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Cet article "Corpus" propose une synthèse historique sur les grandes enquêtes linguistiques intéressant la langue occitane menées depuis la Révolution française jusqu’à nos jours. Il décrit et signale également la documentation et les archives liées aux différentes enquêtes et vous donne accès à la documentation disponible en ligne. 

1/ « L’Enquête sur les patois » ou « Enquête de Grégoire » (1790-1794)


Source : http://www.bib-port-royal.com/gregoire.htmlL'enquête menée de 1790 à 1794 par l'abbé Henri Grégoire (1750-1831), député de l'Assemblée constituante puis de la Convention nationale n'est pas une enquête administrative de statistique officielle, même si elle est soutenue par les institutions révolutionnaires. L’abbé Grégoire mène un projet à visée politique et dont le but est clairement un « inventaire avant disparition » (Merle, 2010). Le questionnement sur les « patois » s'accompagnait d'ailleurs de nombreuses demandes relatives aux mœurs et à la moralité du peuple. Pour autant, l’entreprise de l’abbé Grégoire est bien la première enquête s’intéressant à la sociologie linguistique de la France, avec un questionnaire comportant quarante-trois rubriques. L'enquête Grégoire sollicitait les sociétés patriotiques des Amis de la Constitution et non les administrations.
Elle donna lieu au Rapport sur la nécessité d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, présenté par l’abbé Grégoire au nom du Comité d’Instruction publique devant la Convention nationale le 16 prairial an II.

> Sources et fonds documentaires :

Les matériaux et documents produits pour l’enquête (réponses à la circulaire de l’abbé Grégoire, envoi d’imprimés en langues de France) sont répartis entre deux fonds documentaires :

- Bibliothèque de la Société de Port-Royal - Fonds de l’abbé Henri Grégoire >> fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, NAF 2798 >> fiche de fonds

> Documentation en ligne sur Occitanica :

Voir tous les documents sur l’enquête Grégoire disponibles sur occitanica

> Bibliographie :

Voir tous les documents ayant pour sujet l’enquête Grégoire dans le Trobador, catalogue collectif de la documentation occitane.


2/ Enquête impériale sur les patois, aussi appelée « Enquête de Coquebert de Montbret » (1807-1812)

 

Source : Page de titre des Mélanges sur les langues, dialectes et patois (coll. CIRDÒC-CAC 7763) L'Enquête impériale sur les patois, menée entre 1807 et 1812, est la première enquête de linguistique officielle, organisée par le bureau de la Statistique du ministère de l'Intérieur. Elle a été conduite par le savant Charles-Etienne Coquebert de Montbret et son fils Eugène, grands érudits et spécialistes des langues. La méthode de l'enquête est très différente de celle de l'enquête de l’abbé Henri Grégoire qui poursuivait un but politique plus que sociolinguistique ou scientifique, celui de prouver « la nécessité » et de trouver « les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française ». L’enquête impériale met en place une méthode proche de la dialectologie moderne en demandant, commune par commune via l’administration départementale, la traduction systématique d’un même texte, la Parabole de l'enfant prodigue. Interrompue en 1812, elle est resté inachevée.

Une partie des traductions de la Parabole de l’enfant prodigue en langues de France recueillies au cours de l’Enquête impériale a été publiée par Eugène Coquebert de Montbret dans les Mélanges sur les langues, dialectes et patois  : renfermant, entre autres, une collection de versions de la Parabole de l'enfant prodigue en cent idiomes ou patois différens, presque tous de France… Paris : Delaunay, 1831.

Les archives de l’enquête ont été dispersées, une partie semble perdue. La documentation sauvegardée se trouve pour une bonne partie au sein du fonds Charles-Etienne et Eugène Coquebert de Montbret à la Bibliothèque municipale de Rouen, à la Bibliothèque nationale de France, aux Archives nationales et dans plusieurs Archives départementales.

> Sources et fonds documentaires

- Bibliothèque Municipale de Rouen, Fonds Coquebert de Montbret … >> fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, «  Notes et documents sur les patois de la France » : NAF 5910-5914 >> Fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Collection Coquebert de Montbret (volumes « Linguistique ») : NAF 20080-20081 >> Fiche de fonds

- Archives Nationales, F/17/1209 :  “Enquête sur les patois”

> Documentation en ligne sur Occitanica :

Voir tous les documents sur l’Enquête impériale sur les patois disponibles sur occitanica

> Bibliographie :

Voir tous les documents ayant pour sujet l’Enquête impériale sur les patois dans le Trobador, catalogue collectif de la documentation occitane.


3/ Enquête du Ministère de l'Instruction publique, dite « Enquête de Victor Duruy »


Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique sous le Second Empire de 1863 à 1869, lance en 1864 une enquête statistique destinée à mieux connaître la situation de l’enseignement primaire en France. L’enquête de 1864 se démarque des enquêtes précédentes par le degré de précision du questionnaire, destiné à dresser un tableau très précis de la situation de l’enseignement primaire en France. Par la circulaire du 28 mai 1864, le ministre Duruy adresse aux préfets un questionnaire qui devait être renseigné par les inspecteurs primaires, les inspecteurs d’académie et les recteurs, devant y ajouter un rapport d’ensemble concernant leurs circonscriptions scolaires.

Pour la première et la seule fois dans l’histoire de la statistique scolaire en France, le questionnaire comprend une rubrique sur les “idiomes et patois en usage” :

“ Existe-t-il des écoles où l’enseignement est encore donné en patois exclusivement ou en partie ? Nombre des écoles où l’enseignement est donné en totalité en patois ? En partie seulement ? Combien d’enfants savent le parler sans pouvoir l’écrire ? Quelles sont les causes qui s’opposent à une prompte réforme de cet état de choses ? Quels sont les moyens à employer pour le faire cesser. Joindre au rapport un fragment du patois ou de l’idiome avec la traduction littérale.” (circulaire du 28 mai 1864, publiée dans : Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, nouvelle série, t. I, Paris, 1864).

Les directives données en font une enquête statistique particulièrement précise et développée et surtout, en intégrant dans un questionnaire précis sur les usages linguistiques dans les écoles et parmi les enfants, l’enquête Duruy produit jusqu’à l’enquête INSEE “Étude de l’histoire familiale” de 1999, la seule matière documentaire permettant une connaissance statistique assez précise de la situation sociolinguistique à l’échelle de la France.

> Sources et fonds documentaires :

Archives Nationales F/17/3160 : Instruction publique : “Statistique. États divers.” Ce dossier donne le résumé par département des réponses données à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864. Les réponses à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864 semblent ne pas avoir été conservées.


4/ La mission Tourtoulon-Bringuier (1873-1875)


En 1873, Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier, deux philologues félibres de l’école de Montpellier entreprennent une mission pour la Société pour l'étude des langues romanes, soutenue par le ministère de l’Instruction publique (arrêtés ministériels du 2 mai et du 11 juin 1873) en vue de déterminer la limite entre la langue française et la langue occitane ou domaine d’oïl et domaine d’oc. La mission Tourtoulon-Bringuier est la première grande enquête linguistique nationale fondée sur une enquête de terrain armée d’une méthodologie scientifique : les études sont menées sur les lieux mêmes, par les mêmes personnes, afin que le même esprit préside à l'ensemble des recherches, et aussi pour que les nuances phonétiques, si difficiles à noter exactement, le soient par les mêmes personnes. Ils mettent au point un alphabet phonétique et des critères linguistiques déterminés par avance.

L’Enquête Tourtoulon-Bringuier est menée au cours de deux missions : la première de l’embouchure de la Gironde jusqu’en Creuse, puis une seconde de la Creuse jusqu’en Allier. Seule la documentation de la première enquête est connue et accessible. Elle concerne 150 communes d’enquête et environ 500 personnes interrogées.

Les résultats de l’enquête Tourtoulon-Bringuier, publiés en 1876 dans un rapport au Ministre de l’Instruction publique intitulé “Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl” amèneront à repenser la conception des frontières linguistiques de façon non linéaires mais forcément approximatives.

L’école philologique de Paris dirigée par Gaston Paris et Paul Meyer lancent une contre-enquête dans le département de la Creuse, menée par Antoine Thomas (40 communes du sud de la Creuse).

La mission Tourtoulon-Bringuier, menée sous l’égide de la Société pour l’étude des langues romanes, qui s’oppose à l’école philologique de Paris, et dont les membres étaient proches, voire actifs dans la renaissance occitane félibréenne, se démarque également dans ses motivations idéologiques, comme l’a noté Guylaine Brun-Trigaud : “Son but officiel consistant à déterminer la limite oc-oïl pour toute la France, mais on peut penser qu’il s’agissait par ce biais d’évaluer le territoire que pourraient légitimement revendiquer les félibres, qui, depuis 1854, prônaient un retour de la langue et de la culture occitanes, autour de la personnalité de Mistral” (“Les enquêtes dialectologiques sur les parlers du Croissant : corpus et témoins”, Langue française. Vol. 93, n°1, 1992. En ligne)

> Documentation publiée :

Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl Premier rapport à M. le Ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts. Extrait des Archives des Missions scientifiques et littéraires, troisième série - tome troisième, Paris, Imprimerie Nationale, 1876. >> En ligne

> Sources et fonds documentaires :

Archives nationales F/17/2943 : Ministère de l’Instruction publique : Octavien Bringuier - Dossier sur la mission en France ayant pour but d’étudier la limite entre les parlers d’oc et les parlers d’oïl.

Mise en ligne : 23/09/2014
/ Data : 1913-1914
Créées en 1911 par le grammairien et historien de la langue française Ferdinand Brunot, les Archives de la parole furent la première institution en France à collecter et sauvegarder la documentation sonore. Poursuivant un projet d'Atlas phonographique de la France, Ferdinand Brunot mène des enquêtes dialectologiques de terrain. Seules trois missions sont finalement menées en 1912-1913, dont une en Limousin centrée sur la dialectologie occitane (août 1913)

Le fonds de l'enquête phonographique en Limousin est constitué de 72 enregistrements sonores réalisés par Ferdinand Brunot entre le 22 juillet et le 30 août 1913 en Corrèze. Il représente un des plus anciens et des plus précieux témoignage de l'oralité occitane vivante à la veille de la guerre de 1914-1918. Ferdinand Brunot a notamment enregistré plusieurs personnalités du Félibrige limousin, comme Eusèbe Bombal ou Marguerite Genès. 
Parallèlement à l'enquête de terrain en Limousin, Ferdinand Brunot a produit plusieurs enregistrements en occitan dans le cadre des enregistrements de personnalités en studio à la Sorbonne. 

Le fonds des Archives de la parole, aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France (Département de l'audiovisuel) a été intégralement numérisé par la BnF et rendu disponible dans Gallica (gallica.bnf.fr). Les ressources listées ci-dessous représentent l'ensemble des enregistrements en occitan du fonds des Archives de la parole (72 enregistrements provenant de l'Enquête phonographique en Limousin et 8 provenant des enregistrements en studio à la Sorbonne).

En savoir + sur l'histoire des Archives de la parole et les collections conservées à la BnF : 


Consulter la fiche de fonds : Bibliothèque nationale de France. Département de l'audiovisuel, Sous-fonds : [Archives de la parole]. [Enquête phonographique en Limousin]
Mise en ligne : 29/09/2014