Le lundi 10 septembre 1877, dans un contexte politique tendu entre républicains et royalistes, à la veille d’élections législatives qui s’annoncent virulentes, paraît dans les rues de la capitale girondine un nouveau journal, d’opinion clairement royaliste, entièrement rédigé en occitan : La Cadichounne.
Le nom choisi se réfère à l’univers du poète gascon Meste Verdié et des recardeyres, les marchandes ambulantes bordelaises. Ces recardeyres ont le verbe haut et l’insulte facile. Le ton est donné d’emblée dans le titre du journal : il s’agira de faire preuve de franc-parler, de dire ce que l’on pense sans crainte d’offenser, et au besoin d’allumer la mèche de la polémique. Le rédacteur en chef, directeur et concepteur du journal est un certain Eugène Druilhet-Lafargue.
Le journal paraît en deux séries : d'abord onze numéros du 10 septembre au 17 novembre 1877, puis 12 numéros (dont neuf seulement nous sont parvenus) entre le 15 décembre 1877 et le 30 avril 1878, mais cette seconde série en réalité montre une Cadichounne qui est devenue un journal satirique en français avec quelques textes occitans.
La Cadichounne n'est pas le premier journal entièrement publié en occitan : sa parution est postérieure de dix mois à celle du périodique marseillais Lou Tron de l’Èr, dont le premier numéro paraît le 6 janvier 1877. Cependant La Cadichounne s’affiche comme un cas à part, d’abord du fait qu’il se donne pour ambition d’être entièrement en occitan, des titres aux publicités finales, sans un seul mot de français, et surtout qu'il s'agit d'un journal d'opinion, un journal politique (ce que n'était pas Lou Tron de l’Èr).[imatge id=20685]
Le contexte est celui d’une crise politique qui a entraîné la quasi-paralysie de l’État : la crise parlementaire de 1876-1877, laquelle voit la République en tant que force politique prendre véritablement le pouvoir, malgré les tentatives du président légitimiste Patrice de Mac Mahon. Les origines de la crise remontent à son élection au printemps 1873. Face à la montée du camp républicain, mené par Léon Gambetta, le vieux maréchal se raidit dans son attitude de « lieutenant général du royaume ». Les élections législatives de février-mars 1876, prévues par les lois organiques de 1875 qui instaurent les bases de la IIIe République, confirment la poussée républicaine. Les préfets reçoivent des directives sévères : interdiction et saisies de journaux, interpellations.
En Gironde, le préfet Jacques de Tracy applique avec rigueur ces directives. Gambetta, député de Bordeaux, fait voter le 17 mai une motion de défiance contre le gouvernement. Mac Mahon dissout la Chambre le 25 juin 1877. Les nouvelles élections législatives auront lieu les 14 et 28 octobre. La campagne commence en septembre, marquée par une violence dans les échanges entre protagonistes des deux camps. C’est dans ce contexte que paraît La Cadichounne.
Avec ses trois colonnes à la une (le même format que La Petite Gironde à la même époque), son goût prononcé pour les titres percutants, pour les dessins satiriques, pour les slogans efficaces, La Cadichounne est un journal d’affrontement, de polémique et de provocation. On sent que Druilhet a fabriqué son journal comme il a pu, un peu de bric et de broc. C’est un journal de récupération, qui recycle des matériaux d’autres organes de presse et même de livres. Mais les articles sont, eux, originaux.
Pour ses illustrations, Druilhet insère de nombreuses gravures pittoresques. Ces gravures ne sont pas originales, elles n’ont pas été réalisées exprès pour La Cadichounne. Elles proviennent des Contes balzatois. Ces petits contes villageois ont pour cadre la vie rurale de deux petits villages charentais : Balzac et Vindelle. L’auteur, Jean Condat dit Chapelot (1824-1908) a rencontré un réel succès à Paris avec ces petits contes naïfs et humoristiques. Il fait appel au dessinateur en vogue Barthélémy Gautier (1846-1893) pour illustrer ses histoires. Gautier commence à se faire un nom de dessinateur dans la presse parisienne : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amusant, La Vie parisienne, mais aussi Le Gaulois. Dans La Cadichounne sont insérées, à la fin de chaque numéro, des publicités (en occitan) pour les contes de Chapelot. Il n'y a aucune trace connue de collaboration officielle entre Chapelot ou Gautier et Druilhet-Lafargue, autorisant ce dernier à recycler les illustrations des Contes balzatois. Le dessinateur n’est d’ailleurs cité à aucun moment dans La Cadichounne comme auteur des gravures. Une simple phrase, au bas des publicités, précise que lous imatges de La Cadichounne soun tirats d’aquets countes. Il est difficile de dire si Druilhet avait réellement l’autorisation de réutiliser ces œuvres. Dans tous les cas, cela permet à La Cadichounne de s’offrir pour ses colonnes une « pointure » de la caricature de presse parisienne du temps.
Qu’est-ce qui a pu motiver Druilhet-Lafargue, royaliste et catholique intransigeant, à recycler les illustrations des contes de Chapelot, républicain modéré et probablement franc-maçon ? Rien ne nous permet de l’affirmer, mais vraisemblablement la seule nécessité d’avoir d’urgence des illustrations de qualité pour son journal en déboursant le moins possible, et rien du tout si possible.
Eugène Druilhet-Lafargue est un personnage mal connu. Propriétaire, rentier, Druilhet-Lafargue était un publiciste, un polygraphe, amateur éclairé à la façon du XIXe siècle, membre de plusieurs sociétés savantes, publiant brochures et monographies sur des sujets aussi disparates que la botanique, la biologie, la paléontologie, l'agronomie, la zoologie, la philosophie ou encore l'archéologie. Il était également musicien, joueur d'harmonium réputé. Ses adversaires même saluent sa « distinction » et son élégance. Catholique militant, de sensibilité orléaniste, proche de l’Ordre Moral, Druilhet s’est à plusieurs reprises attaqué au positivisme et au scientisme de son temps et semble s’être passionné pour la question de la conciliation des sciences et de la religion. Druilhet fut aussi un homme politique, puisqu’il fut candidat malheureux aux élections législatives à Bordeaux face à Léon Gambetta en personne. Il fut aussi un éphémère président de la commission municipale de Caudéran, exerçant par décret présidentiel la fonction de maire de la commune.
Membre de plusieurs sociétés savantes, en Gironde et au-delà, Druilhet-Lafargue a pu côtoyer au sein de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux quelques personnalités locales attachées à l’occitan, comme l’abbé Hippolyte Caudéran, l’abbé Arnaud Ferrand, Achille Luchaire, Jules Delpit, Jean-François Bladé ou encore Léo Drouyn.. Également membre correspondant de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, Druilhet pouvait y rencontrer des personnalités attachées à la cause de l’occitan dont l’abbé Justin Bessou (1845-1918), une figure pionnière du félibrige en Aveyron.
Dans La Cadichounne, le choix de l'occitan est justifié par un discours linguistique que nous pourrions quasiment qualifier de militant qui s’attaque aux enrichis franchimands et dédaigne la langue du pays afin de s’élever en apparence sur l’échelle sociale. Il fournit également des données chiffrées – fantaisistes mais l’intention est là – et des propos qui renvoient en grande partie à la tenue, en octobre 1861, de la vingt-huitième session du Congrès scientifique de France, dont les actes furent imprimés chez les imprimeurs associés Coderc-Dégreteau-Poujol en 1864. Ils renferment notamment le Mémoire sur les idiomes du Midi de la France en général, et sur celui du centre de la Guienne en particulier, de l’inspecteur de la Société Française d’Archéologie, Auguste du Peyrat, qui semble avoir marqué les esprits bordelais. Nous verrons que le contexte bordelais, ainsi que les relations et les champs d’activité de Druilhet-Lafargue explique cette portée théorique et revendicative. Si l’on ajoute à cela qu’il existait alors au sein de l’Académie de Bordeaux plusieurs personnalités intéressées par l’étude et la valorisation de ce qu’on commençait déjà à appeler la « langue d’oc », que les oeuvres complètes de Verdié venaient d’être réimprimées, il apparaît que Druilhet-Lafargue baignait dans un climat sensibilisé à l’occitan. Il existait dans le Bordeaux de cette époque un intérêt de certains intellectuels locaux pour l'occitan, même s'ils ne forment clairement pas un « front » unifié. Druilhet, quand il s’amusera à attaquer des journaux républicains bordelais, recevra d’ailleurs de certains d’entre eux des réponses plus ou moins aimables en occitan. Notons du reste qu’un (ou une) des chroniqueurs(euses) du journal signe « Clémence-Isaure », du nom de la fondatrice mythique du Consistòri del Gai Saber de Toulouse.
Cet élément explique que, seul de tout le paysage de la presse bordelaise, Druilhet-Lafargue fasse montre dans son journal d’une approche réflexive sur l’occitan, ou pour être exact, qu’il utilise un discours tendant à valoriser l’occitan comme argument contre ses détracteurs.
En ce qui concerne la langue, c’est bien de l’occitan bordelais qui est employé. Druilhet n’est pas particulièrement attentif à la qualité de sa langue, c’est le moins que l’on puisse dire : gallicismes, barbarismes et erreurs de syntaxe émaillent un occitan que l’on ressent néanmoins comme authentique. Il fourmille par ailleurs d’expressions idiomatiques et de localismes. Certains chroniqueurs – qu’il s’agisse de Druilhet lui-même ou non – revendiquent même une appartenance locale, l’emploi du parler pishadèir c’est à dire celui du quartier Saint-Michel. Il y a dans La Cadichounne nous l’avons dit une dimension engagée, qui en fait non seulement le premier journal politique de langue occitane, mais le premier journal de cette sorte à porter un discours revendicatif sur l’occitan. À partir du n° 3 (22 septembre), paraît en outre dans chaque numéro de La Cadichounne un extrait de l’Essai grammatical sur le gascon de Bordeaux. Guillaoumet debingut grammérien (Bordeaux, Coderc-Dégreteau-Poujol, 1867) de Guillaume Dador. Cette présence peut s’analyser de plusieurs façons : besoin d’étoffer le contenu du journal, vite à court d’informations au fur et à mesure que les échéances pour lesquelles il était né passent ; parrainage d’un auteur d'expression occitane bien connu à Bordeaux dans les milieux catholiques, mais aussi peut-être intérêt simplement pédagogique, pour une grammaire « du peuple », accessible malgré ses défauts. La Cadichounne se pare donc d’une dimension supplémentaire, à prétention pédagogique : on peut même y trouver un cours d’occitan en feuilleton.
Avec le temps et la nécessité de varier le contenu pour ne pas lasser le public, nous voyons apparaître des contributions dans d’autres variantes de l’occitan : en parler du Bazadais, puis du Libournais d’abord. Puis, dans les derniers numéros, nous rencontrons des textes de l’abbé Léon Maumen (1803-1888) d’Aire-sur-l’Adour, figure du parti catholique dans les Landes, et même un sonnet nîmois, extrait de L’Embarras de la fieiro de Beaucaire célèbre texte de 1657, par Jean Michel (1603-1689) dans son édition de 1700, que Druilhet a probablement tiré de ses connaissances philologiques occitanes. Vers la même époque, Druilhet comble des vides de plus en plus béants dans les colonnes de La Cadichounne en y faisant paraître de larges extraits des Usages et chansons populaires de l'ancien Bazadais : Baptêmes, noces, moissons, enterrements de Lamarque de Plaisance (Bordeaux, Balarac, 1845). Le journal, alors même qu’il est sur le déclin, revêt donc en apparence une dimension panoccitane inattendue. Mais bien sûr, tous ces artifices ne servent qu’à cacher une réalité qui n’est que trop visible : l’occitan recule, au profit d’articles en français, et ne se réduit bientôt plus qu’à un ou deux textes, une chanson, au milieu d’un journal quasiment francophone.
La Cadichounne présente ainsi dans ses colonnes, courant septembre 1877, un roman-feuilleton, qui est le deuxième en langue occitane connu. C’est un roman d’inspiration réaliste et d'atmosphère sombre, qui n'est pas sans rappeler les styles de Ponson du Terrail ou d'Eugène Sue : Lou Curt daous praoubes, signé Suzanne Blanc dite Mayan. Seuls les trois premiers feuilletons seront publiés dans les colonnes de La Cadichounne, laissant l'ouvrage inachevé. Ce roman suit de sept ans l’œuvre du chroniqueur bordelais républicain Théodore Blanc (1840-1880) qui, en 1870, avait fait paraître dans La Gironde du Dimanche le premier roman-feuilleton en langue d’oc jamais répertorié, Caoufrès, roman de guerre également inachevé après onze livraisons.
Pour le reste, les recettes de La Cadichounne ne diffèrent pas de celles des autres journaux satiriques de l’époque : attaques frontales, ton ricaneur, grinçant et cynique. Les candidats républicains sont moqués sur leurs physiques, leurs traits de caractère, leurs défauts (bégaiement, manque d’éloquence, irritabilité), leurs religions ou leurs engagements idéologiques. Des chansons, parfois d’origine, parfois détournées d’airs connus, émaillent le journal que viennent égayer les gravures de Barthélémy Gautier. Ces chansons sont impitoyables, comme les articles qui les accompagnent. Nous trouvons à plusieurs reprises le topos obligé de la scène des deux paysans, l’un – stupide – qui veut voter pour le candidat républicain et l’autre – intelligent et cultivé – qui l’incite au contraire à donner sa voix au candidat conservateur. Le rôle du bon sens et de la clairvoyance est parfois attribué à la propre épouse de l’idiot, qui fait voter son mari pour le camp « qu’il faut » sous la menace de son balai.
Druilhet/Mayan réitère chaque fin de numéro qu’il ne fera pas d’appels de fonds, qu’il s’en sortira tout seul, que La Cadichounne ne se donnera à personne, etc. Bien sûr, il est facile de remarquer l’épuisement des ressorts comiques, du propos et de la verve, surtout après le n°8 (jeudi 20 octobre), qui paraît au lendemain de la victoire écrasante des républicains en Gironde, dès le premier tour (il n’y aura pas besoin d’un second), et le n°11 (10 novembre), au lendemain des élections départementales et d’arrondissement, qui confirment la victoire républicaine. Le « Père Mayan » ne s’en relèvera pas et son journal non plus. Le 30 avril 1878 paraît le dernier numéro de La Cadichounne. Le journal achève sa seconde série, entamée en janvier. Deux mois de silence séparent donc les deux séries de La Cadichounne, mais en réalité tout les sépare. Le journal entièrement rédigé en langue d’oc, a laissé la place à un journal satirique en français, où ici et là vient s’ajouter un article gascon. La Cadichounne avait été créée pour un affrontement : celui-ci passé et perdu, elle n’a plus lieu d’exister. Eugène Druilhet-Lafargue lui aussi disparaît totalement des écrans à la suite de la mort de La Cadichounne. Déjà mystérieux, le personnage devient une énigme. Son nom disparaît des sociétés savantes qu’il fréquentait. Nous le retrouvons quelques années plus tard en Bretagne, où il fait fonction d'éditeur. Le lieu et la date de son décès sont inconnus.
]]>Le lundi 10 septembre 1877, dans un contexte politique tendu entre républicains et royalistes, à la veille d’élections législatives qui s’annoncent virulentes, paraît dans les rues de la capitale girondine un nouveau journal, d’opinion clairement royaliste, entièrement rédigé en occitan : La Cadichounne.
Le nom choisi se réfère à l’univers du poète gascon Meste Verdié et des recardeyres, les marchandes ambulantes bordelaises. Ces recardeyres ont le verbe haut et l’insulte facile. Le ton est donné d’emblée dans le titre du journal : il s’agira de faire preuve de franc-parler, de dire ce que l’on pense sans crainte d’offenser, et au besoin d’allumer la mèche de la polémique. Le rédacteur en chef, directeur et concepteur du journal est un certain Eugène Druilhet-Lafargue.
Le journal paraît en deux séries : d'abord onze numéros du 10 septembre au 17 novembre 1877, puis 12 numéros (dont neuf seulement nous sont parvenus) entre le 15 décembre 1877 et le 30 avril 1878, mais cette seconde série en réalité montre une Cadichounne qui est devenue un journal satirique en français avec quelques textes occitans.
La Cadichounne n'est pas le premier journal entièrement publié en occitan : sa parution est postérieure de dix mois à celle du périodique marseillais Lou Tron de l’Èr, dont le premier numéro paraît le 6 janvier 1877. Cependant La Cadichounne s’affiche comme un cas à part, d’abord du fait qu’il se donne pour ambition d’être entièrement en occitan, des titres aux publicités finales, sans un seul mot de français, et surtout qu'il s'agit d'un journal d'opinion, un journal politique (ce que n'était pas Lou Tron de l’Èr).[imatge id=20685]
Le contexte est celui d’une crise politique qui a entraîné la quasi-paralysie de l’État : la crise parlementaire de 1876-1877, laquelle voit la République en tant que force politique prendre véritablement le pouvoir, malgré les tentatives du président légitimiste Patrice de Mac Mahon. Les origines de la crise remontent à son élection au printemps 1873. Face à la montée du camp républicain, mené par Léon Gambetta, le vieux maréchal se raidit dans son attitude de « lieutenant général du royaume ». Les élections législatives de février-mars 1876, prévues par les lois organiques de 1875 qui instaurent les bases de la IIIe République, confirment la poussée républicaine. Les préfets reçoivent des directives sévères : interdiction et saisies de journaux, interpellations.
En Gironde, le préfet Jacques de Tracy applique avec rigueur ces directives. Gambetta, député de Bordeaux, fait voter le 17 mai une motion de défiance contre le gouvernement. Mac Mahon dissout la Chambre le 25 juin 1877. Les nouvelles élections législatives auront lieu les 14 et 28 octobre. La campagne commence en septembre, marquée par une violence dans les échanges entre protagonistes des deux camps. C’est dans ce contexte que paraît La Cadichounne.
Avec ses trois colonnes à la une (le même format que La Petite Gironde à la même époque), son goût prononcé pour les titres percutants, pour les dessins satiriques, pour les slogans efficaces, La Cadichounne est un journal d’affrontement, de polémique et de provocation. On sent que Druilhet a fabriqué son journal comme il a pu, un peu de bric et de broc. C’est un journal de récupération, qui recycle des matériaux d’autres organes de presse et même de livres. Mais les articles sont, eux, originaux.
Pour ses illustrations, Druilhet insère de nombreuses gravures pittoresques. Ces gravures ne sont pas originales, elles n’ont pas été réalisées exprès pour La Cadichounne. Elles proviennent des Contes balzatois. Ces petits contes villageois ont pour cadre la vie rurale de deux petits villages charentais : Balzac et Vindelle. L’auteur, Jean Condat dit Chapelot (1824-1908) a rencontré un réel succès à Paris avec ces petits contes naïfs et humoristiques. Il fait appel au dessinateur en vogue Barthélémy Gautier (1846-1893) pour illustrer ses histoires. Gautier commence à se faire un nom de dessinateur dans la presse parisienne : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amusant, La Vie parisienne, mais aussi Le Gaulois. Dans La Cadichounne sont insérées, à la fin de chaque numéro, des publicités (en occitan) pour les contes de Chapelot. Il n'y a aucune trace connue de collaboration officielle entre Chapelot ou Gautier et Druilhet-Lafargue, autorisant ce dernier à recycler les illustrations des Contes balzatois. Le dessinateur n’est d’ailleurs cité à aucun moment dans La Cadichounne comme auteur des gravures. Une simple phrase, au bas des publicités, précise que lous imatges de La Cadichounne soun tirats d’aquets countes. Il est difficile de dire si Druilhet avait réellement l’autorisation de réutiliser ces œuvres. Dans tous les cas, cela permet à La Cadichounne de s’offrir pour ses colonnes une « pointure » de la caricature de presse parisienne du temps.
Qu’est-ce qui a pu motiver Druilhet-Lafargue, royaliste et catholique intransigeant, à recycler les illustrations des contes de Chapelot, républicain modéré et probablement franc-maçon ? Rien ne nous permet de l’affirmer, mais vraisemblablement la seule nécessité d’avoir d’urgence des illustrations de qualité pour son journal en déboursant le moins possible, et rien du tout si possible.
Eugène Druilhet-Lafargue est un personnage mal connu. Propriétaire, rentier, Druilhet-Lafargue était un publiciste, un polygraphe, amateur éclairé à la façon du XIXe siècle, membre de plusieurs sociétés savantes, publiant brochures et monographies sur des sujets aussi disparates que la botanique, la biologie, la paléontologie, l'agronomie, la zoologie, la philosophie ou encore l'archéologie. Il était également musicien, joueur d'harmonium réputé. Ses adversaires même saluent sa « distinction » et son élégance. Catholique militant, de sensibilité orléaniste, proche de l’Ordre Moral, Druilhet s’est à plusieurs reprises attaqué au positivisme et au scientisme de son temps et semble s’être passionné pour la question de la conciliation des sciences et de la religion. Druilhet fut aussi un homme politique, puisqu’il fut candidat malheureux aux élections législatives à Bordeaux face à Léon Gambetta en personne. Il fut aussi un éphémère président de la commission municipale de Caudéran, exerçant par décret présidentiel la fonction de maire de la commune.
Membre de plusieurs sociétés savantes, en Gironde et au-delà, Druilhet-Lafargue a pu côtoyer au sein de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux quelques personnalités locales attachées à l’occitan, comme l’abbé Hippolyte Caudéran, l’abbé Arnaud Ferrand, Achille Luchaire, Jules Delpit, Jean-François Bladé ou encore Léo Drouyn.. Également membre correspondant de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, Druilhet pouvait y rencontrer des personnalités attachées à la cause de l’occitan dont l’abbé Justin Bessou (1845-1918), une figure pionnière du félibrige en Aveyron.
Dans La Cadichounne, le choix de l'occitan est justifié par un discours linguistique que nous pourrions quasiment qualifier de militant qui s’attaque aux enrichis franchimands et dédaigne la langue du pays afin de s’élever en apparence sur l’échelle sociale. Il fournit également des données chiffrées – fantaisistes mais l’intention est là – et des propos qui renvoient en grande partie à la tenue, en octobre 1861, de la vingt-huitième session du Congrès scientifique de France, dont les actes furent imprimés chez les imprimeurs associés Coderc-Dégreteau-Poujol en 1864. Ils renferment notamment le Mémoire sur les idiomes du Midi de la France en général, et sur celui du centre de la Guienne en particulier, de l’inspecteur de la Société Française d’Archéologie, Auguste du Peyrat, qui semble avoir marqué les esprits bordelais. Nous verrons que le contexte bordelais, ainsi que les relations et les champs d’activité de Druilhet-Lafargue explique cette portée théorique et revendicative. Si l’on ajoute à cela qu’il existait alors au sein de l’Académie de Bordeaux plusieurs personnalités intéressées par l’étude et la valorisation de ce qu’on commençait déjà à appeler la « langue d’oc », que les oeuvres complètes de Verdié venaient d’être réimprimées, il apparaît que Druilhet-Lafargue baignait dans un climat sensibilisé à l’occitan. Il existait dans le Bordeaux de cette époque un intérêt de certains intellectuels locaux pour l'occitan, même s'ils ne forment clairement pas un « front » unifié. Druilhet, quand il s’amusera à attaquer des journaux républicains bordelais, recevra d’ailleurs de certains d’entre eux des réponses plus ou moins aimables en occitan. Notons du reste qu’un (ou une) des chroniqueurs(euses) du journal signe « Clémence-Isaure », du nom de la fondatrice mythique du Consistòri del Gai Saber de Toulouse.
Cet élément explique que, seul de tout le paysage de la presse bordelaise, Druilhet-Lafargue fasse montre dans son journal d’une approche réflexive sur l’occitan, ou pour être exact, qu’il utilise un discours tendant à valoriser l’occitan comme argument contre ses détracteurs.
En ce qui concerne la langue, c’est bien de l’occitan bordelais qui est employé. Druilhet n’est pas particulièrement attentif à la qualité de sa langue, c’est le moins que l’on puisse dire : gallicismes, barbarismes et erreurs de syntaxe émaillent un occitan que l’on ressent néanmoins comme authentique. Il fourmille par ailleurs d’expressions idiomatiques et de localismes. Certains chroniqueurs – qu’il s’agisse de Druilhet lui-même ou non – revendiquent même une appartenance locale, l’emploi du parler pishadèir c’est à dire celui du quartier Saint-Michel. Il y a dans La Cadichounne nous l’avons dit une dimension engagée, qui en fait non seulement le premier journal politique de langue occitane, mais le premier journal de cette sorte à porter un discours revendicatif sur l’occitan. À partir du n° 3 (22 septembre), paraît en outre dans chaque numéro de La Cadichounne un extrait de l’Essai grammatical sur le gascon de Bordeaux. Guillaoumet debingut grammérien (Bordeaux, Coderc-Dégreteau-Poujol, 1867) de Guillaume Dador. Cette présence peut s’analyser de plusieurs façons : besoin d’étoffer le contenu du journal, vite à court d’informations au fur et à mesure que les échéances pour lesquelles il était né passent ; parrainage d’un auteur d'expression occitane bien connu à Bordeaux dans les milieux catholiques, mais aussi peut-être intérêt simplement pédagogique, pour une grammaire « du peuple », accessible malgré ses défauts. La Cadichounne se pare donc d’une dimension supplémentaire, à prétention pédagogique : on peut même y trouver un cours d’occitan en feuilleton.
Avec le temps et la nécessité de varier le contenu pour ne pas lasser le public, nous voyons apparaître des contributions dans d’autres variantes de l’occitan : en parler du Bazadais, puis du Libournais d’abord. Puis, dans les derniers numéros, nous rencontrons des textes de l’abbé Léon Maumen (1803-1888) d’Aire-sur-l’Adour, figure du parti catholique dans les Landes, et même un sonnet nîmois, extrait de L’Embarras de la fieiro de Beaucaire célèbre texte de 1657, par Jean Michel (1603-1689) dans son édition de 1700, que Druilhet a probablement tiré de ses connaissances philologiques occitanes. Vers la même époque, Druilhet comble des vides de plus en plus béants dans les colonnes de La Cadichounne en y faisant paraître de larges extraits des Usages et chansons populaires de l'ancien Bazadais : Baptêmes, noces, moissons, enterrements de Lamarque de Plaisance (Bordeaux, Balarac, 1845). Le journal, alors même qu’il est sur le déclin, revêt donc en apparence une dimension panoccitane inattendue. Mais bien sûr, tous ces artifices ne servent qu’à cacher une réalité qui n’est que trop visible : l’occitan recule, au profit d’articles en français, et ne se réduit bientôt plus qu’à un ou deux textes, une chanson, au milieu d’un journal quasiment francophone.
La Cadichounne présente ainsi dans ses colonnes, courant septembre 1877, un roman-feuilleton, qui est le deuxième en langue occitane connu. C’est un roman d’inspiration réaliste et d'atmosphère sombre, qui n'est pas sans rappeler les styles de Ponson du Terrail ou d'Eugène Sue : Lou Curt daous praoubes, signé Suzanne Blanc dite Mayan. Seuls les trois premiers feuilletons seront publiés dans les colonnes de La Cadichounne, laissant l'ouvrage inachevé. Ce roman suit de sept ans l’œuvre du chroniqueur bordelais républicain Théodore Blanc (1840-1880) qui, en 1870, avait fait paraître dans La Gironde du Dimanche le premier roman-feuilleton en langue d’oc jamais répertorié, Caoufrès, roman de guerre également inachevé après onze livraisons.
Pour le reste, les recettes de La Cadichounne ne diffèrent pas de celles des autres journaux satiriques de l’époque : attaques frontales, ton ricaneur, grinçant et cynique. Les candidats républicains sont moqués sur leurs physiques, leurs traits de caractère, leurs défauts (bégaiement, manque d’éloquence, irritabilité), leurs religions ou leurs engagements idéologiques. Des chansons, parfois d’origine, parfois détournées d’airs connus, émaillent le journal que viennent égayer les gravures de Barthélémy Gautier. Ces chansons sont impitoyables, comme les articles qui les accompagnent. Nous trouvons à plusieurs reprises le topos obligé de la scène des deux paysans, l’un – stupide – qui veut voter pour le candidat républicain et l’autre – intelligent et cultivé – qui l’incite au contraire à donner sa voix au candidat conservateur. Le rôle du bon sens et de la clairvoyance est parfois attribué à la propre épouse de l’idiot, qui fait voter son mari pour le camp « qu’il faut » sous la menace de son balai.
Druilhet/Mayan réitère chaque fin de numéro qu’il ne fera pas d’appels de fonds, qu’il s’en sortira tout seul, que La Cadichounne ne se donnera à personne, etc. Bien sûr, il est facile de remarquer l’épuisement des ressorts comiques, du propos et de la verve, surtout après le n°8 (jeudi 20 octobre), qui paraît au lendemain de la victoire écrasante des républicains en Gironde, dès le premier tour (il n’y aura pas besoin d’un second), et le n°11 (10 novembre), au lendemain des élections départementales et d’arrondissement, qui confirment la victoire républicaine. Le « Père Mayan » ne s’en relèvera pas et son journal non plus. Le 30 avril 1878 paraît le dernier numéro de La Cadichounne. Le journal achève sa seconde série, entamée en janvier. Deux mois de silence séparent donc les deux séries de La Cadichounne, mais en réalité tout les sépare. Le journal entièrement rédigé en langue d’oc, a laissé la place à un journal satirique en français, où ici et là vient s’ajouter un article gascon. La Cadichounne avait été créée pour un affrontement : celui-ci passé et perdu, elle n’a plus lieu d’exister. Eugène Druilhet-Lafargue lui aussi disparaît totalement des écrans à la suite de la mort de La Cadichounne. Déjà mystérieux, le personnage devient une énigme. Son nom disparaît des sociétés savantes qu’il fréquentait. Nous le retrouvons quelques années plus tard en Bretagne, où il fait fonction d'éditeur. Le lieu et la date de son décès sont inconnus.
Lo diluns 10 de setembre de 1877, dins un contèxte politic tendut entre republicans e reialistas, a la velha d’eleccions legislativas que s’anoncian virulentas, pareis per las carrièras de la capitala girondina un novèl jornal, clarament d’opinion reialista, entègrament redigit en occitan : La Cadichounne.
Lo nom causit se referís a l’univèrs del poèta gascon Mèste Verdièr e de las recardèiras, las mercadièras ambulantas bordalesas. Aquelas recardèiras an lo vèrbi naut e l’insulta aisida. Lo ton es balhat còp sec dins lo títol del jornal: s’agirà de faire pròva de parlar franc, de dire çò que l’òm pensa shens crenhença d’ofensar, e al besonh d’alucar la meca de la polemica. Lo cap-redactor, director e conceptor del jornal es un certan Eugène Druilhet-Lafargue.
Lo jornal pareis en doas serias primièr onze numèros del 10 de setembre al 17 de novembre de 1877, puèi 12 numèros (demest los quals nau solament nos son pervenguts) entre lo 15 de decembre de 1877 e lo 30 d’abrial de 1878, mas aquela segonda seria en realitat mòstra una Cadichounne qu’es venguda un jornal satiric en francés. amb qualques tèxtes occitans
La Cadichounne n’es pas lo primièr jornal entègrament publicat en occitan : la siá parucion es posteriora de dètz meses a la del periodic marsilhés Lou Tron de l’Èr, que lo primièr numèro ne’n pareis lo 6 de genièr de 1877. Pasmens La Cadichounne s’aficha coma un cas a despart, primièr del fach que se dona per ambicion d’èsser entègrament en occitan, dels títols a las publicitats finalas, sens un sol mòt de francés, e sustot que s’agís d’un jornal, d’opinion, un jornal politic (çò que n’èra pas Lou Tron de l’Èr). [imatge id=20685]
Lo contèxte es lo d’una crisi politica qu’entrainèt la quasi-paralisia de l’Estat: la crisi parlementària de 1876-1877, la quina vei la Republica en tant que fòrça politica prene vertadièrament lo poder, malgrat las temptativas del president legitimista Patrici de Mac Mahon. Las originas de la crisi remontan a son eleccion al printemps de 1873. Fàcia a la montada del camp republican, menat per Léon Gambetta, lo vielh marescal legitimista se regdís dens son actitud de “luòctenent general del reiaume”. Las eleccions legislativas de febrièr-març de 1876, previstas per las leis organicas de 1875 qu’instauran las basas de la IIIau Republica, confirman la butida republicana. Los prefèctes receben de directivas sevèras : interdiccion e sasidas de jornals, interpelacions.
En Gironda, lo prefècte Jacques de Tracy aplica amb rigor aquelas directivas. Gambeta, deputat de bordèu, fai votar lo 17 de mai una mocion de desfisança contra lo govèrn. Mac Mahon dissòlv la Cramba lo 25 de junh de 1877. Las novelas eleccions legislativas auràn luòc los 14 e 28 d’octobre. La campanha comença en setembre, marcada per una violéncia dens los escambis entre protagonistas dels dos camps. Es dins aquel contèxte qu’apareis La Cadichounne.
Amb las siás colomnas a la una (lo meteis format coma La Petita Gironda a la meteissa epòca), lo son gost prononciat pels títols tumadisses, pels dessenhs satirics, per los eslogans eficaces, La Cadichounne es un jornal d’afrontament, de polemica e de provocacion. Òm sentís que Druilhet a fargat son jornal coma o poguèt, un pauc de tris e de tras. Aquò’s un jornal de recuperacion, que recicla de materials d’autres organas de premsa emai de libres. Mas los articles son, eles, originals.
Per las siás illustracions, Druilhet iserís de nombrosas gravaduras pitorescas. Aqueras gravaduras ne son pas originalas, son pas estadas realizadas exprès per La Cadichounne. Venen dels Contes balzatois. Aqueles pichons contes vilatgeses an per encastre la vida rurala de dos pichons vilatges charanteses: Balsac e Vindèla. L’autor, Jean Condat digut Chapelot (1824-1908) a rescontrat un succès vertadièr a París amb aqueles pichons contes naiènts e umoristics. Fai apèl al dessenhaire en vòga Barthélémy Gautier (1846-1893) per illustrat sas istòrias. Gautier comença de se far un nom de dessenhaire dins la premsa parisiana : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amusant, La Vie parisienne, emai tanben Le Gaulois. Dins La Cadichounne son inseridas, a la fin de cada numèro, de publicitats (en occitan) pels contes de Chapelot. N’i a pas nada tralha coneguda d’una collaboracion oficiala entre Chapelot o Gautier e Druilhet-Lafargue, autorizant aqueste-aquí a reciclar las illustracions dels Contes balzatois. Lo dessenhaire n’es d’alhors citat a nat moment dins La Cadichounne coma estant autor de las gravaduras. Una simpla frasa, au bas de las publicitats, precisa que que lous imatges de La Cadichounne soun tirats d’aquets countes. Aquò’s dificile de dire se Druilhet aviá de verai l’autorizacion de reütilizar aquelas òbras. Dins tots los cas, aquò permet a La Cadichounne de s’ofrir per sas colomnas una “puntura” de la caricatura de premsa del temps.
Qu’es aquò qu’a poscut motivar Druilhet-Lafargue, reialista e catolic intransigent, a reciclar las illustracions dels contes de Chapelot, republican moderat e probable franc-maçon ? Rès ne nos permet pas d’o afirmar, mas probable la sola necessitat d’aver d’urgéncia d’illustracions de qualitat per son jornal en desborsicant lo mens possible, e pas rès se possible.
Eugène Druilhet-Lafargue es un personatge mal conegut. Proprietari, rentièr, Drulhet-Lafargue èra un publicista, un poligraf, amator esclairat a façon del sègle XIX, membre de mantas societats sabentas, publicant brocaduras e monografias sus de subjèctes autanplan dispariats coma la botanica, la biologia, la paleontologia, l’agronomia, la zoologia, la filosofia o encara l’arqueologia. Èra tanben musicaire, tocaire d’armonium en renomada. Sos quites adversaris saludan la siá “distinccion” e la siá elegància. Catolic militant, de sensibilitat orleanista, pròche de l’Òrdre Moral, Druilhet s’es mai d’un còp atacat al positivisme e al scientisme del sieu temps e sembla s’èsser afogat per la question de la conciliacion de las sciéncias e de la religion. Druilhet foguèt tanben un òme politic, puèi que foguèt candidat malurós a las eleccions legislativas a Bordèu de cap a Léon Gambetta en persona. Foguèt tanben un efemèr president de la comission municipala de Cauderan, exerçant per decret presidencial la fonccion de conse de la comuna.
Membre de mantas societats sapientas, en Gironda e enlà, Druilhet-Lafargue a poscut costejar al dintre de l’Academia de las Sciéncias, Bèlas-Letras e Arts de Bordèu qualques personalitats localas estacadas a l’occitan, coma l’abat Hyppolite Cauderan, l’abat Arnaud Ferrand, Achille Luchaire, Jules Delpit, Joan-Francés Bladèr o encara Léo Drouyn… Tanplan membre correspondent de la Societat de las Letras, Sciéncias e Arts d’Avairon, Druilhet i podiá rescontrar de personalitats estacadas a la causa de l’occitan, demest losquaus l’abat Justin Bessou (1845-1918), una figura pionièra del felibrige en Avairon.
Dins La Cadichounne, lo causit de l’occitan es justificat per un discors lingüistic que poiriam quasi qualificar de militant que s’ataca als enriquesits franchimands e desdenhan la lenga del parçan per fin de s’elevar en aparéncia sus l’escala sociala. Fornís tanben de donadas chifradas - fantasistas mas l’intencion es aquí - e de prepaus que renvian en granda partida a la tenguda, en octobre de 1861, de la vint-ochena sesilha del Congrès scientific de França, que los seus actes foguèron estampats a cò dels estampaires associats Coderc-Dégreteau-Poujol en 1864. Cabon notadament lo Mémoire sur les idiomes du Midi de la France en général, et sur celui du centre de la Guienne en particulier, de l’inspector de la Societat Francesa d’Arqueologia, Auguste du Peyrat, que sembla aver marca los esperits bordalés. Veirèm que lo contèxte bordalés, emai las relacions e los camps d’activitat de Druilhet-Lafargue explican aquela portada teorica e revendicativa. S’ajostan a aquò qu’existissiá alavetz al dintre de l’Academia de Bordèu mantas personalitats interessadas per l’estudi e la valorizacion de çò que començavan desjà de sonar la “lenga d’òc”, que las òbras completas de Verdié venián d’èsser tornadas estampar, apareis que Druilhet-Lafargue banhava dins un climat sensibilizat a l’occitan. Existissiá clarament dins lo Bordèu d’aquel temps un interès de certans intellectuals locals per l’occitan, malgrat que ne formèsson pas un “front” unificat. Druilhet, quora s’amusarà a atacar de jornals republicans bordaleses, recebrà d’alhors d’unes d’entre eles responsas mai o mens aimablas en occitan. Notèm pasmens qu’un (o una) dels cronicaires (-ras) del jornal signa “Clémence-Isaure”, del nom de la fondatritz mitica del Consistòri del Gai Saber de Tolosa.
Aquel element explica que, sol de tot lo paisatge de la premsa bordalesa, Druilhet-Lafargue fasca mòstra dins lo seu jornal d’una apròcha reflexica sus l’occitan, o pr’èsser exact, qu’utilize un discors tendent a valorizar l’occitan coma argument contra sos detractors.
Per tant qu’a la lenga, aquò’s plan d’occitan bordalés qu’es emplegat. Druilhet n’es pas particulariament atentiu a la qualitat de la siá lenga, aquò lo mens que poscan dire: gallicismes, barbarismes e marganhas de sintaxi malhan un occitan que l’òm ressentís pasmens coma autentic. Grumilheja per alhors d’expressions idiomaticas e de localismes. Unes cronicaires - que s’agisca de Druilhet el-meteis o non - revendican una quita apartenença locala, l’emplec del parlar “pishadèir”, aquò’s a dire lo del barri Sant-Miquèl. I a dens La Cadichounne o avem dich una dimenson engatjada, que’n fa non solament lo primièr jornal politic de lenga occitana, mas lo primièr jornal d’aquela mena a portar un discors revendicatiu sus l’occitan. A partir del n°3 (22 de setembre), pareis de mai dins cada numèro de La Cadichounne un extrach de l’Essai grammatical sur le gascon de Bordeaux. Guillaoumet debingut grammérien (Bordèu, Coderc-Dégreteau-Poujol, 1867) de Guilhaume Dador. Aquela preséncia se pòt analizar de mai d’una faiçon: besonh d’enriquesir lo contengut del jornal, viste a cort d’’informacions a mesura que las escasenças per lasqualas èra nascut passan; pairinatge d’un autor d’expression occitan plan conegut a Bordèu dins los mitans catolics, mas taben benlèu interès simplament pedagogic, per una grammatica “del pòble”, accessibla malgrat sos defauts. La Cadichounne se malha donc d’una dimension suplementària, a pretencion pedagogica : òm i pòt trobar un quite cors d’occitan en fulheton.
Amb lo temps e la necessitat de variar lo contengut per ne pas alassar lo public, vesèm aparéisser de contribucions dins d’autras variantas de l’occitan : en parlar de Vasadés, puèi de Libornés primièr. Puèi, dins los darnièrs numèros, rescontrèm de tèxtes de l’abat Léon Maumen (1803-1888) d’Aira, figura del partit catolic dins Landas, e un quite poèma nimés, extrach de L’Embarras de la fieiro de Beaucaire celèbre tèxte de 1657, per Jan Michel (1603-1689), dins la siá edicion de 1700, que Druilhet a probable tirat de sas coneissenças filologicas occitanas. De vèrsa la meteissa epòca, Druilhet combla de voides de mai en mai badants dins las colomnas de La Cadichounne en i fasent paréisser de largs extraches dels Usages et chansons populaires de l'ancien Bazadais: Baptêmes, noces, moissons, enterrements de Lamarque de Plaisance (Bordèu, Balarac, 1845). Lo jornal, malgrat que siasque sul descreis, revestís donc en pareissença una dimension panoccitana inatenduda. Mas ben de verai, totes aqueles artifcis ne servisson pas qu’a amagar una realitat que n’es que visibla de tròp : l’occitan recula, al profièch d’articles en francés, e ne se redusís lèu qu’a un o dos tèxtes, una cançon, al mièg d’un jornal quasiment francofòn.
La Cadichounne presenta aital dins la sias colomnas, dins lo corrent del mes de setembre de 1877, un roman-fulheton, qu’es lo segond en lenga occitana conegut. Aquò’s un roman d’inspiracion realista e de l’atmosfèra sorna, que n’es pas sens rapelar los estíles de Ponson du Terrail o d’Eugène Sue : Lou Curt daous praoubes, signat Suzanne Blanc dicha Mayan. Los tres primièrs fulhetons tan solament foguèren publicats dins las colomnas de La Cadichounne, daissant l’obratge inacabat. Aquel roman seguís de sèt ans l’òbra del cronicaire bordalés republican (1840-1880) qui, en 1871, aviá fach paréisser dins La Gironde du Dimanche lo primièr roman-fulheton en lenga d’òc jamai repertoriat, Caoufrès, roman de guèrra tanben inacabat aprèp onze liurasons.
Per la rèsta, las receptas de La Cadichounne non diferisson pas briga de las dels autres jornals satirics del temps: atacas frontalas, ton richonièr, grinçant e cinic. Los candidats republicans son escarnits sus lors fisics, lors traches de caractèr, lors defauts (quequejadís, manca d’eloquéncia, irritabilitat), lors religions o lors engatjaments ideologics. De cançons, a còps d’origina, a còps destornadas d’aires coneguts, malhan lo jornal que venen esgaiar las gravaduras de Barthélémy Gautier. Aquelas cançons son impietadosas, tanben coma los articles que las acompanhan. Trobèm mai d’un còp lo tòpos obligat de la scèna dels dos pageses, l’un - estupide - que vòl votar pel candidat republican e l’autre - intelligent e cultivat - qui l’incita a l’encontra a balhar la siá votz al candidat conservador. Lo ròtle del bon sens e de la clarvesença es de còps que i a atribuît a la pròpra esposa del pèc, que fa votar son marit pel camp “de que cal” jos la menaça de son escoba.
Druilhet/Mayan reïtèra a cada fin de numèro que ne farà pas cap de crida de fons, que se’n sortirà tot sol, que La Cadichounne ne se balharà pas a degun, eca. Segur, es de bon avisar l’afanament dels ressòrts comics, del prepaus emai de la vèrbia, mai que mai aprèp lo n°8 (dijaus 20 d’octobre), qui pareis a l’endeman de la victòria escrasenta dels republicans en Gironda, tanlèu lo primièr torn (n’i n’aurà pas besonh d’un segond), e lo n°11 (10 de novembre), a l’endeman de las eleccions departamentalas e d’arrondiment, que confirman la victòria republicana. Lo “Père Mayan” ne se’n relevarà pas nimai lo son jornal. Lo 30 d’abriu de 1878 pareis lo darnièr numèro de La Cadichounne. Lo jornal acaba la siá segonda seria, entamenada en genièr. Dos meses de silenci desseparan donc las doas serias de La Cadichounne, mas en realitat tot las dessepara. Lo jornal entègrament redigit en lenga d’òc, a daissat la plaça a un jornal satiric en francés, on aicí e alà se venon ajostar un article gascon. La Cadichounne èra estada creada per un afrontament: aqueste-aicí passat e perdut, n’a pas mai de rason d’existir. Eugène Druilhet-Lafargue el tanben desapareis totalament dels ecrans en seguida de la mòrt de La Cadichounne. Jà misteriós, lo personatge ven una enigma. Lo son nom desapareis de las societats sabentas que frequenava. Lo retrobèm qualques annadas mai tard en Bretanha, onte fai fonccion d’editor. Lo luòc emai la data de son decès son desconeguts.