Puis, il y eut la cérémonie au funérarium : le choix de l'urne, rouge et jaune. Les amis de Vincent qui n'étaient évidemment pas des jeunes ont chanté le « se canta » et leurs petits enfants ont chanté avec eux : le monde changeait, peut-être que les troubadours revenaient, hourra !
Je pense que tout ceci aurait fait plaisir à l'oncle.
Au moment de partir, quand les discours furent terminés, la vieille Julia voulut chanter (certains disent que quand elle était jeune, elle était amoureuse de Vincent) cette chanson cévenole que j'aimais tant :
Quand un jour tu sentiras que l'âge réveille
De plus en plus en toi des souffrances diverses
Las de bêcher ce sol ingrat comme un désert
A l'appel du repos tu tendras l'oreille
Le temps aboutira ton corps devenu trop vieux
Et par dessus ta tombe
Et dominant la plaine
La pointe d'un cyprès
Laissera voir le ciel
Le temps aboutira
Ton corps devenu trop vieux
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
Toute fleurie d'immortelles
à deux pas de ton mas
Où l'on entend si fort
Souffler la tramontane
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
L'astre qui nous réchauffe et nous ensoleille
Sera ton compagnon
L'été comme l'hiver.....
Nous l'avons laissée terminer la chanson seule et nous sommes partis.
Nous sommes allés tous ensemble avec l'urne et j'ai fait ce que m'avait demandé Vincent : j'ai éparpillé les cendres dans le ruisseau de la Vire. Je ne sais pas si j'avais le droit ! Les gens étaient surpris mais disaient : C'est lui qui l'a voulu. Il est parti tranquille, sans souffrir : aller se coucher le soir, et sans se réveiller le matin, dormir pour l'éternité....Cocagne !
Puis nous sommes rentrés à la maison où Mathilde nous attendait avec l'apéritif. Elle avait une jolie robe grise. Tout le monde m'a demandé qui était cette fille si jolie : j'ai continué d'affirmer que c'était ma filleule, la fille d'une amie d'école, Lucienne. Mathilde ne disait rien, elle faisait simplement des sourires à tout le monde.
J'avais décidé que j'aurais une discussion avec elle dans la soirée.
-« Et que vas-tu faire maintenant que tu as de l'argent, Jeanne : la charité, la vie, l'artiste ? Tu as une jolie voix ! Il te faudrait essayer d'aller au conservatoire de Montpellier. On ne sait jamais.... Il n'y a pas d'âge pour chanter et surtout pour se faire plaisir. » •
Celui qui me disait tout ça était René - mon amoureux! - dont, pécaire, la femme, Rosette était morte l'an passé et qui c'était sûr aurait bien aimé trouver une compagne de son âge, surtout avec un peu d'argent. Souvenir! souvenir : peut-être qu'il me plaisait quand j'étais jeune mais aujourd'hui...
Le cousin Paul et Denise, sa femme, étaient très contents de l'accord que nous avions conclu chez le notaire :
- « Merci Jeanne pour le loyer si bas : avec les problèmes de la viticulture peut-être qu'il me faudra tout arracher et faire un potager. Denise ira vendre sur le marché. » • «
Sûr que ça me plaira plus que de travailler au supermarché ! ».
« On essayera le bio, aujourd'hui il n'y a que ça qui marche, et encore plus pour le vin... Et toi, que vas-tu faire de ton temps, des terres et de la maison de Vincent ? Il t'a laissé de l'argent ? «
"Oui ! Je ne peux rien te dire de plus aujourd'hui. Mais je te promets que si un jour je vends les terres, c’est toi qui seras le premier informé."
« Merci pour tout ! »
À 8 heures tout le monde était parti : le dernier à s'en aller était René. Il vint me faire une bise, il avait bu un coup et me dit sur le pas de la porte :
« Si un jour tu en as assez d'être seule, ça me ferait plaisir de vivre avec toi. Tu sais bien que je t'aime depuis toujours ! » «
Tais-toi grand imbécile ! Une fois ça suffit : c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie ! Adieu ! »
Je fermai la porte sur ce pauvre René. Nous avons fait le ménage et avons mangé un morceau.
« Et maintenant Mathilde, il est temps de parler. Si vous voulez rester avec moi, je dois savoir d'où vous venez et tout ce que vous avez fait dans votre vie. »
« Je ne sais pas si je peux : j'ai peur... » « Vous n'avez pas le choix, sinon demain il me faudra vous demander de partir. »
« Non ! Je veux rester ici. Je me sens si heureuse avec vous. C'est comme si j'étais avec une mère, vous comprenez... »
]]>Texte de l'épisode 4 :
Et toute la nuit j'ai vu courir des cauchemars à califourchon sur des mules : mes aïeux, communistes du côté de mon père et huguenots des Cévennes du côté de ma mère, étaient furieux. Le matin, mes cheveux étaient dressés sur ma tête : il me fallait réfléchir : comment faire pour ne rien laisser après mon dernier souffle. Je ne pouvais pas digérer la chose entendue chez Maître Bardot : après moi, l'église catholique et romaine allait tout avaler, les papistes !
Puis, il y eut la cérémonie au funérarium : le choix de l'urne, rouge et jaune. Les amis de Vincent qui n'étaient évidemment pas des jeunes ont chanté le « se canta » et leurs petits enfants ont chanté avec eux : le monde changeait, peut-être que les troubadours revenaient, hourra !
Je pense que tout ceci aurait fait plaisir à l'oncle.
Au moment de partir, quand les discours furent terminés, la vieille Julia voulut chanter (certains disent que quand elle était jeune, elle était amoureuse de Vincent) cette chanson cévenole que j'aimais tant :
Quand un jour tu sentiras que l'âge réveille
De plus en plus en toi des souffrances diverses
Las de bêcher ce sol ingrat comme un désert
A l'appel du repos tu tendras l'oreille
Le temps aboutira ton corps devenu trop vieux
Et par dessus ta tombe
Et dominant la plaine
La pointe d'un cyprès
Laissera voir le ciel
Le temps aboutira
Ton corps devenu trop vieux
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
Toute fleurie d'immortelles
à deux pas de ton mas
Où l'on entend si fort
Souffler la tramontane
Alors on t'enterrera dans la terre en friches
L'astre qui nous réchauffe et nous ensoleille
Sera ton compagnon
L'été comme l'hiver.....
Nous l'avons laissée terminer la chanson seule et nous sommes partis.
Nous sommes allés tous ensemble avec l'urne et j'ai fait ce que m'avait demandé Vincent : j'ai éparpillé les cendres dans le ruisseau de la Vire. Je ne sais pas si j'avais le droit ! Les gens étaient surpris mais disaient : C'est lui qui l'a voulu. Il est parti tranquille, sans souffrir : aller se coucher le soir, et sans se réveiller le matin, dormir pour l'éternité....Cocagne !
Puis nous sommes rentrés à la maison où Mathilde nous attendait avec l'apéritif. Elle avait une jolie robe grise. Tout le monde m'a demandé qui était cette fille si jolie : j'ai continué d'affirmer que c'était ma filleule, la fille d'une amie d'école, Lucienne. Mathilde ne disait rien, elle faisait simplement des sourires à tout le monde.
J'avais décidé que j'aurais une discussion avec elle dans la soirée.
-« Et que vas-tu faire maintenant que tu as de l'argent, Jeanne : la charité, la vie, l'artiste ? Tu as une jolie voix ! Il te faudrait essayer d'aller au conservatoire de Montpellier. On ne sait jamais.... Il n'y a pas d'âge pour chanter et surtout pour se faire plaisir. » •
Celui qui me disait tout ça était René - mon amoureux! - dont, pécaire, la femme, Rosette était morte l'an passé et qui c'était sûr aurait bien aimé trouver une compagne de son âge, surtout avec un peu d'argent. Souvenir! souvenir : peut-être qu'il me plaisait quand j'étais jeune mais aujourd'hui...
Le cousin Paul et Denise, sa femme, étaient très contents de l'accord que nous avions conclu chez le notaire :
- « Merci Jeanne pour le loyer si bas : avec les problèmes de la viticulture peut-être qu'il me faudra tout arracher et faire un potager. Denise ira vendre sur le marché. » • «
Sûr que ça me plaira plus que de travailler au supermarché ! ».
« On essayera le bio, aujourd'hui il n'y a que ça qui marche, et encore plus pour le vin... Et toi, que vas-tu faire de ton temps, des terres et de la maison de Vincent ? Il t'a laissé de l'argent ? «
"Oui ! Je ne peux rien te dire de plus aujourd'hui. Mais je te promets que si un jour je vends les terres, c’est toi qui seras le premier informé."
« Merci pour tout ! »
À 8 heures tout le monde était parti : le dernier à s'en aller était René. Il vint me faire une bise, il avait bu un coup et me dit sur le pas de la porte :
« Si un jour tu en as assez d'être seule, ça me ferait plaisir de vivre avec toi. Tu sais bien que je t'aime depuis toujours ! » «
Tais-toi grand imbécile ! Une fois ça suffit : c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie ! Adieu ! »
Je fermai la porte sur ce pauvre René. Nous avons fait le ménage et avons mangé un morceau.
« Et maintenant Mathilde, il est temps de parler. Si vous voulez rester avec moi, je dois savoir d'où vous venez et tout ce que vous avez fait dans votre vie. »
« Je ne sais pas si je peux : j'ai peur... » « Vous n'avez pas le choix, sinon demain il me faudra vous demander de partir. »
« Non ! Je veux rester ici. Je me sens si heureuse avec vous. C'est comme si j'étais avec une mère, vous comprenez... »
Tèxte de l'episòdi 4 :
E tota la nèit ai vist córrer de cachavièlhas d’escambarlon sus de muòlas : mos aujòls, comunistas del costat de mon paire e uganauds de las Cevènas del costat de la maire, èran furioses. Lo matin mos pels èran dreches sus ma tèsta : me caliá soscar d’a fons per res laissar aprèp mon darrièr buf. Podiái pas digerir la causa ausida encò de mèstre Bardòt : aprèp ieu la glèisa catolica e romana anava tot engolir, los papistas!
Puèi i aguèt la ceremonia al funerarium : la causida de l’urna, roja e jaune. Los amics de Vincenç qu’èran evidentament pas de joines an cantat lo « se canta » e lors felens tanben an cantat amb eles : lo mond cambiava, benlèu que los trobadors tornavan, òsca !
Pensi que tot aquò auriá fach plaser a l’oncle.
Al moment de partir quand las charadissas foguèron acabadas, la vielha Julia a volgut cantar (n’i a que dison que quand èra joina èra amorosa del Vincenç) aquela cançon cevenola que m’agrada tant :
Quand un còp sentiràs que l’atge desrevelha
De mai en mai en tu de patiments divers
Las de fóire aquel sòl ingrat com’un desert
A l’apèl dau repaus apararàs l’aurelha
Lo temps abotirà ton còr vengut tròp vièlh
E per dessús ton cròs
E dominant la plana
La poncha d’un ciprès
Farà veire lo cèl
Lo temps abotirà
Ton còr vengut trop vièlh
Alòr t’enterraràn per amont dins l’ermàs
Tot florit d’imortèlas a dos pas de ton mas
Onte s’ausís pron fòrt
Bufar la tramontana
Alòr t’enterraràn per amont dins l’ermàs
L’astre que nos rescaufa e que nos ensorelha
Sarà ton companhon
Tan l’estiu que l’ivèrn
L’avèm laissada acabar la canson soleta e sèm partits.
Sèm anats totes ensems amb l’urna e ai fach çò que m’aviá demandat lo Vincenç : ai esparpalhat los cendres dins lo riu de Vire. Sabi pas s’aviái lo drech !
Las gens èran susprès mas diguèron : Es el que l’a volgut. Es partit tranquil, sens sofrir… Anar se colcar lo ser, e sens se desrevelhar lo matin… Dormir per l’eternitat…..Caucanha !
Puèi sèm tornat a l’ostal onte Matilda nos esperava ambe l’aperitiu. Aviá una polida rauba grisa. Tot lo mond m’a demandat quala èra aquela filha tan polida : ai contunhat d’afortir qu’èra ma filhòla, la filha d’una amiga d’escòla, Luciena. Matilda diguèt res, fasiá simplament de sorires a tota l’assemblada.
Aviái decidit qu’auriái una discutida amb ela dins la serada.
- "E de qué vas faire ara qu’as d’argent Joana : la caritat, la vida, l’artista ? As una polida votz! Te caldriá ensajar d’anar al conservatòri de Montpelhièr. Òm sap pas jamai….I pas d’atge per cantar e subretot per se faire plaser.
Lo que me disiá tot aquò èra lo Renat – mon amorós - que pecaire sa femna, la Roseta, èra mòrta l’an passat e que de segur li auriá plan agradat de trapar una companha de son atge, subretot amb un pauc de moneda. Sovenir ! Sovenir : benlèu que m’aviá agradat quand èri joina mas ara…
Lo cosin Paul e Danisa, sa femna, èran fòrça contents de la pacha qu’aviam facha encò del notari :
- "Mercé Joana per la renda tan pichòta : ambe los problèmas de la vinha benlèu que me caldrà tot derabar e faire un òrt. Danisa anarà vendre sus lo mercat."
- "Segur que m’agradarà mai que de trabalhar al supermercat !"
- "Ensajarem lo biò, ara i a pas qu’aquò que marcha, e mai per lo vin….E tu de qué vas faire de ton temps, de las tèrras e de l’ostal del Vincenç ? T’a daissat d’argent ?
- "Òc ! Te pòdi pas res dire uèi. Mas te prometi que se un jorn vendi las tèrras es tu que seràs lo primièr avisat."
- "Mercé per tot !"
A 8 oras tot lo mond èra partit : lo darrièr a se n’anar èra lo Renat. Me venguèt faire un poton de prèp, aviá begut un còp e me diguèt sus lo pas de la pòrta :
- "S’un jorn n’as pron d’èstre soleta, me fariá plaser de viure ambe tu. O sabes ben que t’aimi dempuèi totjorn !"
- "Taisa-te grand tablèu! Un còp e pas mai : es totjorn çò qu’ai fach dins ma vida ! Adieussiatz !"
Ai tancat la pòrta sus aquel paure Renat. Avèm fach lo recapte, avèm manjat un bocin.
- "E ara Matilda, es temps de parlar. Se volètz demorar amb ieu devi saupre d’onte venètz e tot çò qu’avètz fach dins vòstra vida."
- "Sabi pas se pòdi : ai paur…"
- "Avètz pas d’autra causida, autrament deman me caldrà vos dire de partir."
- "Non pas ! vòli demorar aicí. Me senti tant urosa ambe vos. Es coma s’èri amb una maire, comprenètz…"