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Auteur : Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
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/ Data : 2014

Sommaire

1. Un symbole sacré
2. Vocabulaire et expressions en occitan
3. Pour en savoir plus : bibliographie sélective

La coquille Saint-Jacques (pecten maximus de son nom savant, donné par le naturaliste Linné au XVIIIe siècle) est un coquillage de l'Atlantique Nord. En France, c'est sur les littoraux bretons, normands et du Nord-Pas-de-Calais que la production en est la plus importante. Associée au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, la coquille est également le symbole du Mont-Saint-Michel, comme en témoignent les nombreuses coquilles figurant sur les parures et vêtements des chevaliers de l'ordre de Saint-Michel dans les représentations du XVe siècle (voir ci-contre). La Méditerranée a aussi sa coquille : le pecten jacobaeus (qui doit justement son nom à saint Jacques), petite sœur de la véritable « grande coquille » . 

1) Un symbole sacré 

Dans l'Antiquité

Dès l'Antiquité, la coquille Saint-Jacques est un symbole de fécondité, qu'on retrouve notamment associé à la déesse Aphrodite (chez les Grecs) ou Vénus (chez les Romains). Aphrodite / Vénus est née de l'écume, selon Hésiode ; le motif de la coquille géante enfantant la déesse apparaît plus tardivement. On le trouve par exemple dans la célèbre fresque, datée du IIIe siècle, de la Maison de Vénus à la coquille à Pompéi (voir ci-dessous).

Copie de la "Vénus anadyomène" de Pompéi / Source : Wikimedia


Un symbole de piété chrétienne

Assez naturellement, la coquille est adoptée par les chrétiens comme symbole de résurrection. Elle constitue un motif d'ornementation très courant des édifices et du mobilier religieux, mais c'est avec l'extraordinaire développement du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, à partir du XIe siècle, qu'elle devient un emblème religieux majeur de l'Occident chrétien. Pendue à leur cou ou cousue sur leurs vêtements et chapeaux, elle représente un signe distinctif permettant aux pèlerins de Saint-Jacques qui sillonnent la France et l’Espagne de se désaltérer, de se nourrir et de mendier durant leur périple. La coquille devient dès lors un symbole de grande piété. On la retrouve sur les blasons des cités et les armoiries des croisés.  C'est à cette période qu'elle devient « coquille Saint-Jacques ».

Les premières mentions de la coquille comme attribut du pèlerin de Saint-Jacques figurent dans le Codex calixtinus et suggèrent que la tradition remonterait au XIe siècle. L'auteur du sermon du « Veneranda dies » fait de la coquille en forme de mains ouvertes un symbole des bonnes œuvres. Il indique plusieurs noms donnés par les pélerins à ces coquillages que l'on trouve sur le littoral de Saint-Jacques-de-Compostelle : « veras » ou « vieiras », appellation locale encore en usage en galicien aujourd'hui ; « crusillas » en français ; « nidulas » pour les « Provençaux » (terme désignant tous les pèlerins de langue d'oc, pas seulement ceux issus de la Provence moderne). Nous n'avons pas trouvé d'autres occurrences du terme « nidulas » évoqué par l'auteur du sermon.  

2) Vocabulaire et expressions en occitan

Bien qu'absent de la littérature culinaire occitane (il semble normal que la coquille Saint-Jacques, mets de luxe caractéristique des régions de l'Atlantique Nord, ne figure pas dans les écrits gastronomiques anciens), le terme générique idoine serait « cauquilha de Sant Jaume (ou Jacme) ». Mais on relève également des termes spécifiques et historiques, en particulier « pelerina » (ou « pelegrina »), présent notamment dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral : « coquillage dont les pèlerins ornent leur pèlerine ». Une étude sur les coquilles Saint-Jacques parue en 1930 (E. PRIOL) suggère qu'on les appellerait dans la région de Port-Vendres des « patcharinas » (publiée dans : Revue des Travaux de l'Institut des Pêches Maritimes (0035-2276) (ISTPM), 1930-06 , Vol. 3 , N. 2 , P. 143-173). Ce terme, inconnu des autres sources lexicographiques, semble cependant erroné. Il est probable que l'auteur est transcrit phonétiquement "pagelina" qui désigne effectivement sur le littoral languedocien et provençal un petit coquillage dont la forme est proche de la coquille Saint-Jacques.

On trouve parfois dans les dictionnaires occitans le terme « arcèli » mais il s'agit d'un autre coquillage, de type palourde : le « lavignon » ou « lavagnon », très courant en Charente-Maritime.

À noter, cette expression relevée dans le Trésor du Félibrige : « A pelerin fau pas vèndre couquiho » (graphie originale de l'auteur, en graphie classique « A pelegrin fau pas vendre cauquilha »).

Coquilles Saint-Jacques dans d'autres langues romanes (source WORMS) :

vieira galicien, petxina de pelegrí, peregrina (catalan), conchiglia di San Giacomo, conchiglia dei pellerini, cappasanta, capa santa (italien)

Qualques cauquilhatges corrents en Occitània mediterranèana : 

- Clausissa o clauvissa : les fameuses « clovisses », très courantes dans la cuisine du littoral provençal et languedocien, spécialité du bassin de Thau (Sète), qui se cuisinent en persillade.

- Los muscles : les moules

- Las tenilhas ou telinas : devenues « tellines » ou « ténilles » en français (en Languedoc, on emploie plutôt « ténilles », d'après le terme occitan original). Le plus petit des coquillages qui vit dans le sable. Il se cuisine traditionnellement en persillade.

- Las ustras : les huîtres 

3) Pour en savoir plus  : bibliographie sélective 

Le vocabulaire occitan des poissons et coquillages

- Un lexique occitan très complet des termes de pêches, des poissons et des coquillages de la région marseillaise (occitan provençal, graphie phonétisante)

L. PILA, Pei e Pesco daou gou de Marsiho ; Marsiho : Louis Pally ; Nice : J. de Fays, 1911. (Consultable sur le site du Ciel d'oc)

- Le Trésor du Félibrige :  contient également de nombreux termes liés à la pêche, aux poissons et aux coquillages

Quelques livres de recettes en occitan 

BERTINO (Andrée) e VALLA (Fredo), 18 menú d'Occitània dediats a 18 grandas fremas de l'estòria occitana, Roccabruna : Chambra d'òc, 2006. (occitan/italien/français/anglais)

-  MONTAGNE (Prosper), Le festin occitan, Villelongue d'Aude : Atelier du Gué, 1980. (contient des textes et du vocabulaire en occitan)

- MONTAGNE (Prosper), Gastronomie méridionale : littérature, art culinaire et recettes,Villelongue-d'Aude : Atelier du Gué, 1999. (contient des textes et du vocabulaire en occitan)

 - REBOUL (Jean-Baptiste), La cuisinière provençale, Marseille, Tacussel, 1985 (contient du vocabulaire et un lexique des termes de cuisine en provençal)

  

 Languedoc

- BRAS (Mireille), Afogassets, o l'art de beure pas tot sol, Carcassona : Institut d'Estudis Occitans Aude, 1996. - DUCONQUERE (Marie-Paule), La cosina occitana del país d'Agde, Picapol : Escòla Occitana d'Estiu, 1987. (occitan/français)  - GUILHEM (Henriette), La cosina a vista de nas, Valence d'Albigeois : Vent Terral, 2000.  - MOULY (Charles), La cuisine de Catinou, Portet-sur-Garonne : Loubatières, 2000. 

- Secrets de cuisine : à la recherche des spécialités culinaires traditionnelles, Gruissan : MJC, 2012. - Còcas e cocons : pâtisseries occitanes : Quercy-Rouergue-Albigeois, Cordas : Association Cordae-La Talvera, 1998. (occitan/français)

 - Liquors e confiments : Liqueurs et confitures occitanes : Quercy-Rouergue-Albigeois, Cordas : Association Cordae-La Talvera, [2000]. (occitan/français)- Sopas e menudalhas : recettes occitanes de soupes et légumes : Quercy, Rouergue, Albigeois, Cordes : Association Cordae-La Talvera, [200?]. (occitan/français) - Carns e salvatgina : recettes occitanes de viandes et de gibier : Quercy, Rouergue, Albigeois, Cordes : Association Cordae-La Talvera, [2003?]. (occitan/français) 

Limousin

- ROSSI-LAGORCE (Régine), Bouligou et farcidure : le cahier d'une gourmande en Limousin, Lamazière-Basse : Maï͏ade, 2004. (occitan/français) - ROSSI-LAGORCE (Régine), Brejauda e clafotis : le nouveau cahier d'une gourmande en Limousin, Lamazière-Basse : Maï͏ade, 2004. (occitan/français) 

Périgord

- VERGE-ALLARD (Gisela), Cosinar dens la cheminea, Puylaurens : IEO ; Ribérac : Novelum ed., 2007.

Gascogne

 - PALAY (Simin), Autour de la table béarnaise : traditions, coutumes, terminologie, proverbes et dictons, Pau : Princi negue : Institut béarnais et gascon, 2004. (contient des textes et du vocabulaire en gascon) 

Vallées occitanes d'Italie

- BERTINO (Andrée) e VALLA (Fredo), Recetari occitan : 50 recetas de las valadas occitanas, Venasca : Ousitanio vivo, 1997. (occitan/italien/français)

Provence

- CHANOT-BULLIER (Calistino), Vieii receto de cousino prouvençalo, Marseille : Tacussel, 1976 (occitan/français) - NAZET (Marion), Misé Lipeto : le calendrier gourmand de la cuisine provençale d'hier et d'aujourd'hui , Marseille : J. Laffitte, 2005 (2 vol.) (français/occitan) 


Mise en ligne : 11/03/2014
Tipe : Dorsièr virtual / Data : 2013

Ce TÈMA(S) n°3 a été préparé par les bibliothécaires du CIRDÒC-Mediatèca occitana en septembre 2013, à l'occasion du VIIIe centenaire de la bataille de Muret.

Mise en ligne : 12/09/2013
Tipe : Article biografic / Data : 2011

Nicolas Saboly est sans conteste le rédacteur de noëls - cantiques en langue vulgaire célébrant la Nativité - le plus connu aujourd'hui. Réputé au XVIIe siècle pour la saveur de ses textes, il apparaît aujourd'hui comme le principal acteur de la tradition provençale autour de Noël. 

La tradition des chants de noël 

Le genre des noëls, apparu au XIe siècle, rencontra à l'époque un grand succès. Les noëls étaient alors les seuls chants en langue vulgaire autorisés dans les églises, compréhensibles par le plus grand nombre. Pouvant s'inspirer de sujets d'actualité ou des coutumes locales, ils sortent du champ liturgique pour s'imposer en tant que véritables airs populaires. 

Chaque grande ville, chaque région avait dans le courant du XVe et du XVIe siècle son noëlliste attitré qui, chaque année, aux alentours du 25 décembre, publiait ses cantiques. Parmi ces noëllistes, figuraient des membres du corps ecclésiatistique, des organistes mais aussi quelques clercs, souvent compositeurs d'airs populaires. 

Nicolas Saboly, sa vie 

Nicolas Saboly, est pour sa part un noëlliste provençal. Il naît dans le Comtat Venaissin, à Monteux, le 30 janvier 1614 dans une famille de consuls. 

Issu d'une famille d'éleveurs, il grandit au milieu des bergers et des troupeaux de moutons. 

Destiné à l'état ecclésiastique, il entre très tôt au collège de Carpentras chez les jésuites avant d'être nommé à 19 ans recteur de la chapellenie de Sainte-Marie Madeleine, fondée au maître-autel de la cathédrale Saint-Siffrein à Carpentras. 

En 1635 il est appelé au sous-diaconat, diaconat et prêtrise avant d'être nommé maître de chapelle et organiste de la cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras. 

La publication des noëls 

C'est à cette date que Nicolas Saboly semble avoir commencé à composer ses noëls, dans un premier temps pour ses intimes, puis publiés plus tardivement.  

Il ne nous reste aujourd'hui aucune trace des manuscrits de Nicolas Saboly mais on sait que ses noëls ont été publiés de son vivant entre 1669 et 1674, chaque année sous la forme de petits fascicules. En tout, un peu plus d'une cinquantaine de noëls lui sont attribués, tous écrits en langue occitane. 

Nicolas Saboly aurait composé très peu de musiques pour accompagner ses noëls. Il était alors de tradition d'écrire les paroles des chants sur des airs populaires empruntés à d'autres compositeurs ou à des airs d'église. Nicolas Saboly a souvent repris des airs à la mode pour accompagner ses compositions. En témoigne son cantique « La Bona Novela » dont la trame musicale s'appuie sur une gavotte de Praetorius devenue ensuite l'air d'une bourrée à deux temps en Berry : « En passant la rivière ». 

Ainsi, seules une dizaine de mélodies auraient été composées par l'auteur pour accompagner ses chants. 

Le contenu des noëls 

Par le biais de ses noëls, Nicolas Saboly déplace la scène de la Nativité en Provence, en lui confiant tous les attributs de la coutume comtadine. 

La plupart de ses cantiques font apparaître des bergers, venant des coteaux du Comtat Venaissin. Ce sont ses propres contemporains qu'il met ainsi en scène reprenant dans ses noëls leur parler, leurs moeurs, leurs habitudes mais aussi leurs légendes et des aspects de leur religion populaire. 

Dans ses poésies d'inspiration populaire, apparaissent régulièrement des éléments d'actualité. Ses sentiments politiques ont même pu apparaître dans certains noëls, notamment son attachement aux "Pévoulins", gens du petit peuple meneurs d'une révolte en Avignon en 1653 contre les "Pessugaux", soutiens de l'administration pontificale. Un des premiers noëls qui lui est attribué, « Nouvé de l'an 1660 après le mariage de Louis XIV », outre son titre, évoque également dans son contenu le mariage du roi et la conclusion du traité des Pyrénées, marquant la fin de la guerre de Trente Ans. Dans l' «Estrange Deluge » publié en 1674, il fait allusion à la terrible inondation d'Avignon survenue la même année. Enfin, dans « La miejo nue sounavo » publiée en 1672, il fait référence à la Guerre de Hollande commencée la même année. 

Enfin, on ne peut pas ignorer l'aspect éminement satirique des textes de Nicolas Saboly, ce dernier dotant souvent ses écrits de traits moqueurs et critiques contres les prêtres, les gens du monde, les nobles et magistrats, les riches et les pauvres. Ainsi un de ses noëls les plus célèbres, « I a proun de gens » (connu aussi sous le titre « La cambo ma fa mal ») aurait été rédigé pour se moquer d'un curé boiteux dans l'entourage proche de l'organiste de Carpentras. 

Le dernier recueil de noëls de Nicolas Saboly sera publié en 1674 mais tous ses cantiques se sont largement répandus dans la culture populaire avant d'être transmis jusqu'à nous aux côtés des noëls de Natalis Cordat (1610-1663) ou encore ceux de N.D. Des Doms.

Pour aller plus loin...

Voir les partitions des noëls de Saboly sur Occitanica.

Voir sur Lo Trobador, toutes les éditions des noëls de Saboly.

Voir sur Lo Trobador tous les ouvrages sur la vie et l'œuvre de Saboly.

Mise en ligne : 13/12/2011
Tipe : Dorsièr virtual / Data : 2013

À l’occasion des commémorations du 70e anniversaire de la mort de Jean Moulin, le CIRDOC-Mediatèca occitana, situé sur la même place que sa maison natale, avait proposé un éclairage sur un aspect méconnu de la jeunesse du grand héros de la Résistance à partir d’une sélection de documents conservés dans ses collections.

Les origines provençales de Jean Moulin

Hérité de sa famille d’origine provençale, en particulier de son père Émile-Antoine Moulin - familier de Frédéric Mistral et poète de langue d'oc - Jean Moulin demeura toute sa vie durant attaché à la Provence dont il maîtrisait la langue. 

« Tous nos ancêtres immédiats provenaient d’une bande de terre de basse Provence, de part et d’autre de la Durance » Laure Moulin, sœur de Jean Moulin1

MOULIN, Laure. Jean Moulin. Paris, presses de la Cité, 1969.

[imatge id = 21384] Le père de Jean Moulin, Antoine-Émile Moulin (1857-1938), dit « Antonin » Moulin, est originaire de Saint-Andiol, village des Bouches-du-Rhône, tout comme sa mère, Blanche Pègue

Antoine est le fils d’une vieille famille de tisserands républicains, Blanche est fille de paysan. Après des études de Lettres, Antoine Moulin est nommé professeur à Bédarieux puis au Collège de Béziers.
Dans le Béziers florissant des dernières années du XIXe siècle, le jeune professeur devient un membre actif des milieux républicains, dreyfusards, laïques et francs-maçons. Antonin Moulin fut à l'initiative du monument au maire Casimir Péret, déporté pour son opposition au coup d'Etat de 1851 et mort lors d'une tentative d'évasion du bagne de Cayenne.
Il est assez loin des acteurs locaux de la Renaissance d'oc, plus conservateurs, qui mènent au même moment, sur l’exemple provençal de Frédéric Mistral et du Félibrige, des actions en faveur de la langue d'oc. 

Sans participer activement aux mouvements de défense et promotion de la langue d’oc à Béziers, Antonin Moulin entretient un attachement familial et intime à sa langue maternelle, l’occitan provençal de son Saint-Andiol natal. Il fréquente Frédéric Mistral à qui il rend visite à plusieurs reprises à Maillane. Mistral lui fera rencontrer Alphonse Daudet. 
Les Moulin, mère et père, conservèrent toute leur vie des attaches avec Saint-Andiol où résident une grande partie de leurs familles. Les vacances, comme les grands événements de la vie familiale se déroulent tous à Saint-Andiol. Dans son livre de mémoires, Laure Moulin, sœur aînée de Jean, retranscrit ses impressions de voyage vers Saint-Andiol et évoque leur pratique de la langue familiale. 

« Quand tout se passait bien, nous prenions le petit train à Barbentane et là nous entrions dans un autre monde. Nous n’entendions plus parler que le provençal, ce qui nous réjouissait, surtout nos parents dont c’était la langue maternelle. Mon frère et moi, élevés en Languedoc, si nous le comprenions très bien, nous le parlions mal. »

Jean Moulin conservera un attachement à la Provence de son enfance et de ses origines, ce dont témoigne le choix de son nom d’artiste - « Romanin » - souvenir d’une excursion familiale au célèbre château éponyme près des Baux-de-Provence et qui signifie « romarin » en langue d'oc. Jean Moulin ne cultiva pas la langue d’oc comme son père. le document le plus émouvant, puisqu'il s'agit d'un personnage si important et célèbre de l'Histoire, est le poème que compose son père à sa naissance : A moun fieu Jan / O moun Janet, moun cago-nis... 
Il existe peu de documents faisant état d'une pratique de l'occitan chez Jean Moulin, elle restait occasionnelle, mais réelle. Sur des cartes de voeux apparaissent parfois des formules en langue d'oc, ou au détour de sa correspondance personnelle, quelques mentions de conversations achevées dans la langue familiale  nous renseignent sur un Jean Moulin occasionnellement occitanophone.

Documents : 

1/ Texte du poème en provençal écrit par Antonin Moulin pour son fils Jean, âgé de trois mois. (texte extrait de Laure MOULIN, op. cit. et mis en forme pour une exposition)

2/ 
- Lettre d'Antoine Moulin à Roger Barthe (1911-1981), écrivain occitan et félibre biterrois, membre du parti radical comme Antonin Moulin  - 17 juillet 1934
- Dédicace en occitan d'Antonin Moulin à  Emile Barthe pour le féliciter de son titre de Majoral du Félibrige
(CIRDOC-Fonds Barthe)

3/ Poème-dédicade d'Antonin Moulin à Frédéric Mistral publié dans La Santo Estello, journal paru à l'occasion des fêtes félibréennes de la Sainte-Estelle à Béziers (24 et 25 mai 1902)

Mise en ligne : 21/06/2013
Tipe : Practica festiva / Data : 2015
Si les « marchés de Noël » évoquent plutôt les traditions d’Alsace et des pays germaniques, l’Occitanie n’est cependant pas en reste avec de nombreuses fièiras (foires) qui avaient lieu au temps de Noël.
Partout en Occitanie, les rites familiaux qui accompagnent la célébration de Noël nécessitaient un approvisionnement en produits parfois très particuliers suscitant marchés et foires plus ou moins importants. Il s’agissait en particulier de se procurer les ingrédients et mets pour le repas de la veille de Noël, le gròs sopar (gros souper) en Provence, repas en réalité « maigre » et la merluça (morue) était répandue dans tous les pays d’Oc. En Provence, c’est surtout pour les fameux treize desserts que l’on va s’approvisionner à la foire, dont les nogats (nougats) vendus par les nogatièras (marchandes de nougats). Bref, comme le note Arnold Van Gennep : « en Provence, le gros souper était une affaire importante ».  
Il fallait aussi se procurer les objets et instruments des rites domestiques, complémentaires du rite religieux de la messe de minuit : des chandelles - les « candelas calendalas » (chandelles de Noël) évoquées par Mistral dans le Tresor dóu Felibrige - les santons de la Nativitat (la crèche) et bien sûr les étrennes que l’on offre aux enfants.
Si la Provence a ses marchés de Noël emblématiques qui existent pour certains depuis le XIXe siècle et qui sont très actifs aujourd’hui autour des foires aux santons et des ingrédients nécessaires aux treize desserts, l’ouest occitan a quant à lui ses « foires aux gras », qui se tiennent traditionnellement autour de la  fête de la Saint Martin (11 novembre), la période d’avant Noël étant aussi celle de la tualha du cochon ou des volailles grasses.

Quelques foires de Noël anciennes

La fièra dei santons de Marseille :
La plus ancienne et célèbre foire aux santons est celle de Marseille qui se tenait le premier dimanche de l’Avent. La première s’est tenue en 1803 sur les Allées de Meilhan, puis devant le succès remporté par cette exposition, elle a été déplacée en 1808 sur le cours Belsunce.
Aux étals des marchands de santons se mêlaient des baraques de confiseurs, des étalages de plantes, papiers de couleur et toutes sortes d’accessoires servant à la confection de la crèche familiale.
L’écrivain provençal Joseph Desanat (1796-1873) a donné une longue description de cette foire des santons de Marseille dans son journal Lou Bouil-Abaïsso (n° 47, 17 décembre 1841 : « Marsio. Leis crèchos et leis santouns doou cous » : Marseille. Les crèches et les santons du Cours).

Foire des santons à Marseille d'après un croquis de Ch. Parot, Gravure, La Presse illustrée, 25 décembre 1869« Lou pople marsies de touto counditien
Aimo renouvella seis vieios traditien ;
(...)
Soou que dessus lou Cous dins de barraquo estrecho
Troubara de santoun et de fres roumanieon
Verduro, papié blu, pooussiero d’or, agneou.
Saou que su de gradin à pleno canestrello
Li vendoun de souleou, de ciel eme d’estello
La Viergi, san Joousé, l’establé, l’ai, lou buou,
De mitroun, de paysano eme sies paniés d’uou. »

« Le peuple marseillais de toutes conditions
Aime à renouveler ses vieilles traditions ;
(...)
Il sait que sur le Cours dans des baraques étroites
Il trouvera des santons et du romarin frais
Verdure, papier bleu, poussière d’or, agneaux.
Il sait que sur des gradins à pleines corbeilles
Il se vend des soleils, des ciels avec étoiles
La Vierge, saint Joseph, l’étable, l’âne, le bœuf,
Des mitrons, des paysannes avec leurs paniers d’œufs. »
Actualités de la Foire aux santons de Marseille :
Riez (Alpes-de-Haute-Provence), de la « foire froide » au « marché calendal » :
Ce marché de noël existe encore de nos jours, c’est le « marché calendal » de Riez. La foire de Riez, dite « foire froide » est déjà signalée par Arnold van Gennep dans son Manuel de folklore français ou encore Marcel Provence en 1936 : « Jadis, avant Noël, on allait à Riez, à la foire du 21 décembre, la foire froide, acheter les figues, les dattes, les nougats, les produits nécessaires aux treize desserts de la Noël. » (« le Folklore de Moustiers » dans : Annales des Basses-Alpes : bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, t. XXVI, 171, 1936. Article consultable en ligne sur Gallica :
« Lo bon diluns » d’Alais (Alès, Gard) :
Grand marché qui avait lieu le lundi avant Noël (cité par F. Mistral, Tresor dóu Félibrige)

« La fièira de las femnas gròssas » de Verfeil (Tarn-et-Garonne)
Verfeil avait sa foire de Noël, que certains appelaient « fièira de las femnas gròssas » : « parce qu'il y avait peu de monde et les grosses femmes pouvaient facilement circuler. »
source : CORDAE-La Talvera : Enquête : Mémoires de Castanet / Informateur Ardourel, Berthe ; Enquêteur Bedel, Christian-Pierre ; Enquêteur Loddo, Daniel.
Mise en ligne : 15/12/2015
Tipe : Practica festiva / Data : 2016
Votre question : Je cherche des informations sur le « rapatanàs », sorte de créature effrayante dont j’entendais parler dans mon enfance, dans la région d’Albi.

Notre réponse :
Parmi tous les êtres fantastiques qui peuplent l’imaginaire populaire en pays occitans, on trouve un grand nombre de créatures maléfiques dont les parents usent pour faire peur aux enfants et leur signifier dangers et interdits. Ces « croque-mitaines » présents dans les imaginaires du monde entier, prennent des formes, des aspects et des appellations différentes selon les langues, les cultures et les régions.

Image d’Épinal (Le véritable Croquemitaine, Maison Pellerin, 1856 ; détail). En ligne sur gallica.bnf.fr, Collection Bibliothèque nationale de France. « Monsieur Croquemitaine emporte deux petits vauriens dans sa prison »

Dans l’espace occitan :

Parmi les êtres maléfiques les plus connus on trouve lo babau, la babarauda, la babaronha, la babòta, la baragonha, lo barban, la bofatina, la cata-ferrada, la faramauca, la garramauda, la granhauda, la marrochina, la mecosa, lo palhassa, la paparaunha, la patatualha, lo pelomàs, lo pelharòt ou encore la romeca.

Dans le Tarn :

Les nombreuses enquêtes menées par le CORDAE-La Talvera sous la direction de Daniel Loddo font du Tarn une région particulièrement bien documentée sur les imaginaires populaires et les éléments du patrimoine culturel immatériel. Sont attestées notamment la cachavièlha, la garramacha, la bèstia ramacha, la pantaramacha, lo badaluc, la catamiauna, la tataraunha, la cata ramagèla.
Dans le registre des peurs enfantines on retrouve aussi fréquemment des personnages de fées, fadarèlas ou fachilièiras, et les créatures sauvages, la salvatja, la salimonda ou la saurimonda.

Nous n’avons pas trouvé dans la documentation le personnage du « rapatanàs » mais on peut penser qu’il s’agit d’une variante du fameux rapaton, petit diable ou « diable de 2e classe » (Charles Mouly, voir bibliographie ci-dessous). En occitan, le suffixe -às, très courant, est employé comme augmentatif. Le rapatonàs (se prononce « rapatounas ») désigne donc une sorte de gros diable.

Le « rapaton » est l’emblème du festival des « Rapatonadas » (IEO 15). Affiche de l’édition 2015


Le rapaton quant à lui, plus espiègle que véritablement maléfique, a donné son nom au festival des contes et de l’oralité du Cantal, les « Rapatonadas », organisé chaque année par l’Institut d’Etudes occitanes du Cantal.

Pour en savoir plus, quelques conseils de lecture :

- LODDO, Daniel, PELEN, Jean-Noël, Êtres fantastiques des régions de France : actes du colloque de Gaillac, 5, 6, 7 décembre 1997, L'Harmattan, 2001.

- Les croquemitaines : faire peur et éduquer, Centre alpin et rhodanien d'ethnologie, 1998.

- Êtres fantastiques dans les Alpes : recueil d'études et de documents en mémoire de Charles Joisten (1936-1981), Centre alpin et rhodanien d'ethnologie, 1992.

- PINIES, Jean-Pierre, Croyances populaires des pays d'Oc, Rivages, 1984.

Enquêtes ethnographiques du CORDAE-La Talvera :

- LODDO, Daniel, Gents del país gresinhòl : canton de Castelnau-de-Montmiral (Tarn), CORDAE/La Talvera, 2010.

- LODDO, Daniel, Legendas d'Occitània : Albigeois, Montagne Noire, Quercy, Rouergue, CORDAE-La Talvera, 2005.

- LODDO, Daniel, Gents del Segalar : cantons de Carmaux, Monestiès, Pampelonne, Valdériès, Valence : Tarn, C.O.R.D.A.E./La Talvera, 2002.

Consulter le catalogue du centre de documentation du CORDAE-La Talvera : Site CORDAE/La Talvera


Contes avec le personnage de Rapaton :

- MOULY, Charles, « La légende du pont Valentré de Cahors en Quercy », dans : Mon sabot de verre : Contes et légendes des Pays d’Oc, éditions du Raffut, 2008.

- PERBOSC, Antonin, « Polichinelle et Rapatou », dans Contes de Gascogne, éditions Erasme, 1954.
Mise en ligne : 26/01/2016
Tipe : Article / Data : 2016-04-27
Votre question : Que sait-on sur le parler occitan du hameau d'Arbouno ([N]Arbona) en Val Grana ?

Vignette d'illustration : Arbouno encore habité, source : http://www.saperepopolare.com

Notre réponse :
Arbouno (Arbona en occitan graphie normalisée, parfois Narbona) est un hameau de montagne inoccupé depuis les années 1960, situé dans la commune de Castelmagno (Chastelmanh en occitan), en Val Grana, au centre des « Vallées occitanes d’Italie ». Castelmagno est emblématique de l’évolution de la civilisation montagnarde alpine, marquée par un important mouvement de dépeuplement au cours de la seconde moitié du XXe siècle au profit des régions industrielles de Turin et de Rhône-Alpes en France.
Arbouno fait d’ailleurs l’objet d’un travail de recherche et de valorisation patrimoniale autour du projet éco-muséal « Una casa per Narbona » (voir liens ci-dessous). Sur la même commune de Castelmagno, à Valliera, un autre village abandonné par ses habitants au cours du XXe siècle, fait aujourd'hui l’objet d’un projet de développement économique, culturel et écologique dont l’étude est consultable en ligne (consulter l'étude sur le projet de Valliera).

L’occitan parlé à Arbouno : que sait-on ?

Sur le plan linguistique, le village d’Arbouno est connu des linguistes pour le parler de ses habitants, qui aurait eu des spécificités locales, et dont la forme se rapprocherait de l’ancien occitan (occitan du Moyen Âge). Sans que l'on en connaisse les raisons, il semblerait qu'Arbouno ait pu être peuplé par des immigrants au Moyen Âge, et que les formes de leur parler occitan d'origine se soit maintenu du fait de l'isolement et de la relative autonomie de la communauté. 
Les particularités linguistiques et phonétiques de l'occitan parlé à Arbouno et ses similitudes avec le parler de deux vallées des Pyrénées ariégeoises (La vallée de Bethmale et la vallée de Bellongue) ont été étudiées et ont fait l'objet de deux publications, toutes deux accessibles en consultation sur place au CIRDOC ou disponibles via nos services de documentation à distance (plus d’infos et contacts sur www.locirdoc.fr) :
- LOMBARDO, Renato, « Appunti sulle peculiarità del dialetto occitano di l'Arboùna », Novel temp, n° 18, 1982, p. 26-34.
- BRONZAT, Franco, « Un fenomene de conservacion fonetica en qualque endreit de las Alpas e dals Pireneus e son enterpretacion grafica », Actes du IV Congrès International de l'AIEO, 1993, pp. 685-700.

En savoir plus sur Arbouno et sa région : Quelques ressources et documents :

Projets et actualités culturelles :

- Le projet « Una Casa per Narbona » (actualité du projet de recherche et valorisation, nombreuses photos du site) : http://unacasapernarbona.tumblr.com 
- Projet agrotouristique « Des Martin » (revivification d’un bourg de montagne sur la commune de Castelmagno) : http://www.desmartin.it
- Association de promotion de la culture occitane de Castelmagno : Centro Occitano di Cultura « Detto Dalmastro » : http://www.lavousdechastelmanh.it/centrocc/centroc.htm
- Castelmagno occitan : site d’information et de promotion « Castelmagno / Chastelmanh, país occitan » : http://www.castelmagno-oc.com
- Site officiel de la commune de Castelmagno : http://www.comune.castelmagno.cn.it 
- Une vidéo pour découvrir « Castelmagno / Chastelmanh, terre d’oc » : voir la vidéo sur youtube 

Histoire de Castelmagno et de sa région :

L’historien de Castelmagno est un certain Bernardino Galaverna, prêtre qui officiait dans la commune dans les années 1890-1900. Ses publications sont particulièrement riches sur les rites et traditions festives de Castelmagno.
- GALAVERNA Bernardino, Cenni storico-tradizionali intorno a S. Magno Martire Tebeo ed al Paese e Santuario di Castelmagno, Cuneo, Fratelli Isoardi, 1894.
- GALAVERNA Bernardino, Le Quarantore nella parrocchia di S. Ambrogio in Castelmagno ..., Cuneo, Tip. F.lli Isoardi, 1907
Revue d'histoire et de culture locales :
La Vous de Chastelmanh, revue d’histoire et de culture locales de Castelmagno : Fondée par Gianni De Matteis, ce bulletin est publié régulièrement depuis 1970 par le Centro Occitano di cultura « Detto Dalmastro ». Gratuit et tiré à 1200 exemplaires, il est le lien et le porte-parole de la petite communauté de Chastelmanh, il contient des articles sur l’histoire et sur la culture occitanes.
Le CIRDOC conserve une collection de ce bulletin (de 1979 à 2009), disponible en consultation sur place.
Les numéros publiés depuis 2002 sont disponibles en ligne sur le site du Centro Occitano di cultura « Detto Dalmastro » : consulter la revue en ligne.  

Patrimoine culturel immatériel : La Baìo di Castelmagno

La Baìo est le rite festif le plus emblématique et important des vallées occitanes d'Italie. La commune de Castelmagno a également sa Baìo. De nombreuses informations sur le site castelmagno-oc.com : http://www.castelmagno-oc.com/eventi/baia_storia.htm

Mise en ligne : 27/04/2016
Tipe : Collòqui / Data : 2015

Affiche de la 2ème Journée Occitanica

Presentacion de la jornada :

Dempuèi la fin dels ans 1990, la numerizacion del patrimòni documentari a representat un objectiu estrategic de las politicas publicas als nivèls nacional e europèu.
Après dos decennis de numerizacion e de difusion dels documents al dintre de las bibliotècas numericas e portals culturals territorials o tematic ara es pausada la question de l’espleitacion d’aqueles jaces de ressorsas e de donadas immenses per tal de respondre a las practicas culturalas, educativas, informacionalas novèlas dels publics, e mai d’inscriure la numerizacion del patrimòni dins d’estrategias globalas de creis economic (innovacion tecnologica, torisme, marketing, mèdias, etc.)
L’enjòc de l’espleitacion de las donadas documentàrias e patrimonialas produsidas pels programas de numerizacion es d’autant mai important pels actors engatjats dins de politicas de promocion e de transmission de las lengas de França. Se son uèi oficialament reconegudas coma una de las riquesas del patrimòni nacional e europèu, constituïsson tanben un patrimòni linguistic viu particularament fragil, confrontat a d’imperatius de salvagarda d’urgència, classificadas que son per nombre d’entre elas coma lengas en dangièr per l’UNÈSCO.




La jornada « Numerizar, transmetre : la numerizacion del patrimòni per la transmission de las lengas de França » foguèt organizada amb lo sosten del Ministèri de la Cultura e de la Comunicacion - « Apèl a projèctes nacional patrimòni escrich », de la Region Lengadòc e Rosselhon, de Lengadòc e Rosselhon Libre e Lectura e de l’ensemble dels partenaris del portal interregional www.occitanica.eu.

Appel à Projet Patrimoine Écrit (Ministère de la Culture et de la Communication)

 

 

 

Mise en ligne : 01/09/2015
Tipe : Carta postala / Data : 2017

Votre question : 

J'ai entendu de nombreuses interprétations du chant Lo Boièr et j'aimerais avoir plus de renseignements sur son histoire et sa signification.


Notre réponse :

Le chant Lo Boièr fait partie de ces grands classiques du répertoire traditionnel occitan, présent dans l’ensemble des Pays d’Oc et ayant acquis le statut de chant identitaire.

S’il est connu, c’est surtout pour la mystique qu’on lui attache : tour à tour chant cathare, complainte du peuple occitan face à la barbarie de la Croisade contre les Albigeois, chant de la paysannerie médiévale attachée à sa terre…

De nombreuses interprétations de ce chant existent mais les véritables études sont assez rares par rapport au grand nombre de versions du Boièr.

Eliane Gauzit et Marie-Claire Viguier ont toutes deux étudié l’ensemble des versions connues de ce chant et ont tenté de remonter à ses origines.

Le Boièr est-il vraiment le chant cathare que l’on décrit ?

Traces et témoignages : du chant de métier à l’appel patriote.

Lo Boièr appartient indéniablement au folklore français et occitan, au fonds traditionnel de chansons, par l’abondance de ses versions, variantes, emprunts à d’autres chants ayant évolué au cours du temps.

Il n’a pas été possible pour le moment de trouver des traces ou occurrences du Boièr dans les écrits médiévaux. Les premiers témoignages que nous ayions remontent au XVIIIe siècle et nous indiquent que le chant est connu par une large frange de population.

La première fixation à l’écrit qui nous soit parvenue remonte à 1749 dans un manuscrit en francoprovençal (mentionné par Philibert Le Duc (1815-1884) dans Chansons et lettres patoises bressanes, bugeysiennes et dombistes). Nous savons aussi par des témoignages que cette chanson était présente durant la Révolution Française : Auguste Fourès (1848-1891), atteste en effet que le chant était entonné au sein des sociétés républicaines du Lauragais comme appel patriotique. Il était interprété par les membres de la garde nationale mobile de l’Aude comme chant de ralliement lors de la guerre de 1870 puis en 1907 en signe de deuil à Béziers lors de la Révolte des Vignerons.

C’est à partir du XIXe siècle que l’on a d’autres attestations de ce chant dans les recueils des folkloristes français. Lo Boièr figure dans presque tous les recueils publiés à cette époque-là, attestant de sa présence sur tout le territoire français, avec un plus grand nombre d’occurrences dans les territoires occitans.

En tout, Patrice Coirault (1875-1959) - qui a élaboré un catalogue de toutes les chansons traditionnelles recueillies par les folkloristes et des sources écrites anciennes - recense des versions de ce chant réparties dans 51 recueils de chants différents.

Les folkloristes classent
Lo Boièr dans les chants de travail, y voyant un appel aux bœufs, ou encore dans les chants satiriques, dépeignant la femme mal mariée au bouvier croulant sous son dur labeur.

La plupart des folkloristes ont recueilli une forme classique de ce chant, bâtie sur le modèle de l’homme qui rentre chez lui et trouve sa femme malade ou saoule, un motif littéraire qui peut rappeler une autre chanson-type : Marguerite elle est malade (ou La femme malade).

Le thème de l’enterrement à la cave qui est présent dans les deux chansons-types est un thème récurrent dans les airs bachiques, que l’on retrouve notamment dans Les Chevaliers de la Table Ronde.

La plupart des enregistrements sonores recueillis au cours du XXe siècle, nous laissent eux entendre des interprétations du Boièr avec un rythme accentué, apparenté à un chant de marche, plutôt joyeux et loin de la complainte ou du chant mystique cathare.

Le symbolisme mystique et cathare, une fabrication de Napoléon Peyrat ?

Pourtant, aujourd’hui, l’interprétation la plus répandue de ce chant est celle de la complainte cathare, le schéma narratif du Boièr correspondant au rituel cathare. On peut effectivement voir dans les paroles le récit d’un rituel cathare : la paysanne meurt en Endura, demande du vin pour sa tombe, pour recevoir le consolament d’un bonshommes itinérant.

C’est Napoléon Peyrat (1809-1881) qui fait le premier cette interprétation mystique dans son Histoire des Albigeois1.  Ce discours est ensuite repris par Louis-Xavier de Ricard (1843-1911) et Auguste Fourès (1848-1891), qui continuent à forger la mystique cathare du chant et à en faire un symbole identitaire occitan.

Avant Napoléon Peyrat, le chant semble vu comme un simple chant de labour, qui aurait évolué avec l’intégration de couplets de chants bachiques ou de mal mariée mais aucune référence claire ni interprétation à une quelconque mystique cathare. Il semble que Napoléon Peyrat, en l’interprétant comme un tableau des malheurs de la paysannerie occitane durant la Croisade contre les Albigeois ait contribué à faire encore évoluer Lo Boièr et son retentissement dans la mémoire collective, transformant ce chant traditionnel en objet de perpétuation du mythe cathare.

Un refrain, des voyelles, un mystère

Outre sa signification, et son interprétation mystique, la chanson du Boièr a déclenché de très nombreuses polémiques à propos de son refrain, et plus particulièrement la suite de voyelles A.E.I.O.U. qu’il contient. Or, cette suite de voyelles ne figure pas dans toutes les versions collectées au XIXe siècle, elles ont par contre été systématiquement intégrées dans les recueils de chants et versions écrites au XXe siècle, notamment dans les recueils de chants pour les scolaires et appris tel quel par toute une génération d’écoliers.

Cet emploi d’une suite de voyelles dans une chanson traditionnelle n’est pas une exception, on la retrouve dans de nombreux chants énumératifs sur tout le pourtour méditerranéen.

Pour autant, les théories sur la signification de ces voyelles abondent : message codé utilisé par les cathares pour avertir d’un danger, monogramme de la devise des Rois d’Aragon ou encore des Habsbourg (Austria Est Imperare Orbi Universum)... Depuis l’Antiquité on attribue à ces voyelles une portée mystique importante qui n’a cessé d’évoluer au cours des siècles et n’a pas manqué de nourrir les interprétations de cette chanson.

Certaines versions collectées contiennent en lieu et place d’ “A.E.I.O.U.” un simple appel au bœuf. Pour Marie-Claire Viguier, cette suite de voyelles peut également faire référence au briolage, technique de vocalise propre aux bouviers.

Aucun document ne nous permet de savoir depuis quand ces voyelles figurent dans le refrain de la chanson, si elles existent depuis les origines lointaines du Boièr ou si elles ont été rajoutées par la suite.

Ainsi, Lo Boièr, revendiqué aujourd’hui comme un chant de célébration de l’identité occitane appartient indéniablement au répertoire traditionnel des territoires occitans, transmis oralement depuis des générations et fixé à l’écrit dès le XVIIIe siècle. Chant de labour, chant patriotique, chant cathare, il semble avoir traversé les siècles, évoluant dans l’inconscient collectif selon les époques, événements, mouvements de pensées et inspiration, chargé de nombreuses transformations, emprunts et adaptations, permettant de multiples interprétations.

 

1) Peyrat Napoléon, Histoire des Albigeois : les Albigeois et l’Inquisition, T. III, Paris : Bibliothèque Internationale, 1870.
Consultable en ligne sur le site de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich : http://reader.digitale-sammlungen.de/en/fs1/object/display/bsb11006148_00392.html?contextType=scan&zoom=0.5
[Consulté le 03/08/2017]

Mise en ligne : 03/08/2017
Tipe : Òbra / Data : 2017

Votre question :


Je recherche une chanson que j'ai entendu lorsque j'étais enfant à Colombiers. Voici le premier couplet et les paroles : 

Un jorn la Marineta 
Me disiá d'un air coquin 
Mon enfant de qu'es aquò la cochilís 

Repic: 

La cochilís es una bèstia 
Una canilha, un parpalhòl 
Chuca rasim, chuca protinha 
Chuca tot 
Mas jamai chuca la marrana 
Que nos escana 


Auriez-vous plus d'informations sur cette chanson et pourriez-vous me faire parvenir les paroles ?

Notre réponse :

Nous avons trouvé trace de cette chanson dans un collectage sonore réalisé dans la région de Lodève par Pierre Bec et Eliane Gauzit en 1964. Dans cette enquête aujourd'hui conservée par le COMDT (Voir la notice du collectage sonore sur le catalogue du COMDT), le témoin, Étienne Barral interprète cette chanson qu'il a appris à Béziers alors qu'il était jeune garçon de café. 

Elle a également été collectée dans la commune de Lunas (34) par les mêmes enquêteurs, auprès de Jacques Blaye (Voir la notice du collectage sonore sur le catalogue du COMDT).

La cochylis est une chenille qui se nourrit des feuilles et fruits de la vigne. Elle se développe plus particulièrement dans les régions méditerranéennes.

Nous avons tenté d'identifier le ou les auteurs de cette chanson, mais n'avons trouvé aucune occurence pour le moment.


Suite à cette enquête, une transcription de cette chanson a été publiée dans l'ouvrage Lodeva, ciutat occitana, Lodève, cité occitane : patrimoine occitan en Lodévois, contributions groupées et harmonisées par Eliane GauzitToulouse : Presses universitaires du Midi, impr. 2015.

Voici les paroles de la chanson :

L'autre jorn, la gròssa Marièta L'autre jour la grosse Mariette
M'espia ambe sos uèlhs coquins ; Me regarde avec ses yeux coquins
Me demandèt la voes doceta :

Elle me demanda d'une voix doucette :

« de qu'es aquò la cochilís ? ».

« Qu'est-ce que la cochylis ? ».

« La cochilís, li responguèri,

« La cochylis, lui répondis-je,

Es una bèstia, un parpalhòl, Est une bête, un papillon

Doas alas jaunas, doas alas brunas,

Deux ailes jaunes, deux ailes brunes

Las patas blancas e lo cuòl gris.

Les pattes blanches et le cul gris

Es una garça que s'espandís

C'est une pie qui s'étale

Dins nòstra vinha, chuca-rasim,

Sur notre vigne, suce-raisin

Chuca-brostinha, chuca sulfata,

Suce-grapillon, suce-sulfate

Chuca-sabor e chuca-tot.

Suce-saveur et suce-tout.

Mas jamai chuca la marrana

Mais jamais elle ne suce la maladie (marasme / poisse)

Que nos escana ».

Qui nous étouffe ».
   
La cochilís, mai d'un l'aganta

La cochylis, plus d'un l'attrape,

Tot en tetant un plen sadol Tout en tétant jusqu'à plus soif
Aquel bon vin que nos encanta

Ce bon vin qui nous enchante

Siague muscat o picapol.

Qu'il soit muscat ou picpoul.

Ieu, avant ièr tròp ne tetèri, Moi, avant-hier, j'en tétai trop,
Tanben prenguèri la cochilís. Aussi je pris la cochylis.
Lo lum dançava, lo nas brilhava,

La lumière dansait, le nez brillait,

La pèl susava, lo cuòl pesava,

La peau suait, le cul pesait,

Los uèlhs iglauçavan, lo cap virava.

Les yeux lançaient des éclairs, la tête tournait.
Se m'aviatz vist, trampoligèri,

Si vous m'aviez vu, je trébuchais,

M'espandiguèri, fasiái paissièira

Je m'affalais, je ruisselais

Dins lo rajòl, mes aquò rai

Dans la raie, mais peu importe,
Es pas un crime, siái pas lo sol,

Ce n'est pas un crime, je ne suis pas seul,

Sem una banda

Nous sommes une bande

Que teta lo jus de la trelha

Qui tête le jus de la treille

Dins la botelha

Dans la bouteille

   

La cochilís es la canilha

La cochylis est la chenille

Del malur que sus nautres plòu.

Du malheur qui pleut sur nous.

Es la decha que nos espía

C'est la dèche qui nous regarde

Quand tanben ela a pas lo sòu.

Quand avec elle tu n'as pas le sou. 

La cochilís nos envaís,

La cochylis nous envahit,

Nos espotís, nos adalís.

Nous écrase, nous anéantit, 

Jamai fugís dins la borseta.

Jamais elle ne fuit dans la boursette. 

L'avem sovent un còp per jorn.

Nous l'avons souvent une fois par jour.

Sem argentats coma una pala.

Nous sommes argentés comme une pelle.

Los deputats l'an pas jamai, 

Les députés ne l'ont jamais ;

Los electors l'an a molon.  

Les électeurs l'ont à foison.

Se ieu aicí vene far l'ase

Si moi ici je viens faire l'âne,

Ieu siái forçat, mas un vièt d'ase

J'y suis forcé ; mais une verge d'âne

S'aviái d'aiçò(t), m'auriatz pro vist.

Si j'avais ça, vous m'auriez assez vu.

E ieu tanben, aime la vida

Car moi aussi j'aime la vie

La bidòrsaire e lo bon vin

La «bistronquette» et le bon vin,

Los escursions, las distraccions

Les excursions, les distractions

E los teatres e las femnetas

Et les théâtres et les petites femmes

E tot çò z-autres ; de tot aquò

Et toutes les autres choses ; de tout cela

Me'n cal brossar, adiussiatz totes,

Je dois m'en brosser, au revoir à tous

Ie tornarai e cantarai

J'y reviendrai et je chanterai

Tant que la garça de canilha

Tant que la garce de chenille  

Tendrà l'estrilha.

Tiendra l'étrille.

Mise en ligne : 06/04/2017
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