. Depuis lors, son
mari continue de boire comme un trou, et rosse sa femme
vingt fois par jour.
Et cric, cric,
Mon comte est flni;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé.
Je passe par mon pré,
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a donnée.
�IV
La Jam.be d.'orj
II y avait une fois (1) une dame belle comme le jour. Cette
dame se cassa la jambe un soir, en descendant sans cbandelle
l'escalier de sa maison. Le mari fit appeler un médecin.
— Bonjour, médecin.
— Bonjour, monsieur.
— Médecin, tu vas arranger la jambe de ma femme, et pour
ta peine je te donnerai de l'or et de l'argent tant que tu
voudras.
— Monsieur, ni moi ni personne ne sommes en état d'arranger cette jambe. II faut la couper.
— Eb bien, médecin, fais ton métier.
Le médecin coupa la jambe de la dame, et le mari s'en alla
cbez un bijoutier commander pour sa femme une jambe d'or.
Cette jambe était si bien faite, que la dame s'en servait pour
aller où elle voulait, sans boiter ni se servir d'un bâton.
Au bout de sept ans, la dame mourut, et le mari donna
ordre de l'enterrer avec sa jambe d'or. Sa volonté fut faite;
mais la nuit même de l'enterrement, un valet sortit secrètement de la maison. II s'en alla au cimetière, déterra la dame,
lui prit la jambe d'or, et rentra la cacher dans son armoire.
A peine s'était-il couché, qu'on entendit une voix crier :
— D'or, d'or, rendez-moi ma jambe d'or.
Le lendemain matin, à l'Angelus, le fossoyeur vint trouver le mari et lui dit:
— Bonjour, monsieur. Je viens du cimetière. Votre femme
qui est sous terre ne fait que crier : « D'or, d'or, rendez-moi
(1) Raconté par Mariaime Bensc.
�— 23 —
ma jambe d'or. » Envoyez quelqu'un, je vous prie, pour savoir
ce qu'elle veut.
Le mari se rendit au cimetière.
— Que veux-tu, mie ?
— D'or, d'or, rendez-moi ma jambe d'or.
— Mie, tu as tort de te plaindre; j'ai donné ordre de t'enterrer avec ta jambe.
■— D'or, d'or, rendez-moi ma jambe d'or.
— Mie, tu n'es pas raisonnable. Si tu n'as rien de mieux à
me dire, bonjour. Je te ferai dire des messes.
Le mari s'en retourna à la maison ; mais une beure après,
le fossoyeur revint lui dire :
— Bonjour, monsieur. Je viens du cimetière. Votre femme
qui est sous terre ne fait que crier : « D'or, d'or, rendez-moi
ma jambe d'or.» Envoyez quelqu'un, je vous prie, pour savoir
ce qu'elle veut.
Le mari y envoya la servante.
— Qué voulez-vous, madame ?
— D'or, d'or, rendez-moi ma jambe d'or.
— Madame, vous avez tort de vous plaindre. On vous a
enterrée avec votre jambe d'or.
— D'or, d'or, rendez-moi ma jambe d'or.
— Madame, vous n'êtes pas raisonnable. Si vous n'avez
rien de mieux à me dire, bonjour. Votre mari vous fera dire
des messes.
La servante s'en retourna à la maison; mais une heure
après le fossoyeur revint dire au mari :
— Bonjour, Monsieur. Je viens du cimetière. Votre femme
qui est sous terre, ne fait que crier : « D'or, d'or, rendez-moi
ma jambe d'or. » Envoyez quelqu'un, je vous prie, pour savoir ce qu'elle veut.
Le mari voulut y envoyer le valet.
— Monsieur, je n'ose pas.
�— 24 — Va-s-y, peureux.
— Monsieur, je n'ose pas.
— Va-s-y,, te dis-je, ou je te tue d'un coup de fusil.
Par force le valet partit pour le cimetière.
— Que voulez-vous, madame ?
— C'est toi que je veux.
La dame sortit de sa fosse, emporta le valet sous terre, et
le mangea.
Et cric, cric,
Mon conte est flni;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé
Je passe par mon pré
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a donnée.
�- 25 -
V
Le Lait de Madame
Madame demande du lait (1). Je vais trouver la vache. La
vache me dit:
— Je te donnerai du lait; donne-moi du foin.
Je vais trouver le pré. Le pré me dit:
—■ Je te donnerai du foin; donne-moi une faux.
Je vais trouver le forgeron. Le forgeron me dit:
— Je te donnerai une faux; donne-moi du lard.
Je vais trouver le porc. Le porc me dit:
— Je te donnerai du lard; donne-moi du gland.
Je vais trouver le chêne. Le chêne me dit:
— Je te donnerai du gland; donne-moi du vent.
Je vais trouver la mer pour avoir du vent.
La mer m'évente, j'évente le chêne; le chêne m'englande,
j'englande le porc; le porc m'enlarde, j'enlarde le forgeron;
le forgeron m'entaille, j'entaille (fauche) le pré; le pré
m'enfoine, j'enfoine la vache;la vache m'enlaite, j'enlaite
Madame.
(1) Raconté par Annette Hugonis, de Puymirol, actuellement domestique
chez M. Ernest Rosehach.
�VI
La Ch.èvre et le Loup
La chèvre et le loup (1) voulurent devenir riches, et s'associèrent pour travailler une métairie.
— Loup, ditla chèvre, les bons comptes fontles bons amis.
Avant de nous mettre au travail, il faut bien faire nos accords
et convenir de la part que chacun doit prendre dans les récoltes. L'un de nous aura ce qui poussera sous la terre, et
l'autre ôe qui poussera dessus. Choisis; je me contente de ce
que tu ne voudras pas.
— Je choisis ce qui poussera dessus.
La chèvre sema toute la métairie en aulx, oignons et raves;
de sorte qu'elle eut les têtes de tous ces légumes, et que son
pauvre associé n'en eut que les queues.
— Je me suis trompé l'année passée, dit le loup, et je
choisis pour celle-ci tout ce qui poussera sur la terre.
La chèvre sema toute la métairie en blé et en seigle; de
sorte qu'elle eut tout le grain et toute la paille, et que son
pauvre associé n'eut que les racines.
Alors le loup se promit de punir la chèvre de ses mauvais
tours, et de profiter de la première occasion où il serait seul
avec elle pour la manger. Mais celle-ci devina la pensée
du loup et se tint sur ses gardes, en attendant le moment de
se débarrasser de son ennemi.
Un jour le loup s'en alla trouver la chèvre.
— Bonjour, chèvre.
— Adieu, loup.
— Chèvre, j'ai de bien mauvaise soupe à la maison, et je
viens goûter la tienne.
(1) Écrit sous la dictée de Catherine Sustrac.
�— 27 — Avec plaisir, loup.
La chèvre servit au loup une grande assiettée de soupe, et
ensuite ils allèrent se promener jusqu'à une église dont la
porte était trouée.
— Chèvre, dit le loup, entrons dans cette église pour prier
Dieu.
— Avec plaisir, loup.
— A présent que nous sommes entrés, chèvre, il faut que
je te mange.
— Imbécile, je suis vieille et maigre; tu ferais un triste
repas. Mange plutôt cette miche de pain de quinze livres que
quelqu'un a mise pour le curé sur la marche de l'autel.
— Tu as raison, chèvre.
Le loup se jeta sur la miche, et la chèvre profìta de ce moment pour sortir par le trou de la porte. Mais quand le loup
voulut en faire autant, il se trouva que tout le pain qu'il
avait avalé lui avait tellement enflé le ventre, qu'il ne pouvait
pas passer.
— A mon secours, chèvre; le trou de la porte s'est rapetisé.
— Non, loup; c'est ton ventre qui s'est enflé. Tâche de
sortir de l'église en grimpant le long de la corde de la
cloche.
Le loup se pendit à la corde et mit la cloche à la volée, de
sorte que les gens de la paroisse accoururent à ce tapage.
Quand ils virent à qui ils avaient affaire, ils s'armèrent de
fourches et de bâtons, de sorte que la vilaine bête faillit y
laisser le cuir, et s'échappa toute en sang. La chèvre qui regardait de loin riait comme une folle.
— Ah! chèvre, les gens de cette paroisse sont de bien
mauvais chrétiens. Vois dans quel état ils m'ont mis devant
l'autel même du Bon Dieu. Je n'en puis plus, et je donnerais
dix ans de ma vie contre un peu d'eau pour laver mes blessures et me guérir de la soif que me donne tout le pain que
j'ai mangé.
�- 28 — Eh bien! loup, saute dans ce puits. Quand tu auras lavé
tes plaies et bu à ta soif, je t'aiderai à remonter.
Le loup sauta dans le puits, lava ses plaies et but à sa soif.
— Maintenant, chèvre, aide-moi à remonter.
— Loup, tu es dans le puits; demeures-y.
Et cric, cric,
Mon conte est flni;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé
Je passe par mon pré,
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a donnée.
�VII
La G-oulue
II y avait une fois (1) un liomme et une femme qui avaient
une fille de dix-huit ans. Cette fille était si goulue qu'elle
n'avait jamais la tête aux danses et aux galants, et qu'elle ne
pensait qu'à manger de la viande crue. Un jour son père et
sa mère eurent besoin d'aller à Agen, au temps de la foire
du Pin.
— Goulue, lui dirent-ils, nous allons à la foire à Agen.
Garde bien la maison, et pour ta peine nous te rapporterons
ce que tu voudras.
— Rapportez-moi de la viande crue.
Le père et la mère partirent pour Agen, et quand ils eurent
fait leurs affaires, ils coururent tous les bouchers de la ville
pour acheter de la viande. Mais force gens étaient venus à la
foire et s'étaient pourvus de bonne heure, de sorte que les
bouchers n'avaient plus rien à vendre. Le soleil commençait
à baisser, et les parents de la goulue reprirent le chemin de
leur village.
— Comment ferons-nous ? disaient-ils en marchant. Nous
avons promis de la viande crue à la goulue, et nous n'en
avons trouvé chez aucun boucher de la ville d'Agen.
AÍors la femme dit à l'homme :
— II fait nuit; entrons dans ce cimetière où on a enterré
un mort ce niatin. Déterrons-le, coupons-en un morceau, et
portons-le à la goulue.
Tous deux entrèrent dans le cimetière, déterrèrent le mort,
lui coupèrent la jambe gauche, et rentrèrent à la maison.
— Tiens, goulue, voici la viande crue que nous te rapportons de la foire.
(1) Écrit sous la dictée de Catherine Sustrac.
3
�La goulue se jeta sur la jambe et la rongea jusqu'au dernier morceau. Cela fait, elle prit le couteau de son père, cassa
l'os et suça la moêlle.
L'heure vint d'aller se coucher; mais pendant toute la nuit
on entendit dans la maison une voix qui criait:
— Rends-moi ma jambe. Rends-moi ma jambe.
Le lendemain, le père et la mère partirent de bonne heure
avec la goulue pour aller travailler aux champs. Quand vint
l'heure du déjeûner, il se trouva que le père avait oublié son
couteau.
— Goulue, dit-il, va-t-en me chercher mon couteau à la
maison.
— Je n'ose pas.
— Va-s-y, te dis-je, ou je vais te faire marcher.
La goulue partit; mais quand elle entra dans la maison,
elle trouva pendu à la crémaillère de la cheminée, un mort
à qui il manquait la jambe gauche.
— Goulue, dit-il, allume le feu et fais chauffer de l'eau.
La goulue alluma le feu et fìt chauffer de l'eau.
— Goulue, lave-moi ma jambe droite.
La goulue lava la jambe droite.
— Goulue, lave-moi ma jampe gauche.
— Mort, tu n'as pas de jambe gauche.
— Qui donc me la prise ?
— Je ne sais pas.
— Moi je le sais. Ton père et ta mère m'ont déterré et m'ont
coupé la jambe gauche que tu as mangée.
Alors le mort prit la goulue, l'emporta dans sa fosse au
cimetière et la mangea.
Et cric, cric,
Mon conte est flni;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé.
Je passe par mon pré,
Avec une cuillerée de fèves qu'on m'a donnée.
�— 31 —
VIII
La gardeuse de dindons.
II y avait une fois (1) un roi qui aimait beaucoup le sel. Ce
roi était veuf, et avait trois filles à marier. II avait aussi un
valet avisé comme il n'y en a guère. Un jour que ce valet
était occupé à pétrir dans le fournil, le roi vint le trouver et
lui dit :
— Valet, tu es un homme de sens, et je veux te consulter
sur une affaire fort secrète.
— Maître, je n'aime pas les secrets. Si vous devez parler
de votre affaire à un autre qu'à moi, ne m'en dites pas un
mot. Vous croiriez que c'est moi qui vous ai trahi, et vous
me chasseriez de chez vous.
— Je n'en parlerai qu'à toi.
— Àlors j'écoute.
— Valet, j'ai trois filles à marier; je suis vieux, etje ne
veux plus être roi. Quand tu auras fini de pétrir, tu iras
ehercher le notaire. Je veux me réduire à une pension, et
partager mon bien entre mes trois fllles.
— Maître, à votre place je ne ferais pas cela.
— Pourquoi, valet ?
— Maître, celui qui n'a plus rien est bien vite méprisé.
A votre place je garderais ma terre, et je doterais mes filles
raisonnablement le jour de leur mariage.
— Valet, mes filles m'aiment; je ne crains rien.
— Maître, mettez-les à l'épreuve avant de vous décider.
Le roi remonta dans sa chambre, et commanda qu'on fìt
venir ses trois filles.
— M'aimes-tu ? dit-il à l'aînée.
'}) Écrit sous la dictée de Marianne Bense.
�— 32 — Mon père, je vous aime plus que tout au monde.
— Bien. Et toi, ma cadette, m'aimes-tu ?
— Mon père, je vous aime plus que tout au monde.
— Bien. Et toi, ma dernière, m'aimes-tu ?
— Mon père, je vous aime autant que vous aimez le sel.
— Méchante langue ! Tu insultes ton père. Rentre dans ta
chambre, et attends-y que j'aie décidé ce qu'il faut faire de
toi.
La fille dernière rentra dans sa chambre : alors ses deux
aînées dirent à leur père :
— Notre soeur vous a insulté : elle mérite la mort.
— Elle mourra; mais vous autres vous m'aimez, et vous
ne tarderez pas à recevoir votre récompense. Attendez-moi ici.
Le roi redescendit au fournil où le valet pétrissait toujours,
et lui conta ce qui venait de se passer.
— Maintenant, valet, l'épreuve est faite. Va me chercher
le notaire, pour qu'il partage ma terre entre mes deux filles
aînées, et le bourreau pour qu'il fasse mourir ma dernière.
— Maître, les paroles sont des femelles; mais les actions
sont des mâles. Votre épreuve n'est pas bonne, et à votre
place je jugerais mes filles sur ce qu'elles feront, et non pas
sur ce qu'elles ont dit.
— Tais-toi, valet: tu ne sais pas ce que tu dis. Tais-toi,
ou je t'assomme de coups de bâton.
Quand le valet vit le roi brandir son bâton, il fit semblant
de changer d'avis.
— Eh bien, maître, j'ai tort, et vous parlez comme un
livre. Faites à votre volonté. Je vais aller chercher le notaire,
et je veux servir moi-même de bourreau à votre dernière
fille. Je la mènerai dans un bois, je la tuerai, et je vous
apporterai sa langue.
— Tu vois bien, valet, que tu es de mon avis. Va-t-en
d'abord chercher le notaire.
Le valet alla chercher le notaire, et le roi maria ses filles
�— 33 —
sur le champ, en donnant la moitié de sa terre à chacune
d'elles.
— Notaire, dit-il, je me réserve, pendant toute ma vie,
d'aller chaque année vivre six mois chez ma fille aînée,.et
six mois chez la cadette. Ne manque pas d'écrire cela sur ton
papier.
Le notaire était une grande canaille, qui fut condamné, la
même année aux galères pour le restant de sa vie. II avait
reçu secrètement de l'argent des deux filles aînées, et il
n'écrivit pas sur son papier ce que le roi s'est réservé.
— Maître, dit le vaîet, Dieu veuille que ce qui est fait
soit bien fait. Maintenant je vais mener votre fille dans le
bois, pour lui faire passer le goût dupain et vous apporter
sa langue.
— Va-s-y, valet; quand tu sera revenu, je te récompenserai.
Le valet alla cbercher une chaìne et la passa au cou de la
pauvre fille. Cela fait, il prit son sabre et siffla sa chienne.
— Allons, insolente! allons, malheureuse ! tu n'as pas
longtemps à vivre. Recommande ton âme à Dieu, à la sainte
Vierge et aux saints.
Ainsi criait le valet, tant qu'il était à même d'être entendu
par le roi; mais dans le bois ce fut autre chose.
— Demoiselle, n'ayez pas peur. J'ai fait tout ceci pour
vous sauver du bourreau. Vos chemises et vos plus belles
hardes sont dans ma besace. J'y ai mis aussi des habits de
paysanne que vous allez re-vêtir tout de suite. Avant de me
louer comme valet chez votre père, j'ai servi dans le château
d'un autre roi. Sa femme ne me refusera pas de vous prendre
comme gardeuse de dindons, et là vous serez bien cachée.
En effet, le valet amena la fille du roi à ce château. La
reine la prit à son service comme gardeuse de dindons, et
lui donna son logement 'dans une chambrette sous un escalier. Cela fait, le valet revint chez son maître ; mais en traversant le bois, il tira son sabre, tua sa chienne, et lui
arracha la langue.
�— 34 — Maître, j'ai tué votre fille, et je vous apporte sa lang-ue.
— Valet, je suis content de toi. Voilà cent louis d'or pour
ta peine.
— Cent louis d'or, maître, ce n'est pas assez pour ce
travail.
— Eh bien, en voilà cent autres.
— Et vous, mesdames, ne me donnerez-vous rien pour
avoir tué votre sceur et vous avoir apporté sa langue ?
— Valet, nous te donnerons chacune autant que notre
père.
— Merci, maître. Merci, mesdames.
Le lendemain de cette affaire, les deux fìlles aînées prirent
chacune son mari, et s'en allèrent trouver le roi.
— Père, vous n'êtes plus ici chez vous. La partie droite de
ce château appartient à l'aînée, et la g-auche à la cadette.
Allez-vous en ou vous voudrez.
— Méchantes fìlles, vous me payez mal de tout le bien
que je vous ai fait. Je ne veux pas m'en aller. Le papier
du notaire me donne le droit, pendant toute ma vie, d'aller
vivre six mois chez ma fille aînée, et six mois chez la cadette.
— Parle papier; tais-toi langue. Le notaire n'a pas écrit
cela.
— Le notaire est aussi canaille que vous.
— Allons ! leste ! allez-vous en, ou gare les chiens.
Le pauvre roi sortit du château : sur le pas de la porte il
rencontra le valet.
— Où allez-vous, maître ?
— Je m'en vais à la volonté de Dieu. Ce château n'est plus
le mien, et mes fìlles et mes gendres m'en ont chassé, Pourquoi m'as-tu si mal conseillé quand je voulais partager ma
terre entre mes filles ?
— Maître, Je vous ai dit : « Éprouvez-les. » Vous avez cru
aux paroles qui sont des femelles, tandis què les actions sont
des mâles, et vous avez agi à votre tête. Mais ce qui est fai
�est fait, et le regret ne sert de rien. Attendez-moi la un moment; nous allons partir ensemble. Je veux toujours être
votre valet.
— Eeste ici, pour ton bien. Je n'ai plus de quoi te payer et
te nourrir.
— Je vous servirai pour rien, et j'ai de quoi vivre pour
nous deux.
— Comme tu voudras.
Le valet rentra dans le château, et revint un moment après
avec une besace pleine sur le dos.
— Allons, partons.
Au bout de sept jours de marche ils arrivèrent dans un
pays où ils trouvèrent en vente une petite métairie, avec une
maison de maître. Le valet l'acheta, et la paya comptant avec
les louis d'or qu'il avait reçus pour sa peine, quand on
croyait qu'il avait fait mourir la dernière fille du roi.
— Maître, cette petite métairie est la votre. Buvez, mangez
et promenez-vous, pendant que je travaillerai les champs et
les vig-nes.
— Merci, valet. II y a force maîtres qui ne te valent pas.
Pendant que tout cela se passait, la dernière fille que son
père croyait morte, demeurait toujours, comme g-ardeuse de
dindons, dans le château du roi où le valet l'avait placée. Ce
roi avait un fils si fort, si hardi et si beau garçon, que toutes
les fìlles du pays en tombaient amoureuses. La g-ardeuse de
dindons en tomba amoureuse comme les autres; mais il ne
faisait aucune attention à élle.
— Mal appris, pensait-elle souvent, je te forcerai bien à
faire attention à moi.
Le temps du carnaval arriva, et chaque soir, après souper,
le fils du roi s'habillait de neuf et montait à cheval, pour s'en
aller danser jusqu'au lendemain matin, dans les châteaux du
voisinag-e. Que fit la gardeuse de dindons? Pendant la veillée
elle se dit malade, et fìt semblant de s'alier coucher. Mais elle
descendit secrètement à l'écurie, sella et brida un cheval, et
�— 36 —
lui donna double picotin d'avoine. Ensuite elle remonta dans
sa chambre et ouvrit la besace où étaient les hardes qu'elle
avait rapporté de chez son père. Cela fait, elle se peigna avec
un peigne d'or, se chaussa de bas blancs et de petits souliers
rouges en maroquin de Flandre, mit une belle robe couleur
du ciel, redescendit à l'écurie, sauta sur le cheval et partit
au galop pour le château où le fìls du roi s'en était allé danser.
Quand elle entra dans le bal, les joueurs de vielle et de
violon cessèrent de jouer, les danseurs de danser, et tous les
invités disaient :
— Quelle est cette belle demoiselle?
Enfin, les joueurs de vielle et de violon recommencèrent
leur musique, et le fils du roi prit la jeune fille par la main
pour la mener à la danse. Mais au premier coup de minuit,
elle laissa son danseur en plan, resauta sur son cheval, et repartit au galop. Le lendemain elle s'en alla garder les dindons
comme de coutume, et le fils du roi qui la rencontra en allant
à la chasse pensa :
— C'est étonnant comme cette jeune paysanne ressemble
à la belle demoiselle que j'ai vue au bal cette nuit.
Le soir même, après souper, il s'habilla de neuf, monta à
cheval, et partit encore pour le bal. Que fìt alors la gardeuse
de dindons? Pendant la veillée elle se dit malade, et fit semblant d'aller se coucher. Mais elle descendit secrètement à
l'écurie, sella et brida un cheval, et lui donna double picotin
d'avoine. Ensuite elle remonta dans sa chambre, et ouvrit la
besace où étaient les hardes qu'elle avait rapporté de chez son
père. Cela fait, elle se peigna avec un peigne d'or, se chaussa
de bas blancs et de petits souliers en marroquin de Flandre,
mit une robe couleur de la lune, redescendit à l'écurie, sauta
sur le cheval, et partit au galop pour le château où le fìls du
roi était allé danser.
Quand elle entra dans le bal, les joueurs de vielle et de violon cessèrent de jouer, les danseurs de danser, et tous les invités disaient;
�- 37 -
— Quelle est cettebelle demoiselle?
Enfin les joueurs de vielle et de violon recommencèrent
leur musique, et le fils du roi prit la jeune fille par la main
pour 1a mener à la danse. Mais au premier coup de minuit,
elle laissa son danseur en plan, resauta sur son cheval, et repartit au galop. Le lendemain, elle s'en alla garder les dindons comme de coutume, et le fìls du roi qui la rencontra, en
allant à la chasse, pensa :
— C'est étonnant, comme cette jeune paysanne ressemble
à la belle demoiselle que j'ai vue au bal cette nuit.
Le soir même, après souper, il s'habilla de neuf, monta à
cheval, et partit encore pour le bal. Que fit la gardeuse de
dindons? Pendant la veillée, elle se dit malade, et fit semblant
d'aller se coucher. Mais elle descendit secrètement à l'écurie,
sella et brida un cheval, et lui donna double picotin d'avoine.
Ensuite elle remonta dans sa chambre, et ouvrit la besace où
étaient les hardes qu'elle avait rapporté de chez son père.
Cela fait, elle se peigna avec un peigne d'or, se chaussa de
bas blancs et de petits souliers rouges en marroquin de
Flandre, mit une robe couleur du soleil, redescendit à l'écurie,
resauta sur le cheval, et partit au galop pour ;le château où
le fils du roi étnit allé danser.
Quand elle entra dans le bal, les joueurs de vielle et de
violon cessèrent de jouer, les danseurs de danser, et tous les
invités disaient :
— Quelle est cette belle demoiselle?
Enfin, les joueurs de vielle et de violon recommencèrent
leur musique, et le fils du roi prit la jeune fille par la main
pour la mener à la danse. Au premier coup de minuìt, la
jeune fille laissa son danseur en plan, resauta sur son
cheval et repartit au galop. Mais cette fois, en s'échappant,
elle perdit dans le bal son petit soulier rouge du pied droit.
Dès le premier jour oùlajeune fille avait paru dans le bal,
le fils du roi en était tombé tellement amoureux, qu'il en
avait perdu le boire et le manger. II ramassa le petit soulier
rouge et le fit essayer aux demoiselles du bal; mais toutes
�— 38 —
avaient le pied trop grand pour le chausser. Alors, il mit ce
petit soulier rouge dans sa poche et s'en revint au château de
son père.
— Père, je suis tombé amoureux d'une jeune fille qui a
perdu ce petit soulier rouge dans le bal. Si vous ne me la
donnez pas en mariage, vous serez cause d'un grand malheur. Je m'en irai loin, bien loin, me rendre moine dans un
pays d'où je ne reviendrai jamais.
— Mon fìls, je ne veux pas que tu te rendes moine. Dismoi où cette jeune fille demeure, et nous monterons tous
deux à cheval, pour aller la demander en mariage à son
père.
— Père, je ne sais pas où elle demeure,
— Eh bien! va me chercher le tambour de la commune.
Le fils du roi partit et revint avec le tambour.
— Tambour, voilà cent pistoles, Va-t-en crier partout que
la demoiselle qui pourra chausser ce petit soulier rouge sera
la femme de mon fils.
Le tambour partit, et cria partout comme il en avait reçu
l'ordre. Pendant trois jours, le château du roi fut plein de
demoiselles qui venaient pour essayer le petit soulier rouge;
mais aucune ne put le chausser. La gardeuse de dindons les
regardait faire et riait de tout son cceur.
— A ton tour, gardeuse de dindons, dit le fils du roi.
— Vous n'y pensez pas, Monsieur. Je ne suis qu'une
pauvre petite paysanne. Comment voulez-vous que je fasse
ce que n'ont pas pu faire toutes ces belles demoiselles?
— Allons , allons, criaient les demoiselles, faites approcher
cette insolente qui se moquait de nous tout à l'heure, et si
elle ne peut chausser le petit soulier rouge, qu'elle soit
fouettée jusqu'au sang.
La gardeuse de dindons s'approcha, en faisant semblant
d'avoir peur et de pleurer. Du premier coup elle, chaussa le
petit soulier rouge.
— Maintenant, dit-elle, attendez-moi ici tous.
�— 39 —
Elle alla s'enfermer dans sa chambre, et revint un moment
après, chaussée de rouge des deux pieds, et vêtue de sa robe
couleur du soleil.
— Mie, dit le roi, il faut que tu épouses mon fils.
— Je l'épouserai quand il aura le consôntement de mon
père. En attendant, je veux toujours garder vos dindons.
Alors, le roi et son fils se trouvèrent bien embarrassés.
Pendant que tout cela se passait, l'autre roi, chassé par ses
deux filles, demeurait toujours, avec son valet, sur sa petite
métairie et il disait souvent :
— Mes deux filles aînées son des carognes, et mes deux
gendres de mauvais sujets. Si j'avais ma dernière enfant
avec moi, je ne serais pas si triste. Elle me tiendrait compagnie, tout en me filant des chemises et en rapièçant mes
habits. Valet, pourquoi l'as-tu tuée et m'as-tu apporté sa
langue?
— Maître, c'est vous qui me l'avez commandé.
— Alors, valet, j'ai eu tort de te le commander, et tu as eu
tort de m'obéir.
— Je n'ai pas eu tort, parce que je ne vous ai pas obéi.
Votre dernière íìlle n'est pas morte. Je l'ai placée dans le
château d'un autre roi, comme gardeuse de dindons, et ce
que vous avez pris pour sa langue était la langue de ma
chienne.
— Tant mieux, valet. Nous allons partir sur le champ
pour ramener la pauvrette ici.
Ils partirent tous deux sur le champ, et, sept jours après,
ils arrivèrent au château du roi.
— Bonjour, roi.
— Bonjours, mes amis. Qu'y a-t-il pour votre service?
— Boi, j'ai été roi moi-même, et j'avais un château aussi
beau que le tien. Mes deux filles aînées m'en ont chassé, et
ma dernière est chez toi comme gardeuse de dindons. II faut
que tu me la rendes.
�- 40 — Mon ami, je ne peux pas. Mon fils est tombé amoureux
de ta fille, au point qu'il en a perdu le boire et le manger. Je
te la demande en mariage pourlui.
— Roi, fais venir ma fille pour qu'elle parle librement. Je
ne veux pas la marier par force.
On alla cbercber la gardeuse de dindons.
— Bonjour, papa et la compagnie.
— Bonjour, ma fille. Parle librement. Veux-tu épouser ce
jeune bomme?
Le pauvre jeune homme était blanc comme de la farine, et
tremblait comme une queue de vache.
— Ma fille, parle librement.
— Papa, j'épouserai ce jeune homme préférablement à
tout autre. Mais je veux auparavant que son père et lui vous
aident à reprendre le château d'où vous ont chassé mes sceurs
aînées.
Alors le roi et son fils fìrent assembler aussitôt tous les
hommes du pays, et les armèrent de sabres et de fusils. Tout
ce monde se mit en chemin pendant la nuit, et se rendit
maître du château des deuxsoeurs aînées, qui ne s'attendaient à rien. Ces deux femmes furent pendues avec leurs
maris, et leurs corps ne furent pas portés en terre sainte. On
les abandonna dans un champ, et les chiens, les corbeaux et
les pies les rongèrent jusqu'aux os.
Voilà ce qui fut fait. Alors le roi dit au père de la gardeuse
de dindons.
— Mon ami, reprends ton château, et redeviens roi comme
au temps passé. Maintenant il faut songer à la noce de mon
fils et de ta fille.
Jamais les gens du pays ne virent une si belle noce. Cent
foudres de vin vieux furent mis en perce ; on tua je ne sais
combien de veaux et de moutons, et pendant trois jours et
trois nuits, cent femmes furent occupées à plumer les dindons, les chapons et les canards. Mangeait et buvait qui
voulait. Le valet tout habillé de neuf et luisant comme un
�- 41 calice, se tenait debout derrière la chaise de la mariée, et ne
la laissait manquer de rien.
— Valet, lui dit son maître, c'est la dernière fois que tu
sers à table. Je veux te marier aujourd'hui même.
— Maître, vous êtes bien honnête.
— Valet, nous ne manquons pas ici dejolies filles à marier.
Choisis celle que tu voudras.
Le valet choisit une fille jolie comme le jour et sage comme
une image:
— Maître, voici ma femme.
— Valet, je veux l'embrasser. Maintenant mettez-vous
tous deux à table avec nous, et ne vous laissez manquer de
rien. Le curé vous mariera demain matin. Je veux être ton
parrain, et ma fille sera ta marraine.
Et cric, cric,
Mon conte est fini;
Et cric, crac,
Mon conte est achevé.
Je passe par mon pré,
Avec une cuillerée de fèves qu'on ma donnée.
�RÉGITS
i
La Femme méchante
Celui qui cherche (1) à se marier court la chance de grands
malheurs. II y a des fìlles méchantes; il y en a de débauchées, il y en a qui aiment la bouteille. Le galant peut
faire ce qu'il voudra, prendre des renseignements, et tâcher
de voir par lui-même; cela ne lui sert souvent de rien. Tant
que le curé n'a pas parlé, les filles cachent leurs vices; mais
après c'est une autre affaire. Dieu vous préserve de ce danger,
mais qu'il vous garde surtout d'épouser une femme méchante. II ne vous servirait de rien de la raisonner ou de la
battre. Vous perdriez votre peine, et la carogne serait capable de vous empoisonner. Mieux vaudrait pour vous vivre
dans la compagnie de Lucifer et de ses diables.
Un homme avait eu le triste sort de tomber sur une de ces
méchantes filles. Le soir même de la noce, elle fit un sabbat
d'enfer, et pendant dix ans cela recommençait vingt fois par
jour. L'homme était fort comme Samson, patient comme un
ange, et il disait en lui-même :
— Si je bats cette malheureuse, je suis capablede l'estropier,
et peut-être de la tuer sans vouloir le faire. Jamais les juges
ne pourraient croire tout ce que j'ai souffert, et ils commanderaient de me faire mourir. Cela serait un grand affront
pour la famille. Mieux vaut faire comme devant, et offrir mes
peines au Bon Dieu.
La femme voyant que son homme ne répondait jamais à
(1) Écrit sous la dictée de Marianne Bense.
�ses insultes et n'avait pas l'air de prendre garde à ses malices, devint encore plus méchante.
— Àh 1 c'est ainsi, pensa-t-elle. Eh hien ! nous verrons ce
soir.
Le soir, l'homme revint de son champ, las et affamé.
— As-tu trempé la soupe, ma femme ?
— Non, ivrogne, voleur, mauvais sujet. Je suis lasse de servir un rien qui vaille comme toi. Fais ta cuisine si tu veux.
Le pauvre homme ne répondit rien. II alla couper des
choux au jardin, alluma le feu et fit la soupe. Mais comme il
était prêt à la tremper, sa femme cassa la marmite d'un coup
de pelle à feu.
— Ma femme, pourquoi as-tu cassé la marmite ?
— Cela m'a plu, pouilleux.
— Je te défends de m'appeler pouilleux.
— Pouilleux ! pouilleux !
— Si tu le redis, je te noie dans la mare.
— Pouilleux ! pouilleux ! pouilleux !
L'homme prit sa femme, la porta dans la mare, et l'y fìt entrer jusqu'à mi-jambe.
—Pouilleux!
L'homme plongea sa femme dans l'eau jusqu'à la ceinture.
— Pouilleux! pouilleux!
L'homme plongea sa femme dans l'eau jusqu'au menton.
— Pouilleux! pouilleux! pouilleux!
L'homme plongea dans l'eau toute la tête de sa femme. Mais
celle-ci élevait ses mains en l'air, et frottait ses pouces l'un
contre l'autre comme qui écrase des poux. Alors l'homme
comprit que cela ne servait de rien, et il ramena sa femme
au bord de la mare.
— Cette leçon est perdue, pensa-t-il, et je perdrais mon
temps à la recommencer. Ma femme est née méchante, et méchante elle mourra.
�- 44 II
L'Aveugle
II y avait une fois (1) un aveugle fort riche, et qui avait une
fìlle à marier. Cet aveugle était un homme fort avisé, et quand
un galant se présentait pour lui demander sa fille, il répondait :
— Donnez l'avoine à mon bidet, et mettez-lui la bride et la
selle. Je veux aller voir si les champs de ce jeune homme sont
bons.
— Mais, pauvre homme, vous êtes aveugle. Comment le
verrez-vous?
— Je le verrai bien.
Arrivé dans les champs dugalant, l'aveugle descendait de
son bidet et disait :
— Attachez ma bête à un pied d'hièble.
— II n'y a point d'hièble dans ces champs : il n'y a que de
la fougère.
Alors l'aveugle remontait sur son bidet et disait :
— Je ne veux pas encore marier ma fille.
Pendant trois ans, il fit et parla de même; mais un jour un
galant lui répondit :
— Voilà qui est fait. Votre bidet est attaché à un hièble.
— Fais-moi toucher l'hièble et la bride. Je veux savoir si
mon bidet est bien attaché.
L'aveugle toucha la bride et la plante, èt comprit à l'odeur
des feuilles que son bidet était réellement attaché à un hièble.
— Galant, dit-il, tu auras ma fille, et nous ferons la noce
quand tu voudras.
Cet aveugle avait raison. II voulait marier richement sa
fille, et il avait vu autrefois que la fougère pousse dans les
mauvaises terres, et l'hièble dans les bonnes.
(1)
Écrit sous la dictée de M°e Lacroix.
�- 45 -
III
Le méchant homme
On ne sait pas (1) de qui on aura besoin, ni à quelle fontaine on boira.
II y avait une fois, dans la ville d'Agen, un bomme pauvre
comme un furet, fainéant comme un chien, et insolent comme
le valet du bourreau. Au contraire, le frère de cet homme
avait acheté près de Nérac, pour plus de trentemille francs de
terre. II travaillait comme un galérien, et jamais on ne lui
avait entendu dire contre personne une mauvaise parole. La
canaille mériterait de mourir et les braves gens de vivre.
C'est ponrtant le contraire qui arrive. Le brave frère mourût
sans s'êlre marié, et le curé de sa paroisse envoya dire au
méchant homme d'Agen de venir à l'enterrement.
Le méchant homme partit, et marcha trois heures sans s'arrêter, jusqu'ausommet d'une côte, où il y avait une fontaine
au bord du chemin. Là il but à sa soif, et ensuite il pissa et
chia dans la fontaine'T
— Mauvais sujet! lui dit un homme qui travaillait tout près
de là dans son champ. N'as-tu pas honte de souiller ainsi
cette fontaine dont l'eau sert à tout le monde?
— Tais-toi, imbécile; mon frère vient de mourir, et j'hérite
de plus de trente mille francs de terre. Maintenant, j'ai de
quoi, pendant toute ma vie, boire du vin et manger du pain
blanc, avec un chapon rôti à dîner, et deux pans de saucisse
à souper. Je ne boirai plus à cette fontaine.
Le méchant homme reprit son chemin, et arriva au village
où l'on allait enterrer son frère.
— Notaire, c'est moi qui suis l'héritier.
(1) Raconté par Marianne Bense.
4
�- 46 —
— Non, ce n'est pas toi. Voilà le testament du mort, qui
laisse tout son bien aux pauvres de la paroisse.
— Mon frère était une canaille.
— C'est toi qui es une canaille, dirent les gens qui étaient
venus pour l'enterrement. Tu es arrivé ici faire du scandale
et insulter un mort. File aussitôt pour ton pays, ou nous
siffions les chiens pour te faire un brin de conduite.
Le méchant homme repartit au grand galop sans manger
ni boire. Quand il arriva près de la fontaine, il était rendu, et
tirait un pan de langue.
— Mon ami, dit-il à l'homme qui travaillait dans son
champ, cette fontaine est souillée. Enseigne-m'en une autre.
Je crève de soif.
— Mauvais sujet, c'est toi qui as souillé la fontaine, et
je ne t'en enseignerai aucune autre. Bois, si tu veux de
celle-ci.
Le méchant homme fût forcé de boire de l'eau qu'il avait
souillée.
On ne sait pas de quoi on aura besoin, ni à quelle fontaine
on boira.
�-47 —
IV
JLies deixx présents
Henri IV (1) était un roi haut d'une toise, gros en proportion, fort comme un bceuf, et hardi comme un César. II
faisait beaucoup d'aumônes et n'aimait pas les intrigants.
Âvant d'aller s'établir à Paris, ce roi demeurait à Nérac, et
il avait toujours auprès de lui son ami Roquelaure , qui était
l'homme le plus farceur de ce temps-là.
Un jour que Henri IV et Roquelaure jouaient aux cartes
après dîner, ils virent entrer dans la chambre un paysan qui
portait sur sa tête une citrouille si grosse qu'on n'a jamais vu
et qu'on ne verra jamais la pareille.
— Bonjour, mon prince et la compagnie.
— Bonjour, mon ami. Que viens-tu faire ici avec ta citrouille?
— Mon prince, je viens vous porter ce présent. La soupe
de citrouille et de haricots frais est une fort bonne chose;
mais ne manquez pas de recommander à votre cuisinière
de conserver les graines. Vous en donnerez à tous vos amis et
connaissances, et je viendrai moi-même en chercher pour
l'année prochaine.
(1) Lenom de Henri IV est encore très populaire en Gascogne. On débite
sur son compte (principalement dans l'arrondisseinent de Nérac, qui est en
dehors de mon domaine actuel), un certam nombre d'anecdotes dont la
plupart ont été imprimées dans divers ouvrages. Je n'ai trouvé nulle part
celle que je donne ici. Elle a été racontée devant moi, il y a quatre ans,
par un vieux chasseur d'alouettes, à la gare de Libos, où j'attendais le passage du train pour revénir à Àgen. Le conteur me parut, à son langage,
être né dans le Haut-Agenais; mais j'eus le tort de ne pas lui demander son
nom et sa demeure. Je me souviens fort bien que dans mon enfance, une
jeune fllle nommée Claire, servante chez ma grand'mère, M"e Liaubon, de
Marmande, m'a raconté une histoire à peu près semblable. Cependant,
le personnage de Henri IV était remplacé par celui d'un roi quelconque*
II n'y était pas non plus question de Roquelaure.
�— 48 —
— Merci, mon ami; va-t-en manger un morceau et boire
un coup à la cuisine.
— Avec plaisir, mon prince.
Le paysan descendit h la cuisine, où on ne le laissa pas
manquer de pain, de vin et de viande. Pendant qu'il buvait
et mangeait, Henri IV dit à Roquelaure :
— Roquelaure, ce paysan m'a l'air d'un brave homme, et je
crois qu'il m'a porté sa citrouille de bon cceur. Que pourraisje lui donner?
— Mon prince, mettez-le à l'épreuve, et s'il ne vous a pas
porté un oeufpour avoir un bceuf, faites-lui présent d'un beau
cheval.
— Roquelaure, tu as raison.
Quand le paysan eut mangó à sa faim et bu à sa soif, il
revint dans la chambre pour saluer le roi avant de partir.
— Mon ami, que demandes-tu pour récompense?
— Mon prince, je vous demande de ne pas oublier de me
faire garder des graines de citrouille, pour me maintenir en
belle semence.
Alors Henri IV commanda qu'on donnât un beau cheval au
paysan, qui rentra chez lui fort content.
Ce paysan était métayer de M. de Cachopeu (1), un noble,
glorieux comme un paon et avare comme un juif. Quand
M. de Cachopeu vit que son métayer avait été si bien récompensé pour une citrouille, il pensa :
— Demain j'irai trouver Henri IV, et je lu,i ferai présent de
mon plus beau cheval. Pour le moins il me fera marquis, et
me donnera un barril plein de doubles louis d'or.
En effet, le lendemain matin M. de Cachopeu descendit
dans son écurie, choisit son plus beau cheval, partit pour
la ville de Nérac, et trouva Henri IV et Roquelaure qui
jouaient aux cartes après dîner.
(1) Cachopeu signiíie écrase-pou. Inutile de dire que ce mot a été forgé
ar la malice populaire, et qu'il n'existe, ni en Agenais, ui en Gascogne ,
ne famille ou une terre de ce nom.
v
�— Bonjour, mon prince et la compagnie.
— Bonjour, mon ami. Qu'y a-t-il pour ton service?
— Monprince, je suis M. de Cachopeu, et j'ai appris que
vous aviez donné un beau cheval à mon métayer, qui vous
avait fait présent d'une citrouille. Je vous amène une autre
bête pour remplacer celle que vous n'avez plus.
— Merci, mon ami. Et où est cette bête?
— Mon prince, je l'ai laissée là-bas à l'écurie.
— Eh bien, mon ami, je veux aller la voir. Passe devant :
moi et Roquelaure nous te rattraperons dans cinq minutes.
M. de Cachopeu descendit à l'écurie. Alors Henri IV dit:
— Roquelaure, ce Cachopeu m'a l'air d'un bien brave
homme, et je crois qu'il m'a amené son cheval de bon coeur.
Que pourrai-je lui donner ?
— Mon prince, mettez-le à l'épreuve, et s'il ne vous a pas
donné un ceuf pour avoir un boeuf, donnez-lui sept métairies
et un grand pouvoir dans tout le pays.
— Roquelaure, tu as raison.
Henri IV et Roquelaure descendirent à l'écurie.
— Monprince, voicile cheval.
— Mon ami, je n'en ai jamais vu aucun de si beau. Que de mandes-tu pour récompense ?
— Mon prince, je vous demande pour le moins de me faire
marquis, et de me donner un baril plein de doubles louis d'or.
— Mon ami, je veux te donner mieux que ça. Viens avec
moi à la cuisine.
Roquelaure etM. de Cachopeu suivirent Henri IV.
— Cuisinière, as-tu gardé les graines de la grosse citrouille
qu'un paysan m'a apportée hier ?
— Oui, mon prince.
— Eh bien! remplis-en deux cornets de papier. L'un sera
pour Cachopeu, l'autre pour son métayer.
�— 50 —
V
Le Curó avisé
Les gens ne se mettront jamais tous d'accord sur une
même chose (1).
II y avait une fois un curé si fin et si avisé, que personne
n'avait jamais pu le surprendre à mal dire ni à mal faire. Les
marguilliers de sa paroisse vinrent le trouver un dimanche
matin à la sacristie.
— Bonjour, Monsieur le curé.
— Bonjour, mes amis. Qu'y a-t-il pour votre service ?
— Monsieur le curé, la sécheresse ruine nos récoltes. Nous
venons vous prier de faire pleuvoir.
— Mes amis, rien de plus facile. Je sais une prière qui fait
pleuvoir le jour même, si tout le monde est d'accord. Tout à
l'heure, à la fìn du prône, je consulterai le peuple.
— Merci, Monsieur le curé.
— A votre service, mes amis.
Les marguilliers rentrèrent dans l'église, et le curé commença la messe. Quand le moment du prône fut venu, il
monta en chaire et dit :
— Mes frères, les marguilliers de la paroisse sont venus
me trouver tout à l'heure à la sacristie, et se sont plaints de
la sécheresse qui ruine vos récoltes. Ils m'ont prié de faire
pleuvoir, et je sais une prière qui ne manque jamais son
coup, à condition que tout le monde soit d'accord pour choisir
le jour. Voulez-vous que je fasse pleuvoir aujourd'hui?
— Non, Monsieur le curé, répondirent les garçons. Nous
voulons aller nous promener ce soir après vêpres.
— Voulesi-vous que je fasse pleuvoir demain ?
(1) Raconté par feue Justine Dutilh, épouse Duplan, de Marmande.
�— 51 —
— Non, Monsieur le curó, répondirent trois ou quatre
femmes; nous avons fait la lessive, et nous ne voulons la
pluie que lorsque notre linge sera sec.
— Voulez-vous que je fasse pleuvoir mardi ?
— Non, Monsieur le curé, répondirent les jeunes fìlles;
nous voulons aller à la foire ce jour-là.
— Voulez-vous que je fasse pleuvoir mercredi ?
— Non, Monsieur le curé, répondit une troupe de faucheurs; nous avons à couper du trèfie ce jour-là.
— Voulez-vous que je fasse pleuvoir jeudi?
— Non, Monsieur le curé, répondirent les enfants; ce jourlà il n'y aura pas école, et nous voulons être libres d'aller
courrir.
— Voulez-vous que je fasse pleuvoir vendredi ?
— Non, Monsieur le curé, répondit le tuilier; mes tuiles
son encore dehors, et je ne puis les mettre au four que samedi.
— Voulez-vous que je fasse pleuvoir samedi ?
— Non, Monsieur le curé, répondit le maire; j'ai besoin
d'aller en campagne ce jour-là.
— Mes frères, je vous l'ai dit, ma prière n'a de vertu que
si tout le monde est d'accord sur le jour où je devrai faire
pleuvoir. En attendant que vous soyez tous du même avis,
laissez faire le Bon Dieu.
�SUPERSTITIONS
i
L'homme aux dents rouges
11 y avait une fois (1) un homme et une femme qui avaient
trois enfants : une fllle et deux garçons. Quand la fille fut
grande, son père et sa mère voulurent la marier; mais elle
n'écoutait aucun galant, et toujours elle disait :
— Je veux pour mari un homme qui ait les dents rouges.
Le père et la mère fìrent tambouriner partout la volonté
de leur fille,«t attendirent pendant sept ans. Alors un homme
qui avait les dents rouges se présenta dans leur maison.
— Voici l'homme qu'il me faut, dit la fille.
On les maria sans tarder; le lendemain de la noce, l'hommè
aux dents rouges se leva de honne heure, descendit à l'écurie, donna l'avoine à son cheval, lui mit la bride etla selle,
et partit au grand galop sans qu'on pût voir où il allait. II
ne revint à la maison qu'à l'entrée de la nuit.
— D'où viens-tu, mon homme ? dit la femme.
L'homme aux dents rouges ne répondit pas.
Le lendemain, l'homme aux dents rouges se leva de bonne
heure, descendit à l'écurie, donna l'avoine à son cheval, lui
mit la bride et la selle, et partit au grand galop sans qu'on
pût voir où il allait. II ne revint à la maison qu'à l'entrée de
la nuit.
— D'où viens-tu, mon homme? dit la femme.
L'homme aux dents rouges ne répondit pas.
(1) Écrit sous la dictée de Catherine Sustrac.
�— 53 Le lendemain, l'homme aux dents rouges se leva de honne
heure, descendit à l'écurie, donna l'avoine à son cheval, lui
mit la bride et la selle, et partit au grand galop, sans qu'on
pût voir où il allait.
Alors la femme dit à son père, à sa mère et à ses deux
frères :
— Vous voyez ce qui se passe. Mon homme part le matin
de bonne heure et ne rentre qu'à l'entrée de la nuit. Quand
je lui demande d'où il vient, il ne me répond pas. Peut-être
s'en va-t-il voir quelque ancienne maîtresse. Cela ne peut
point se passer ainsi.
— Sois tranquille, ma soeur, dit le frère aîné. Demain je
demanderai à ton homme de me prendre en croupe, et je te
dirai où il va.
L'homme aux dents rouges revint'à la maison à l'entrée de
la nuit. Le lendemain, il se leva de bonne heure, descendit à
l'écurie, donna l'avoine à son cheval, et lui mit la bride et la
selle. Alors le frère aîné de la femme entra dans l'écurie.
— Homme aux dents rouges, dit-il, je veux t'accompagner
dans ton voyage.
— Monte en croupe, mon beau-frère.
Le cheval partit au galop à travers les bois. Au bout de trois
heures, il s'arrêta dans un endroit où coulait une fontaine
d'argent.
— Mon beau-frère, dit l'homme aux dents rouges, descendons de cheval pour boire à cette fontaine.
Ils descendirent tous deux : mais à peine le beau-frère
eut-il bu tant soit peu de l'eau qui coulait de la fontaine
d'argent, qu'il s'endormit au pied d'un arbre jusqu'au coucher du soleil. Alors l'homme aux dents rouges le réveilla.
— Mon beau-frère, tu as dormi longtemps. II est trop tard
pour continuer notre voyage. Eetournons à la maison.
Tous deux remontèrent à cheval, et à minuit ils étaient
rentrés à la maison.
L'homme aux dents rouges se mit au lit et s'endormit.
�— 54 —
Alors sa femme se leva doucement, doucement, et s'en alla
dans la chambre du frère aîné,
— Eh bien! mon frère, où êtes-vous allés?
— Nous avons galopé à travers les bois jusqu'à midi. Alors
nous sommes descendus de cheval, dans un endroit où coulail une fontaine d'argent. J'ai voulu boire tant soit peu d'eau,
et je me suis endormi au pied d'un arbre jusqu'au coucher
du soleil. Alors ton homme m'a réveillé, et nous sommes revenus à la maison. Mais il ne m'a pas dit ce qu'il avait fait
jusqu'au coucher du soleil. Retourne danstonlit, ma sceur,
et dors tranquille. Demain j'accompagnerai encore ton
homme, etje ne boiraipoint de l'eau qui coule de la fontaine
d'argent.
Le lendemain, Phomme aux dents rouges se leva de bonne
heure, descendit à l'écurie, donna l'avoine à son cheval, et
lui mit la bride et la selle. Alors le frère aîné de la femme
entra dans Pécurie.
— Homme aux dents rouges, dit-il, je veux t'accompagner
dans ton voyage.
— Monte en croupe, mon beau-frère.
Le cheval partit au grand galop à travers les bois. Au bout
de trois heures, il s'arrêta de nouveau dans l'endroit où
coulait la fontaine d'argent.
— Mon beau-frère, dit Phomme aux dents rouges, descendons de cheval pour boire à cette fontaine.
Ils descendirent tous deux; mais le beau-frère était sur ses
gardes et ne voulait point boire.
— Allons, bois; cela te fera du bien.
— Non, je n'ai pas soif.
— Eh bien, mange, si tu ne veux pas boire.
L'homme aux dents rouges tira de son porte-manteau une
miche de pain et un grand morceau de porc très salé. Quand
le beau-frère en eut mangé quelques bouchées, la soif le prit,
et il s'approcha de la fontaine d'argent. Mais à peine eut-il
bu tant soit peu d'eau, qu'il s'endormit au pied d'un arbre
�— 55 —
jusqu'au coucher du soleil. Alors l'homme aux dents rouges
le réveilla.
— Mon beau-frère, tu as dormi longtemps. II est trop tard
pour continuer notre voyage. Retournons à la maison.
Tous deux remontèrent à cheval, et à minuit ils étaient
rentrés à la maison.
L'homme aux dents rouges se coucha et s'endormit. Alors
sa femme se leva doucement, doucement, et s'en alla dans la
chambre de ses frères.
— Eh bien, mon frère, où êtes-vous allés?
— Nous avons galopé à travers les bois pendant trois
heures. Alors nous sommes descendus de cheval dans l'endroit où coule la fontaine d'argent. Je ne voulais pas boire;
mais ton homme m'a donné à manger du pain et du porc
très-salé. Après quelques bouchées, la soif m'a pris, et je me
suis approché de la fontaine d'argent. Mais à peine ai-je eu
bu tant soit peu d'eau que je me suis endormi au pied d'un
arbre jusqu'au coucber du soleil. Alors ton homme m'a réveillé, et nous sommes revenus à la maison; mais il ne m'a
pas dit ce qu'il avait fait jusqu'au coucher du soleil. Maintenantj'ai assez de ces voyages, et je n'y veux plus retourner.
Quand la femme entendit cela, elle se mit à pleurer comme
une Madeleine; mais à toutes ses prières le frère aîné répondait toujours :
— J'ai assez de ces voyages, et je n'y veux plus retourner.
A la fìn, le frère cadet, qui était niais, prit pitié de sa sceur.
— Ma soeur, ne pleure plus ainsi toutes les larmes de tes
yeux. Retourne dans ton lit et dors tranquille. Demain j'accompagnerai ton homme, sans manger ni pain ni porc salé,
et sans boire de l'eau qui coule de la fontaine d'argent.
— Toi, pauvre niais, tu veux accompagner mon homme.
— Retourne dans ton lit et dors tranquille.
Le lendemain, l'homme aux dents rouges se leva de bonne
heure, descendit à l'écurie, donna l'avoine à son cheval, et
lui mit la bride et la selle. Alors le niais entra dans l'écurie.
�— Homme aux dents rouges, dit-il, je veux t'accompagner
dans ton voyage.
— Monte en croupe, niais.
Le cheval partit au grand galop à travers les bois. Au bout
de trois heures, il s'arrêta dans l'endroit où coulait la fontaine d'argent.
— Niais, dit l'homme aux dents rouges, descendons de
cheval pour boire à cette fontaine.
— Je n'ai pas soif.
— Descendons pour manger un peu de ce pain et de ce
porc salé.
— Je n'ai pas faim.
— Descendons au moins pour nous reposer.
— Je ne suis point las.
L'homme aux dents rouges eut beau prêcher, le niais ne
voulut rien entendre, et il fallut se remettre en route. Tous
deux cheminèrent ainsi jusqu'à un champ où quelques
hommes bêchaient.
■— Niais, dit l'homme aux dents rouges, j'ai besoin d'aller
parler à ces bêcheurs. Tiens mon cheval jusqu'à ce que je
revienne.
— Sois tranquille, il ne m'échappera pas.
Le niais attacha le cheval à un arbre et suivit l'homme aux
dents rouges sans être vu. Au bout d'une heure, il arriva
dans des prés si maigres qu'on eût pu y ramasser du sel;
pourtant les bceufs et les vaches y étaient gras à lard.
Un peu plus loin, il arriva dans des prés où il y avait de
l'herbe deux pieds par dessus la tête; pourtant les boeufs et
les vaches y étaient maigres comme des clous.
Un peu plus loin il arriva dans des près ordinaires, où
paissaient des chèvres qui n'étaient ni maigres ni grasses.
Un peu plus loin, il vit l'homme aux dents rouges entrer
dans une petite église et fermer la porte. Le niais regarda
par le trou de la serrure, et vit un autel avec un cierge
beaucoup plus court que les autres. Un prêtre disait la messe,
�— 57 —
et l'homme aux dents rouges la servait. Pendant ce temps-là
des volées d'oiselets arrivaient des qùatre vents du ciel el
venaient frapper contre les vitres de la petite église avec leurs
becs et leurs ailes; pourtant les fenêtres ne s'ouvraient pas,
et les pauvres petites bêtes demeuraient toujours debors à
frapper et à crier :
— Riu, cMu, chiu.
La messe finie, l'bomme aux dents rouges ferma le missel
et souffiales cierges. Alors le niais prit la course, et revint
auprès du cbeval.
— Eb bien! niais, veux-tu retourner à la maison ?
— Je suis à ton commandement.
Tous deux remontèrent à cheval, et arrivèrent à la maison
au coucher du soleil. Pendant le souper, le niais raconta ce
qu'il avaitvu depuis le moment où l'homme aux dents rouges
lui avait donné son cheval à garder.
— Homme aux dents rouges, pourquoi ne t'es-ta pas arrêté avec les bêcheurs ?
L'homme aux dents rouges ne répondit pas.
— Homme aux dents rouges, parle-nous de ces prés si maigres qu'on aurait pu y ramasser le sel; pourtant les bestiaux
étaient gras à lard.
— Niais, ces prés étaient le paradis, et ce bétail les saintes âmes.
— Homme aux dents rouges, parle-nous des prés où j'avais
de l'herbe deux pieds par-des'sus ma tête; pourtant les bestiaux y étaient maigres comme des clous.
— Niais, ces prés étaient l'enfer, et ce bétail les âmes
damnées.
— Homme aux dents rouges, parle-nous des prés ordinaires où paissaient des chêvres qui n'étaient ni maigres ni
grasses.
— Niais, ces prés ordinaires étaient le purgatoire, et ces
chêvres ni maigres ni grasses, les âmes qui attendent le
moment de la délivrance.
�— Homme aux dents rouges, parle-nous du prêtre qui
disait la messe dans la petite église.
— Niais, ce prêtre est le Bon Dieu.
— Homme aux dents rouges, parle-nous des volées d'oiselets qui arrivaient des quatre vents du ciel et venaient
frapper contre les vitres de la petite église avec leurs bees et
leurs ailes; pourtant les fenêtres ne s'ouvraient pas, et les
pauvres petites bêtes demeuraient toujours debors à crier :
Riu, chiu, chiu.
— Niais, ces oiseaux étaient les âmes des petits enfants
morts sans baptême , qui n'entreront point en paradis.
— Homme aux dents rouges, parle-nous du cierge plus
court que les autres qui brûlait sur l'autel.
— Niais, quand on a vu ce que tu as vu, on n'a plus rien
à apprendre dans ce monde. Aussi vrai que tu seras tout-àl'beure en paradis, ce cierge était ta propre vie, et il s'éteignait sur l'autel à la fìn du dernier évangile.
�— 59 —
II
L'homme blanc
Voici ce qui est arrivé (1) à un vieux soldat qui a perdu une
jambe à la guerre, et qui va demander son pain de porte en
porte.
Ce vieux soldat suivait un jour le chemin de Nérac à Agen
avec un seul morceau de pain dans sa besace. Arrivé près de
Moncaut, il s'assit au bord d'un fossé, et il commençait à
manger, quand il vit venir à lui un homme vêtu de blanc de
la tête aux pieds : chapeau blanc, habits et souliers blancs,
et un grand bâton blanc à la main droite.
— Que fais-tu là, mon ami.
■ — Vous le voyez, Monsieur; je mange un morceau de pain.
Nous le partagerons si vous voulez.
— Avec plaisir, mon ami.
L'homme blanc s'assit sur le bord du fossé à côté du vieux
soldat, qui lui donna la moitié de son morceau de pain. Quand
ils eurent mangé, l'homme blanc se leva et dit :
— Merci, mon ami. Tu peux suivre ton chemin. Rien
ne te manquera aujourd'hui, et avant que tu rentres ce soir
dans ta maisonnette, tu auras ramassé du pain pour vivre
pendant un mois.
Le vieux soldat se remit en chemin. De toutes les métairies
onl'appelait pour lui donner, et quand il rentra le soir dans
sa maisonnette, il avait ramassé du pain pour vivre pendant
un mois.
Ce même jour, l'homme blanc rencontra sur le chemin un
voiturier qui portait trois religieuses.
(i) Écrit sous la dictée de M°* Lacroix.
�— 60 —
— Mes soeurs, je suis las. Donnez-moi une petite place dans
votre voiture.
— Passe ton chemin, homme blanc; il n'y a pas de place
ici pour toi.
Alors le voiturier eut pitié de l'homme blanc, et lui donna
une place à son côté.
— Merci, mon ami. Ta charité te sera payée.
'Ils cheminèrent ainsi jusqu'à un quart-d'heure de Nérac.
Alors l'homme blanc descendit et dit au voiturier :
— Je t'ai dit que ta charité te serait payée. Aussi vrai que
ces trois religieuses que tu vois si pleines de vie seront mortes
avant d'arriver à Nérac, tu trouveras ta femme qui est malade
depuis sept ans, tout-à-fait guérie et occupée à te faire la
soupe.
L'homme blanc s'en alla. Quand le voiturier arriva à Nérac,
il trouva les trois religieuses mortes; mais sa femme était sur
la porte et criait,
— Allons, mon homme, dépêche-toi: la soupe se refroidit.
�— 61 —
III
Le voyage de Notre Seigneur
Un jour (1) Notre Seigneur partit avec saint Pierre et saint
Jean, pour aller demander l'aumône. Ils s'arrêtèrent tous
trois devant la boutique d'un forgeron qui essayait de ferrer
un cheval. Mais la bête ruait, et le forgeron jurait comme un
pa'ïen, sanspouvoir faire de bon travail.
— Forgeron, dit Notre Seigneur, laisse-moi ferrer ce cheval.
— Passe ton chemin, effronté, ou je te marque avec mon
fer chaud.
— Forgeron, je te dis de me laisser ferrer ton cheval.
Le forgeron fìnit par laisser faire.
— Voilà, dit Notre Seigneur, comment on ferre un cheval.
II coupa à la bête la jambe droite de devant, la ferra tout à
son aise, la remit en place, et repartit avec saint Pierre et
saint Jean.
— J'en ferai bien autant que cet homme, pensa le forgeron.
Alors il coupa au cheval la jambe gauche de devant et la
ferra tout à son aise. Mais la pauvre bête saignait, et le forgeron ne put remettre le membre à sa place. Aussitôt il courût
après Notre Seigneur.
— L'ami, venez m'aider, je vous prie, à remettre la jambe
au cheval.
Notre Seigneur vint remettre le membre à la bête et dit au
forgeron:
— Voilà qui est fait. A l'avenir ne jure plus comme un
païen, et n'insulte plus ceux qui veulent te rendre service.
Notre Seigneur se remit en chemin avec saint Pierre et
(1) Ecrit sous la dictée de Mmc Lacroix.
5
�— 62 —
saint Jean, et tous trois s'en allèrent frapper à la porte d'une
pauvre métairie.
— Un morceau de pain, s'il vous plaît, métayère, pour
l'amour de Dieu et de la sainte Vierge Marie. Pater noster
qui es in ccelis...
— Pauvres gens, vos prières ne vous profiteront guère. Je
n'ai que ce morceau de pâte dans le pétrin.
— N'ayez pas peur, métayère, votre pâte va augmenter, et
il y en aura assez pour nous tous.
En effet, la pâte augmenta à vue d'ceil, jusqu'à déborder
par-dessus le pétrin. Alors la métayère chauffa le four, et
quand le pain fut cuit, tous quatre se mirent à manger. Pendant qu'ils mangeaient, les trois enfants de la métayère s'étaient cachés dans la loge à cochons et criaient.
— Métayère, dit Notre Seigneur, qu'avez-vous dans cette
loge.
— Pauvre, ce sont trois petits porcs.
Le repas fìni, Notre Seigneur partit avec saint Pierre et
saint Jean; mais quand la métayère voulut aller chercher ses
enfants dans la loge à cochons, elle y trouva trois petits
porcs. Aussitôt elle courut après Notre Seigneur.
— Mon ami, je vous ai menti quand je vous ai dit que c'étaient trois petits porcs qui criaient dans la loge à cochons.
C'étaient mes trois enfants; et quand vous avez été parti,
j'ai trouvé trois petits porcs à la place.
— Eentrez chez vous, métayère, vous retrouverez vos trois
enfants : mais il ne faut plus mentir.
Notre Seigneur se remit en chemin avec saint Pierre et
saint Jean, et tous trois s'en allèrent frapper à la porte d'un
château.
— Un morceau de pain, s'il vous plaît, Monsieur, pour
l'amour de Dieu et de la sainte Vierge Marie. Pater noster qui
es in calìs, sanctificetur
— Foutez-moi le camp, canailles; vous n'aurez pas un
�— 63 —
croûton, fainéants. Si vous ne tournez pas les talons tout de
suite, je lâche les chiens après vous.
— Saint Pierre, dit Notre Seigneur, bâte-moi cet âne.
Le maître du château se trouva aussitôt changé en âne.
Saint Pierre le bâta et lui mit un licou.
Notre Seigneur se remit en chemin avec saint Pierre et
saint Jean, et tous trois s'en allèrent frapper à la porte d'un
petit moulin, où il n'y avait qu'une femme.
— Un morceau depain, s'il vous plaît, meunière, pour
l'amour de Dieu et de la sainte Vierge Marie. Pater noster qui
es in ccelis
— Pauvres gens, vos prières ne vous profiteront guère. Je
n'ai à vous donner que ce petit morceau de pain. Partagezvous-le.
— Merci, meunière, dit Notre Seigneur. Pour votre petit
morceau de pain, je vous donne cet âne avec son bât et son
licou. Eaites-le travailler ferme, et ne lui donnez ni foin ni
paille. II saura bien aller tout seul chercher sa vie, le long
des chemins et à travers les haies.
Notre Seigneur se remit en chemin avec saint Pierre et
saint Jean. Au bout de sept ans, ils repassèrent devant le
petit moulin, et s'en allèrent tous trois frapper à la porte.
— Un morceau de pain, meunière, s'il vous plaît, pour
l'amour de Dieu et de la sainte Vierge Marie. Pater noster qui
es in ccelis
— Avec plaisir, pauvres gens. Entrez, la soupe est sur la
table. Voici une miche de pain pour chacun, de l'ail, du sel,
et je descends à la cave pour vons tirer du vin vieux. II y a
sept ans, trois pauvres plus jeunes que vous, passèrent par
ici. Pour un petit morceau de pain, ils me donnèrent un âne
avec son bât et licou, en me recommandant de le faire travailler ferme, sans lui donner ni foin ni paille. Je l'ai toujours
laissé aller chercher sa vie tout seul le long des chemins et à
travers les haies. Pourtant j'avais pitié de ce pauvre animal. C'est avec lui que j'ai achalandé mon petit moulin et
fait ma fortune.
�— Meunière, c'est nous qui vous avons donné cet âne avec
son bât et son licou; maintenant il faut nous le rendre.
— Avec plaisir, pauvres gens.
Notre Seigneur, saint Pierre et saint Jean montèrent tous
trois sur l'âne, qui les porta jusqu'à son château.
— Un morceau de pain, Madame , s'il vous plaît, pour
l'amour de Dieu et de la sainte Vierge Marie. Pater noster ...
— Avec plaisir, pauvres gens. Voici trois miches de dix
livres chacune. II y a sept ans passés, trois pauvres vinrent demander l'aumône à la porte de ce château. Mon
mari les insulta et les menaça des chiens. Alors un de ces
trois pauvres le changea en âne; un autre le bâta et ìui mit
un licou, et ils l'emmenèrent avec eux.
— Reconnaîtriez-vous votre mari, Madame? dit Notre
Seigneur.
— Oui, pauvre, je le reconnaîtrais.
— Ane, lève-toi, et reprends ta première forme.
L'âne se leva, reprit sa première forme, et la dame reconnut son mari. Le maître du château mourut le lendemain;
mais il avaitfait sa pénitence sur la terre, et Notre Seigneur
lui donna place dans son paradis.
�— 65 —
L'homme prisonnier dans la lune
II y a des gens (1) qui ont vu marcher dans la lune un
homme chargé d'un fagot. Voici comment il s'y trouve en
punition de ses péchés.
Du temps que cet homme était sur la terre, il travaillait
souvent le dimanche, et jurait comme un païen.
— Prends garde, lui disaient ses voisins; mal faire ne peut
durer. Tu offenses le Bon Dieu, et il t'arrivera malheur.
Mais l'homme ne voulait rien écouter et allait toujours son
train. Un jour de Pâques, il se leva de hon matin, prit sa
hache, et s'en alla au bois couper un fagot. Mais comme il
retournait au village, à la sortie de la grand'messe, le vent
Pemporta dans la lune avec son fagot. C'est là que ce malheureux est condamné à demeurer prisonnier jusqu'au jour
du jugement.
II y a des gens qui ont vu marcher dans la lune un homme
chargé d'un fagot. Voilà comment il s'y trouve en punition
de ses péchés.
(1)
Écrit sous la dictée de Marianne Bense.
�— 66 —
V
Le jeune homme châtié
II y avait une fois (1) une jeune fille qui était belle comme
le jour. Elle donnait le bon exemple dans la paroisse, et passait tout son temps à travailler et à prier Dieu. Cela dura
jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Alors un jeune homme dont le
père avait un grand château et cent métairies dans le pays,
tomba amoureux de la jeune fille, et la demanda en mariag*e.
II se fit donner l'entrée de la maison, et vingi fois par jour il
venait tenir compagnie à sa promise.
Un soir, vers les neuf heures, le jeune homme dit à la jeune
fille :
— Écoute. Je vais faire semblant de rentrer chez mon père;
mais je reviendrai à minuit, quand tout le monde dormira
chez toi, et tu me recevras dans ta chambre.
— Non, mon bon ami, je ferais un péché. Attendez que
nous soyons mariés, et je vous recevrai avec plaisir dans ma
chambre aussi souvent que vous voudrez.
— Tu es une sotte de parler ainsi. Nous allons être bientôt
mariés, et tu peux bien me permettre à présent ce que tu me
promets pour plus tard.
La jeune fille aimait le jeune homme et elle répondit :
— Eh bien, faites comme si vous rentriez chez vous, et revenez à minuit. Je vais faire semblant d'aller me coucher;
mais quand tout le monde dormira dans la maison, je me
lèverai pour aller vous ouvrir la porte, et je vous recevrai
dans ma chambre.
Le jeune hommefitcomme s'il rentrait chez lui, etla jeune
fille fìt semblant d'aller se coucher. Mais quand tout le monde
(1) Écrit sous la dictée de Marianne Bense.
�fut endormi dans la maison, elle se leva pour aller ouvrir
la porte, et reçut son galant dans sa chambre.
Le jeune homme partit avant l'aube, mais il ne revint plus
dans la maison. Alors la jeune fîlle devint bien triste, et au
boul de trois mois elle dit à une de ses amies :
— Écoute, je vais te dire un secret. II y a trois mois, j'ai
reçu mon galant dans ma chambre pendant la nuit, et depuis
lors il n'est plus revenu me voir. Va îe trouver et dis-Iui que
je l'attends, car je suis enceinte, et qu'il faut nous marier le
plus tôt qu'il se pourra.
— Sois tranquille : ton secret sera gardé, et ta commission
sera faite.
Le jour même, l'amie de la jeune fìlle alla trouver le jeune
homme et lui dit :
— Écoutez. Votre maîtresse m'a dit un secret. II y a trois
mois elle vous a reçu dans sa chambre pendant la nuit, et
depuis vous n'êtes plus revenu la voir. C'est elle qui m'a
chargée d'aller vous trouver pour vous dire qu'elle vous
attend, car elle est enceinte, et qu'il faut vous marier le
plus tôt qu'il se pourra.
— Retourne chez ma maîtresse, et dis-lui qu'elle ne me
verra jamais plus. J'ai fait d'elle ce que j'ai voulu, et maintenant j'ai fini de l'aimer. Si^ elle est enceinte, tant pis pour
elle; mais si elle compte sur moi pour mari, je crois fort
qu'elle attendra longtemps.
Quand l'amie de la jeune fille entendit cela, elle n'eut plus
mot en bouche, et s'en revint en pleurant chez celle qui
l'avait envoyée.
— Eh bien! Que t'a répondu mon galant ?
— Ton galant est un méchant homme. II m'a répondu :
« Retourne chez ma maîtresse, et dis-lui qu'elìe ne me verra
jamais plus. J'ai fait d'elle ce que j'ai voulu, et maintenant
j'ai fini de l'aimer. Si elle est enceinte, tant pis pour elle;
mais si elle compte sur moi pour mari, je crois fort qu'elle
attendra longtemps. »
�— 68 —
Quand la pauvre jeune fille entendit cela, elle tomba raide
morte, et on la porta au cimetière le lendemain. Son galant
ne parutpas même à l'enterrement; mais, à partir de ce jourlà, il devint constamment pensif, et demeura trois ans sans
approcber des sacrements. Mais la quatrième année, il alla
se confesser, pendant la semaine sainte, et dit au curé :
— Mon père, je suis coupable d'un bien grand pécbé. J'ai
promis mariage à une jeune fille. Elle m'a reçu la nuit dans
sa cbambre, je l'ai rendue enceinte, et depuis je ne suis
plus revenu dans la maison. Alors ma maîtresse m'a envoyé
une de ses amies pour me dire qu'elle m'attendait, car elle
était enceinte, et qu'il fallait nous marier le plus tôt qu'il se
pourrait. J'ai répondu : « Retourne cbez ma maîtresse, et dis
lui qu'elle ne me verra jamais plus. J'ai fait d'elle ce que j'ai
voulu, et maintenant j'ai fini de l'aimer. Si elle est enceinte,
tant pis pour elle; mais si elle compte sur moi pour mari, je
crois fort qu'elle attendra longtemps.» Quand la pauvre jeune
fìlle a entendu cela, elle est tombée raide morte.
— Mon fils, répondit le curé, ton pécbé est si grand que
ni moi, ni l'évêque, n'avons le pouvoir de te pardonner. II
faut aller à Rome, et te confesser au pape.
Le jeune homme sortit de l'église, et s'en alla trouver un
de ses camarades.
— Écoute, j'ai un grand secret à te dire, et un grand service à te demander.
— Parle. Ton secret sera bien gardé. Quant au service, je
tâcherai de te contenter, si la chose est en mon pouvoir.
— J'ai besoin d'aller à Rome pour me confesser au pape.
Veux-tu m'accompagner ?
— Oui.
— Eh bien, nous partirons ce soir, à l'entrée de la nuit.
Maintenant je vais à la boutique du forgeron.
Le jeune homme s'en alla dans la boutique du forgeron
et lui dit:
— Forgeron, je paierai ce qu'il faudra; mais je ne sortirai
�— 69 —
pas d'ici que toi et tes apprentis vous m'ayez forgé six paires
de souliers de fer.
— Monsieur, les six paires de souliers de fer seront prêtes
dans une heure.
Une heure après, les six paires de souliers de fer furent
prêtes. Alors le jeune homme alla trouver son camarade et
lui dit :
— Le moment est venu. Voici un bâton, une besace, et
trois paires de souliers de fer, car le voyage sera long. La
nuit descend, il faut partir.
Tous deux chaussèrent une paire de souliers de fer, et partirent sans embrasser leurs parents. Ils marchèrent ainsi
longtemps, longtemps, longtemps, traversèrent de grands
bois et des rivières plus larges que la Garonne, et passèrent
dans force pays dont chacun avait son langage. Pendant le
jour, ils demandaient un morceau de pain, pour l'amour de
Dieu, devant la porte des métairies, et la nuit on les laissait
coucher par charité sur la paille des étahles.Un soir, le jeune
homme dit à son camarade :
— Écoute. Notre première paire de souliers de fer est usée;
nous avons fait le tiers du voyage.
Le lendemain, tous deux chaussèrent une autre paire de
souliers de fer et partirent. Ils marchèrent ainsi longtemps,
longtemps, longtemps, traversèrent de grands bois et des
rivièi'es plus iarges que la Garonne, et passèrent dans force
pays dont chacun avait son langage. Pendant le jour, ils demandaient un morceau de pain, pour l'amour de Dieu, devant
la porte des métairies, et la nuit, on les laissait coucher par
charité sur la paille des étables. Un soir, le jeune homme dit
à son camarade :
— Écoute. Notre seconde paire de souliers est usée; nous
avons fait les deux tiers du voyage.
Le lendemain, tous deux chaussèrent leur dernière paire
de souliers de fer et partirent. Ils marchèrent ainsi longtemps, longtemps, longtemps, traversèrent de grands bois
et des rivières plus larges que la Garonne, et passèrent dans
�— 70 —
force pays dont chacun avait son langage. Pendant le jour,
ils demandaient un morceau de pain pour l'amour de Dieu,
devant la porte des métairies, etla nuit, on les laissait coucher par charité sur la paille des étables. Un soir, le jeune
homme dit à son camarade :
— Écoute. Notre dernière paire de souliers de fer est usée;
demain nous serons à Rome.
Lelendemain,ils se remirent en chemin bien avant le jour,
et le soleil levant leur montra le château du pape et les toits
de la ville de Rome. Cette ville à sept cents églises, et, dans
chaque clocher, il y a sept cloches de grandeur et de sons
différents. Quand le jeune homme et son camarade ne furent
plus qu'à une lieue, toutes ces cloches se mirent à sonner
d'elles-mêmes ; alors le peuple se dit :
— Voici les cloches qui sonnent l'arrivée d'un grand pénitent.
Tout ce peuple sortit par la grande porte de la ville pour
aller au-devant du jeune homme et de son camarade, Tous
deux furent conduits devant le pape qui dit :
— Laissez-moi seul avec ce pénitent.
Personne n'a jamais su ce qui s'est dit alors, pendant trois
heures d'horloge, entre le pape et le jeune homme. La confession finie, le pape dit au pénitent :
— Va me chercher ton camarade, et laisse-moi seul avec
lui.
Le pénitent alla chercher son camarade, et le laissa seul
avec le pape.
— Mon ami, écoute bien ce que je vais te dire; mais n'en
parle à personne avant d'être rentré dans ton pays.
— Pape, vous serez obéi.
— Mon ami, tiens-toi prêt à repartir avec ton camarade,
au premier coup de midi. Vous marcherez sans manger, ni
boire, ni vous asseoir, jusqu'au coucher du soleil. Alors vous
traverserez un bois où vous trouverez une bête qui vous seroblera petite de loin et grande de près. Cette bête sautera
�— 71 —
sur l'échine de ton camarade et s'y tiendra avec ses griffes
sans que celui-ci en soit épouvanté' Alors, continuez votre
route, et demandez à coucher dans la première maison que
vous trouverez. Ton camarade se retirera seul dans une
chambre, où vous entendrez un grand tapage pendant la
nuit; mais que personne se garde bien d'y entrer avant le
lendemain matin.
— Pape, vous serez obéi.
Sur le premier coup de midi, le jeune homme et son camarade repartirent, et marchèrent sans manger, ni boire, ni
s'asseoir, jusqu'au coucher du soleil. Alors ils traversèrent
un bois où ils trouvèrent une bête qui leur sembla pelite de
loin et grande de près. Cette bête sauta sur l'échine du jeune
homme et s'y tint avec ses griffes sans que celui-ci en fut
épouvanté. Alors ils continuèrent leur route, et demandèrent
à coucher dans la première maison qu'ils trouvèrent. Le
jeune homme, qui portait toujours la bête sur son échine, se
retira seul dans une chambre.
Sur le premier coup de minuit, on entendit dans cette
chambre un grand tapage qui dura pendant trois heures
d'horloge. Ensuite, on entendit plus rien, et dans la maison
tout le monde s'endormit jusqu'au lever du soleil. Alors on
voulut entrer dans la chambre où s'était fait ce grand tapage;
mais on n'y retrouva ni l'homme ni la bête, et on n'a jamais
su ce qu'ils étaient devenus.
��SECONDE PARTIE
TEXTE
AGENAIS
��GOUNTES
i
Pèl-d'Ase
I abiò un cot un ome qu'abiò tres fìllos. Un jour, aquel
ome s'en anguèt trabailla dins soun can, tout proche
d'un nouguè, e entendèt uno boès que disiò :
— Ome, se me dounos pas uno de tas fìllos en maridatge,
te mingi.
— Qui sès-tu ? T'entendi, mès te besi pas ?
— Sèi lou rèi de Franço.
— E be! rèi de Franço, se uno de mas fillos i counsen,
l'auras en maridatge.
L'ome rentrèt chez el e se metèt al lièit. A peno s'èro
couchat, que sa fillo ainado intrèt dins la crampo.
— Qu'abès, pai?
— Sèi malau; me podes gari se bos. Cal espousa lou rèi
de Franço.
— Boli pas l'espousa.
Lou lendouma, l'ome tournèt trabailla dins soun can,
proche del nouguè, e entendèt la boès que disiò :
— Ome, se me dounos pas uno de tas fìllos en maridatge
te mingi.
— Rèi de Franço, ma fillo ainado bol pas de tu. Parlarèi
aqueste sero a la segoundo, e s'i counsen l'auras en maridatge.
L'ome rentrèt chez el e se metèt al lièit. A peno s'èro
couchat, que sa segoundo fillo intrèt dins la crampo.
�— 76 —
— Qu'abès, pai?
. — Sèi inalau; me podes gari se bos. Cal espousa lou rèi
de Franço.
— Boli pas l'espousa.
Lou lendouma, l'ome tournèt trabailla dins soun can,
procbe del nouguè, e entendèt la boès que disio :
— Ome, se me dounos pas uno de tas fillos en maridatge,
te mingi.
— Eèi de Franço,masegoundo fillo bol pas de tu. Parlarèi
aqueste sero a la tresièmo, e s'i counsen, l'auras en maridatge.
L'ome rentrèt chez el e se boutèt al lièit. A peno s'èro
couchat, que sa tresièmo fillo entrèt dins la crampo.
— Qu'abès, pai ?
— Sèi malau, me podes gari se bos. Cal espousa lou rèi
de Franço.
— Espousarèi lou rèi de Franço, mès boli que me dongue
en presen de noços tres raubos : uno coulou del cièl, l'autro
coulou de la luno, e l'autro coulou del sourèl. Boli que me
dongue tabé un coubèr d'or, ambe la sièto e lou goubelet,
un trol d'or, e doutze fusèls d'or ambe la filièro.
— Auras tout acò, ça diguèt lou rèi de Franço, qu'escoutabo
a la porto.
Lous presens arribèron lou lendouma, e lou maridatge
fusquèt fèit quinze jours après. En sourtin de la glèiso, lou
rèi de Franço diguèt a sa fenno :
— Partissi per un gran bouiatge. Se dins nau ans sèi pas
tournat, partirés per me cerca/
Lou rèi de Franço partisquèt per soun gran bouiatge, e
oèit annados francos se passèron sans que tournèsse. Sa
fenno attendèt enquèro un mes ; après partisquèt au recerc
de soun marit. Al cat de tres jours, troubèt uno pèl d'ase sur
soun cami, e la metèt sur soun col. Al cat de tres autres jours,
arribèt al bor d'un riu oun de fennos lababon la bugado.
— Labairos, abès bist lou rèi de Franço ?
�— 77 —
— 0, Pèl-d'Ase, l'abèn bist. Es aqui, dins aquelo glèizo,
e espouso une fillo bèlo coumo lou jour.
— Mercio, labairos. Per bous paga aquel renseignomen,
bous boli aduja a laba.
Las labairos li dounèron un tourcbou negre coumo de surjo,
mès en un moumen Pèl-d'Ase lou rendèt tan blan coumo
la mai bèlo serbieto.
En quittan las labairos, Pèl-d'Ase s'en anguèt sur la porto
de la glèizo, e troubèt lou rèi que sourtissiò.
— Rèi de Franço, te soubenes quan moun pai trabaillabo
dins soun can, proche del nouguè, e que li disiòs : « Ome,
se me dounos pas uno de tas fillos en maridatge, te mingi. »
Lou rèi de Franço respoundèt pas, e toutjour Pèlj-d'Ase
repetabo •
— Rèi de Franço, te soubenes quan moun pai trabaillabo
dins soun can, proche del nouguè, et que li disiòs: « Ome,
se me dounos pas uno de tas fillos en maridatge, te mingi. »
Alabés lou curè s'aprouchèt :
— Rèi de Franço, te coumandi, per lou salut de toun amo,
de me dire se n'as pas espousat d'autro fenno aban de te
marida aci.
— Nou, curè.
Alabés Pèl-d'Ase se taisèt e damourèt sur la porto de la
glèizo dinqu'a la sourtido de la nôbio.
— Madamo, ça lou diguèt, abès pas besou d'uno gouyo ?
— 0, Pèl-d'Ase, n'èi besou d'uno per garda lous piotz.
Pèl-d'Ase sieguisquèt lou rèi et la rèino dins lour castèl, e
lou sero diguèt a la rèino :
— Madamo, daichas-me coucha ambe lou rei de Franço.
— Nou, Pèl-d'Ase, n'i èi pas enquèro couchat jou mèmo.
— Madamo, se me daichas coucha ambe lou rei de Franço,
bous doni un coubèr d'or ambe la sièto e lou goubelet.
— E be! Pèl-d'Ase, acò es combengut.
Pèl-d'Ase dounguèt a la rèino lou coubèr d'or, ambe la
6
�sièto e lou goubelet, e s'anguèt coucha al coustat del rèi
de Franço.
— Eèi de Franço, ça li disiò toute la nèit, te soubenes quan
moun pai trabaillabo dins soun can, proche del nouguè, e
que li disiòs : « Ome, se me dounos pas uno de tas fiïlos en
maridatge, te mingi. » Mès la rèino abiò dounat las endromos
al rèi de Franço, e respoundèt pas a Pèl-d'Ase.
Lou lendouma mati la rèino intrèt dins la crampo.
— Anen, Pèl-d'Ase, lèbo-te, es ten d'ana garda lous piotz.
Pèl-d'Ase se lebèt et s'en anguèt garda lous piotz dinqu'au
sero. Alabés diguèt à la rèino :
— Madamo, daichas-me coucha ambe lou rèi de Franço.
— Nou, Pèl-d'Ase, n'i èi pas enquèro couchat jou-mèmo,
e tu i as couchat un cot.
— Madamo, se me daichas coucha ambe lou rèi de Franço,
bous doni un trol d'or e doutze fusèls d'or, ambe la fìlièro.
— E be 1 Pèl-d'Ase, aco es coumbengut.
Pèl-d'Ase dounguèt a la rèino lou trol d'or e lous doutze
fusèls d'or, ambe la filièro, e s'anguèt coucha al coustat del
rèi de Franço.
— Rèi de Franço, ça li disiò touto la nèit, te soubenes
quan moun pai trabaillàbo dins soun can, proche del
nouguè, e que li disiòs : « Ome, se me dounos pas uno' de
tas fillos en maridatg'e, te mingi. »
Mès la rèino abiò dounat las endromos al rèi de Franço, e
respoundèt pas a Pèl-d'Ase.
Lou lendouma mati la rèino intrèt dins la crampo.
— Anen, Pèl-d'Ase, lèbo-te; es ten d'ana garda lous piotz.
Pèl-d'Ase se lebèt e s'en anguèt garda lous piotz dinqu'au
sero. Alabés diguèt a la rèino :
— Madamo, daichas-me coucha ambe lou rèi de Franço.
— Nou, Pèl-d'Ase; i èi pas enquèro couchat jou-mèmo, e
tu i as couchat dus cotz.
— Madamo, se me daichas coucha ambe lou rèi de Franço,
�bous doni diòs raubos, uno coulou del cièl e l'autro coulou
de la luno.
— E be! Pèl-d'Ase, acò es coumbengut.
Pèl-d'Ase dounguèt a la rèino la raubo coulou del cièl e la
raubo coulou de la luno, e s'anguèt coucba al coustat del rèi
de Franço.
— Rèi de Franço, ça li disiò touto la nèit, te soubenes
quan moun pai trabaillabo dins soun can, procbe del nouguè,
e que disiòs : « Ome, se me dounos pas uno de tas fillos en
maridatge, te mingi. »
Mès la rèino abiò dounat al rèi de Franço las endromos pas
tan fortos que las diòs autros, e el respoundiò en plouran :
— 0, m'en soubeni. 0, m'en soubeni.
Lou lendouma mati, Pèl-d'Ase se lebèt, e quan la rèino
entrèt dins la crampo per li dire d'ana garda lous piotz, la
troubèt bestido de sa raubo coulou del sourèl.
— Rèino, ça diguèt lou rèi de Franço, aimaiòs millou èstre
la prumèro fenno d'un ome ou la segoundo ?
— Aimaioi millou èstre la prumèro.
— E be ! t'es coundannado tu mèmo, per ço qu'as fèit e
per ço qu'as dit. Pren toun coubèr d'or ambe la sièto e lou
goubelet; pren lou trol d'or, ambe lous doutze fusèls d'or e
la filièro ; pren las diòs raubos, uno coulou del cièl e l'autro
coulou de la luno, e tourno chez tous parens.
La rèino debalèt cot set a l'escudrio, fasquèt sela un chibal,
e tournèt che sous parens. Pèl-d'Ase damourèt dins lou
castèl, e debenguèt rèino a sa plaço.
E cric, cric,
Moun counte es flnit;
E cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe une cuillèro de fabos que m'an dounat.
�- 80 —
II
Licras dus Besscras
I abiò un cot un ome que passabo tout soun ten a pesca.
Un jour aquel ome prenguèt un gros pei.
— Ome, ça diguèt lou gros pei, daicho-me ana.
— Non, gros pei, te boli pourta a ma fenno que te fara
coire, e te minjaren ensemble.
— Omô , daicho-me ana. T'ensegnarèi un endret oun
prendras de peis tan que boudras.
L'ome daichèt ana lou gros pei, que l'enseignèt un endret
oun prenguèt de peis tan que boulguèt.
Lou lendouma, l'ome tournèt a la pesco e tournèt prene
lou gros pei,
— Ome, ça diguèt lou gros pei, daicho-me ana.
— Nou, gros pei, te boli pourta a ma fenno que te fara
coire, e te minjaren ensemble.
— Ome, daicho-me ana. T'ensegnarèi un endret oun prendras de peis tant que boudras.
L'ome daichèt ana lou gros pei, que l'enseignèt un endret
oun prenguèt de peis tan que boulguèt.
Quan rentrèt a l'oustal, sa fenno li diguèt :
— Coumo as fèit per prene tan de peis hier e anèit ?
— Hier e anèit èi pres un gros pei que m'a demandat de
lou daicha ana, e que m'a enseignat un endret oun èi pres
de peis tan qu'èi boulgut.
— Escouto, moun ome, se tournos prene aquel gros pei,
porto-me-lou; ne boli minja.
Lou lendouma , l'ome tournèt a la pesco, e tournèt prene
lou gros pei.
— Ome, ça diguèt lou gros pei, daicho-me ana.
�— 81 —
— Nou, gros pei, te boli pourta a ma fenno que te fara
coire, e te minjaren ensemble.
— Ome, daicbo-me ana. T'enseignarèi un endret oun prendras de peis tan que boudras.
— Nou, gros pei, nou podi pas. Èi countat tout a ma
fenno, que m'a recoumandat de te pourta se tournabi te
prene, pramo que te bol minja.
— Ebe! ome,perque dibi èstre minjat, quan saras rintrat dins toun oustal, dounaras moun cat a ta cagno, ma
cùio a ta cabalo e moun bentre a ta fenno. Ta cagno fara dus
cagnotz, ta cabalo dus poulins, e ta fenno dus bessous.
L'ome tournèt a soun oustal ambe lou gros pei, e dounèt
lou cat a sa cagno, la cùio a sa cabalo e lou bentre à sa
fenno.
Al temps boulgut, la cagno fasquèt dus cagnotz, la cabalo
dus poulins e la fenno dus bessous. Lous dus cagnotz, lous
dus poulins e lous dus bessous benguèron grans dinqu'a
l'atge de bint ans, e la ressemblanço èro tan grano per cado
parèl, qu'èro impoussible de fa la diferenço un ome ou d'un
animal de l'autre.
Al cat de bint ans, lous dus bessous prenguèron cadun un
chibal e un ca, e s'armèron per ana courre lou mounde.
Camiuèron lounten, lounten, lounten, dinqu'a quatre camis oun i abiò uno croutz de pèiro.
— Frai, ça diguèt l'ainat des bessous, es aci que nous cal
separa. M'en bau del coustat del sourèl leban; tu, bèi-t'en
del coustat del sourèl couchan. Quan tournaras a l'oustal,
trucaras aquelo croutz de pèiro ambe toun espaso. Se ne
coulo de san, aco boudra dire que m'es arribat malur. Mès
se ne coulo res, aco sera bou sinne, e poudras sègre toun
cami dinqu'a l'oustal.
— Frai, aco es coumbengut, ça diguèt lou cadèt des bessous.
Lous dus frais se separèron e s'en anèron, un al leban e
l'autre al couchan. Penden tres jours e tres nèitz, l'ainat
caminèt dins un gran bos, sen res beire ni res entendre que
�— 82 —
lous ausèls del cièle las bèstios saubatjos. Enfì, arribèt dins
uno bilo oun toutos las gens èron en dol e plourabon.
— Gens de la bilo, perqué sès en dol e perqué plouras
atal?
— Cèrtos, abèn pla rasou d'èstre en dol e de ploura. I a
dins lou bos tout proche uno grando bèstio a sèt catz, que
nous pren cado an la plus bèlo de nostros jouinos fLllos. Hier
enquèro, nous a fèit dire que bendriò nous niinja toutz se
nou li en amenabon pas uno. Per forço a calgut aubei, e
aqueste mati sèn anatz dins lou bos liga al pè d'un casse
uno doumaisèlo bèlo coumo lou jour.
— Gens de la bilo, quitas lou dol e nou plourés plus. Bau
ana dins lou bos, e se a Diu plai, tiarèi la grando bèstio a
sèt catz e delibrarèi la doumaisèlo.
— Diu t'assiste, brabe gouiat, e te garde de malur !
L'ainat des bessous estifiètsoun ca, tirèt soun espaso, e
partisquèt pel bos al gran galot de soun chibal. Al cat de
tres ouros de courso, troubèt ligado al pè d'un casse, la
doumaisèlo bèlo coumo lou jour.
— Moussu, ça diguèt la doumaisèlo, que sès bengut fa aci?
Entendi lous critz de la grando bèstio a sèt catz que s'aprocho.
Bous poudès enquèro sauba penden que me minjara.
— Doumaisèlo, sèi pas bengut aci per fuge. Boli tia la
grando bèstio a sèt catz e bous espousa anèit. — Hardit!
moun ca; gagno ta sibado, moun bou chibal !
Penden tres ouros de relotge, l'ainat des bessous coumbatèt la grando bèstio a sèt catz e fìnisquèt per la parça part e
part. Alors li derreguèt las sèt lengos que metèt dins soun
mouchoèr. Après coupèt d'un cot d'espaso las cordos que
ligabon la doumaisèlo, e la ramenèt en courpo a la bilo.
— Brabos gens, èi tiatla grando bèstio a sèt catz. Aro
me cal aquelo doumaisèlo per fenno.
— 0, o, brabe gouiat, espouso-la; te l'aa pla gagnado.
L'ainat des bessous menèt sul cot la doumaisèlo a la glèiso
e l'espousèl. La noço durèt dinqu'à mèjo nèit, e al prumè
�- 83 soun de campano, tout lou mounde s'anguèt coucha. Lou
lendouma mati, al pun del jour, lou marit rebeillèt sa fenno.
— Fenno, ahillo-te, e anen nous proumena dins la cam
pagno.
La damo s'abillèt e seguisquèt soun marit à la proumenado.
— Fenno, ça diguèt lou marit, qu'es aquel oustalet
que besi la-bas ? Lou boli croumpa per me repausa quan
anirèi a la casso.
— Gardas-bous-en bien, moun boun amit; es un oustalet
mal abitat. Si anabos, bous arribaiò malur.
L'ainat des bessous respoundèt res; mès ramenèt sa fenno
a la bilo, e tournèt soul tusta a la porto de l'oustalet. 1
— Pan ! pan ! pan !
— Que demandos ?
— Oubrès, ou enfounci la porto !
— La porto es en co de casse e en fèr, ambe de bounos
sarraillos e de farrouls soulides. Nou l'enfounçaras pas.
Se bos intra, derrego un pièl de toun cat e fèi-nous lou
passa par la gatounèro.
L'ainat des bessous derreguèt un pièl de soun cat e
lou fasquèt passa per la gatounèro; mès sul cot la tèrro
l'abalèt.
Penden que tout aco se passabo, la damo, que nou sabiò
res, demandabo noubèlos de soun marit.
— Sabès ount es anat ? ça disiò a tout lou mounde.
— Madamo, l'abèn bis de lèn a intra dins l'oustalet mal
abitat; mès l'en abèn pas bis a sourti.
— Ah ! moun Dhi! li sera arribat malur.
Penden que la damo plourabo toutos las larmos de sous
èls e pregabo Diu de li tourna soun marit, lou cadèt des
bessous abiò fìnit soun bouiatge al couchan, e tournabo dins
soun pais, mountat sur soun chibal e seguit de soun ca.
Arribat als quatre camis ountèro la croutz de pèiro, se
�— 84 —
soubenguèt de la proumesso qu'abiò fèito a soun frai ainat.
Ta lèu tirèt soun espaso e tustèt la croutz. Al prumè pic
la san coulèt.
— Ah ! moun Diu ! es arribat malur a moun frai ainat! —
Hardit! moun ca; gagno ta sibado, moun boun chibal!
Al sourèl couchan, lou cadèt des bessous èro dins la bilo
oun la fenno de soun frai plourabo toutos las larmos de sous
éls, e pregabo Diu de li ramena soun marit.
— Madamo, madamo, ça cridèron las gens de la bilo,
aqui bostre marit que tourno.
— Ah ! moun Diu, moun boun amit, cregnioi que bous
estèsse arribat malur dins l'oustalet mal abitat.
Lou cadèt des bessous semblabo talomen a soun frai
ainat, que tout lou mounde lou preniò per el. Soupèt ambe la
damo, e s'anguèt coucha amb' elo. Mès a peno estèt al lièit
que se birèt del coustat de la paret e s'endourmisquèt coumo
uno souco, de sorto que nou se passèt res de touto la nèit.
Lou lendouma, a la punto del jour, selèt soun chibal,
estiflèt soun ca, e s'en anguèt tusta a la porto de l'oustalet
mal abitat.
— Pan ! pan ! pan !
— Que demandos ?
— Oubrès, ou enfounci la porto !
— La porto es en co de casse e en fèr, ambe de bounos sarraillos e de farrouls soulides. Nou l'enfounçaras pas. Se bos
intra, derrego un pièl de toun cat e fèi-lou passa per la gatounèro.
Lou cadèt des bessous darriguèt un crin de la crinièro de
soun chibal; mès sul cot la terro abalèt lou chibal. Alors lou
cabaliè intrèt ambe soun ca per la porto oubèrto, e tièt
toutos las mechantos gens qu'èron dins l'oustalet. Aco fèit,
despabètla crampobasso, e delibrèt soun frai e soun chibal.
— Aro, frai, cal tourna à la bilo. Quan i saren, beirèi s'ès
un ome abisat.
Quan aribèron a la bilo, las gens estèron fort estounatz
�— 85 —
de beire dus omes, dus chibals e dus cas ta parfètomen
ressemblans; e la fenno de l'ainat nou sabiò coumo recou
neche soun marit.
— Fenno, ça diguètlou cadèt, nou me recouneches pas?
— Fenno, ça diguèt l'ainat, nou me recouneches pas ?
— Bous ressemblas talomen, que nou sèi pas en estat de
causi. Que lou de bous dus qu'es moun marit, m'en dongue
la probo.
Alors l'ainat des bessous tirèt de sa pocho lou mouchoèr
ountèron las sèt lengos de la grando bèstio.
— Acò es bous que sès moun marit.
— Frai, ça diguèt lou cadèt, besi que sès un ome abisat.
Damoro aci ambe ta fenno, e que Diu bous mantengue en
countentomen e santat. Jou, m'en tourni al'oustal, e dounarèi de bostros noubèlos a nostres parens.
E cric, cric,
Moun counte es finit;
E cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèro de fabos que m'an dounat.
�— 86 —
III
Las diòs Fillos
I abiò Un cot un ome e uno fenno qu'abiòn uno fìllo
poulido coumo lou jour. La fenno mourisquèt, e l'ome se
tournèt marida ambe uno fenno que s'acoucbèt d'uno autro
fìllo lèdo coumo lou pecat.
Quan las diòs fillos fusquèron grandetos, la mairastro,
que poudiò pas senti la poulido fillo e que la roussabo bint
cotz per jour, diguèt à soun ome.
— Pren ta fillo e counduis-la.
L'ome abiò pietat de la poulido fillo; mes abiò pòu de sa
fenno, e respoundèt:
— Farèi ço que bos.
Mès la poulido fillo, qu'èro sarrado darrè la porto, abiò
tout entendut, e sul cot courguèt zou dire a sa mairino.
— Fillolo, ça diguèt la mairino, ramplis tas pochos de
cendres. Per aquel mouièn rentraras a l'oustal.
La poulido fillo tournèt al galot che soun pai e ramplisquèt sas pochos de cendres. A peno abiò fìnit, que soun pai
li diguèt :
— Anen cerca de brutz dins lou bos.
Partiron pel bos; mès lou pai n'abiò pas lou co a cerca de
brutz. Tout en marchan, la poulido fillo samenabo sur soun
cami las cendres qu'abiò dins sas pochos, coumo sa mairino
li abiò dit. Enfi, lou pai se jitèt dins un fourrat sans èstre
bist, daichèt la poulido fìllo souleto, e s'en tournèt dins
soun oustal a l'intrado de la nèit.
— E be ! moun ome, as counduit ta fìllo?
— Es fèit.
— E bé! moun ome, per ta peno bas minja ambe nous
autres uno sièto de cruchado.
�Tout en minjan la cruchado, l'ome pensabo a la poulido
fillo qu'abiò abandounado touto souleto dins lou bos, e
disiò :
— Ah ! se la pauroto èro aci, minjaiò tabé sa pourtiou de
cruchado.
— Sèi aci, pai, ça diguèt la poulido fillo, qu'abiò retroubat soun cami ambe las cendres, e qu'escoutabo a la
porto.
Lou pai fusquèt bien counten de beire la poulido fillo tournado e que minjabo sa pourtiou de cruchado de boun apetit.
Mès quan se fusquèt anado coucha ambe sa so, la mairastro li diguèt:
— Sès uho bèstio, n'as pas counduit ta fillo prou lèn.
Tourno-la mena douma dins lou bos, e tacho que tourne
plus.
L'ome abiò pietat de lapoulido fillo; mès abiò pòu de sa
fenno, e diguèt:
— Farèi ço que bos.'
Mès la poulido fillo, que s'èro lebado de soun lièit, e
qu'escoutabo sarrado darrè la porto, abiò tout entendut.
Sul cot courguèt zou dire a'sa mairino.
— Fillolo, ça diguèt la mairino, ramplis tas pochos de
grano de li. Per aquel mouièn rentraras a l'oustal.
La poulido fillo tournèt al galot che soun pai, ramplisquèt sas pochos de grano de li, e se tournèt metre al lièit.
Lou lendouma mati, soun pai intrèt dins la crampo e li
diguèt :
— Anen cerca de brutz dins lou bos.
Partisquèron pel bos; mès lou pai n'abiò pas lou co
a cerca de brutz. Tout en marchan, la poulido fillo samenabo la grano de li qu'abiò dins sas pochos, coumo sa mairino li abiò dit. Enfi, lou pai se jitèt dins un fourrat sans
èstre bist, daichèt la poulido fillo souleto, e s'en tournèt dins
soun oustal a l'intrado de la nèit.
— E be ! moun ome, as counduit ta fillo ?
�— 88 —
— Es fèit.
— E be! moun ome, per ta peno bas minja ambe nous
autres uno sièto de cruchado.
Tout en minjan la cruchado, l'ome pensaho a la poulido
fìllo, qu'abiò abandounado touto souleto dins lou bos, e
disiò :
— Ah ! se la pauroto èro aci, minjaiò tabé sa pourtiou
de cruchado.
— Sèi aci, pai, ça diguèt la poulido fillo, qu'abiò retroubat
soun cami ambe la grano de li, e qu'escoutabo a la porto.
Lou pai fusquèt bien counten de beire la poulido fillo tournado e que minjabo sa pourtiou de cruchado de boun apetit.
Mès quan s'estèt anado coucha ambe sa so, la mairastro li
diguèt:
— Sès uno bèstio, n'as pas counduit ta fìllo enquèro prou
lèn. Tourno-la mena douma dins lou bos, e tacho que tourne
pas.
L'home abiò pietat de la poulido fillo; mès abiò pòu de sa
fenno, e diguèt :
— Farèi ço que bos.
Mès la poulido fìllo, que s'èro lebado de soun lièit, e
qu'escoutabo sarrado darrè la porto, abiò tout entendut.
Sul cot courguèt zou dire a sa mairino.
— Fillolo, ça diguèt la mairino, ramplis tas pochos de
grus de mil. Per aquel rnouièn rintraras a l'oustal.
La poulido fillo tournèt al galot che soun pai, ramplisquèt sas pochos de grus de mil e se tournèt mètre al lièit.
Lou lendouma mati, soun pai intrèt dins la crampo e li
diguèt :
— Anen cerca de brutz dins lou bos.
Partisquèron pel bos; mès lou pai n'abiò pas lou co a
cerca de brutz. Tout en marchan, la poulido fillo samenabo
lous grus de mil qu'abiò dins sas pochos, coumo sa mairino
li abiò dit. Enfi, lou pai se jitèt dins un fourrat sans èstre
�— 89 —
bist, claichèt la poulido fillo souleto, e s'en tournèt dins soun
oustal.
Mès quan la poulido fillo boulguèt tourna prene soun
cami pel mouièn dels grus de mil, se troubèt qu'èron estatz
minjatzper las agassos. Marchèt lounten, lounten, lounten
a trabès lous bos, dinqu'a un castèl gran coumo la bilo
d'Agen.
— Pan ! pan !
— Qui tusto ?
— Aco es uno pauro fillo qu'a perdut soun cami, e que
demando a soupa e a loutja.
La damo del castèl embouièt la poulido fillo soupa a la
cousino ambe sous bailetz e sas gouios, e coumandèt que
li dounèssen un boun lièit. Lou lendouma mati, la fasquèt
beni dins sa crampo, e oubrisquèt la porto d'un cabinet
qu'èro tout ple de raubos.
— Poulido fillo, quito tas hardos, e causis lous abillomens
que boudras.
La poulido fillo causisquèt la raubo la mai lèdo. Alors la
damo del castèl la fourcèt de prene la plus bèlo, e de se la
mètre cot set. Après, oubrisquèt un gran coffre ple de pèços
e de bijouterio.
— Poulido fìllo, causis dins aquel coffre tout ço que boudras.
La poulido fillo prenguèt pas que dus arditz e uno bago
de couire. Alors la damo del castèl la carguèt de quadruplos,
de bagos, de cadenos e de pendelocos d'or, e la menèt a
l'escuderio.
— Poulido fillo, pren la bèstio que boudràs, ambe la brido
e la sèlo. Mès la poulido fìllo nou prenguèt qu'un ase, un cabestre
de cordo e uno mechanto coubèrto. Alors la damo del castèl
la fourcèt de prene lou mai bèl chibal, la mai bèlo brido e
la mai bèlo sèlo.
— Aro, ça li diguèt, mounto a chibal e tourno dins toun
�— 90 —
pais. Nou te rebires pas del coustat del castèl que nou siosques
la-bas, al cat d'aquelo costo. Alors, lèbo lou cat e aten.
La poulido fillo remercièt bien la damo del castèl, mountèt
a cbibal, e partisquèt per soun pais sans jamai se rebira.
Quanestèt al cat de la costo, lebèt lou cat e atendèt. Alors
tres estèlos debalèron del cièl; diòs se repausèron sur soun
cat, e uno sur soun mentou.
Coumo se tournabo mètre en routo, un gouiat s'en tournabo de la casso, mountat sur soun gran chibal, ambe nau
cas lebrès al darrè : tres negres coumo de carbous, tres
roujes coumo lou fèt, e tres blans coumo la mai fìno napo.
Quan bit uno tan bèlo cabalièro, metèt soun capèl a la ma.
— Doumaisèlo, ça diguèt, sèi lou fil del rèi d'Englotèrro.
Èi roullat lou mounde penden sèt ans, e n'èi troubat nat
ome tan for e tan hardit coumo jou. Se zou boulès, sarèi
bostre coumpagnou, per bous defendre countro las mechantos gens.
— Mercio, fil del rèi d'Englotèrro; saberèi be tourna trouba souleto lou cami de moun pais. Mès nou gausi pas tourna
a l'oustal, crento de ma mairastro, que nou me pot pas beire
pramo de sa fillo lèdo coumo lou pecat. Per tres cotz , a
fourçat moun pai de m'ana coundui dins un bos.
Alors lou fìl del rèi d'Englotèrro intrèt dins uno coulèro
terriblo. Tirèt soun espaso e estifièt sous cas lebrès :
—• Poulido fìllo, moustro-me lou cami de toun oustal. Boli
ana fa minja per ma muto toun pai, ta mairastro e ta so.
— Fil del rèi d'Englotèrro, bostro muto es,a bostre coumandomen; mès nou fares pas aco. S'a Diu plai, sara pas
dit que moun pai, ma mairaslro e ma so auran soufèr lou
plus pitchou mal pramo de jou.
— E be, dirèi a moun jutje rouge : « Jutjo-lous toutz
tres a mort. » Lou pagui : cal que se gagne soun argen.
— Fil del rèi d'Englotèrro, bostre jutge rouge es a bostre
coumandomen; mès nou fares pas aco. S'a Diu plai, sera pas
dit que moun pai, ma mairastro e ma so auran soufèr lou
plus pitchou mal pramo de jou.
�— 91 —
— E be, se boulès que lous perdoune, cal que siosques ma
fenno.
— Fil del rèi d'Englotèrro, sarèi bostro fenno se lous
boulès perdouna.
Lou fil del rèi d'Engloterro espousèt la poulido fillo, qu'èstèt pla urouso ambe el, e debenguèt la mai grando damo del
pais. Pau de ten après la noço, la so, lèdo coumo lou pecat,
aprenguèt ço que s'èro passat e diguèt :
— Anirèi al bos jou tabe, e m'en arribara autan.
Partisquèt pel bos, e marchèt lounten, lounten, lounten. Anfín, arribèt a la porto del castèl gran coumo la bilo
d'Agen.
— Pan ! pan !
— Qui tusto ?
— Aco es uno pauro fillo qu'a perdut soun cami, e que
demando a soupa e a loutja.
La damo del castèl embouièt la poulido fillo soupa a la
cousino, ambe sous bailetz e sas gouios, e coumandèt que li
dounèssen un boun lièit. Lou lendouma, la fasquèt beni dins
sa crampo, e oubrisquèt la porto del cabinet qu'èro tout ple
de raubos.
— Mio, quito tas hardos, e causis lous abillomens que
boudras.
La fillo lèdo coumo lou pecat causisquèt la mai poulido
raubo. Alors la damo del castèl la fourcèt de prene la plus
lèdo, e de se la bouta cot set. Après, oubrisquèt lou coffre
ple de pèços et de bijouterio.
— Mio, pren dins aquel coffre ço que boudras.
La fillo lèdo coumo lou pecat causisquèt de quadruplos, de
bagos, de cadenos e de pendelocos d'or; mès la damo del
castèl nou la daichèt prene que dus arditz e uno bago de
couire. Aco fèit, la menèt al'escuderio.
— Mio, causis la bèstio que boudras, ambe la brido e la
sèlo.
La fillo lèdo coumo lou pecat causisquèt lou mai bèl chi-
�- 92 —
bal, la mai bèlo brido e la mai bèlo sèlo; mès la damo del
castèl la daichèt pas prene qu'un ase, un cabestre de cordo
e uno mechanto coubèrto.
— Aro, ça li digiièt, mounto sur toun ase, e tourno dins
toun pais. Nou te rebires pas que nou siosques la-bas al
cat d'aquelo costo. Alors lèbo lou cat et aten.
La fillo lèdo coumo lou pecat remercièt pas la damo
del castèl. Mountèt sur soun ase, e tournèt parti per soun
pais; mès se rebirèt aban d'arriba al cat de la costo, e atendèt. Alors tres bousos de baco toumbèron sur elo, diòs sul
cat, e uno sul mentou.
Coumo se tournabo metre en cami, rencountrèt un bièl
ome, sale coumo un peigne e ibrogno coumo uno barrico.
— Mio, ça diguèt, te trobi fèito a ma fantasio. Cal que
siosques ma fenno, ou mouriras pas que de mas mas.
Per forço la fillo lèdo coumo lou pecat dibèt segre l'ibrogno dins soun oustal e counsenti al maridatge. Dunpèi
lors, soun marit countinuo de bèure coumo un trau , e
rosso sa fenno bint cotz per jour.
E cric, cric,
Moun counte es finit;
E cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèro de fabos que m'an dounat.
�— 93 —
IV
La Oambo d.'or
I abiò un cot uno damo bèlo coumo lou jour. Aquelo damo
se coupèt la cambo un sero, en debalan sans candelo l'escalè
de soun oustal. Lou marit fasquèt apela un medeci.
— Bounjour, medeci.
— Bounjour, moussu.
— Medeci, bas renja la cambo de ma fenno, e per ta peno
te dounarèi d'or e d'argen tan que boudras.
— Moussu, ni jou ni digun nou sèn en estat de renja aquelo
cambo. La cal coupa.
— E be ! medeci, fai toun mestiè.
Lou medeci coupèt la cambo de la damo, e lou marit s'en
anguèt cbez un bijoutiè coumanda per sa fenno uno cambo
d'or. Aquelo cambo èro tan bien fèito que la damo s'en serbissiò per ana oun bouliò, sans tourteja ni se serbi d'un bastou.
Al cat de sèt ans, la damo mourisquèt, e lou marit dounèt
orde de l'enterra ambe sa cambo d'or. Sa boulentat fusquèt
fèito ; mès, la nèit mèmo de l'enterromen, un bailet sourtisquèt al sarrat de l'oustal, s'en anguèt al cementèri desterra
la damo, li prenguèt sa cambo d'or, e tournèt la sarra dins
soun armàri. A peno s'èro couchat, qu'entendèron uno boès a
crida :
— D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or !
Lou lendouma mati, a YAngelus, lou cloutaire benguèt
trouba Iou marit e li diguèt:
— Bounjour,moussu.Bèni del cementèri.Bostro fenno qu'es
debat tèrro fai que crida : « D'or, d'or, rendès-me ma cambo
d'or 1 » Embouias, bous en prègui, quauqu'un per sabe ço
que bol.
Lou marit se rendèì al cementèri.
i
�— 94 —
— Que bos, mio ?
— D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or f
— Mio, as tort de te plagne ; èi dounat orde de t'enterra
ambe ta cambo.
— D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or !
— Mio, sès pas rasounablo. Se n'as res de millou a me
dire, bounjour. Te farèi dire de mèssos.
Lou marit s'en tournèt a l'oustal; mès uno ouro après
lou cloutaire tournèt li dire :
— Bounjour, moussu. Bèni del cementèri. Bostro fenno
qu'es debat terro fai que crida: « D'or, d'or, rendès-me ma
cambo d'or!» Embouias, bous en prègui, quauqu'un per
sabe ço que bol.
Lou marit i embouièt la gouio.
— Que boulès, madamo ?
— D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or !
— Madamo, abès tort de bous plagne. Bous an entèrrado
ambe bostro cambo d'or.
— D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or !
— Madamo, sètz pas rasounablo. Se n'abès res de millou
a me dire, bounjour. Bostre marit bous fara dire de mèssos.
La gouio s'en tournèt a l'oustal; mès uno ouro après lou
cloutaire tournèt dire al marit :
— Bounjour, moussu. Bostro fenno qu'es debat terro fai
que crida : « D'or, d'or, rendès-me ma cambo d'or ! » Embouias quauqu'un, bous en prègui, per sabe ço que bol.
Lou marit i boulguèt embouia lou bailet.
— Moussu, gausi pas.
— Bèis-i, paurut.
— Moussu, gausi pas.
— Bèis-i, te disi, ou te tioi d'un cot de fusil !
Per forço lou bailet partisquèt pel cementèri.
— Que boulès, madamo ?
�- 95 — Acò es tu que boli!
La damo sourtisquèt de soun clot, empourtèt lou bailet
debat tèrro e se lou mingèt.
E cric, cric,
Moun counte es flnit;
B cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèrò de fabos que m'an dounat.
�— 96 —
V
La lèit de Madamo
Madamo demando de lèit. Bau trouba la baco. La baco me
dit:
— Te dounarèi de lèit; douno-me de fe.
Bau trouba lou prat. Lou prat me dit:
— Te dounarèi de fe ; douno-me uno daillo.
Bau trouba lou faure. Lou faure me dit:
— Te dounarèi uno daillo ; douno-me de lar.
Bau trouba lou porc ; lou porc me dit:
— Te dounarèi de lar, douno-me de glan.
Bau trouba lou casse; lou casse me dit:
— Te dounarèi de glan, douno-me de ben.
Bau trouba la mer per abe de ben.
Lamerm'esbento, esbentilou casse; lou casse m'englando,
englandi lou porc; lou porc m'enlardo, enlardi lou faure ; lou
faure m'endaillo, endailli lou prat; lou prat m'enfeno, enfeni
la baco ; la baco m'enlèito, enlèiti Madamo.
�VI
La Orabo e lou Lout
La crabo e lou lout boulguèron beni ricbes, e s'assoucièron
per trabailla uno bordo.
— Lout, ça diguèt la crabo, lous bous countes ían lous
bous amitz. Aban de nous mètre al trabal, cal bièn fa nostres accors, e coumbeni de la part que cadun diuprendre
dins las recoltos. L'un de nous autres aura ço que poussara
debat tèrro, e l'autre ço que poussara dessus. Causis; me
countenti de ço que nou boudras pas.
— Causissi ço que poussera dessus.
La crabo samenèt touto la bordo en als, ougnous e rabos,
de sorto qu'aguèt lous catz de tous lous leguns, e que soun
paure assouciat n'aguèt que las cùios.
— Me sèi troumpat l'annado passado, ça diguèt lou lout,
e causissi, per aquesto, tout ço que poussara debat la tèrro.
La crabo samenèt touto la bordo en blat e en segle, de
sorto qu'aguèt tout lou gran e touto la paillo, e que soun
paure assouciat n'aguèt que las racinos.
Alors lou lout se proumetèt.de puni la crabo de sous
mechans tours, e de proufita de la prumèro ocasiou oun
saiò soul ambe la crabo per la minja. Mès aquelo debinèt la
pensado del lout e se tenguèt sur sas gardos, en atenden
lou moumen de se debarrassa de soun enemit.
Un jour, lou lout s'en anguèt trouba la crabo.
— Bounjour, crabo.
— Adiu, lout.
— Crabo, èi de bien mechantos soupos a l'oustal, e beni
gousta la tiò.
— Ambe plasé, lout.
�— 98 —
La crabo serbisquèt al lout uno gran sietado de soupos, e
après s'anguèron proumena dins uno glèiso qu'abiò sa porto
traucado.
— Crabo, ça diguèt lou lout, intrén dins aquelo glèiso
per prega Diu.
— Ambe plasé, lout.
— Aro que sèn intratz, crabo, cal que te minge.
— Fat, sèi bièillo e magro; faios un triste repas. Minjo
mai lèu aquelo micbo de pa de quinze liuros que qualqu'un
a metudo pel curè sur la marcbo de l'auta.
— As rasou, crabo.
Lou lout se jitèt sur la micbo, e la crabo proufìtèt d'aquel
moumen per sourti pel trau de la porto. Mès quan lou
lout ne boulguèt fa astan, se troubèt que lou pa qu'abiò
minjat li abiò tan eníìat lou bentre que nou poudiò pas
passa.
— A moun secour, crabo; lou trau de la porto s'es apitcbounit.
— Nou, lout, aco es toun bentre que s'es enfìat. Tacbo de
sourti de la glèiso en grimpan lou loun de la cordo de la
campano.
Lou lout se pendèt a la cordo e metèt la campano à la
boulado, de sorto que las gens de la paroèsso courguèron en
tout aquel tapatge. Quan besquèron a qui abion afa, s'armèron de fourcos e de bastous, de sorto que la bilèno bèstio
pensèt i daicha lou coè, e s'escapèt touto en san. La crabo
que regardabo de lèn risiò coumo uno folo.
— Ah! crabo, las gens d'aquesto paroèsso soun de bien
mechans crestias. Eegardo dins quin estat m'an mes daban
l'auta mèmo dou Boun Diu. N'en podi plus, e dounaioi dètz
ans de ma bito countro un pau d'aigo per laba mas blassuros e me gari de la set que me douno tout lou pa qu'èi
minjat.
— E bé I lout, sauto dìns aquel putz. Quan auras labat tas
plagos e begut a ta set, t'adujarèi a remounta.
�— 99 —
Lou lout sautèt dins lou putz, labèt sas plagos e beguèt
a sa set.
— Aro, crabo, adujo-me a remounta.
— Lout, sès dins lou putz; demoros-i.
E cric, cric,
Moun counte ès flnit;
E cric, crac,
Moun counte ès acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèro de fabos que m'an dounat.
�— 100 —
VII
La G-ouludo
I abiò un cot un ome e uno fenno qu'abion uno fìllo de
dètz-e-oèit ans. Aquelo fillo kèro tan g-ouludo que n'abiò
jamai lou cat a las dansos e as galans, e que pensabo pas
qu'a minja de car cruso. Un jour, soun pai e sa mai aguèron
besou d'ana a Agen, al ten de la fièro del Pi.
— Gouludo, ça li diguèron, ban a la fièro a Agen. Gardo
bien l'oustal, e per ta peno te pourtaren ço que boudras.
— Pourtas-me de car cruso.
Lou pai e la mai partiron per la fièro, e quan aguèron fèit
sous afas, courguèron toutz lous boucbès de la bilo per
croumpa de car. Mès forço gens èron bengutz a la fièro e
s'èron perbesitz de bouno ouro, de sorte que lous boucbès
n'abion plus res a bendre. Lou sourèl coumençabo de baicha,
e lous parens de la gouludo tournèron prene lou cami de
soun bilatge.
— Coumo faran? ça disiòn en marchan. Abèn proumes de
car cruso a la gouludo, e n'abèn troubat che nat bouchè de
la bilo d'Agen!
Alors la fenno diguèt a l'ome :
— Fa nèit; entren dins aquel cementèri oun an enterrat
un mort aqueste mati. Desterren-lou, coupen-ne un bouci e
pourten-lou a la gouludo.
Toutz dus entrèron dins lou cementèri, desterrèron lou
mort, li coupèron la cambo gaucho, e rentrèron a l'oustal.
— Tè, gouludo, aqui la car cruso que te pourtan de la
fièro.
La gouludo se jitèt sur la cambo e la rousiguèt dinqu'al
darrè bouci. Aco fèit, prenguèt lou coutèl de soun pai, coupèt l'os e chuquèt la mèulo.
�— 101 —
L'ouro benguèt de s'ana coucha; mès penden touto la
nèit entendèron uno boès que cridàbo :
— Tourno-me ma cambo 1 Tourno-me ma cambo t
• Lou lendouma, lou pai e la mai partisquèron de bouno
ouro per ana trabailla als cans. Quan benguèt l'ouro del
dejuna, se troubèt que lou pai s'abiò oublidat soun coutèl.
— Gouludo, ça diguèt, bèi-me querre moun coutèl a
l'oustal.
— Gausi pas.
— Bèis-i, te disi, ou te bau fa marcha!
La gouludo partisquèt; mès quan entrèt dins l'oustal, troubèt acrouchat a la cremaillèro de la chaminèio un mort a
qui mancauo la cambo gaucho.
— Gouludo, aluco lou fèt, e fai calfa d'aigo.
La gouludo aluquèt lou fèt e fasquèt calfa d'aigo.
— Gouludo, labo-me ma cambo dreto.
La gouludo labèt la cambo dreto.
— Gouludo, labo-me ma cambo gaucho.
— Mort, n'as pas de cambo gaucho.
— Qui doun me l'a preso?
— Zou sabi pas.
— Zou sabi jou. Toun pai e ta mai m'an desterrat e m'an
coupat la cambo gaucho qu'as minjado.
Alors loumort prenguèt la gouludo, l'empourtèt dins soun
trau al cementèri, e se la minjèt.
E cric, cric,
Moun counte es finit;
E cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèro de fabos que m'an dounat.
�— 102 —
VIII
La G-ardairo de Piotz
I abiò un cot un rèi qu'aimabo bèlcot la sal. Aquel rèi èro
beuse, e abiò tres fillos a marida. Abiò tabe un bailet abisat
coumo n'i a gaire. Un jour que lou bailet èro ocupat a presti
dins la fournièro, lou rèi lou benguèt trouba e li diguèt :
— Bailet, sès un ome de sen, e te boli counsulta-per un
afa fort secrèt.
— Mèstre, n'aimi pas lous secrètz. Se debès parla de
bostre afa a un altre qu'a jou, nou m'en digues pas un mot.
Creias qu'acò es jou que bous èi trabit, e me cassaiòs de
che bous.
— N'en parlarèi qu'a tu.
— Alors escouti.
— Bailet, èi tres fillos a marida; sèi bièl, e boli plus èstre
rèi. Quan auras finit de presti, aniras querre lou noutari. Me
boli redui en uno pensiou, e partatja moun be entre mas
tres fillos.
— Mèstre, a bostro plaço faioi pas acò.
— Perqué, bailet?
— Mèstre, lou qui n'a plus res es pla biste mespresat. A
bostro plaço, gardaioi ma tèrro e doutaioi mas fillos rasounablomen lou jour de lour maridatge.
— Bailet, mas fìllos m'aimon; nou cregni res.
— Mèstre, metès-las a l'e3probo aban de bous decida.
Lou rèi remountèt dins sa crampo, e coumandèt que fasquèsson beni sas tres fillos.
— M'aimos? ça diguèt a l'ainado.
— Moun pai, bous aimi mai que tout au mounde.
— Bièn. E tu, ma cadèto, m'aimos?
�- 103 —
— Moun pai, bous aimi mai que tout au mounde.
— Bien. E tu, ma darrèro, m'aimos?
— Moun pai, bous aimi tan coumo bous aimas la sal.
— Mecbanto lengo ! Insultos toun pai. Rintro dins ta
crampo, e atens-i qu'agi decidat ço que cal fa de tu.
La fillo darrèro rintrèt dins sa crampo; alors sas diòs sos
ainados diguèron a soun pai :
—• Nostro so bous a insultat : merito la mort.
— Mourira; mès bous autros m'aimas, e tardarés pas a
recèbre bostro recoumpenso; attendès-me aci.
Lou rèi debalèt a la fournièro oun lou bailet prestissiò
toutjour, e li countèt ço que beniò de se passa.
— Mèstre, las paraulos soun de femèlos; mès las actious
soun de mascles. Bostro esprobo n'es pas bouno, e a bostro
plaço jutjaioi mas fillos sur ço qu'an fèit, e noun pas sur ço
qu'an dit.
— Taiso-te, bailet, sabes pas ço que dises. Taiso-te, ou
t'assoumi de cotz de bastou!
Quan lou bailet bit lou rèi brandi soun bastou, fasquèt
en semblan de cambia d'abis.
— E be, mèstre, èi tort, e parlas coumo un libre. Easès
a bostro boulentat. Bau ana cerca lou noutari, e boli serbi de
bourrèu a bostro darrèro fillo. La menarèi dins un bos, la
tiarèi, e bous pourtarèi sa lengo.
— Beses be, bailet, que sès de moun abis. Bèi d'abor
quèrre lou noutari.
Lou bailet anguèt quèrre lou noutari, e lou rèi maridèt sas
fillos sul cot, en dounan la mitat de sa tèrro a caduno d'elos.
— Noutari, ça diguèt, me resèrbi, penden touto ma bito,
d'ana cado an biure siès mesis che ma fillo ainado, e siès
mesis che ma cadèto. Nou manques pas d'escriure aco sur
toun papèl.
Lou noutari èro uno grando canaillo, que fusquèt coundannat, la mèmo annado, a las galèros per lou restan de sa
bito. Abiò recebut al sarrat d'argen de las duos fillos ainados,
�— 104 —
e n'escribèt pas sur soun papèl ço que lou rèi s'èro reserbat.
— Mèstre, ça diguèt lou bailet, Diu bolgue que ço qu'es
fèit siosque bièn fèit. Aro bau mena bostro fillo dins lou bos
per lou fa passa lou goust del pa e bous pourta sa lengo.
— Bèi s-i, bailet; quan saras tournat, te recoumpensarèi.
Lou bailet anèt quèrre uno cadeno e la passèt al col de la
pauro fillo. Aco fèit, prenguèt soun sabre e estifìèt sa cagno.
— Anen, insoulento ! anen, malurouso ! n'as pas lounten a
biure. Recoumando toun amo a Diu, a la sento Bièrges e as
sentz !
Atal cridabo lou bailet tan qu'èro a pourtado d'èstre entendut pel rèi; mès dins lou bos fusquèt un autre afa.
— Doumaisèlo, n'agetz pas pòu. Èi fèit tout açò pe'r bous
sauba del bourreu. Bostros camisos e bostros mai bèlos hardos
soun dins ma biasso. I èi metut tabe d'abillomens de paisanto que bas bouta tout de suito. Aban de me louga coumo
bailet che bostre pai, èi serbit dins lou castèl d'un autre rèi.
Sa fenno me refusara pas de bous prene coumo gardairo de
piotz, e aqui sarès bièn sarrado.
En effèt, lou bailet menèt la fillo del rèi en aquel castèl.La
rèino la prenguèt a soun serbici coumo gardairo de piotz, e
li dounèt soun lotjomendins uno crampeto debat un escalè.
Aco fèit, lou bailet tournèt che soun mèstre ; mès en trabersan lou bos, tirèt soun sabre, tièt sa cagno e li derreguèt
la lengo.
— Mèstre, èi tiat bostro fillo e bous porti sa lengo.
— Bailet, sèi counten de tu. Aqui cen louis d'or per ta
peno.
— Cen louis d'or, mèstre, acò n'espas prou per aquel trabal.
— E be, aqui ne cen autres.
— E bous, madamos, me dounarés res per' abé tiat pas
bostro so e bous abé pourtat sa lengo?
— Bailet, te dounaren caduno tan coumo nostre pai,
— Mercio, mèstre. Mercio, madamos.
�— 105 —
Lou lendouma d'aquel afa, las diòs fìllos ainados prenguèron caduno soun marit, e s'en anguèron trouba lou rèi.
— Pai, nou sès plus aci cbe bous. La pourtiou dreto del
castèl aparten a l'ainado, e la gaucbo à la cadèto; anasbous en oun boudrés.
— Mecbantos fillos, me pagas bièn mal de tout lou be que
bous èi fèit. M'en boli pas ana. Lou papèl del noutari me
douno lou dret, penden touto ma bito, d'ana biure siès mesis
cbe ma fìllo ainado, e siès mesis cbe la cadèto.
— Parlo papè ; caro-te lengo. Lou noutari n'a pas escriut
acò.
*
— Lou noutari es tan canaillo coumo bous.
— Anen! lèste! anas-bous-en, ou garo lous cas !
Lou paure rèi sourtisquèt del castèl : sul pas de la porto
rencountrèt lou bailet.
— Ount anas, mèstre ?
— M'en bau a la boulountat de Diu. Aquel castèl n'es plus
men, e mas fillos e mous gendres m'en an cassat. Perqué
m'as tan mal counseillat quan boulioipartatja ma tèrro entre
mas fillos?
— Mèstre, bous èi dit: « Esproubas-los. » Abès cresut las
paraulos que soun de femèlos, quan las actious soun de
mascles, e abès agit a bostre cat. Mès lou qu'es fèit es fèit,
e lou regrèt nou serbis de res. Atendès-me aqui un moumen; ban parti ensemble. Boli toutjour èstre bostre bailet.
— Damoro aci, per toun be. N'èi plus de que te paga e te
nourri.
— Bous serbirèi per res, e èi de que biure per nous autres
dus.
— Coumo boudras.
Lou bailet intrèt dins lou castèl, e tournèt un moumen, e
après ambe uno biasso pleno sur l'esquino.
— Anen, parten !
Al cat de sèt jours de marcho, arribèron dins un pais oun
troubèron en bendo uno pitchouno bordo, ambé'un oustal de
�— 106 —
mèstre. Lou bailet la croumpèt, e la paguèt countan ambe
lous louis d'or qu'abiò recebut per sa peno, quan cresiòn
qu'abiò fèit mouri la darrèro fillo del rèi.
— Mèstre, aquelo pitchouno bordo es bostro. Bebès, minjas e proumenas-bous, penden que trabaillarèi lous cans e las
bignos.
— Mercio, bailet. I a forço mèstres que te balen pas.
Penden que tout acò se passabo, la darrèro fillo, que soun
pai cresiò morto, damourabo toutjour, coumo gardairo de
piotz, dins lou castèl del rèi oun lou bailet l'abiò plaçado.
Aquel rèi abiò un fìl tan fort, tan hardit e tan bèl gouiat, que
toutos las fillos del pais ne toumbabon amourousos. La gardairo de piotz ne toumbèt amourouso coumo las autros ; mès
el fasiò nado atentiou a elo.
— Mal apres, ça pensabo souben, te fourçarèi be a fa atentiou à jou!
Lou ten del carnabal arribèt, e cado sero, après soupa, lou
fil del rèi s'abillabo de nèu e mountabo a cbibal per s'en ana
dansa dinqu'al lendouma mati, dins lous castèls del besinatge.
Que fasquèt la gardairo de piotz ? Penden la beillado se diguèt malauso, e fasquèt en semblan de s'ana coucba. Mès debalèt al sarrat a l'escuderio, selèt e bridèt un chibal, e li
dounèt double picouti de sibado. Après tournèt mounta dins
sa crampo, e oubrisquèt la biasso ount èron las hardos
qu'abiò rapourtados de che soun pai. Aco fèit, se peignèt
ambe un peigne d'or, se caussèt de debas blans e de pitchous souliès de marrouqui de Flandre, se metèt uno bèlo
raubo coulou del cièl, redebalèt al'escuderio, sautèt sul chibal e partisquèt al gran galot pel castèl oun lou fil del rèi
s'en èro anat dansa.
Quan intrèt dins lou bal, lous jougaires de biolo e de
biulou s'arrestèron de jouga, lous dansaires de dansa, e toutz
lous embitatz dision :
— Quin'es aquelo bèlo doumaisèlo?
Enfi, lous jougaires de biolo et debiulou recoumencèron sas
musicos, e lou fil del rèi prenguèt la jouino fillo per la ma per
�<
— 107 —
la mena a la danso. Mès al prumè cot de mèjo nèit, daichèt
soun dansaire en plan, resautet sur soun chibal, e tournèt
parti al galot. Lou lendouma s'en ánèt garda lous piotz coumo
de coustumo, e lou fil del rèi que la rencountrèt en ana a
la casso se pensèt :
— Acò es estounan coumo aquelo jouino paisanto semblo a
la bèlo doumaisèlo qu'èi bisto al bal aquesto nèit.
Lou sero mèmo, après soupa, s'abillèt de nèu, mountèt a
chibal, e partisquèt enquèro per lou bal. Que fasquèt alors la
gardairo de piotz ? Penden la beillado se diguèt malauso, e
fasquèt en semblan de s'ana coucha. Mès debalèt al sarrat a
l'escuderio, selèt e bridèt un chibal e li dounèt double picouti
de sibado. Après tournèt mounta dins sa crampo, e oubrisquèt la biasso ount èron las hardos qu'abiò rapourtados de
che soun pai. Aco fèit, se peignèt ambe un peigne d'or, se
caussèt de debas blans e de pitchous souliès de marrouqui
de Flandre, se metèt uno raubo coulou de la luno, redebalèt
a l'escuderio, sautèt sul chibal, e partit al gran galot pel
castèl oun lou fil del rèi s'en èro anat dansa.
Quan intrèt dins lou bal, lous jougaires de biolo et de
biulou s'arrestèron de jouga, lous dansaires de dansa, e
toutz lous embitatz disiòn :
— Quin'es aquelo bèlo doumaisèlo ?
Enfi, lous jougaires de biolo e de biulou recoumencèron
sas musicos, e lou fil del rèi prenguèt la jouino fillo per la ma
per la mena a la danso. Mès al prumè cot de mèjo nèit, daichèt soun dansaire en plan, resautèt sur soun chibal, e tournèt parti al galot. Lou lendouma, s'en anguèt garda lous piotz
coumo de coustumo, e lou fil dou rèi que la rencountrèt, en
ana a la casso, se pensèt:
— Acò es estounan, coumo aquelo jouino paisanto semblo
a la bèlo doumaisèlo qu'èi bisto al bal aquesto nèit.
Lou sero mèmo, après soupa, s'abillèt de nèu, e partisquèt
enquèro pel bal. Que fasquèt la gardairo de piotz? Penden
la beillado, se diguèt malauso, e fasquèt en semblan de s'ana
coucha. Mès debalèt al sarrat a i'escuderio, selèt e bridèt un
�— 108 —
chibal, e li dounèt double picouti de sibado. Après tournèt
mounta dins sa crampo, e oubrisquèt la biasso ount èron las
hardos qu'abiò rapourtados de chez soun pai. Aco fèit, se
peignèt ambe un peigne d'or, se caussèt de debas blans e
de pitchous souliès de marrouqui de Flandre, metèt uno raubo
coulou del sourèl, redebalèt a l'escuderio, sautèt sul chibal,
e partisquèt al galot per lou castèl oun lou fil del rèi s'en èro
anat dansa.
Quan intrèt dins lou bal, lous jougaires de biolo et de biulou s'arrestèron de jouga, lous dansaires de dansa, e toutz
lous embitatz disiòn :
— Quin'es aquelo bèlo doumaisèlo ?
Enfi, lous jougaires de biolo e de biulou recoumencèron
sas musicos, e lou fil del rèi prenguèt la jouino fillo per la ma
perla mena a la danso. Al prumè cot de mèjo nèit, la jouino
fìllo daichèt soun dansaire en plan, resautèt sur soun chibal,
e tournèt parti al galot. Mès aqueste cot, en s'escapan, se
perdèt dins lou bal soun pitchou souliè rouge del pè dret.
Dunpèi lou prumé jour oun la jouino fillo abiò pariscut
dins lou bal, lou fil del rèi n'èro toumbat talomen amourous,
que n'abiò perdut lou minja e lou beure. Amassèt lou pitchou
souliè rouge e lou fasquèt assaja a los doumaisèlos del bal;
mès toutos abiòn lou pè trot gran per lou caussa. Alors, se
metèt aquel pitchou souliè rouge dins sa pocho e s'en tournèt
al castèl de soun pai.
— Pai, sèi toumbat amourous d'uno jouino fillo que s'a perdut aquel pitchou souliè rouge dins lou bal; se1 me la dounas
pas en maridatge, sares causo d'un gran malur. M'en anirèi
lèn, bièn lèn, me rendre mounge dins un pais d'oun nou
tournarèi jamai.
— Moun fil, nou boli pas que te rendes mounge. Dis-me
oun aquelo jouino fillo damoro, e mounteren tous dus a chibal, per ana la demanda en maridatge a soun pai.
— Moun pai, sabi pas ount es que damoro.
— E be, bai-me cerca lou tambour de la coumuno.
Lou fil del rèi partisquèt e tournèt ambe lou tambour.
�— 109 —
— Tambour, aqui cen pistolos. Bai crida pertout que la
doumaisèlo que poudra caussa aquel pitchou souliè rouge
sara la fenno de moun fil.
Lou tambour partisquèt, e cridèt pertout, coumo n'abiò
recebut l'orde. Penden tres jours, lou castèl del rèi estèt ple
de doumaisèlos que beniòn per assaja lou pitcbou souliè
rouge. Mès nado nou pousquèt lou caussa. La gardairo de
piotz las regardàbo fa e risiò de tout soun co.
— A toun tour, gardairo de piotz, ça diguèt lou fil del rèi.
— N'i pensas pas, moussu. Sèi pas qu'une pauro pitchouno
paisanto : coumo boulès que fasque ço que n'an pas pouscut
fa toutos aquelos bèlos doumaisèlos?
— Anen, anen, ça cridabon las doumaisèlos, fasès
aproucha aquelo insoulento que se trufabo de nous autros
toutaro; e se pot pas caussa lou pitchou souliè rouge, que
siosque fouitado dinqu'al san.
La gardairo de piotz s'aprouchèt, en fa en semblan d'abe
pòu e de ploura. Al prumè cot caussèt lou pitchou souliè
rouge.
— Aro, ça diguèt, atendès-me toutz aci.
S'en anguèt embarra dins sa crampo., e tournèt un moumen après, caussado de rouge des dus pès, e bestido de sa
raubo coulou del sourèl.
— Mio, ça diguèt lou rèi, cal qu'espouses moun fil.
— L'espousarèi quan aura lou counsentomen de moun pai.
En atendan, boli toutjour garda bostres piotz.
Alors, lou rèi e soun fil se troubèron bièn embarrassatz.
Penden que tout aco se passabo, l'autre rèi, cassat per sas
fillos, damourabo toutjour, ambe sounbailet, sur sa pitchouno bordo, e disiò souben :
— Mas diòs fillos ainados soun de carognos, e mous dus
gendres de mechans sutjètz. S'abioi ma darrèro mainado
ambe jou, nou saioi pas tan triste. Me tendriò coumpagnio,
tout en me filan de camisos e en petassan mous abillomens.
Bailet, perque l'as tiado e m'as pourtat sa lengo ?
8
�— Mèstre, aco es bous que me zou abès coumandat.
— Alors, bailet, èi agut tort de te zou coumanda, e as
agut tort de m'obei.
— N'èi pas agut tort, pramo que nou bous èi pas aubeit.
Bostro darrèro fìllo n'es pas morto. L'èi plaçado dins lou
castèl d'un autre rèi, coumo gardairo de piotz, e ço qu'abès
pres per sa lengo, èro la lengo de ma cagno.
— Tan millou, bailet. Ban parti sul cot per mena la
pauroto aci.
Partisquèron toutz dus sul cot, e sèt jours après arribèron
al castèl del rèi.
— Bounjour, rèi.
— Bounjour, mous amitz. Que i a per bostre serbici ?
— Bèi, sèi estat rèi jou mèmo, e abioi un castèl tan bèl
coumo lou teu. Mas dios fillos ainados m'en an cassat, e
ma darrèro es che tu coumo gardairo de piotz. Cal que me
la tournes.
— Moun amit, podi pas. Moun fil es toumbat amourous de
ta fillo, al pun que n'a perdut lou minja e lou beure. Te la
demandi en maridatge per el.
— Rèi, fai beni ma fìllo per que parle libromen. La boli
pas marida per forço.
Anguèron quèrre la gardairo de piotz.
— Bounjour, papai e la coumpagnio.
— Bonjour, ma fillo. Parlo libromen. Bos espousa aquel
gouiat ?
Lou paure gouiat èro blan coumo de farino, e tramblabo
coumo la cùio d'uno baco.
— Papai, espousaioi aquel gouiat preferablomen a tout
autre. Mès boli aban que soun pai e el bous adujen a reprene
lou castèl d'oun bous an cassat mas sos ainados.
Alors lou rèi e soun fìl fasquèron assembla sul cot lous
omes del pais, e lous armèron de sabres e de fusils. Tout
aquel mounde se metét en cami penden la nèit, e se rendèt
�mèstre del castèl de las sos ainados, que s'atendiòn pas a res.
Aquelos duos fennos estèron penjados ambe sous maritz, e
sous còs n'estèron pas pourtatz en terro sènto. Lous abandounèron dins un can, e lous cas, las agraulos e las agassos
lous rousiguèron dinqu'as ossis.
Aqui lou qu'estèt fèit. Alors lou rèi diguèt al pai de la gardairo de piotz :
— Moun amit, repren toun castèl, e tourno rèi coumo bèl
tens a. Aro cal sounja a la noço de moun fil e de ta fLllo.
Jamai las gens del pais nou beguèron uno tan bèlo noço.
Cen foudres de bi bièl estèron mes en parço; tièn sabi pas
quantis bedèls e moutous, e penden tres jours e tres nèitz,
cen fennos estèron emplegados a pluma lous piotz, lous capous, e lous guitz. Minjabo e bebiò qui bouliò. Lou bailet,
toutbabillat de nèu e lusen coumo un calici, se teniò darrè
la carièro de la nôbio e la daicbabo pas manqua de res.
— Bailet, ça li diguèt soun mèstre, aco es per lou darrè cot
que serbisses en taulo. Te boli marida anèit mèmo.
— Mèstre, sès pla bouneste.
— Bailet, manquan pas aci de poulidos fìllos a marida.
Causis la que boudras.
Lou bailet causisquèt uno fillo poulido coumo lou jour, e
saijo coumo un imatge.
— Mèstre, aqui ma fenno.
— Bailet, la boli embrassa. Aro metès-bous en taulo
ambe nous autres, e nou bous daicbas manqua de res. Lou
curè bous maridera douma mati. Boli èstre pairi, e ma fìllo
sara mairino.
E cric, cric,
Moun counte es fìnit;
E cric, crac,
Moun counte es acabat.
Passi per moun prat,
Ambe uno cuillèro de fabos que m'an dounat.
�REGITZ
i
La fenno mechanto
Lou^qui cèrco a se marida cour la chanso de grans malurs.
I a de fìllos mechantos; n'i a de desbauchados; n'i a qu'aimon
laboutèillo. Lou galanpot fa ço que boudra, prene renseignomens, e tacha de beire per el mèmo: acò nou lou serbis souben de res. Tan que lou curè n'a pas parlat, las fillos sarron
sous bicis; mès après acò es un autre afa. Diu bous presèrbe d'aquel dangè, mès quebous garde surtout d'espousa
uno fenno mechanto. Nou bous serbiò de res de la rasouna ou
de la batre. Perdrés bostro peno, e la carogno saiò capablo
de bous empouisouna. Baldriò mai per bous biure dins la
coumpagnio de Lucifer e de sous diables.
Un ome abiò agut lou triste sort de toumba sur uno
d'aquelos mechantos fillos. Lou sero mèmo de la noço, fasquèt
un sabat d'infer, e penden dètz ans acò recoumençabo bint
cotz per jour. L'ome èro fort coumo Sansoun, patien coumo
un anjou, e se disiò en el mèmo :
— Se bati aquelo malhurouso, sèi capable de l'estroupia, e
belèu de la tia, sans zou boule fa. Jamai lous jutges nou
pouiòn creire tout ço qu'èi souffèrt e coumandaiòn de me
fa mouri. Acò saiò un gran afroun per la famillo. Millou bal
fa coumo aban, e ofri mas penos al Boun Diu.
La fenno que besiò que soun ome respoundiò jamai a
sas insultos, e n'abiò pas l'aire de prene gardo a sas maliços,
benguèt enquèro mai mechanto.
— Ah I es atal, se pensèt. E be ! beiran aqueste sero.
�— 113 —
Lou sero l'ome tournèt de soun can, las e afamat.
— As trempat las soupos, ma fenno ?
— Nou, ibrogno, boulur, mecbant sutjèt. Sèi lasso de serbi
un res que baillo coumo tu. Fai ta cousino se bos.
Lou paure ome respoundèt res. Anguèt coupa de cauletz
al casal, aluquèt lou fèt e fasquèt las soupos. Mès coumo
èro prèst a las trempa, sa fenno coupèt l'oulo d'un cot de
ferrasso.
— Ma fenno, per que as coupat l'oulo?
— Aco m'a plasut, peuillous!
— Te defendi de m'appela peuillous.
— Peuillous! peuillous !
— Se zou tournes dire, te nègui dins lou clot.
— Peuillous ! peuillous ! peuillous !
L'ome prenguèt sa fenno, la pourtèt dinslou clot, e li fasquèt intra dinqu'a mèjo cambo.
— Peuillous!
L'ome plounjèt sa fenno dins l'aigo dinqu'a la cinturo.
— Peuillous ! peuillous!
L'ome plounjèt sa fenno dins l'aigo'dinqu'al mentou.
— Peuillous ! peuillous ! peuillous !
L'ome plounjèt dins l'aigo tout lou cat de sa fenno. Mès
aquesto lèbabo sas mas en l'aire et fretabo sous pouces l'un
countro l'autre, coumo qui esclafo de peus. Alabés l'ome
conmprenguèt qu'acò serbissiò de res, e ramenèt sa fenno al
bor del clot.
— Aquelo litçou es perdudo, ça pensèt, e perdroi moun
tens a la tourna coumença. Ma fenno es nascudo mecbanto,
e mecbanto mourira.
�— 114 —
II
L'Abugle
I abiò un cot un abugle fort ricbe, e qu'abiò uno fillo a
marida. Aquel abugle èro un ome fort abisat, e quan un
galan li demandabo sa fillo en maridatge, respoundiò :
— Dounas la sibado a moun bidet, e metès-li la brido e la
sèlo. Boli ana beire se lous cans d'aquel gouiat soun bous.
— Mès, paure ome, sètz abugle. Ooumo zou beirés?
— Zou beirèi be.
Arribat dins lous cans del galant, l'abugle descendiò de
soun bidet, e disiò :
— Estacas ma bestio en un pè de geule.
— N'i a pas de geule dins aquels cans; n'i a que de
feuguèro.
Alabésl'abugle remountabo sur soun bidet e disiò :
— Boli pas enquèro marida ma fillo.
Penden tres ans, fasquèt e parlèt de mèmo. Mès un jour
un galan li respoundèt:
— Acò es fèit. Bostre bidet es estacat en un geule.
—,Fai-me touca lou geule e la brido. Boli sabe se moun
bidet es bièn estacat.
L'abugle touquèt la brido e la planto, e còmprendèt a
l'audou de las feillos que soun bidet èro beritablomen estacat
en un geule.
— Galant, ça diguèt, auras ma fìllo, e faren la noço quan
boudras.
Aquel abugle abiò rasou. Bouliò marida ricbomen sa fillo,
e abiò bis bel tens a que la feuguèro pousso dins;las mechantos
tèrros, e lou geule dins las bounos.
�III
Ivou mechant ome
On sat pas de qui on aura besou, ni a quino foun on beura.
I abiò un cot dins la bilo d'Agen, un ome paure coumo un
furet, feniant como un ca, e insoulent coumo lou bailet del
bourrèu. Al countrari, lou frai d'aquel ome abiò croumpat,
procbe de Nerac, per mai de trento milo frans de tèrro. Trabaillabo coumo un galerièn, e jamai nou l'abiòn entendut dire
countro digun uno mecbanto paraulo. La canaillo meritaiò
de mouri e las brabos gens de biure. Es pourtan lou countrari
qu'arribo. Lou brabe frai mourisquèt sans s'èstre maridat, e
lou curè de sa paroèsso fasquèt dire al mecbant 'ome d'Agen
de beni a l'entèrromen.
Lou mecbant ome partisquèt, e marcbèt tres ouros sans
s'arresta, dinqu'al cat d'uno costo, oun i abiò uno foun al bor
del cami. Aqui beguèt a sa set, e après pichèt e caguèt dins
la foun.
— Mechant sutjèt I ça li diguèt un ome que trabaillabo tout
proche d'aqui dins soun can. As pas bergougno de souilla
atal aquelo foun que soun aigo serbis a tout lou mounde ?
— Taiso-te, fat; moun frai ben de mouri, e qu'eriti de mai
de trento milo frans de tèrro. Aro, èi de que,penden touto
ma bito, beure de bi e minja de pa blan, ambe un capou roustit a dinna, e dus pans de saucisso a soupa. Nou beurèi plus
en aquelo foun.
Lou mechant ome reprenguèt soun cami, e arribèt al
bilatge oun anabon enterra soun frai.
— Noutari, acò es jou que sèi l'heiretè.
— Nou sès pas tu. Aqui lou testoment del mort, que daicho
tout soun be als paures de la paroèsso.
— Moun frai èro uno canaillo.
�— 116 —
— Acò èstu que sès uno canaillo, ça diguèron las gens
qu'èron bengutz per l'entèrromen. Sès arribat aci per fa
d'escandalo e insulta un mort. Filo, astalèu pertounpais,
ou estifian lous cas per te fa un brin de counduito.
Lou mecbant ome tournèt parti al gran galot, sans minja
ni beure. Quan arribèt proche de la foun, èro rendut e tirabo
un pan de lengo.
— Moun amit, ça diguèt a Tome que trabaillàbo dins soun
can, aquelo foun es souillado. Enseigno m'en uno autro.
Crèbi de set.
— Mechant sutjèt, ès tu qu'as souillat la foun, e t'en ensegnarèi pas d'autro. Beu d'aquelo se bos.
Lou mechant ome fusquèt fourçat de beure de l'aigo
qu'abiò souillado.
On sat pas de qui on aura besou, ni a quino foun on beura.
�— 117 —
IV
Lous dus presens
Henri Quatre èro un rèi haut d'uno toèso, gros en proupourtiou, fort coumo un hèu, e hardit coumo un Cesar. Fasiò
hèlcot d'aumoinos e n'aimabo pas lous entrigans. Aban
d'ana s'establi a Paris, aquel rèi damourabo a Nerac, e abiò
toutjour proche d'el soun amit Roquolauro, qu'èro l'ome
lou mai farçur d'aquel ten.
Un jour que Henri Quatre- e Roquolauro jougabon a las
cartos après dinna, besquèron intra dins la crampo un
paisan que pourtabo sur soun cat uno coujo tan grosso que
n'an jamai bist ni ne beiran de parèillo.
— Bounjour, moun prince e la coumpagnio.
— Bounjour, moun amit. Que benes fa açi ambe ta coujo?
— Mounprince, bous beni pourta aquelpresen. La soupo
de coujo e de mounjetos frescos es uno fort bouno causo; mès
nou manqués pas de recoumanda a bostro cousinèro de
counserba las granos. N'en dounarés a toutz bostres amitz e
counechensos, e bendrèi jou-mèmo n'en quèrre per l'annado
que ben.
— Mercio, moun amit; bai-t'en minja un mos e beure un
cot a la cousino.
— Ambe plasé, moun prince.
Lou paisan debalèt a la cousino, oun lou daichèron pas
manca ni de pa, ni de bi, ni de car.
Penden que bebiò e que minjabo, Henri Quatre diguèt
a Roquolauro :
— Roquolauro, aquel paisan m'a l'aire d'un brabe ome,
e cresi que m'a pourtat sa coujo de boun co. Que pouioi li
douna ?
— Moun prince, metès-lou a l'esprobo, e se bous a pas
�- 118 pourtat un èu per abe un bèu, fasès-li presen d'un bèl
chibal.
—- Roquolauro, as rasou.
Quan lou paisan aguèt minjat a sa talen e begut à sa set,
tournèt per saluda lou rèi aban de parti.
— Moun amit, que demandos per ta recoumpenso ?
— Moun prince, bous demandi de nou pas oublida de me fa
garda de granos de coujo, per me manteni en bèlo semenço.
Alors Henri Quatre coumandèt que dounèssen un bèl
chibal al paisan, que rentrèt chez el fort countent.
Aquel paisan èro bourdilè de Moussu de Cachopeu, un noble
glourious coumo un paoun, e abare coumo un juif. Quan
Moussu de Cachopeu bisquèt que^soun bourdilè èro estat ta
pla recoumpensat per uno coujo, se pensèt:
— Douma, anirèi trouba Henri Quatre, e li farei presen
de moun plus bèl chibal. Pel mens me fara marquis, e me
dounara un barril ple de doubles louis d'or.
En effèt, lou lendouma mati, Moussu de Cachopeu descendèt dins soun escuderio, causisquèt soun plus bèl chibal, partisquèt per la bilo de Nerac, e troubèt Henri Quatre e Roquolauro que jougabon a las cartos après dinna.
— Bounjour, moun prince e la coumpagnio.
— Bounjour, moun amit. Que i a per toun serbici ?
— Mounprince, sèi Moussu de Cachopeu, e èi après qu'abiòs dounat un bèl chibal à moun bourdilè, que bous abiò
fèit presen d'uno coujo. Bous ameni uno autro bèstio per remplaça ]a que n'abès plus.
— Merci, moun amit. E ount es aquelo bèstio ?
— Moun prince, l'èi daichado là-bas a l'escuderio.
— E be ! moun amit, la boli ana beire. Passo daban; jou e
Roquolauro te ratrapan dins cinq minutos.
Moussu de Cachopeu debalèt a l'escuderio. Alabés Henri
Quatre diguèt:
— Roquolauro, aquel Cachopeu ma l'aire d'un bièn brabe
�— 119 —
ome, e cresi que m'a menat soun chibal de boun co. Que
pouioi li douna ?
— Moun prince, boutas-lou a l'esprobo, e se bous a pas
dounat un èu per abé un bèu, dounas li sèt bordos e un
gran poudé dins tout lou pais.
— Roquolauro. as rasou.
Henri quatre e Roquolauro debalèn a l'escuderio.
— Moun prince, aqui lou chibal.
— Moun amit, n'èi bist jamai nat de tant bèl. Que demandos per recoumpenso ?
— Moun prince, bous demandi per lou mens de me fa
marquis, e de me douna un barril ple de doubles louis d'or.
— Moun amit, te boli dounamillou qu'acò. Bèno ambe jou
a la cousino.
Roquolauro e Moussu de Cachopèu seguiron Henri Quatre.
— Cousinèro, as gardat las granos de la grosso coujo
qu'un paisan m'a pourtat hier ?
— Oui, moun prince.
— E be 1 ramplis-ne dus cournetz de papèl. Un sara per
Cachopèu, e l'autre per soun bourdilè.
�— 120 —
V
JLou curè abisat
Las gens nou se metran jamai toutz d'accord sur uno
mèmo causo.
I abiò un cot un curè tan fì e tan abisat, que digun n'abiò
jamai pouscut lou susprene a mal fa ni a mal dire. Lous
marguillès de sa paroèsso benguèron lou trouba un dimecbe
mati a la sacristio.
— Bounjour, moussu curè.
— Bounjour, mous amitz. Que i a per bostre serbici?
— Moussu curè, la secaresso ruino nostros recoltos. Bous
benguèn prega de fa plèure.
— Mous amitz, res de mai facile. Sabi uno prièro que fai
plèure lou jour mèmo, se tout lou mounde es d'accor.
Toutaro, a la fi del prono, counsultarèi lou puple.
— Mercio, moussu curè.
— A bostre serbici, mous amitz.
Lous marguillès rentrèron dins la glèiso e lou curè coumencèt la mèsso. Quan lou moumen del prono fusquèt bengut,
mountèt en cbèro e diguèt:
— Mous frais, lous marguillès de la paroèsso soun bengutz
me trouba toutaro a la sacristio, e se soun plágnutz de la
secaresso que ruino bostros récoltos. M'an pregat de fa
plèure, e sabi uno prièro que manquo pas jamai soun cot,
mès que tout lou mounde siosque d'accor per causi lou jour.
Boulès que fasqui plèure anèit ?
— Nâni, moussu curè, respoundèron lous gouiatz de la
paroèsso. Boulen nous ana proumena aqueste sero après
brèspos.
— Boulès que fasqui plèure douma ?
— Nâni, moussu curè, respoundèron tres ou quatre fennos;
�abèn fèit la bugado, e nou boulèn la plèjo que quan nostro
linge sera sec.
— Boulès que fasqui plèure dimars ?
— Mni, moussu curè, respoundèron las jouinos fillos;
boulèn ana à la fièro aquel jour.
— Boulès que fasqui plèure dimècres ?
— Nâni, moussu curè, respoundètunotroupo de daillaires;
abèn a coupa de trèfio aquel jour.
— Boulès que fasqui plèure ditjaus?
— Nâni, moussu curè,respoundèronlous mainatges; aquel
jour i a pas escolo, e boulèn esta libres d'ana courre.
— Boulès que fasqui plèure dibendres ?
— Nâni, moussu curè, respoundèt lou teulè; mous teules
soun enquèro deforo, e nou lous podi enfourna que dissabte.
— Boulès que fasqui plèure dissabte ?
— Nâni, moussu curè, respoundèt lou mèro. Èi besou d'ana
en campagno aquel jour.
— Mous frais, bous zou èi dit, ma priè ro n'a de bertut que
se tout lou mounde es d'accor sul jour oun diurèi fa plèure.
En attendan que siosques toutz del mèmo abis, daicbas fa
lou Boun Diu.
�SUPERSTITIOUS
i
L'ome
a las dens roujos
I abiò un cot un ome e une fenno qu'abiòn tres mainatges, uno fiìlo e dus drolles. Quan la fillo estèt grando, soun
pai e sa mai la boulguèron marida; mès elo n'escoutabo
nat galan, e toutjour disiò :
— Boli per marit un home qu'auge las dens roujos.
Lou pai e la mai fasquèron tambourina pertout la boulountat de sa fillo, e atendèron penden sèt ans. Alors un
ome qu'abiò las dens roujos se presentèt dins soun oustal.
— Aqui l'ome que me cal, ça diguèt la fìllo.
Lous maridèron sans tarda; lou lendouma de la noço,
l'ome a las dens roujos se lebèt de bouno bouro, debalèt a
l'escuderio, dounèt la sibado al chibal, li metèt la brido e la
sèlo, e partit al gran galot sans que pousquèssen beire ount
anabo. Tournèt pas à l'oustal qu'a bor de nèit.
— D'oun benes, moun ome ? ça diguèt la fenno.
L'ome a las dens roujos respoundèt pas.
Lou lendouma, l'ome a las dens roujos se lebèt de bouno
ouro, debalèt a l'escuderio, dounèt la sibado a soun chibal,
limetèt la brido et la sèlo, e partit al gran galot sans que
pousquèssen beire ount anabo.
Alors la fenno diguet a son pai, a sa mai et a sous dus
frais :
— Besès ço que se passo. Moun ome par lou mati de
bouno houro e rentro pas qu'a bor de nèit. Quan li de-
�— 123 mandi d'oun ben, respoun pas. Belèu s'en ba beire
quauco ancièno mestresso. Acò se pot pas passa atal.
— Siosques tranquillo, ma so, ça diguèt lou frai ainat.
Douma demandarèi a toun ome de me prene en courpo, e te
dirèi ount es que ba.
L'ome a las dens roujos tournèt à l'oustal a bor de nèit.
Lou lendouma se lebèt de bouno ouro, debalèt à l'escuderio,
dounèt la sibado al cbibal, e li metèt la brido e la sèlo. Alors
lou frai ainat de la fenno intrèt dins l'escuderio.
— Ome a las dens roujos, ça diguèt, te boli acoumpagna
dins toun bouiatge.
— Mounto en courpo, moun bèl-frai.
Lou cbibal partit al gran galot a trabès lous bos. A
mèi jour, s'arrestèt en un endret oun coulabo uno foun
d'argen.
— Moun bèl-frai, ça diguèt l'ome a las dens roujos,
debalén de cbibal per beure en aquelo foun.
Debalèn tous dus : mès a peno lou bèl-frai aguèt begut
tan si pu de l'aigo que coulabo de la foun, s'endroumit al
pè d'un casse dinqu'al sourèl couchat. Alors l'ome a las
dens roujos lou rebeillèt.
— Moun bèl-frai, as droumit lounten. Es trot tard per
countinua nostre bouiatge. Tournen-nous-en a l'oustal.
Tous dus tournèron mounta a chibal, e a mèjo nèit èron
tournatz a l'oustal.
L'ome a las dens roujos se metèt al lièit e s'endroumit.
Àlors sa fenno se lebèt douçomen, douçomen, e s'en anguèt
dins la crampo del frai ainat.
— E be ! moun frai, oun sès anatz ?
— Aben galoupat dins lous bosques penden tres ouros.
Alors sèn debalatz de chibal, dins un endret oun coulabo
uno foun d'argen. Èi boulgut beure tan si pu d'aigo, e me
sèi endourmit al pè d'un aure dinqu'al sourèl couchat. Alors
toun ome m'a rebeillat, e sèn tournatz a l'oustal, mès m'a
pas dit ço qu'abiò fèit dinqu'al. sourèl couchat.
�- 124 —
— Tourno-te coucha, ma so, e dron tranquillo. Douma
acoumpagnarèi enquèro toun marit, e nou beurèi pas de
l'aigo que coulo de la foun d'argen.
Lou lendouma, l'ome a las dens roujos se lebèt de bouno
houro, debalèt a l'escuderio, dounèt la sibado a soun chibal,
li metèt la brido e la sèlo. Alors lou frai ainat de la fenno
intrèt dins l'escuderio.
— Ome a las dens roujos, ça diguèt, te boli acoumpagna
dins toun bouiatge.
— Mounto en courpo, moun bèl-frai.
Lou chibal partit al galot a trabès lous bósq. Al cat de
tres houros s'arrestèt en un endret oun coulabo uno foun
d'argen.
— Moun bèl-frai, ça diguèt l'ome a las dens roujos,
debalén de chibal per beure en aquelo foun.
Debalèn tous dus; mès lou bèl-frai èro sur sas gardos e
nou bouliò pas beure.
— Anen, beu: aco te fara de be.
— N'èi pas set.
— E be, minjo, se bos pas beure.
*
Ê'ome a la dens roujos tirèt de soun porto-mantou uno
micho de pa e un gran bouci de tessou saíat. Quan lou
bèl-frai aguèt minjat quaucos boucados, la set lou prenguèt,
e s'aproucbèt de la foun d'argen. Mès a peno aguèt beuut
tan si pu d'aigo, s'endroumit al pè d'un aure dinqu'al sourèl
couchat. Alors l'home a las dens roujos lou rebeillèt.
— Moun bèl-frai, as droumit lounten. Es trot tard per
countinua nostre bouiatge. Tournen-nous-en a l'oustal.
Tous dus tournèron mounta a chibal, e a mèjo nèit èron
tournatz à l'oustal.
L'ome a las dens roujos se couchèt e s'endroumit. Alors
sa fenno se lebèt douçomen, douçomen, e s'en anguèt dins
la crampo de sous frais.
— E be! moun frai, oun sès anatz ?
l
�— Abèn galoupat a trabès lous bos penden tres ouros. Alors sèn debalatz de cbibal dins l'endret oun coulo la
foun d'argen. Boulioi pas beure, mès toun ome m'a fèit
minja de pa e de tessou fort salat. Après quaucos boucados, la
set m'a pres e me sèi aproucbat de la foun d'argen. Mès a
peno èi agut beuut tan si pu d'aigo que me sèi endroumit al
pè d'un aure dinqu'al sourèl coucbat. Alors toun ome m'a
rebeillat e sèn tourn'atz a l'oustal, mès m'a pas dit ço qu'abiò
fèit dinqu'al sourèl coucbat. Aro èi prou d'aquels bouiatges,
e n'i boli plus tourna.
Quan la fenno entendèt aco, se metèt a ploura coumo uno
Madelèno; mès a toutos sas pregarios lou frai ainat respoundiò toutjour:
— Èi prou d'aquels bouiatges, e n'i boli plus tourna.
A la fin, lou frai cadèt,, qu'èro fat, prenguèt pietat de
sa so.
— Ma so, nou ploures plus atal toutos las larmos de tous
èls. Tourno dins toun lièit e dron tranquillo. Douma acoumpagnarèi toun ome sans minja ni pa ni tessou salat, e sans
beure de l'aigo que coulo de la foun d'argen.
— Tu, paure fat, boles acoumpagna moun ome ?
— Tourno dins toun lièit e dron tranquillo.
Lou lendouma, l'ome a la dens roujos se lebèt de bouno
houro, debalèt a l'escuderio, dounèt la sibado a soun cbibal,
e li metèt la brido e la sèlo. Alors lou fat intrèt dins l'escuderio.
— Ome a las dens roujos, ça diguèt, te boli acoumpagna
dins toun bouiatge.
— Mounto en courpo, fat.
Lou cbibal partisquèt al gran galot a trabès lous bos;
al cat de tres houros, s'arrestèt dins l'endret oun coulabo la
foun d'argen.
, — Fat, ça diguèt l'home a las dens roujos, debalén de
chibal per beure en aquelo foun.
— N'èi pas set.
�— 126 —
— Debalèn per minja un pau d'aquel pan e d'aquel
tessou salat.
— N'èi pas talen.
— Debalèn au mens per nous repausa.
i — Nou sèi pas las.
L'ome a las dens roujos aguèt bèl precba, lou fat nou
boulguèt res entendre, e calguèt se tourna mètre en cami.
Tous dus caminèron atal dinquo en un can oun quauques
bomes foutjabon.
— Fat, ça diguèt l'home a las dens roujos, èi besou d'ana
parla en aquels foutjaires. Ten moun cbibal dinquo que
siosque tournat.
— Sios tranquille, m'escapara pas.
Lou fat estaquèt lou chibal en un aure, e seguisquèt
l'ome a las dens roujos sans estre bist. Al cat d'uno ouro,
arribèt dins de pratz tant magres que i auiòn poudut
amassa de sal; pourtan lous bèus e las bacos i èron grassis
a lar.
Un pau mai lèn, aribèt dins de pratz oun i abiò d'herbo
dus piès per-dessus lou cat; pourtan lous bèus e las bacos i
èron magres coumo de claus.
Un pau mai lèn, arribèt dins de pratz ourdinaris, oun pecbèbon de crabos que n'èron ni magros ni grassos.
Un pau mai lèn, besquèt l'ome a las dens roujos intra
dins uno pitchouno glèiso e barra la porto. Lou fat regardèt
per lou trau de la sarraillo, e besquèt un auta ambe un
cierge pla mai cour que lous autres. Un preste disiò la
messo, e l'ome a las dens roujos la serbissiò. Penden aquel
ten, de boulados d'auselous arribabon dels quatre bens del
cièl, e beniòn tusta countro las bitros de la pitchouno glèizo
ambe sous bètz e sas alos; pourtan las frinèstos nou s'oubrissiòn pas, e las pauros petitos bestiotos damourabon toutjour deforo a tusta e a crida:
•
— Riti, cMu, cJiiu.
La mèsso fìnido, l'ome a las dens roujos fermèt lou libre
�mèssal e boufèt lous cièrges. Alors lou fat prenèt la courso,
e tournèt proche del chibal.
— E be 1 fat, boles tourna a l'oustal ?
— Sèi a toun coumandomen.
Tous dus tournèron mounta a chibal, e arribèron a l'oustai
al sourèl couchat. Penden lou soupa, lou fat countèt ço
qu'abiò bist dunpèi lou moumen oun l'ome a las dens roujos
li abiò dat soun chibal a garda.
— Ome a las dens roujos, parlo-nous d'aquels pratz tan
magres que i auiòn pouscut amassa la sal; pourtan lous
bestials i èron grassis a lar.
— Fat, aquels pratz èron lou paradis, e aquels bestials las
sentos amos.
— Ome a las dens roujos, parlo - nous des pratz oun
abiò d'herbo dus piès per-dessus moun cat; pourtan lous
bestials i èron magres coumo de claus.
— Fat, aquels pratz èron l'infer, e aquels bestials las amos
dannados.
— Ome a las dens roujos, parlo-nous d'aqaels pratz
ourdinaris, oun pechèbon de crabos que n'èron ni magros ni
grassos.
— Fat, aquels pratz ourdinaris èron l'esprecatori, e aquelos crabos ni magros ni grassos, las amos qu'atendon lou
moumen d'estre delibrados.
— Ome a las dens roujos, parlo-nous del prèste que disiò
la mèsso dins la pitchouno glèizo.
— Fat, aquel prèste èro lou Boun Diu.
— Ome a las dens roujos, parlo-nous d'aquelos boulados
d'ausélous qu'arribabon dels quatre bens del cièl e que beniòn tusta countro las bitros de la pitchouno glèizo ambe
sous bètz e sas alos; pourtan las frinèstos nou s'oubrissiòn
pas, e las pauros bestiolos damourabon toutjour deforo a
crida : Riu, cJiiu, chiu.
— Fat, aquels ausèls èron las amos dous pitchous mainatges mortz sans batèmo, que n'intraran pas en paradis.
�— Ome a las dens roujos, parlo-nous del cièrge mai
court que lous autres que burlabo sur l'auta.
— Fat,' quant on a bist lou qu'as bist', on n'a plus res a
aprene dins aqueste mounde. Tan brai coumo saras toutaro
en paradis, aquel cièrge èro ta propro bito, e s'escantissiò
sur l'auta a la fi del darrè auangèli.
�— 129 —
II
L'ome blan
Aqui ço qu'es arribat en un bièl souldat, qu'a perdut uno
cambo a la guèrro, e que s'en ba demanda soun pa de porto
en porto.
Aquel souldat seguissiò lou cami de Nerac a Agen, ambe
un soul bouci de pa dins sa biasso. Arribat procbe de Mouncaut, s'assetèt al bor d'un barat e coumençabo de minja,
quan besquèt beni a el un bome bestit de blan del cat als
pès : capèl blan, abillomens e souliès blans, e un gran
bastou blan dins la ma dreto.
— Que fas aqui, moun amit ?
— Zou bezès, moussu; minji un bouci de pa. ;Lou partatjarén se boulès.
— Ambe plasé, moun amit.
L'ome blan se setèt sul bor del barat al coustat del
bièl souldat, que li dounèt la mitat de soun mos de pa. Quan
agouron minjat, l'ome blan se lebèt e diguèt:
— Mercio, moun amit. Podes segre toun cami. Ees nou te
manquara anèi, e aban que rentres aqueste sero dins toun
oustalet, auras amassat de pa per biure penden un mes.
Lou bièl souldat se remetèt en cami; de toutos las bordos
l'apelabon per li bailla, e quan rentrèt lou sero dins soun
oustalet, abiò amassat de pa per biure pendent un mes.
Aquel mèmo jour, l'ome blan rancountrèt un boèturiè que
pourtàbo tres mounjos.
—Mas sos, sèi las. Dounat-me uno plaço dins bostroboèturo.
— Passo toun cami, ome blan; i a pas de plaço aci per tu.
Alabés lou boèturiè aguèt pietat de l'bome blan, e li dounèt
uno plaço a soun coustat.
�- 130 Caminèron atal dinqu'a un quart d'ouro de Nerac. Alabés
l'ome blan debalèt e diguèt al boèturiè:
— T'èi dit que ta caritat te saiò pagado. Tan brai coumo
quelos tres mounjos que beses aqui tan plenos de bito saran
mortos aban d'arriba a Nerac, troubaras ta fenno qu'es malauso dumpèi sèt ans, tout-a-fèt garido e ocupado a te fa
las soupos.
L'ome blan s'en anguèt. Quan lou boèturiè arribèt a Nerac,
troubèt las tres mounjos mortos; mè sa fenno èro sur la
porto e cridabo:
— Anen, moun ome, afano-te; las soupos s'afredisson.
�— 131 —
III
Lou Bouiatge de Nostre Segne
Un jour Nostre Segne partisquèt ambe sen Pièrre e sen
Jan, per ana demanda l'aumoino; s'arrestèron toutz tres
daban la boutigo d'un faure que s'assajabo de ferra un cbibal. Mès la bèstio* reguinnabo, e lou faure jurabo coumo un
paien sans poude fa de boun oubratge.
—• Faure, ça diguèt Nostre Segne, daicbo-me ferra aquel
cbibal.
— Tiro toun cami, afrountat, ou te marqui ambe moun
fer cau!
— Faure, te disi de me daicba ferra toun chibal.
Lou faure finisquet per daicha fa.
— Aqui, ça diguèt Nostre Segne, coumo ferron un chibal.
Coupèt a la bèstio la cambo dreto de daban, la ferrèt tout
a soun aise, la tournèt mètre en plaço, e tournèt parti ambe
sen Pièrre e sen Jan.
— Ne farèi pla autan coumo aquel ome, se pensèt lou
faure.
Alors coupèt al chibal la cambo gaucho de daban, e la
ferrèt tout a soun aise. Mès la pauro bestio sannabo, e lou
faure nou pousquèt pas tourna mètre lou membre a sa plaço.
Ta lèu courguèt après Nostre Segne.
— L'amit, benès m'aduja, bous en prègui, a tourna mètre
la cambo al chibal.
Nostre Segne benguèt tourna mètre lou membre a la bèstio
e diguèt al faure :
— Aco es fèit. Ten a beni, nou jures plus coumo un paien,
e n'insultes plus lous qui te bolen randre serbici.
Nostre Segne se tournèt mè'tre en cami ambe sen Pièrre
�— 132 —
e sen Jan, e toutz tres s'en anguèron tusta a la porto d'uno
pauro bordo.
— Un mos de pa, si lou plèt, bourdilèro, per l'amou
de Diu e de la sento Bièrges Mario. Pater noster qui es in
ccelis...
— Pauros gens, bostros prièros nou bous proufitaran gaire.
N'èi qu'aquel mos de pasto dins la mèit.
— N'augetz pas pòu, bourdilèro, bostro pasto ba aumenta,
e n'i aura prou per nous autres tous.
Coumo de fèt, la pasto aumentèt a bisto d'èl, dinquo
debourdèsse per-dessus la mèit. Alors la'bourdilèro caufèt
lou four, e toutz quatre se metèron a minja. Penden que
minjabon, lous tres mainatges s'èron sarratz dins l'establo
des tessous e cridabon.
— Bourdilèro, ça diguèt Nostre Segne, qu'abès dins aquelo
establo ?
— Paure, acò soun tres tessounetz.
Lou repas finit, Nostre Segne partisquèt ambe sen Pièrre
e sen Jan; mès quan la bourdilèro boulguèt ana quèrre
sous mainatges dins l'establo des tessous, i troubèt tres
tessounetz. Ta lèu courguèt a l'adarrè de Nostre Segne.
— Moun amit, bous èi mentit quan bous èi dit toutaro
qu'èron tres tessounetz que cridabon dins a l'establo des
tessous. Acòs èron mous tres mainatges; e quan sètz estat
partit, èi troubat tres tessounetz a la plaço.
— Eentras cbe bous, bourdilèro, e tournares trouba bostres tres mainatges; mès cal plus menti.
Nostre Segne se tournèt mètre en cami ambe sen Pièrre
e sen Jan, e toutz tres s'en anguèron tusta a la porto d'un
castèl.
— Un mos de pan, si âou plèt, moussu, per l'amou de
Diu e de la sento Bièrges Mario. Pater noster qui es in ccelis,
sanctijicetur....
— Foutès-me lou can! canaillos; n'auras pas un croustet,
fenianst Se biras pas lous talous sul cot, bous lachi lous
cas a l'adarrè.
�— 133 —
— Sen Pièrre, ça diguèt Nostre Segne, basto-me aquel
ase.
Lou mèstre del castèl se troubèt sul cot cambiat en ase.
Sen Pièrre lou bastèt e li metèt un cabestre.
Nostre Segne se tournèt metre en cami ambe sen Pièrre
e sen Jan, e toutz très s'en anguèron tusta a la porto d'un
pitchou mouli, agoun n'i abiò qu'uno fenno.
— Un mos de pan, si bou plèt, moulinèro, per l'amou
de Diu e de la sento Bièrges Mario. Pater noster qui es in
ccelis
— Pauros gens, bostros prièros nou bous proufiteran
gaire. N'èi a bous douna qu'un pitchou mos de pa. Partatjas
bous-lou.
— Merci, moulinèro, ça diguèt Nostre Segne. Per bostre
pitchou mos de pa, bous douni aquel ase ambe soun bast e
soun cabestre. Fasès-lou trabailla rede, e li dongues pas ni
fe ni paillo. Sabera bièn ana tout soul cerca sa bito lou loun
dels camis e a trabès las sègos.
Nostre Segne se tournèt metre en cami ambe sen Pièrre e
sen Jan. Al cat de sèt ans, tournèron passa daban lou
pitchou mouli, e s'en anguèron tous tres tusta a la porto.
— Un mos de pa, moulinèro', si òou plèt, per l'amou
de Diu e de la sento Bièrges Mario. Pater noster qui es in
ccìlis....
— Ambe plasé, pauros gens. Entras, la soupo es sur la
taulo. Aqui uno micho de pa per cadu, d'al, de sal, e debali
a la cabo per bous tira de bi bièl. I a sèt ans, tres paures
pas tan hièls coumo bous autres, passèron per aci. Per un
pitchou bouci de pa, me dounèron un ase ambe soun
cabestre, en me recoumandan de loufa trabailla rede, sans
li douna ni fe ni paillo. L'èi toutjour daichat ana quèrre sa
bito tout soul lou loun de camins e a trabès las sègos.
Pourtan abioi pietat d'aquel paure animal. Es ambe el
qu'èi apraticat moun mouli e fèit ma fourtuno.
— Moulinèro, sèn nous autres que bous abèn dounat aquel
�— 134 ase ambe soun bast e soun cabestre; aro nous lou cal
tourna.
— Ambe plase, pauros gens.
Nostre Segne, sen Pièrre e sen |Jan mountèron toutz
tres sur l'ase, que lous pourtèt dinqu'a la porto de soun
castèl.
— Un mos de pa, Madamo, si louplèt, per l'amou de Diu
e de la sento Bièrges Mario. Pater noster....
— Ambe plasé, pauros gens. Aqui tres micbos de dètz
liuros caduno. S'en ban sèt ans passatz que tres paures benguèron demanda l'aumoino a la porto d'aquel castèl; moun
maritlous insultèt e lous menacèt des cas. Alors un d'aquels
tres paures lou cambièt en ase; un autre lou bastèt e li
metèt un cabestre, e toutz tres se l'amenèron ambe els.
— Recounecbaios bostre marit, Madamo ? ça diguèt Nostre
Segne.
— Oui, paure, lou recounecbaioi.
— Ase, lèbo-te, e repren ta prumèro formo.
L'ase se lebèt, reprenguèt sa prumèro formo, e la damo
recouneguèt soun marit. Lou mèstre del castèl mourisquèt
lou lendouma; mès abiò fèit sa penitenço en aqueste
mounde, e Nostre Segne li dounèt plaço dins soun paradis.
�— 135 -
IV
L'ome presounè dins la luno
I a de gens qu'an bist marcha dins la luno un ome cargat
d'un fagot. Aqui coumo s'i trobo enpunitiou de sous pecatz.
Del temps qu'aquel omo èro sur la tèrro, trabaillabo souben lou dimecbe e jurabo coumo un paien.
— Pren gardo, ça li dision sous besis; mal fa nou pot dura.
Ofensos lou Boun Diu, e t'arribera malur.
Mès l'ome bouliò res escouta, e anabo toutjour soun trin.
Un jour de Pascos, se lebèt de boun mati, prenguètsapigasso,
e s'en anèt al bos coupa un fagot. Mès coumo s'en tournabo
al bilatge, lou ben se l'empourtèt dins la luno ambe soun
fagot. Es aqui qu'aquel malurous es coundamnat a damoura
presounè dinqu'al jour del jutjomen.
I a de gens qu'an bist marcba dins la luno un ome cargat
d'un fagot. Aqui coumo s'i trobo en punitiou de sous pecatz.
�— 136 —
V
Ltou gouiat castigat
I abiò un cot uno jouino fillo qu'èro bèlo coumo lou jour.
Baillabo lou boun etzemple dins la paroèsso, e passàbo tout
soun ten a trabailla e a prega Diu. Acò durèt dinqu'a l'atge
de detz-e-oèit ans. Alors, un gouiat que soun pai abiò un
gran castèl e cen bordos dins lou pais, toumbèt amourous de
la jouino fillo, e la demandèt en maridatge. Se fasquèt douna
l'entrado de l'oustal, e bint cotz per jour beniò teni coumpagnio a sa proumeso.
Un sero, a l'entour de las nau ouros, lou gouiat diguèt à
la jouino fìllo :
— Escouto. Bau fa en semblan de rentra che moun pai;
mès tournarèi a mèjo nèit, quan tout lou mounde dourmira
che tu, e me recebras dins ta crampo.
— Nâni, moun boun amit, faioi un pecat. Atendès que
siosquen maridatz, et bous recebrèi ambe plasé dins ma
crampo tan souben coumo boudrés.
— Sès uno fado de parla atal. Ban estre lèu maridatz, e me
podes bien permetre aro ço que me proumetes per mai tar.
La jouino fìllo aimabo lou gouiat, e respoundèt:
— E be, fasès coumo se rentrabotz che bous, e tournatz a
mèjo nèit. Bau fa en semblan de m'ana coucha; mès quan
tout lou mounde dourmira dins l'oustal, me leberèi per ana
bous oubri la porto, e bous recebrèi dins ma crampo.
Lou gouiat fasquèt coumo se rentrabo chez el, e la jouino
fìllo fasquèt en semblan de s'ana coucha. Mès quan tout lou
mounde estèt endourmit dins l'oustal, se lebèt per ana oubri
la porto, e recebèt soun galan dins sa crampo.
Lou gouiat partisquèt aban l'aubo, mès nou tournèt plus
�dins l'oustal. Alors, la jouino fìllo'jbenguèt pla tristo, e al cat
de tres mesis diguèt a uno de sas amigos :
— Escouto, te bau dise un gran segrèt. I a tres mesis, èi
reçutmoun galan dins ma crampo penden la nèit, e dunpèi n'es plus tournat me beire. Bai-lou trouba, e di-li que
l'atendi, pramo que sèi encento, e que nous cal marida lou
prumè que se pouira.
— Siosques tranquillo, toun segrèt sara bièn gardat, e ta
coumissiou sara fèito.
Lou jour mèmo, l'amigo de la jouino fillo anèt trouba
lou gouiat e li diguèt :
— Escoutas. Bostro mestresso m'a dit un segrèt. I a tres
mesis bous a reçut dins sa crampo penden la nèit, e dunpèi nou sètz plus tournat la beire. Es elo que m'a cargado de
bous ana trouba per bous dire que bous aten, pramo que es
encento, e que bous cal marida lou prumè que se pouira.
— Tourno cbe ma mestresso e di-li que nou me beira
plus. Èi fèit d'elo ço qu'èi boulgut, e aro èi fìnit de l'aima.
S'es encento, tan pis per elo; mès se counto sur jou per se
marida, cresi fort qu'atendera lounten.
Quan l'amigo de la jouino fillo entendèt acò, n'aguèt plus
mot en bouco, e s'en tournèt en plouran cbe la que l'abiò
enbouiado.
— E be I que t'a respoundut moun galan ?
— Toun galan es un mecbant -ome. M'a respoundut :
« Tourno cbe ma mestresso e di-li que nou me beira
plus. Èi fèit d'elo ço qu'èi boulgut, e adaro èi finit de l'aima.
S'es encento, tan pis per elo; mès se counto sur jou per
marit, cresi fort qu'atendra lounten.»
Quan la pauro jouino fìllo entendèt acò, toumbèt redo
morto, e la pourtèron al cementèri lou lendouma. Soun galan nou parisquèt pas mèmo a l'enterromen; mès a parti
d'aquel jour estèt toutjour en pensomen, e damourèt tres
ans sans s'aproucba des sacromens. Mès la quatrièmo annado,
s'anèt coufessa, penden la semmano sento, e diguèt al curè:
�— 138 —
— Moun pèro, sèi coupable d'un bièn gran pecat. Èi proumes maridatge a uno jouino fíllo. M'a reçut la nèit dins sa
crampo e l'èi rendudo encento, e dunpèi nou sèi plus tournat a l'oustal. Alors ma mestresso m'a embouiat uno de sas
amigos per me dire que m'atendiò, per amo qu'èro enceinto,
e que nous caliò marida lou prumè que se pouiren. Ei respoundut: « Tourno cbe ma mestresso, e di-li que nou me
beira jamai plus. Èi fèit d'elo ço qu'èi boulgut, e aro èi
finit de l'aima. S'es encento, tan pisperelo; mès se counto
sur jou per marit, cresi fort qu'atendra lounten. » Quan la
pauro jouino fillo a entendut acò, es toumbado redo morto.
— Moun fìl, respoundèt lou curè, [toun pecat es tan gran,
quenijou ni l'abesque n'abèn lou poude de te perdouna.
Cal ana a Roumo, e te coufessa al papo.
Lou gouiat sourtisquèt de la glèiso. e s'en anèt trouba un
de sous camarados.
— Escouto, èi un gran segrèt a te dire e un gran serbici a
te demanda.
— Parlo. Toun segrèt sera bien gardat. Per lou serbici,
tacbarèi de te countenta, se la causo es en moun poudé.
— Èi besou d'ana a Roumo per me coufessa al papo.
Me boles acoumpagna ?
— 0.
— E be, partiran aqueste sero, a l'entrado de la nèit. Aro
bau a la boutigo del faure.
— Faure, pagarèi ço que cadra; mès nou sourtirèi pas
d'aci que tu e tous aprentis m'agetz fourjat siès parèls de
souliès de fèr.
— Moussu, lou siès parèls de souliès de fer saran prestis
dins uno ouro.
Uno ouro après, lous siès parèls de souliès de fèr estèn
lestes. Alors lou gouiat anèt trouba soun camarado e li
diguèt:
— Lou moumen es bengut. Aqui un bastou, uno biasso
e tres parèls de souliès de fèr, pramo que lou bouiatge sera
loun. La nèit debalo, cal parti.
t
�— 139 Tous dus caussèron un parèl de souliès de fèr, e partisquèron sans embrassa sous parens. Marcbèron atal lounten, lounten, lounten; trabersèron de grans bos e de ribèros mai larjos que Garono, e passèron dins forço paisis
que cadun abiò soun lengatge. Penden lou jour, demandabon un bouci de pa, per l'amou de Diu, daban la porto
de las bordos, e la nèi lous daicbabon coucba, per caritat,
sur la paillodelas establos. Un sero, lou gouiat diguèt a
soun camarado:
— Escouto : nostre prumè parèl de souliès de fèr es usat;
abèn fèit lou tiers del bouiatge.
Lou lendouma, tous dus caussèron un autre parèl de souliès de fèr e partisquèron. Marchèron atal lounten, lounten, lounten; trabersèron de grans bos e de ribèros mai
larjos que Garono, e passèron dins forço paisis que cadun
abiò soun lengatge. Penden lou jour, demandabon un
bouci de pa, 'per l'amou de Diu, daban la porto de las
bordos, e la nèit lous dacbabon coucha, per caritat, sur la
paillo de las establos. Un sero, lou gouiat diguèt a soun camarado:
— Escouto : nostre segoun parèl de souliès de fèr es usat;
debèn abe fèit lous dus tiers del bouiatge.
Lou lendouma, tous dus caussèron lour darrè parèl de
souliès de fèr e partisquèron. Marchèron atal lounten, lounten, lounten; trabersèron de grans bos e de ribèros mai
larjos que Garono, e passèron dins forço paisis que cadun
abiò soun lengatge. Penden lou jour, demandàbon un
bouci de pa, per l'amou de Diu, daban las portos de las
bordos, e la nèit lous daichabon coucha, per caritat, sur la
paillo de las establos. Un sero, lou gouiat diguèt a soun
camarado:
— Escouto : nostre darrè parèl de souliès de fèr es usat;
douma saran a Roumo.
Lou lendouma, se tournèron mètre en cami bièn aban lou
jour, e lou sourèl leban lous mustrèt lou castèl del papo e
las teulados de la bilo de Roumo. Aquelo bilo a sèt cens
�— 140 —
glèisos, e, dins cado clouquè, i a sèt campanos de grandou e
de souns diferens. Quan lou gouiat e soun camarado n'estèron plus qu'a une lègo, toutos aquelos campanos se metèron a souna d'elos mèmos; alors lou puple diguèt:
— Aqui las campanos que sounon l'arribado d'un gran
peniten.
Tout aquel puple sourtisquèt per la grandoporto per ana
al daban del gouiat e de soun camarado. Tous dus estèron
counduitz daban lou papo que diguèt :
— Daichas-me soul ambe aquel peniten.
Digun n'a jamai sabut ço que s'es dit alors, penden
tres ouros de relotge, entre lou papo e lou gouiat. La coufessiou fìnido, lou papo diguèt al peniten :
— Bèi me quèrre toun camarado, e daicho-me soul ambe el.
Lou gouiat anguèt quèrre soun camarado, e lou daicbèt
soul ambe lou papo.
— Moun amit, escouto bien ço que te bau dire, e n'en
parles a digun aban d'èstre rentrat dins toun pais.
— Papo, sarés aubeit.
—Moun amit, ten-te lèste a tourna parti ambe toun camarado, al prumè cot de mèi jour. Marcbarés sans minja, ni
beure, ni bous sète, dinqu'al coucba del sourèl. Alors trabersares un bos oun troubares uno bèstio que bous semblara pitcbouno de lèn e grando de procbe. Aquelo bèstio sautara sur
l'esquino de toun camarado e s'i tendra ambe sas unglos sans
que aqueste siosque espoubentat. Alors, countinùas bostro
routo, e demandas a coucba dins lou prumè oustal que
troubarés. Toun camarado se retirera soul dins uno crampo,
oun entendrés un gran tapatge penden touto la nèit; mès
que digun se garde bien d'i intra aban lou lendouma mati.
— Papo, sarés aubeit.
Sul prumè cot de mèi jour, lou gouiat e soun camarado
tournèron parti, e marcbèron sans minja, ni beure, ni se
sète, dinqu'al coucba del sourèl. Alors trabersèron un bos
oun troubèron uno bèstio que lous semblèt pitcbouno de lèn
�~ 141 —
e gíando de proche. Aquelo bestio sautèt sur l'esquino del
gouiat, et s'i tenguèt ambe sas unglos san que aqueste estèsse
espoubentat. Alors continuèron lour routo, e demandèron a
coucha dins lou prumè oustal que troubèron, e lou gouiat
se retirèt soul dins uno crampo.
Sul prumè cot de mèjo nèit, entendèron dins aquelo
crampo un gran tapatge que durèt penden tres ouros de
relotge. Après n'entendèron plus res, e tout lou mounde
s'endourmisquèt dins l'oustal dinqu'al sourèl leban. Alors
boulguèron intra dins la crampo oun s'èro fèit aquel gran
tapatge; mès n'y troubèron ni la bestio ni lou gouiat, e n'an
jamai poudut sabe ço qu'èron debengutz.
��TROISIÈME PARTiE,
NOTES COMPARATIVES.
��NOTES COMPARATIVES
l'AR
.VI. lieinhold RÒHLUU
CONTES
i
Peau-d'Ane
II y a beaucoup de contes où l'héroïne perd son époux, puis
le retrouve marié ou au moins íìancé à une autre. Au prix de
joyaux, qui lui ont été donnés d'ordinaire par des êtres bienfaisants qu'elle a rencontrés sur sa route, elle acbète de la
nouvelle femme ou fìancée la permission de passer trois nuits
dans la chambre de Pépoux. Elle ne parvient que durant la
troisième nuit à se faire reconnaître du héros, auquel, les
deux nuits précédentes, sa femme (ou fiancée) nouvelle avait
fait prendre un breuvage. Voyez mes indications sur ce point
dans le Jahrbuch ftìr romanische Literatur, V, 255 s., et de
plus KUHN et SCHWARTZ , Nofddeatsche Màrchen , n°. 11 ;
PHÔHLE, Rinder und Volhsmàrchen, n° 31 ; ASBIÔRNSEN, Norshe
Folke-Eventyr, ny Samling, n° 90; HYLTÉN-CAVALLIUS et STEPHENS,
Svensha Folk-Sayor och JEfveniyr, n° 19, A. B; Icelandic Leyends,
collected hy J. ABNASON, transìated byG. POXVELL and E. MAGNUSSON,
second series, p. 278; LAURA GONZENBACH, Siciiianisclie Màrchen,
n°42; A. DE-GUBERNATIS, Le Novelline di Santo Stefano, n° 14;
V. IMBBIANI, La Novellaja fiorentina, n° 10, La Novellaja milanese
n° 6 ; F. MASPONS Y LABBOS, LO Rondallayre, II, 60 ; P. RENNEDV,
Legendary Fictions of the Irish Cells, p 57.
�— 440 —
Dans la plupart de ces contes, l'époux de l'héroïne est anirnal pendant le jour et ne redevient homme que la nuit, et
elle le perd pour avoir enfreint une défense qu'il lui avait
faite. Dans notre conte aussi, le roi de France devait certainement apparaître d'abord sous la forme d'un animal.
Ce n'est
qu'ainsi que l'on comprend comment il menace le père des
trois jeunes filles de le dévorer, et pourquoi les deux fdles
aînées se refusent à l'épouser.
Un autre trait du récit primitif paraît altéré dans le texte
gascon, tel qu'il nous est parvenu : Peau-d'Ane veut prouver
sa reconnaissance aux laveuses qui lui ont donné des nouvelles
du roi de France, et en un moment elle blanchit un torchon
noir comme la suie. Dans
(ASBÍÒ'RNSEN
et
MOE,
un
conte
Norslie Folheeventyr, n°
norvégien
41),
parallèle
l'épousedel'Ours
blanc, une nuit, a allumé une bougie pour le
voir avec sa
véritable forme, en quoi faisant elle a laissé tomber sur sa chemise une goutte brûlante de cire : le prince s'est réveillé et a
disparu. Elle le retrouve enfm chez sa maràtre (au prince), fiancé
à une autre, et elle achète trois fois de la fiancée la permission
de passer la nuit dans sa chambre : la troisième nuit la reconnaissance a lieu, et le lendemain le prince demande à la nouvelle fiancée de laver les trois taches de cire qui se trouvent
sur sa chemise. Mais il n'y a que des mains chrétiennes qui
puissent blanchir la chemise, et la fiancée, qui appartient à la
race des ïrolds, en est incapable, tandis que la première femme
y réussit. — Dans un conte danois
Minder i Folhemunde, I,
100),
(GRUNDTVIG,
Gamle danshe
l'épouse du Chien Blanc a de
même allumé une lumière, et les gouttes de cire tombées sur
le prince ont causé son réveil et sa disparition. Elle est obligée alors de servir une sorcière, qui lui impose dift'érentes
tàches : la dernière est précisément de blanchir la chemise du
prince. Avec l'aide du Chien Blanc, elle y parvient, la sorcièce
crève de dépit, et le charme qui pesait sur le prince est rompu.
— Dans un conte écossais
land, p.
244),
(CHAMBERS,
Popular rhymes of'Scot-
l'épouse du Bceuf Noir de Norvége l'a perdu et
part pour le chercher. Pendant sept ans elle sert un forgeron,
qui, pour sa peine, lui fait des souliers de fer, avec lesquels
�- 147 —
elle gravit la montagnede glace. Elle arrive en haut, dans la
demeure de la vieille buandière Un beau jeune chevalier (qui
autret'ois était le Bceuf Noir de Norvége) a donné à la buandière
une chemise sanglante : celle qui la blanchira sera sa femme.
La vieille et sa fille ne réussissent pas à la laver, mais l'étrangère le fait pour elles, et la vieille dit que c'est sa íille qui
l'a blanchie. L'étrangère achète la permission de passer trois
nuits dans la chambre du chevalier, où elle chante :
Seven lang years 1 served for thee,
The glassy hill I clamb for th.ee,
ïhe bluidy shirt 1 vvrang for thee,
And wilt thou not \vauken and turn to me ?
Les deux premières nuits, le chevalier n'entend rien à cause
du breuvage qu'il a pris ; dans la troisième ont lieu la reconnaissance et la réunion. — Dans une variante assez obscure
de ce conte chez
IV,
CAMPBELL,
Popular Tales of the West Highlands
294 l'épouse du « Greyhound » blanchit les chemises de
tous ceux qui sont tués dans une grande bataille. — Dans un
conte breton, publié par F. M.
LUZEL
dans les Archives des
inissions scientifiques et littéraires, 2e série,
VII,
184, il faut
que l'Homme-Poulain quitte sa femme. Elle veut le retenir, et
il lui donne un coup de poing en pleine íìgure. Le sang jaillit
sur la chemise de PHomme-Poulain et y fait deux taches.
Puissent ces taches ne jamais s'efíacer jusqu'à ce que j'arrive
moi-même pour les enlever ! crie ia femme.
L'Homme-Poulain
s'enfuit et sa femme le cherche pendant dix années. Enfin elle
arrive un jour auprès d'un château,
où des servantes sont
occupées à laver du linge sur un étang. Une servante s'efíbrce
en vain d'enlever les trois taches de sang d'une chemise.
C'est
la
chemise la plus belle d'un seigneur qui veut se marier le jour
suivant avec la fille du maître du chàteau. La femme de
l'Homme-Poulain se fait donner la chemise, crache surles trois
taches, la trempe dans l'eau, puis la frotte, et voilà ies trois
taches enlevées. On loge la femme dans le chàteau, et elle se
fait reconnaître à l'Homme-Poulain.
�— 148 —
1J
Les deux Jumeaux
Cf. les rapprochements fournis par VONHAHN, Griechische und
Albanesische Màrchen, n° 22, note, et par moi dans Orient und
Occident, II, 118 ss., et dans ma note sur L. GONZENBACH,
Sicilianische Màrchen, nos 39 et 40, et de plus LUZEL, Contes
bretons, p. 62 ; DE-GUBERNATIS, Le Novelline di Santo Stefano,
n° 17 et 18; IMBRIANI, La Novellaja fiorentina, n° 27, La Novellaja
milanese, n° 12 ; MASPONS Y LABROS, LO Rondallayre, I, 25 ; et le
conte néo-grec chez J. A. BUCIION, La Grèce continentale et la
Morée, p. 274.
A la croixde pierred'où le sang doit couler, si un malheur
arrive à l'un des frères, répond, dans le conte breton, un tronc
de laurier d'où doit couler du sang si le frère absent est
inort, dans le conte sicilien n° 40 un figuier d'où doit couler
du lait ou du sang, et dans SIMROCH , Deutsche Màrchen n° 63,
un arbre dans lequel les frères font des entailles qui doivent
devenir rouges de sang si l'un d'eux meurt. Dans les autres
contes parallèles, ce sont d'autres signes auxquels on doit
reconnaître la mort des deux frères (un arbre, une fleur se
flétrira ; un couteau, un glaive planté au départ dans un
arbre, se rouillera; une eau se troublera, etc.)
Un trait particulier au conte agenais, c'est que le vainqueur
du dragon se sert des langues coupées au monstre pour se
faire reconnaître de sa femme. Dans beaucoup de récits parallèles, le vainqueur coupe également la langue ou les langues,
et se fait par là reconnaître pour le véritable libérateur de la
princesse, au lieu d'un coUrtisan ou d'un serviteur ou d'unc
autre qui prétend avoir tué le dragon.
Notre conte a encore en propre la disparition de l'un des
frères sous terre dans la maison des sorciers : dans la pluparl
des récits analogues, il est pètrifié, et dans beaucoup d'entre
eux par le contact du cheveu d'une sorcière.
Dans presque toutes les versions du conte des Frères, on
�— m —
retrouve un trait qui manque dans le conte agenais : le second
t'rère, quand il couche avec sa beile-sueur, qui le prend pour
son mari, place une épée entre elle et lui.
III
Les deux Filles
Gí'. Pentamerone,
Santo Stefano, n°
IMBRIANI,
10;
21 ; BERNONI,
dans
MANUEL
A.
WESSKLOFSKY
re di Dacia (Pisa,
II,
11
bis,
Rondallayre, I,
MILA
Y
la poesia popular (Barcelona,
dans
Le NoveLine di
24,
20;
La Novellaja
Fiabe e Novelle popolari venez-ianc,
19 ; MASPONS Y LABROS, LO
catalan,
DE-GUBERNATTS,
Lavigilia di Pasqua di Ceppo, p.
La Novellaja fiorentina, n°
milanese, n°
n°
III,
1 ; GRADI,
97
1853),
p.
; un autre conte
Observaciones sobre
FONTANALS,
177,
et un piémontais.
, Introductiou àla Novella della figlia del
1866),
p. xxix. Dans tous ces contes, une
étoile tombe sur le front de la bonne sceur, et sur celui de la
mécliante se pose dans la plupart des contes italiens une queuc
d'àne ; dans le Pentamerone un testicule d'àne; dans un conte
catalan, un pied d'àne ; dans une variante du conte piémontais
une queue de clieval ;-dans le conte vénitien « tre stronzi » ;
dans le conte milanais « ona bovascia » (une bouse) ; <lans le
eonte du Rondallayre « una bruticia. »
11 y a encore beaucoup d'autres contes de soeurs, — le plus
souvent belles-soeurs, — bonnes ou mauvaises, qui sont plus
ou moins récompensées selon leurs mérites; mais ils s'éloignent davanlage de notre récit.
Pour ce qui concerne le commencement du conte, où la
tìlle abandonnée dans le bois retrouve son cliemin deux fois,
cí'. p. ex. Pentamerone,
V, 8;
GONZENBACH,
Lore of Rome, p.
41 ; PERRAULT,
Finette Cendron ;
MASPONS
GRIMM,
Y
LABROS,
49 ; BUSK,
MME
Lo Rondallayre,
Kinder und Hausmarchen, n"
KARADCHITCH,
n°
le Pelit Poucel;
15 ;
Vollismàrchen der Serben, n°
36.
VUK
The FoIkD'AULNOY,
II,
25 ;
STEFANOVITCH
�-
180
—
IV
La jambe d'or
Cf.
Aberglaube und Sagen aus dem Herzogthum
STRACEERJAN,
Oldenburg,
I,
155
tresse enterrée);
(la
servante
vole la jambe de sa rnaî-
Sagen, Màrchen und Lieder der
MÚLLENHOFF,
Herzogthiimer Schlesmig, Holstein und Lauenburg, p.
mère vole la jambe d'or de son fils);
Sagen, n°
6
HENDERSON ,
465
Màrchen
COLSHORN,
(la
und
(le fossoyeur vole la jambe d'or d'une petite fille);
Notes on the Folh-lore of' the Northern Counties of'
England and the Borders, p.
338
(le mari vole le bras d'or de
VII
du présent recueil et la note.
sa femme). Cf. aussi le conte
V
Le lait de Madame
Le chant enfantin dans
des provinces de Vouest, l,
Chants et chansons populaires
BUJEAUD,
27,
est une variante de ce conte ,
mais il rappelle aussi le conte de la poulette qui étouft'e et
demande à boire, dans
GRIMM,
n°
80; HALTRICH,
Deutsche Volks-
màrchen aus dem Sachsenlande in Siebenbûrgen, n°
Bohmisches Màrchenbuch, p.
et
MOE,
n°
80
et
n°
16.
— Cf. encore
81 ; STÔBER,
Einderbuchlein, p.
341 ; GRUNTDVIG,
MEIER,
8.
95 ; BIRLINGER,
un conte ossète dans le Bulletin
l'Académie des sciences de St-Pétersbourg,
n°
I, 74 ; ASBJÔRNSEN
Volksmàrchen aus Schioaben,
Elsàssisches Volksbûchlein, p.
115;
75 ; WALDAU,
VIII,
de
56 ; CAMPBELL,
�VJ
La Chèvre et le Loup
Pour ce qui concerne le partage entre la chèvre et le loup,
où ce dernier est deux fois pris pour dupe, cf. RABELAIS, livre
iv, ch. 45 et 46; GRIMM, n° 189 : MÙLLENIIOFF, p. 278; FR. KÔSTER, Alterthùmer,
Geschichten und Sagen der Herzogthùmer
Bremen und Verden, p. 226; ALPENBURG, Deutsche Alpensagen,
p. 57; un poèine de Fred. Rûckert, Le Diable trompé, coniposé d'après u e source arabe (?) non indiquée; un conte
emprunté aux Esquisses caucasiennes du russe Marlinski, dans
KLETKE, Mài chensaal, lll, 9í; SCHNELLER, Màrchén aus Wàlschlirol, n° 2; THIELE, Danshe Folhesagn, 4JE Samling, p. 122;
SCHMITZ, Sitten und Sagen des Eifler Volhes, II, 142; D. JUAN
MANUEL, El Conde Lucanor, cap. XLI (XLIII) ; un conte russe»
cité dans DE-GUBERNATIS, Zooìogical Mìjthology, II, 112; un
conte esthonien, cité dans GRIMM, Reinhart Fuchs, p. CCLXXXVIII ;
ASBJÔRNSEN, Norsh Folke-Eventyr, ny Samling, n° 74, 3; enfìn
CAMPBELL, III, 98. Dans la plupart de ces contes, c'est le diable qui est la dupe, et ce sont des paysans qui le trompent;
dans le conte tyrolien, c'est saint Jean qui se moque du diable ;
le conte danois a pour héros un paysan et un trold; le conte
donné par Schmitz met en scène le fameux Till Eulenspiegel
et des paysans, le récit du Conde Lucanor le Mauvais et le Bon,
le conte russe et le conte esthonien un paysan et un ours, le
conte norvégien le renard et l'ours, enfin le conte gaèlique le
renard et le loup.
Dans la suite du conte agenais, on voit le loup manger tellement, que son ventre gonflé ne lui permet plus de sortir par le
trou de la porte ; cf. GRIMM, Reinhart Fuchs, p. CCLXV, et
Kinder und Hausmarchen, n° 73 ; HALTRICH, Zur Dexdschen Thiersage, n° 3 ; CURTZE, Volhsùberlieferungen aus dem Fùrstenthum
Waldeck, p. 173 , n° 32; GRUNDTVIG, II, 119 ; GRAS, Diclionnaire
du patois forézien, p. 22; un conte hongrois traduit pa
�E.
Bainardo e Lesengrino, Pisa
TEZA,
1869,
p.
— Le conte
69.
agenais est le seul à placer cette aventure du loup dans une
église, et à ajouter qu'il veut grimper à la corde des cloches.
VII
La Goulue
Ci'.
HUNT,
HALLUVELL,
Popular Rliymes and Nursery Tales, p.
Popular Romances of the West of England,
Kinder und Hausmárchen,
2.5;
II, 268; GHIMM,
III, 267 ; MILA Y FONTANALS,
p.
186,
et
MASPONS Y LABROS, II, 100.
VIII
La Gardeuse de dindons
Cí'. un conte catalan, dans
MASPONS
Y
LABROS, I, 53
sicilien, dans
PITRÈ,
popolari siciliane,
Rome, p.
403
MILA Ï FO.M ANALS,
; vénitien dans
dans
; néerlandais dans
55
réimprimé dans
KLETKE,
— mais non en patois— dans
ARANY,
BUSK,
LOOTENS,
n°
14,
V,
p.
et
68 ;
The Folk-lore oj'
Oude kindervertelsels
; allemand, raconté en patois
Wiener Geseilschafter de
autrichien par Schumaciier, dans le
L.
181,
n?
Fiabe, novelle, racconti ed attre tradizioni
nn 10;roinain
in den Brugschen tongval, p.
1833,
p.
BEHNONI,
Màrchensaal,
GRI.MM,
n°
II, 320
179;
, et aussi
hongrois dans
Eredeti népmesèli (Contes populaires), p.
30 (1).
Dans tous ces contes le père demande à ses trois liiles
comment elles l'aiment.
Dans le conte sicilien, la troisièmc
repònd : « Comme l'eau et le sel ; » dans tous les autres la
(i; Jé iloi*Un èxti'ait d« conte hqngrois
St-Pélerstioirrg.
H
inon aiiii, A
Sclitefner, á
�Iroisième répond : « Comme le sel. » L'aînée et la seconde
répondent dans le catalan, le vénitien et le romain : « Comme
le pain » et« Comme le vin ; » dans le sicilien : « Comme mes
yeux » et« Comme mon cceur; » dansie néerlandais : «Çomnìe
la prunelle de mes yeux » et « Comme ma vie ; » dans l'autrichien : « Comme le sucre » et « Comme ma plus belle robe ; »
dans le hongrois: « Comme un diamant » et « Comme l'or. »—
Le père chasse la plus jeune fdle de la maison dans les contes
allemand, néerlandais et hongrois ; dans le catalan, le vénitien
et le sicilien il ordonne à ses serviteurs de la tuer, mais les
serviteurs ont pitié de la jeune fdle. Dans le conte catalan les
serviteurs rapportent au roi un des orteils de sa fille et une
tìole pleine de sang de poulet; dans le conte vénitien ils rapportent les yeux et le coeur d'une chienne ; dans le conte sicilien la langue d'une chienne. — Les aventures suivantes de la
jeune fille sont différentes dans les différents contes, mais enfin
elle devient dans tous, — excepté le conte romain, — l'épouse
d'un roi ou d'un grand seigneur. Comme elle est gardeuse de
dindons dans le conte agenais, ainsi elle est gardeuse d'oies
dans le catalan et l'autrichien, et elle « governa le galine »
dans le vénitien. Dans le conte néerlandais elle entre dans
un château comme servante. A chacun des dimanches suivants, elle va à l'église habillée en princesse ; le íìls de la
dame du chàteau la voit et s'en éprend. A la íìn de l'office,
elle. s'échappe et elle perd la première fois son soulier, la
seconde fois son gaut, et la troisième.fois un anneau. Le jeune
homme ramasse ces objets et toutes les jeunes filles qui habitent
le château les essaient; ils ne vont qu'à la pauvre servante
inconnue et mal ìiabillée ; enfin elle se fait reconnaître. —
Dans les contes catalan, sicilien, vénitien et hongrois le père
est invité aux noces de sa fille, et on lui sert tous les plats sans
sel, pour lui prouver combien le sel est nécessaire.
Dans le conte romain, la troisième fille n'est pas chassée du
chàteau de son père, mais le père ne la veut plus voir et la
relègue dans une aile du chàteau. La pi'incesse gagne le cuisinier de son père, et le cuisinier fait un jour le dîner du roi sans
sel. Leroi compreiul la valeur du sel et seréconcilie avec sa fille
�—
154
En outre, on peut coinparer
hen, n°
27,
et
ZINGERLE,
-
MEIER,
Volhsmàrchen aus Schiva-
Einder und Hausmârchen aus Tirol, n"
31.
Dans le conte souabe, un roi est très-irrité contre sa fìlle unique,
qui lui a dit qu'ellel'aimait autant que le sel. Au festin suivant,
la princesse fait servir tous les plats sans sel, et apprend ainsi
à son père combien le sel est bon. Dans le conte tyrolien, un
roi demande à ses trois filles de lui apporter, chacune pour
sonjour de naissance, quelque chose de bien nécessaire ; la
plus jeune lui présente un petit tas de sel, sur quoi ie roi la
chasse. Elle devient d'abord cuisinière dans une auberge, puis,
sans être reconnue, bien entendu, dans le chàteau de son père.
A un festin, elle fait servir le mets favori du roi, sans sei;
celui-ci inande
la cuisinière
et lui fait de vifs reproches.
« Vous avez chassé votre fìlle, lui répond-elle, parce qu'elle
avait regardé le sel comme une chose très-nécessaire. Voyezvous maintenant qu'elle avait raison ? » Et elle se fait reconnaître.
II est presque superflu de faire remarquer que tous ces contes,
et surtout le conte agenais, où les deux aînées, avantagées par
leur père, le traitent si mal, rappellent l'histoire du roi Lear
popularisée par Shakespeare, et que l'épisode du soulier perdu,
que le prince fait essayer à toutes les jeunes filles, rappelle le
conte si répandu de Cendrillon.
�RÉGITS
i
La femme méchante
C'est
un conte bien souvent conté. Gf'.
TH. WBIGHT,
A Selec-
tion of Latin Stories from manuscripts ofthe xm and xiv centuries, n» 8, ( « Audivi de quadam muliere litigiosa, quae frequenter vituperabat maritum suum, et inter caetera opprobria coram
omnibus ipsum pediculosum vocabat... Tandem vir ejus prsecipitavit eam in aquam. Cumque fere suffocaretur, et os aperire non posset, quin aqua subintraret, ipsa supra aquas manus
extendens, ccepit signis exprobrare, et inter duos ungues pollicum ac si pediculos occideret, exprimere signo quod non poterat verbo») ; une autre versiori, tirée du Dialogus creaturarum,
chezE.
DUMÉRIL,
Poésies inédites du moyen-âge, p. 452;
Facelice, « Pertinacia muliebris;
n° 595;
J. P. HEBEL,
» J.
PAUU,
POGGE.
Schimpf umd Ernst,
Schatzhastlein des rheinischen Hausfreundes,
« Das letzte Wort. »
II
L'Aveugle
Cf.
CÉNAC-MONCAUT,
Contes populaires de la Gascogne, p. 194,
« Le père aveugle. »
IV
Les deux présents
Cf. le poème latia du moyen àge, Raparius ou Rapularius,
�imprimé dans
MONS,
VIII) 561 ss„ dans
Anzeiger fiir Kun.de der deutschen Vorzeit,
PFEIFFER,
Germania , VII, 43 ss. (cf. ibid
vn, 253 ss.) et dans le Jahrbuch fiir romanische und englische Literatur, XII, 241 ss., et eri extrait dans
GRIMM,
Kinder und Haus-
marchen, n° 146. Là c'est le plus pauvre de deux frères qui
offre au roi une rave si grande qu'il faut deux ( d'après une
variante quatre) boeufs pour la traîner, etreçoit en retour une
riche récompense. Le frère riche, plein d'envie, fait alors de
magnitìques dons en or et en chevaux, et reçoit en récompense
la rave. Dans un conte allemand
l
SIMROCE,
Deutsche Màrchen,
n<> 46), un pauvre charbonnier porteun petitpanier depommes
de terreà son prince, et le prince lui donne une métairie. Le
frère riche du charbonnier offre au prince un beau cheval et
reçoit en récompense le petit panier de pommes de terre.
Erasme de Roterdam raconte, dans un de ses « Colloquia
familiaria» qui a pour titre « Conviviumfabulosum,» qu'un pay-'
san bourguignon, nommé Gonon, porta au roi Louis XI une rave
prodigieusement grande et reçut en' retour « mille coronatos
aureos.» Un courtisan envieux oíïrit alors au roi un benu cheval
et reçut en récompense la rave. Gette histoire a passó des « Colloquia » dansplusieurs recueils de contes, par exemplé Schertz mit
der ÌVarheyt, Frankfurt a. M. 1550, p. 1;
KIRCHHOF,
JVendunmuth ,
II, 39 ; Tales and Quiche Ansiveres, London 1567, n°23. Le poète
allemand Christian-Félix Weisse en afait un conte en vers. Dans
les Pays-Bas
(J.
W.
WOLF,
Deutsche Màrchen und Sagen, n° 287),
on raconte que Charles-Quint donna à
en échange
un pauvre
paysan ,
d'un fromage farci de raves, autanl de terre
qu'il pourrait en labourer en deux jours avcc deux chevaux.
Là-dessus le voisin riche et envieux du paysan offre à Pempereur deux beaux chevaux, et l'empereur le récompense avec
le fromage.
�SUPERSTITIONS
j
L'homme aux dents rouges
Je ne connais pas de conte qui réponde à celui-ci dans son
ensemble : il se rapporte au cycle des contes relatifs à un
voyage dans l'autre monde. Plusieurs de ces' contes parlent,
comme 'le nôtre, de bétail gras sur des prés maigres, et de
bétail maigre sur 'des prés riches. Voyez
BLADÉ,
oerbes populaires recueillis en Arrnaynac, p.
L. GONZENBACH,
tenant ajouter
n° 62.
Sicilianiscìxe Màrchen, n°
ASBJÔRNSEN,
39,
89,
Contes et pro-
et ma note sur
où on peut main-
Norshe Follie-Event.yr, ny Samliny,
III
Le voyage de Notre Seigneur
Dans un conte norvégien (ASBJOBNSEN et
MOE,
n°
21),
Jésus
et saint Pierre amvent chez un forgeron qui a écrit sur sa
porte : Jçi demeure le maître des
maítres. II va justemenl
ferrer un cheval, et Jésus demande la permission de le ferrer
lui-mème : il lui coupe les jambes, les ferre et les rajuste
ensuite. Le forgeron veut en faire autant, mais il n'est plus en
état de rattacher la jambe. En Transylvanie, on raconte (Ausland,
1837,
p.
1075)
que le Seigneur est entré comme apprenti
chez un forgeron, et y a ferré un cheval de cette manière. A
Chaptelac, lieu de naissance de saint Éloi, on raconte : « Saint
Éloi s'était qualifìé en son enseigne du titre de Forgeron des
jorgerons. Un jeune appi-enli (ïé Chfist suns doute), feignanl
n
�— 158 —
de vouloir se perfectionner dans son art, vint travailler avec
saint Éloi. Ce jeune forgeron, pour ferrer un cheval, commença
par couper la jambe de la bête, la posa à l'étau, cloua le fer et
la remit en place. Éloi voulut en faire autant; il sut bien couperla jambe du clieval; mais il ne put, à sa grande confusion,
la lui remettre.
( A.
DE LA PORTE,
Sainl Eloi, Lille et Paris, s. d., p.
trouve
dans un conte belge
Sagen, n°
17),
Un artiste du vne siècle ,
» Un récit identique se
27).
(WOLF
,
Deulsche Márchen und
où le forgeron Eligius a mis sur son enseigne :
Eligiics, maltre de tous les maitres. D'après une tradition souabe
(BIRLINGER,
Volhsthumliches aus Schivaben , I,
405),
saint Éloi
avait le don de couper les jambes des ehevaux, de les ferrer
et de les leur remettre ensuite ; mais il pprdit cette facultr
miraculeuse,
pour s'être appelé le maître des maítres. Voyez
encore, sur saint Éloi et sa faculté miraculeuse, racontée dans
lcs légendes et représentée par des peintres et des sculpteurs,
BIHLINGER, 1.1 ,1, 404
l'art populaire, p.
ss.,
209,
CAHIER,
CaractéHsliques des saints dans
et « Neujahrsblatt herausgegebenvon der
Stadtbibliotheh in Zûrich auf das Jahr
h. Eligius. » — Dans le conte
1874.
Die L^gende des
norvégien et d'autres (voyez
Jahrbuch fur romanische und englische Literatur, vm,
28-30)
Jésus
sait encore forger à neuf de vieilles gens, ce que l'orgueilleux
l'orgeron essaie aussi, et très-malheureusement, d'imiter.
IV
L'homme prisonnier dans la lune
On dit àChampdeniersque le « bonhomme» qu'on voit sur lc
disque de la lune, fut condamné à porter éternellement son fagot
pour avoir ramassé du bois le dimanche. Voyez
Recherches sur Gargantua en Poitou avant Rabelais,
p.
7.
L.
DESAIVRE,
Niort
1869,
C'est une croyance répandue aussi en Allemagne qu'un
hoinme, avec un fagot de bois ou d'épines sur le dos, a
été
transporté dans la lune, pour avoir fait son fagot le diman-
�—
159
che. Voyez, GRIMM, Deutsche Mythologie, p. 680 ; SCHÔNWERTH,
Aus Jjr Oberpfalz, II, 68; KUHN, Sagen, Gebráuche und Màrchen
aus Westfalen, II, 82 ; GURTZE, VolhsiÈerlieferungen aus Waldeck, 213; BIRLINGER, Volhsthumliches aus Schmaben, 1,186.
V
Le jeune homme châtié
De même qu'içi les pélerins usent chacun trois paires de
souliers de fer avant d'atteindre llome, ainsi souvent, dans les
contes, on voit des femmes qui sont à Ìa recherche de leurs
maris ou des maris qui cherchent leurs femmes user des souliers
de fer, — une paire, trois paires, sepl paires, — avant de les
atteindre. Voyez ma note dans « Awarische Texte, herausgegtben von
A. SCHIEFNER,
» p. XXVI.
Reinhold
KÔHLER
(1).
(I) Je remereie M. Gaston Paris, professeur au Collége de France,
d'avoir bien voulu traduire à mon intention le manuscrit allemand de
M. Reinhold Iíôhler.
J.-F. B.
�9
ADDITIONS ET CORREGTIONS.
On voit, par la date de la lettre préliminaire, que le présent
recueil a été commencé il y a six ans. Des obstacles multi
pliés, et dont l'énumération serait sans interét pour le lecteur.
ont retardé jusqu'à présent la publication des Contes populaires recueillis en Agenais. Ce retard a permis à M. Rôhler de
donner des notes comparatives plus complètes que celles
qu'il avait d'abord rédigées à mon intention. II est, en effet,
facile de s'assurer que le travail de l'érudit de Weimar a été
rédigé d'après les informations les plus complètes et les plus
récentés-.
Agen, ce 10 aoùt 1874.
J.-F. B.
Page I, ligne 3 de la note 1 : Kôlher, lire : Kôhler. — Hême
correction, page IV, ligne 24.
Page III, ligne 25 : Sainte-Eugénie, lire : Sainte-Eulalie.
Page6, ligne 17 : couvenu, lire : convenu.
Page 21, ligne 28 : comte, lire : conte.
Page 25,
Page 26,
Page 33,
Page 36,
rapportées.
note 1, ligne 2 : Boseach, lire : Boscliach.
ligne 14 : sur la terre, lire : sous la terre.
ligne 10 : s'est réservé, lire : s'était réservé.
ligne 3 et 28 : p 37, ligne 17 : rapporté; líre :
Page 41, ligne 14 et 15: Je veux être ton parrain, et ma
lìlle sera ta marraine. — Dans l'Agenais, comme dans tout le
resteduSud-Ouestdela France, chacun des époux est assisté.
l
e jour du mariage, d'un parrain et d'une marraine.
Page 76, ligne 6 : disio, lire : disiò.
Page 79, ligne 20 : t'es coundannado, lire : t'ès coundannado.
Page 81, ligne 19 : un ome, lire : d'un ome ; ligne dernière :
sens, lire : sans.
�Page 83, ligne 33 : pais, lire : païs.
Page 84, ligne dernière : arriberon, lire : arribèron.
Page 85, ligne 10 : ountèron, lire : ount èron.
Page 88, ligne 3 : nous autres,- lire : nous au. — Mème
correction partoutoù il y a : nous autres.
Page 89, ligne 29 : boudràs, lire : boudras.
Page 90, ligne 3 et 27 : fares, lire : farés; ligne 33 : pais,.
lirc : païs. — A la fln de la page ajouter : Mès lou lìl del rèi
d'Engloterro bouliò res entendre, e cridabo coumo un aiglo ;
Page 98, ligne 8 : faios, lire : faiòs.
Page 102, ligne 8 : altre, lire : autre.
Page 103, ligne 12 : ajouter : Adaro, bailet, l'esprobo es
fèito. Bèi me querre lou noutarí pcr que partatge ma terro
entre mas diòs fìllos, e lou bourrèu per que fasque mouri ma
darrèro. — Ligne 13 : las actious soun de mascles, lire : lous
actes soun de males ; ligne 31 : aco, lire : acò.
Page 106, ligne 15 : apres, lire : aprés.
Page 108, ligne 3 : chez, lire : che; ligne 22 : los doumaiselos, lire : las doumaisèlos.
Page 109, ligne 3 : Anen, anen, lire : Anén, anéri ; Jigne 8 :
regardàbo, lire : regardabo.
Page 110,ligne1 : aco, lire : acò ; ligne 3 : obei, lire : aubei ;
ligne 19 : beure, lire : bèure ; ligne 34 : metet, lire : melèt.
Page 112, ligne : serbiò, lire : serbiriò — ou : serbiiò.
Page 112, ligne 20 : ajouter : Tournèt pas a loustal qu'a
bor de nèit; ligne 14 : a mèi jour, lire : al cat de tres
ouros ; ligne 19 : de la foun, lirc : de la foun d'argen.
Page 122, ligne 22, ajouter: Tournèt pas a l'oustal qu'a bor de
nèit. — D'oun benes, moun ome ? ça diguèt la fenno. — L'ome
a las dens roujos respoundèt pas. — Lou lendouma, l'ome
a las dens roujos sè lebèt de bouno ouro, debalèt a l'escuderio,
doûnèt la sibado a soun chibal, li metèt la brido e la sèlo, e
partit al gran galot sans que pousquèsson beire ount anabo.
Page 124, ligne 11 : bosq, lire : bos ; ligne 22 : tessou salat.
lire : tessou fort salat.
Page 125, ligne 11 : aco, lire : acò.
Page 127, ligne 8, ajouter : Ome a las dens roujos, perque
�t'ès pas arrestat ambe lous fountjaires?—L'ome a las dens
roujos respoundèt pas.
Page 130, ligne 4 : quelos, lire : aquelos ; ligne dernière
Anen, lire : Anén.
Page132, ligne 23 : dins a l'establo, lire : dins Pestablo.
Page 133, ligne 14 : merci, lire : mercio.
Page 136, ligne 2 : pass'abo, lire : passabo.
Page 138, ligne 6 : pouiren, lire : pouiré ; ligne 13 : poude
lire : poudé ; ligne 25, ajouter : Lou gouiat s'en anèt dins la
boutigo del faure, e li diguèt : — ligne 32 : lestes, bre : lèstes
Page 140, lignes 22, 23 : trabersares... troubares... lire
trabersarés.. troubarés.
�TABLE.
P.'gM
Leltre préliminaire
'
PREMIÈRE PARTIE.
TRADUCTION
FRANÇAISE.
CONTES.
3
I
Peau-d'Ane.
II
III.
Les deux Jumeaux
Les deux Filles
IV.
V.
La Jambe d'or
Le lail de Madame,
9
1;>
'-•
25
■■■
VI.
La Chèvre et le Lnup
áG
VII.
VIII
La Goulue
.. . •
La Gardeuse de Dindons
29
;i1
RFXITS.
I.
La Fernme méchanle..
42
II.
III
L'Aveugle
Le Méchanthoinine
u
IV.
Les Deux préseiìts
V.
Le Curé avisé. .'. .
*s
4
'
•••
•
50
• *
SUPERSTITIONS.
L'Homme aux dents rouges
s-
II.
III.
L'Homme blanc
Le Voyage de Notre-Seigneur
39
IV.
L'Homme prisonnier dans la lune
V.
Le jeune homme châtié
I.
fi
'
68
• • • •
110
SECOXDE PA.RTIE.
TEXTE
AGENAIS.
f.OUNTFS
I.
II.
Pèt-d'Ase
Lous dus Bessous
III.
Las diòs Fillos
IV.
LaCambod'or
V.
La lèit deMadamo
VI.
VII.
La Crabo e lou Lout
LaGoulttdo
VIII. La Goardairo de piotz
76
•
SH
:
80
'
93
116
97
100
1 02
�— -164 —
ItEClTZ.
h
II.
III.
IV.
V.
***
Hî
. ■
La Fenno mechanto
L'Abuglo
Lou Mechant ome
Lous Dus presens
Lou Curè abisat
H4
H5
H7
lÌO
SDPERSTITIOUS.
I.
II.
III.
IV.
V.
L'Ome a las ilens roujos
L'Omeblan
Lou bouiatge de Nostre-Segne
L'ûine presounè dins la luno
Lou gouiat castigat
TROISIÈME
tîî
.,
129
*3i
135
13(>
PARTIE..
NOTES COMPXRATIVES.
CONTES.
í.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
Peau-d'Ane
Les Deux Jumeaux
Les Deux Filles
La Jambe d'or
Le lait de Madame
La Chèvre et le Loup
La Goulue
La Gardeuse de dindons
I.
II.
III.
La Femme méchanle
L'Aveugle
LeMéchant homme (néanl).
IV.
V.
Les Deux présents
Le Curé avisé (né.mt).
**145
.
.
'. .'
14S
149
149
1
.
'
»o
150
151
151
RÉCITS.
,
154
*.
154
154
SUPERSTITIONS.
I.
II.
LTIomme aux dents rouges
L'Homme blanc (néant).
III.
IV.
V.
Le Voyage de Notre-Seigneur
LTIomme prisonnier dans la lune
Le Jeune homme châtié
156
156
1 57
158
Addilions et corrections
rOliLO'JSB.
TYPOGaAPUIE
161
ìiON.V\!.
ET
lilBRAC,
RL'E
SAINT-ROSIL,
44.
��
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Patrimoine écrit occitan:imprimés
Description
An account of the resource
Ce set contient les imprimés numérisés par le CIRDÒC issus des collections des partenaires d'Occitanica
Libre
Item type spécifique au CIRDÒC : à privilégier
Région Administrative
Languedoc-Roussillon
Variante Idiomatique
Languedocien
Aire Culturelle
Agennais
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
<em>Contes populaires recueillis en Agenais</em> / par M. Jean-François Bladé ; traduction française et texte agenais, suivis de notes comparatives, par M. Reinhold Köhler
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
<em>Contes populaires recueillis en Agenais</em> / par Jean-François Bladé
Subject
The topic of the resource
Contes occitans -- France -- Agen (Lot-et-Garonne ; région)
Superstitions -- France -- Agen (Lot-et-Garonne ; région)
Languedocien (dialecte) -- France -- Agen (Lot-et-Garonne ; région) -- Textes
Description
An account of the resource
<p style="text-align: justify;">Jean-François Bladé <span>(1827-1900)</span>, après avoir collecté les contes de sa région, l'Armagnac, a entrepris la même opération dans l'Agenais, qu'il a bien connu dans son enfance.</p>
<p style="text-align: justify;">L'auteur a divisé son ouvrage en deux parties : d'un côté les traductions françaises et de l'autre les textes en agenais.</p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Consultez également</strong> les <span data-mce-mark="1"><a href="http://www.occitanica.eu/omeka/items/show/1831"><em>Contes et proverbes populaires recueillis en Armagnac</em></a> / par Jean-François Bladé</span><br /><br /></p>
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bladé, Jean-François (1827-1900), ed. scientifique
Source
A related resource from which the described resource is derived
Mediatèca occitana, CIRDOC-Béziers, CAC 4484
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Baer (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1874
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
Köhler, Reinhold (1830-1892)
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
License
A legal document giving official permission to do something with the resource.
Licence ouverte
Relation
A related resource
Vignette : https://occitanica.eu/files/original/9596dde3dde4dce47c3c819f9fa5f16a.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol. (iv, 164 p.) ; 25 cm
Language
A language of the resource
fre
oci
Type
The nature or genre of the resource
Text
Monographie imprimée
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
http://www.occitanica.eu/omeka/items/show/1832
FRB340325101_CAC-4484+1
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Agenais (Lot-et-Garonne)
18..
Occitanica
Jeu de métadonnées internes a Occitanica
Portail
Le portail dans la typologie Occitanica
Mediatèca
Sous-Menu
Le sous-menu dans la typologie Occitanica
Bibliotèca
Type de Document
Le type dans la typologie Occitanica
Livre
Catégorie
La catégorie dans la typologie Occitanica
Documents
Contributeur
Le contributeur à Occitanica
CIRDOC - Institut occitan de cultura
Agen
Contes
Gascogne
Jean-François Bladé