-
https://occitanica.eu/files/original/21faf04da1818cae4db32b51660bfa0b.jpg
c86b74b3f0693d6df9f0044f082d4485
https://occitanica.eu/files/original/d363d7b811646c619051277a36315de2.jpg
b2a894fb995c4d26486098a562ed98b8
https://occitanica.eu/files/original/3e0b3439983ee2aa38042e440f191575.jpg
3de4b33d1b43c8ff59def5ad09be2478
https://occitanica.eu/files/original/d02b2e438b596724eb66d18fc5b1c74d.jpg
c01860a2e5dbbce1350c53bf16b01dee
https://occitanica.eu/files/original/724819e61e65803b70c4a97ed83a4111.jpg
d86c8022a45c0b643327bb49aa7a6c66
https://occitanica.eu/files/original/bc21b291075be6fd80843e718ba2addf.jpg
c8c65c1642a50916b30f3ce31ead2bb7
https://occitanica.eu/files/original/700eebc791611657cc4ec020df82da8b.jpg
f583613da88ed998e7d031022cf01abf
https://occitanica.eu/files/original/db86f650fc3ba879735f36c53c1d9f4c.jpg
35c9dc78621fd0b0d1b174753595fe5d
https://occitanica.eu/files/original/bef984768b9bc16ac3cd12d1e7503bfd.jpg
e98f59b62eb1b2fc6d1703a7f515a2ac
https://occitanica.eu/files/original/78139cc4cffa3cba4a509d836b6b70b1.jpg
e76f5a0813f69715e825dfa12b2de9c3
https://occitanica.eu/files/original/3a3efdb82f86999737a8866ffb19d817.jpg
7d04e8dc72d54afaf3eb811eaba73f8f
https://occitanica.eu/files/original/8b676a856801221532aebe6c517bdff3.xml
bd4de3c06cc67d04c490b0954095dd95
https://occitanica.eu/files/original/a8dc2f371634c457a116c1472a077d5f.pdf
5ba62239cca17bb2b6878031c195c83c
PDF Text
Text
La collection Messatges, de 1951 à 1955.
Le chant de l'aube : une génération au milieu du siècle.
Sylvan Chabaud, Université Paul Valéry, Montpellier.
En 1955, la collection Messatges fait paraître le recueil Accidents de Bernard Manciet, une
œuvre qui marqua son époque et imposa le poète gascon comme l'une des voix majeures de la
seconde moitié du 20e siècle. Dans quel contexte éditorial cet événement littéraire a-t-il vu le jour ?
Nous avons voulu ici retracer les quatre années qui ont précédé ce moment, en voyageant de recueil
en recueil à travers les univers de Max Allier, Félix Castan, Pierre Lagarde, Bernard Lesfargues, Pierre
Bec, Xavier Ravier. Nous remontons, en quelque sorte, la source. Nous essayons de tracer les
contours d'une période particulière, depuis la présence encore angoissante de la guerre jusqu'aux
promesses d'un jour nouveau. C'est une véritable « génération » qui se dessine (la plupart sont des
enfants des années 1920) pleine d'espoir, mais marquée par l'expérience du conflit, et lucide face
aux enjeux de son temps. Accidents est un recueil charnière qui prolonge tout autant qu'il brise (dans
un double mouvement) la trajectoire poétique de ce début des années 1950. Visiter les textes qui
précèdent son édition permet de mettre en relief cette ambivalence et de proposer une étude
comparative riche en enseignements. Au-delà de Manciet, c'est toute la poésie occitane à venir qui
est en germe à travers ces auteurs. Nous sommes en présence de sept voix qui se ressemblent
parfois, mais creusent, chacune à leur manière, un chemin unique pour sortir de la nuit et accueillir
l'aube, avec sa charge de mystère. Sept voix pour sept bergers au beau milieu du siècle : suivons-les,
ou perdons-nous sur leur pas tant ils sont passés maîtres dans l'art de métamorphoser le monde.
1. Encore la nuit, encore la guerre.
Voici donc sept recueils, tous de la même ampleur, autour d'une cinquantaine de pages : ce
qui est relativement court puisqu'ils sont accompagnés de leur version française. Le recueil le plus
long est celui de Max Allier, le plus bref celui de Pierre Lagarde. Seul Manciet y déploie une prose
poétique, les autres déroulent des pièces, en vers libres la plupart du temps. Une unité formelle se
dégage donc, à première vue, dont Accidents semble se démarquer nettement. La forme « courte »
est en grande partie liée au contexte économique. La collection Messatges fonctionne avec peu de
moyens et se sont bien souvent les auteurs eux-mêmes qui engagent de l'argent pour pouvoir
réaliser l'édition. La volonté de produire une grande quantité de textes, de donner leur place à tous
les auteurs (ils sont nombreux) du moment, va également dans le sens de la brièveté. Nous sommes
alors dans une période de conquête : il faut déployer cette poésie, dans sa richesse, dans sa variété,
afin d'asseoir les lettres d'oc, définitivement, au cœur de leur temps. Nous comprenons donc bien
que les responsables de la collection aient opté pour des recueils brefs, mais denses. Le choix du
bilinguisme (la version française est toujours proposée, en regard) est affiché : cette poésie doit être
accessible aux non-occitanophones. Cependant, pour les auteurs que nous avons étudiés, aucune
précision n'est donnée : s'agit-il d'une traduction de l'auteur ? Si non, qui s'en est chargé ? Nous ne
le savons pas.
Au-delà de ces considérations formelles, et d'ensemble, un premier élément permet une
lecture transversale de la plupart de ces œuvres : l'ombre du grand conflit. La seconde guerre
mondiale est là, encore omniprésente. Ces auteurs l'ont vécue, y ont participé activement pour
certains. Ils cherchent à s'en détacher tout en entretenant la mémoire, collective, militante. Les
recueils de 1951, plus proches dans le temps, sont bien sûr les plus marqués. Chez Max Allier ou
�chez Félix Castan, la poésie garde en elle l'écho des combats, la trace des années sombres. Tous deux
sont des témoins directs. Félix Castan1 nous livre ainsi des poèmes écrits au plus près de la bataille,
lors d'un jour de pause, alors qu'il fait partie des mobilisés pour le combat de la pointe de Grave (où
les alliés ont affronté une poche de résistance nazie) :
PRIMIER d'abrilh, jorn trebol !
Pascas de 1945 !
Identitat del mond e de la vida !
Las andadas ont se guerreja
menan al païs de l'ombra...
Berchtesgaden !
L'abrilh que vivi jos las nívols
poja a l'altissima solelhada,
mal-despièch lo fum dels mosquilhs musicaires.
Los vinatièrs soldats còmpran a la forèst
un talhon de repaus bressat dels canons.
La plana canta e rebombís.
Es amb l'èime bartassièr
que recèbi ora per ora
dels quatre vents lo resson de l'eveniment...
Punta de Grava, I d'Abrilh de 1945. Jorn de Pascas
L'expérience du conflit et les textes issus de cette période sont aussi très présents chez Max
Allier ou chez Pierre Lagarde2. Lagarde évoque d'ailleurs l'ombre de la guerre à travers une autre
épreuve, celle du STO (Service Travail Obligatoire) en Silésie :
Darrièr estiu,
matin de Silesia,
matin bronzinaire de fabricas,
lusejant d'esquinas nusas,
matin d'estiu encadenat.
Et nous y sentons déjà une amertume, un sentiment de culpabilité peut-être : celle de faire
partie des vivants, d'être de ce nouveau monde en devenir, contrairement aux amis qui sont , eux,
partis3 :
mon cambarada
1
Félix Castan, De campèstre d'amor e de guèrra, 1951, poème IX, « Pausa », p. 17. Trad : Premier avril, jour plein de
trouble ! / Pâques 1945 ! / Identité du monde et de la vie ! / Les avenues où l'on fait la guerre / mènent au pays de
l'ombre... / Berchtesgaden ! / L'avril que je vis sous les nuées / au plus haut du soleil s'élance, / en dépit de l'essaim des
insectes chanteurs. / Avinés, les soldats empruntent à la forêt / un morceau de repos bercé par les canons. / La plaine
retentit et chante. / C'est avec un esprit buissonnier / que je reçois heure par heure / des quatre vents l'écho de
l'événement... La Pointe de Grave, jour de Pâques, 1er avril 1945.
2
Pierre Lagarde, Espèra del jorn, 1953, « Darrièr estiu », p. 25, vers 11-15.Trad : Dernier été, / matin de Silésie, / matin
bourdonnant d'usines, / luisant de dos nus, / matin d'été enchaîné.
3
Idem, vers 22-25. Trad : mon camarade / mort au matin de l'espérance / pardonne-moi d'avoir encore / deux yeux
voyant le ciel.
�mòrt al matin de l'esperança
desencusa-me d'aver encara
dos uèlhs vesent lo cèl.
C'est exactement la même idée que l'on retrouve chez Max Allier. Avec le poème Cada causa
a tornat a son agre (Tout a repris ici sa place), le poète évoque la vie qui a repris son cours, sans les
disparus, sans les morts. D'ailleurs il se pose cette question cruelle : Les morts seraient-ils morts
pour rien ? La vie qui recommence porte la marque de la guerre mais cette marque s'efface peu à
peu soulignant, avec cruauté, l'absurdité du conflit4 :
Los mòrts degun se tracha pas pus d'eles
nimai de saupre un còp per de que son casuts
Barrejats a l'espés de la tèrra
fantaumas que lo vent dins la polsa carreja
los paures mòrts diriàtz qu'an pas jamai viscut
Mélangés à la terre, oubliés tels des fantômes emportés par le vent, les disparus s'effacent
et l'ombre de la guerre s'estompe aussi. Le conflit n'est plus là chez Pierre Bec, chez Xavier Ravier ou
Bernard Lesfargues. Il faudra attendre Accidents pour qu'il ressurgisse, soudainement, et de façon
puissante, depuis l'autre côté, du point de vue des perdants : dans une Allemagne réduite en
poussière. Continuation et rupture, le Gascon est à la fois celui qui file la métaphore et change de
regard. Chez les autres poètes, des années 1952 à 1954, la guerre mondiale s'est effacée. On est
passé à autre chose, définitivement, même si une ombre, une angoisse reste palpable. La guerre
n'est plus mais le temps qui passe laisse planer un sentiment de honte : la honte de ne pouvoir
retenir ce qui nous file entre les doigts, inexorablement. Nous pensons ici au poème qui ouvre le
recueil de Bernard Lesfargues5, une évocation lucide d'un Bergerac passé, d'un temps perdu, et un
lent mouvement d'eau qui fuit, sans cesse :
Brageirac sus la Dordonha
Brageirac del mes de mai,
te perdèri per jamai
amb l'amor e la vergonha.
La poésie se fait alors chant de la disparition, volonté de dire la fin de quelque-chose en
même temps que le début d'une autre époque... Nous plongeons dans un temps perdu, celui des
anciens mondes peuplés de fées, chez Pierre Bec. L'une de ses pièces 6 , d'ailleurs dédiée à Félix
Castan, illustre parfaitement cette dualité en évoquant le printemps, les fleurs et la mort dans un
seul et même mouvement poétique :
Morta que m'èra a jo-medeisha
De tan doça qu'èra la prima,
De tan pregon qu'èra lo viver ;
4
Max Allier, A la raja dau temps, 1951, poème V, p. 21. Trad : Les morts qui donc encore s'en inquiète / et pourquoi se
sont-ils battus / mêlés à l'épais de la terre / fantômes que le vent lève dans la poussière / on dirait que jamais les morts
n'ont vécu.
5
Bernard Lesfargues, Cap de l'aiga, 1952, « Brageirac ». Trad : Bergerac, sur la Dordogne, / Bergerac du mois de mai, /
je te perdis à jamais / avec l'amour, avec la honte.
6
Pierre Bec, Au briu de l'estona, 1955, « Jòcs de hada », p. 11.Trad : Morte me semblais-je à moi-même / De tant doux
qu'était le printemps, / De tant profond qu'était le vivre ; / Alanguie aux souffles des brises, / La neige blanche du cerisier
/ M'avait, mourante, ensevelie...
�Alanguida a l'alen de l'aura,
La nèu blanca dau cesirèr
M'aviá, morenta, sebelida...
Le texte est ambivalent, il essaie de dire la finitude et le commencement. Tout est poésie du
passage, de la transition, du seuil. Pour prendre une image aquatique, nous dirions que se développe
alors une poésie du gué. Le poète est au cœur de l'écoulement du temps, il passe, il change de rive
mais il risque, en même temps, de chuter et de ne faire plus qu'un avec l'élément, avec le
mouvement du liquide. C'est d'ailleurs bien ce que fait Lesfargues avec sa Mère des eaux : un
véritable chant des rivières et des fleuves, de l'écoulement des sources au fil d'une langue d'oc, rare
et fragile. Une eau qui, comme ce Limousin sonore, ruisselle mais nous échappe. La langue est
l'image d'un monde qui disparaît : elle est une quête sans fin des reflets. Aux antipodes de
l'affirmation forte et déterminée que lançait Max Allier7 un an plus tôt : « Aici ma cara / A la raja
dau temps l'ai quilhada », Lesfargues8, lui, poursuit un visage noyé :
Peis o pèrla o ben tot pèira
s'es negada aquesta cara
e lo recòrd s'es negat
dins lo fons del fons de l'aiga.
Fuite de l'eau, encore et toujours chez Pierre Bec9 :
E húge', e véder húger l'aiga amorosida,
N'audir lo briu dinc'a ne pèrder la sentida,
Este lo crum que hug e la flor de l'abriu.
Cette fleur d'avril laisse s'éloigner l'avril combattant de la Pointe de Grave de Félix Castan. La
nuit s'éloigne chez Pierre Bec qui se laisse aller au « briu de l'estona10 », elle est encore là mais pleine
du jour à venir chez Pierre Lagarde dans « l'espèra del jorn 11 », alors que Xavier Ravier s'inscrit
définitivement dans le printemps avec son « troç de prima12 » : les titres des recueils sont éloquents.
Un monde nouveau appelle l'urgence de vivre, le désir de s'inscrire dans le présent. Tous ces poètes
chantent l'aube, la naissance, le renouveau, et pourtant nous sentons poindre une angoisse.
L'angoisse de ce qu'il va advenir, l'angoisse de vivre, d'attraper chaque instant, de ne rien manquer...
L'angoisse de la langue aussi, bien sûr, de l'enjeu de la transmission et de l'œuvre littéraire en langue
d'oc. Un jour nouveau s'ouvre mais l'innocence est perdue et il faut être à la hauteur des enjeux à
venir.
Citons Xavier Ravier13 :
7
Allier, p.74, « Ma Cara », vers 1-2.Trad : Voici mon visage / Levé dans le temps qui fait rage.
8
Lesfargues, « Cançon de la cara negada », quatre derniers vers. Trad : Poisson, perle ou si l'on veut pierre, / ce visage
s'est noyé / et s'est noyé le souvenir / au fond de l'eau tout au fond.
9
Pierre Bec, « brius d'aiga », p. 15, vers 7-9. Tard : Et fuir, et voir fuir l'eau amoureuse, / En entendre le flot jusqu'à en
perdre le sens, / Être la nue qui passe et la fleur de l'avril.
10
Trad : Au rythme de l'instant
11
Trad : L'attente du jour
12
Trad : Morceau de printemps
13
Xavier Ravier, Paraulas entà tròç de prima, 1954, p.11, vers 1-5. Quand notre pas aura marqué cette plaine / Quand
notre ombre aura vêtu les herbes / quand notre cri aura fait lever le songe des oiseaux / nous serons déjà partis / de ces
�Quan lo nòste pas auja marcat aquera plana
quan nòst'ombra auja vestit las erbas
quan nòste cric auja heit lhevar la saunejada deus auseths
que seram partits
d'aqueths endrets de l'inocéncia.
Ce poème du départ, du détachement, est à l'image de l'ensemble du corpus que nous avons
défini : nous pouvons cependant dégager deux tendances qui sont à la fois thématiques et formelles.
Une poétique de l'instant, du microcosme, qui est aussi celle du temps ralenti, traverse les œuvres,
par opposition à la poétique de l'accélération et du vertige qui atteint son apogée chez Bernard
Manciet.
2. Entre ralentissement et accélération poétique.
Chez tous ces auteurs, malgré les grandes variations de ton et d'approche esthétique,
l'écriture est une expérience de l'instant, un ancrage dans le monde. Le jour se lève et la lumière
éclaire les détails, dévoile la silhouette des choses : le poème prend alors le temps, il s'attarde et
peint, avec attention, la nature retrouvée. Nous pensons bien-sûr à Max Rouquette qui développa
cette poétique à travers l'œuvre de toute une vie. Le recueil de Pierre Bec en est un autre exemple
(mais cette tendance se retrouve chez Castan et Allier déjà). Cette idée est au cœur du poème qui
ouvre Au briu de l'estona14 :
Ièr, uèi, deman, volastrejada
Depunts dens l'encant de la vita,
Dens la doçor deu desbrembèr
Nega ton anma adolentida.
Plus loin :
Non penses mès ! Huja l'idèa !
Que l'encens de la flor majenca
T'enclauda'th món en un moment
D'eucaristica prigondor...
C'est, évidemment, le même regard que porte Pierre Lagarde sur « sept grillons » qui
« grelottent », avec une petite musique très rouquettienne15 :
Set grilhs tridòlan
entre lo potz
e lo pesquièr vèrd de luna,
sèt grilhs paurucs
dins la nuèit d'èrba.
parages d'innocence.
14
Pierre Bec, « Au cercaire de Benaurança », p. 7. Trad : Hier, aujourd'hui, demain, voltigement / De points dans
l'enchantement de la vie ; / Dans la douceur de l'oubli / Noie ton âme endeuillée. // Ne pense plus ! S'enfuie l'idée ! /
Que l'encens de la fleur de mai / Enclose pour toi le monde dans un moment / D'eucharistique profondeur...
15
Pierre Lagarde, p. 7, vers 1-5. trad : Sept grillons grelottent / entre le puits / et l'étang vert de lune / sept grillons
peureux / dans la nuit d'herbe.
�C'est aussi l'attention portée par Bernard Lesfargues à « Ce que fredonne l'eau », « çò que
l'aiga jonjoneja » (titre du poème de la page 33) ; et c'est, enfin, loin des angoisses et des regrets ou
des détachements, le plaisir pur du moment célébré, comme un retour à la source, à la sensualité,
qui est déjà présent chez Max Allier16 :
E de çò que la fònt dins la prada gorgolha
E qu'un bresilh d'aucèl nos ven tèner solaç
Fau salir de son esa una espatla redonda
Leva un parpelh d'enfant e çò ditz Esta suau
Fai tròp caud E li beque sas bocas que fonhan
Le chant de l'instant, soucieux de dire le moment rare et fugitif, peut également basculer
dans une fuite effrénée. Ce n'est plus le petit détail, le calme d'une parenthèse arrachée au passage
du temps, mais plutôt l'accélération, l'emballement, la brusque envie d'être au monde et de n'en
rien manquer. Le poète veut être au cœur des événements et des batailles (Nous retrouvions cela
chez Castan dans le premier poème cité plus haut: « que recèbi ora per ora / dels quatre vents lo
resson de l'eveniment... »). L'écriture est alors au plus près des cataclysmes et des orages : il faut
éprouver, sentir, vivre au-delà des limites. Il faut s'engager dans ce monde naissant, être dans la
lueur de l'aube. En 1951, Félix Castan résumait bien cette dimension avec son Hic et Nunc17 (De
Campèstre d'amor e de guèrra, p. 27, vers 7-18) :
Aimi mai de beure l'aire de la vida
a ricas alenadas
abans de tombar dins lo cròs
per tant d'èsser dolent
quand ne virarà
de m'anar jaire dins la mòrt...
Soi nascut demèst la raça umana
per me regaudir longtemps
de sas femnas
e de sos trabalhs
e de sa carn perdurabla e viva.
Car tot es jove e s'encamina.
Cet extrait nous fait immédiatement penser à Jòrgi Rebol qui lui aussi, un peu plus tard, a
développé une poésie de l'engagement charnel et total, d'esprit et de corps, pour le monde qui naît.
Cet engagement est aussi politique et social (et culturel, avec l'occitanisme), en connexion avec les
préoccupations de ce temps. L'idée est très présente chez Max Allier qui souhaite être « dans la
mêlée », « Dins la contèsta » (Max Allier, p. 59), et s'affirme comme poète politique dans son fameux
Aici sèm18 (dédicacé à Castan, d'ailleurs) :
16
Max Allier, « La fònt », p.43, vers 9-13. Trad : Et tandis que dans l'herbe la source bougonne / et qu'un oiseau sonde le
calme de l'été / je fais saillir sa gorge ronde du corsage / Ouvrant un œil d'enfant elle me dit Sois sage / il fait trop chaud
Et je baise ses lèvres boudeuses.
17
Trad : J'aime mieux boire l'air de la vie / par fortes lampées / avant de culbuter dans la tombe, / afin de regretter /
quand ce sera l'heure / d'aller m'allonger dans la mort... / Je suis né parmi la race humaine / pour longtemps me réjouir
/ de ses travaux / et de ses femmes / et de sa chair perpétuelle et vivante ! / Car tout est jeune et tout se met en chemin.
18
Trad : Ne vous étonnez pas qu'il ait quitté la mine / et laissant la truelle et la bigue / qu'il soit ici venu tâter / sur le
pavé / l'événement qu'on lui destine.
�Vos cau pas espantar s'el a quitat la mina
s'a trach la manaira e la tibla
e s'es vengut aicí tastar
sus lo caladat
l'endevenença que s'aisina
Nous nous rapprochons là des textes de circonstance, d'une poésie qui se fait l'écho des
problèmes du siècle et cadre avec tout un contexte social. Nous pensons au poème Militant (p.31)
de Félix Castan ou à son Mac Gee écrit le 10 mai 1951, donc deux jours après l'exécution de cet afroaméricain condamné à mort pour viol, sans preuve réelle (cette affaire défraya la chronique à
l'époque, en pleine lutte pour les droits civiques aux États Unis). Mais, après les textes d'Allier et de
Castan, cette dimension-là sera abandonnée. Nous ne retrouvons plus de verve politique et sociale,
plus de références aux luttes du moment même si, chez Manciet par exemple, le contexte historique
tisse une toile de fond apocalyptique (Accidents dépeint une ville de Berlin réduite en cendres par
les bombardements alliés). L'engagement se déplace, il devient purement poétique. C'est l'homme
au cœur d'une histoire effondrée que l'on découvre, et le texte devient chaos initial, bigbang
poétique et linguistique... L'instant chez Bernard Manciet se transforme en un enchaînement brutal
et précipité, une plongée dans le chant de la rapidité, des chocs. Nous sommes toujours au beau
milieu de ce siècle, inscrit dans la grande et longue Histoire, et, comme chez Allier, Lagarde, Castan,
encore dans la guerre : il y a donc tout autant rupture que continuité. Manciet s'éloigne pourtant
des autres poètes de sa génération, parce qu'il accélère le rythme et ne s'embarrasse plus du vers.
Sa prose poétique est unique dans le corpus que nous avons défini, elle déroule une écriture lancée
à pleine course, totalement libre. Mais, nous sommes comme chez Castan, Allier ou même Lagarde,
dans un appel à la vie, à l'action. L'aube est un réveil brutal19 :
Soi jo. Deishida-te. Lèva-te. Ven ! Qu'èi besonh deus esquiç deus tos vint ans. Qu'èi besonh de ta man
dens la mia. Sias-me complice. Lèva-te.
Qu'èi besonh de marchar dab tu dens la nueit.
Ensuite, tout s'accélère 20 , comme s'il fallait s'extraire de quelque-chose ou aller vers un
ailleurs, un horizon inconnu (et que l'on ne peut connaître, l'essentiel étant l'accélération ellemême) :
Deishida-te. Mes viste. Enquèra. Mès que dròms, Diu vivant !
Autostradas ? Que n'i a tot jamès. Tots-temps. N'an pas nada fin. Sufeish de har virar, de passar sus las
vilas, los fluvis, los camps. De har virar tan viste que hessin grans gestes, arbres, vilas, de pas nos arrapar.
E après ets que i a lor sovenir per virar dessús. Après... ah ! Qu'es aquò, çò que cau véder : après...
Après ? Justement, nous ne saurons pas. Tout le recueil n'est ensuite plus qu'une envolée, un
moteur qui tourne à plein régime. Cette écriture du mouvement nous évoque Jack Kerouac (qui
publie d'ailleurs Sur la route en 1957), l'écrivain « beat21 » qui marqua toute la génération suivante.
19
. Bernard Manciet, 1955, Accidents, p. 5. Trad : C'est moi. Réveille-toi. Debout. Viens ! J'ai besoin des craquements de
tes vingt ans. J'ai besoin de ta main dans la mienne. Sois-moi complice. Lève-toi. J'ai besoin de marcher avec toi dans la
nuit.
20
. Idem, p. 7. Trad : Réveille-toi, accélère. Davantage. Mais tu dors, tu dors, parbleu. Des autostrades ? Elles se succèdent
sans fin inépuisables. L'essentiel est de rouler, de passer sur les villes, les fleuves, les champs. De rouler si vite que nous
voyions, arbres, villes, faire de grands gestes de désespoir, désespoir de ne pouvoir nous rejoindre. Et même après eux,
nous pourrons toujours rouler sur leur souvenir. Et quand il n'y aura plus leur souvenir ?... Ah ! Mais voilà le passionnant,
voilà justement...
21
Le terme beat chez Jack Kerouac peut être rapproché de la béatitude mystique qui n'est pas sans lien avec le tableau
�Manciet déroule son texte comme l'asphalte et tout est emballement d'images et de sons, bruits de
machines, de motos, de camions, tourbillon de cerfs-volants et de poteaux télégraphiques.
3. Mitrailler l'aube, ou la piquer au bout d'un bâton ?
Après, demain ? La question de l'avenir nous paraît essentielle. Tous ces textes tissent un
rapport complexe au temps ; tous ces auteurs ont pleinement conscience de leur situation : ils sont
à la charnière, ils ferment un cycle et en ouvrent un autre. Ils sortent de la nuit mais ne sont pas
encore en plein jour. L'image de l'aube revient, sans cesse. Elle est partout présente. Ces sept recueils
déploient une poésie de l'aube et de l'éveil, une écriture qui oscille (mais ne choisit pas
véritablement) entre obscurité et lumière. Cependant, ce ne sont que des aubes naissantes, nous ne
pourrons pas savoir ce que sera le jour à venir. Les poètes œuvrent à son apparition, ils s'extraient
de la nuit et du sommeil, mais ce qu'il leur reste à vivre demeure nimbé de mystère.
Voilà donc des poètes du réveil, debout, des poètes prêts à partir : ils s'ouvrent au jour mais
qui ont du mal, visiblement, à s'extraire de la nuit, citons Pierre Bec22 :
Partit a l'auba, dab un punhau de lutz negra,
cap d'estela qu'estèsse amara au cèu d'abòr,
[...]
Partit, e cap de vent que'm posquèsse jumpar
devath la huelha hòla e fremerenta.
L'auba, de ròsa negra, e ridenta de dòu,
capvirava la nueit en dia, e caminavi
cap a la fin deu dia,
e sempre nueitejava...
La nuit qui n'en finit pas, c'est une nuit sans étoile, une aube en deuil... Aucune étoile non
plus chez Bernard Manciet puisqu'il l'affirme clairement : « i a pas nada estela » (p.5). L'aube est
donc double, elle est renouveau mais aussi fin, elle est espoir mais garde une forte charge d'ombre
et de trouble. L'aube permettra de voir le monde en face, tel qu'il est, c'est elle qui éclairera l'horreur
de la guerre et l'immense chantier qui se dresse sur les ruines du monde. Bernard Manciet veut
d'ailleurs en finir avec l'aube, il est déjà ailleurs et c'est avec violence qu'il décide de passer à autre
chose, définitivement23 :
Cala la mitralhadora. Ua banda que serà pro, ben. Son que ua tirada. Es prest ? En plen dins lo matin.
Cau har càder tots las cortías deu cèu. Cau fóter l'auba per terra. D'aubas, en cau pas mes jamès. Ni de
nueits. Ni de jorns.
Radicalité poétique : d'un coup de mitrailleuse bien placé, Bernard Manciet assassine l'aube.
Voilà un coup de feu, un coup de maître qui inaugure une belle carrière littéraire. Il fallait cela,
apocalyptique d'Accidents.
22
Pierre Bec, « Partenças », p. 53. Trad : Parti à l'aube, avec un poignard de lumière noire, Pas une étoile qui fût amère
au ciel d'automne, / [... ]/ Parti, et pas de vent qui me pût bercer / sous la feuille folle et frémissante. / L'aube, de rose
noire et riante de deuil, / chavirait la nuit en jour, et je cheminais / devers la fin du jour, / et la nuit tombait toujours...
23
Bernard Manciet, p. 17. Trad : Cale la mitrailleuse. Une bande suffira, sans aucun doute. Une seule rafale. Prêt ? En
plein dans le matin. Il faut abattre tous les rideaux du ciel. Il faut jeter l'aube à terre. D'aubes, il n'en faut plus jamais. Ni
de nuits. Ni de jours.
�semble-t-il, pour sortir des ruines de Berlin, pour quitter la guerre et assumer le renouveau.
Accélération, vertige : c'est d'ailleurs bien à la mitrailleuse que Manciet écrit ses Accidents : des
rafales poétiques capables de redonner du rythme et du souffle à l'occitan, à la poésie, capables
d'aller plus loin, de déclencher un mouvement puissant et de projeter l'écrivain gascon au devant
du siècle, au-delà des barrières, des clichés et des habitudes qui taraudent l'ancien monde. Une
rafale poétique qui ne doit cependant pas faire oublier les eaux calmes et mystérieuses de Lesfargues
ou, plus encore, les errances de Xavier Ravier qui retourne, lui, au sommeil, à la douceur et à
l'onirisme. Face à l'aube mitraillée, il dessine un « soleil piqué » au bout d'un bâton de berger,
comme un retour au calme, comme un apaisement qui n'en est pas moins riche de sensations et de
force poétique24 :
Aqueth vielhòt qu'amía de cap au men temps de mainatge
tot un tropeth de còstas,
aus sons còts quauqu'esquira
dab martheth de printemps.
Lo solelh ei gahat au cap de son baston,
dens las suas mans granas que sarra
aqueth païsatge de lana on me soi adromit.
Le poète dévoile ici la silhouette d'un berger qui rassemble le monde et bouleverse les
périodes d'une vie, au-delà de la linéarité (on retrouve, dans une certaine mesure le bouleversement
que constitue Accidents), ce qui nous ramène aussi à Pierre Bec25 :
Pastre, descauç, shumant la prima,
[…]
Levant au cèu d'un gèste hòu / Sa tocadèra embriagada
Ce bâton de berger qui pique le soleil, cette « houlette ensorcelée », indiquent d'autres
chemins, dévoilent des « drailles26 » insoupçonnées. Le jour peut venir, enfin. Ces sept poètes sont
les bergers sur la ligne d'horizon, au loin : sur la ligne de partage des eaux, au beau milieu d'un siècle.
Plonger dans leurs œuvres, c'est découvrir une période pleine d'espoir, c’est aussi revivre cette aube
ambivalente de l'après-guerre, et suivre des trajectoires poétiques en devenir ; certaines seront
longues et prolifiques, d'autres plus discrètes ou sans suite. Des lectures transversales sont possibles,
nous venons de le voir, elles permettent d'aborder l'unité mais aussi la grande variété des approches
esthétiques de ce temps. C'est là toute l'importance, toute la pertinence de la collection Messatges :
une collection qui a su créer, entre 1951 et 1955, un espace ouvert aux expérimentations d'une
génération féconde. Les Accidents de Bernard Manciet s'inscrivent, malgré leur originalité formelle,
dans cette période poétique occitane pleine de promesses. Ils ferment peut-être ce cycle de l'aube,
cette série de recueils d'éveil qui, jaillis des obscurités de la guerre, indiquent la route à suivre pour
les années à venir. Mais l'aube n'en finit pas : c'est toute une langue qui s'éveille, qui s'ébroue au
petit jour et chaque poète en reflète la lueur, avec singularité.
24
Xavier Ravier, p.25. Trad : Ce vieil homme mène vers mon enfance / tout un troupeau de collines, / sur leur cou je ne
sais quelle cloche / à marteau de printemps. / Le soleil est piqué au bout de son bâton, / dans ses grosses mains il presse
/ ce paysage de laine où je me suis endormi.
25
Pierre Bec, p.18, vers 9-12. Trad : Pâtre, nu-pieds, humant le printemps / […] / Levant au ciel d'un geste fou / Sa
houlette ensorcelée
26
Draille : sentier de transhumance, en francitan (dralha en occitan)
�Bibliographie27
Max Allier, A la raja dau temps, 1951.
Félix Marcel Castan, De campèstre d'amor e de guèrra, 1951.
Bernard Lesfargues, Cap de l'aiga, 1952.
Pierre Lagarde, Espèra del jorn, 1953.
Xavier Ravier, Paraulas entà tròç de prima, 1954.
Pierre Bec, Au briu de l'estona, 1955.
Bernard Manciet, Accidents, 1955.
27
. Un décalage entre la date d'édition et la numérotation dans la collection affecte la parution des recueils de Manciet,
Bec et Ravier (respectivement numérotés de 14 à 16).
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Campus
Article (Campus)
Région Administrative
Languedoc-Roussillon
Zone Géographique
Région(s) liée(s) à la personnalité/au sujet traité dans l'article
Gascogne
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
La collection Messatges, de 1951 à 1955. Le chant de l'aube : une génération au milieu du siècle / Sylvan Chabaud
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
La collection Messatges, de 1951 à 1955. Le chant de l'aube : une génération au milieu du siècle / Sylvan Chabaud
La collection Messatges, de 1951 à 1955. Le chant de l'aube : une génération au milieu du siècle / Sylvan Chabaud
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabaud, Sylvan
Publisher
An entity responsible for making the resource available
LLACS (Langues, Littératures, Arts et Cultures des Suds) Université Paul-Valéry, Montpellier 3
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
2018-01-27
Date Issued
Date of formal issuance (e.g., publication) of the resource.
2018-02-26 Françoise Bancarel
License
A legal document giving official permission to do something with the resource.
Certains droits réservés
Is Part Of
A related resource in which the described resource is physically or logically included.
<!DOCTYPE html>
<html>
<head>
</head>
<body>
<a href="http://occitanica.eu/omeka/items/show/19161">La colleccion « Messatges » de l'IEO 1945-1960 : Jornada d'estudis ReDoc / LLACS</a>
</body>
</html>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
Text
texte électronique
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
http://www.occitanica.eu/omeka/items/show/19189
Temporal Coverage
Temporal characteristics of the resource.
19..
Description
An account of the resource
<!DOCTYPE html>
<html>
<head>
</head>
<body>
<div style="text-align: justify;">
<p>Communication de Sylvan Chabaud dans le cadre de la journée d'études ReDoc-LLACS : La collection « Messatges » de l'IEO 1945-1960, Montpellier, 27 janvier 2018.</p>
</div>
</body>
</html>
<!DOCTYPE html>
<html>
<head>
</head>
<body>
<div style="text-align: justify;">Comunicacion de Silvan Chabaud dins l'encastre de la jornada d'estudis ReDoc-LLACS : La colleccion « Messatges » de l'IEO 1945-1960, Montpelhièr, 27 de genièr de 2018.</div>
</body>
</html>
Relation
A related resource
Vignette : http://occitanica.eu/omeka/files/original/21faf04da1818cae4db32b51660bfa0b.jpg
Subject
The topic of the resource
Poésie occitane -- 20e siècle
Allier, Max (1912-2002) -- Critique et interprétation
Castan, Félix-Marcel (1920-2001) -- Critique et interprétation
Lesfargues, Bernard (1924-2018) -- Critique et interprétation
Lagarde, Pierre (1920-1992) -- Critique et interprétation
Ravier, Xavier (1930-....) -- Critique et interprétation
Bec, Pierre (1921-2014) -- Critique et interprétation
Manciet, Bernard (1923-2005) -- Critique et interprétation
Source
A related resource from which the described resource is derived
X:\CAMPUS\Journee_Messatges\08-Chabaud-Messatges
Rights
Information about rights held in and over the resource
© Sylvan Chabaud
Occitanica
Jeu de métadonnées internes a Occitanica
Portail
Le portail dans la typologie Occitanica
Mediatèca
Sous-Menu
Le sous-menu dans la typologie Occitanica
Campus
Type de Document
Le type dans la typologie Occitanica
Article scientifique
Contributeur
Le contributeur à Occitanica
LLACS Univ MTP 3
Catégorie
La catégorie dans la typologie Occitanica
Ressources scientifiques
Colleccion Messatges = collection Messatges
Poesia occitana = poésie occitane