Recèrca

sus 3
Filtrar
Filtres actifs
Catégorie : Encyclopédie
Sauf
Type de Document : Œuvre
Sous-Menu : Webotèca
Contributeur : SICD Toulouse
Sujet : Patrimoine oral et immatériel de l'humanité
fre (21)
oci (8)
eng (1)
Tipe : Centre de ressorsa / Data : 2013 (data d'actualizacion de la notícia)
L'équipe LLACS est née de la volonté d'un certain nombre de spécialistes aux compétences voisines de faire converger leurs recherches dans un projet prenant en compte un espace plus large que celui sur lequel ils avaient travaillé jusque là. En l'occurrence, il s'agit des Suds : d'abord ce monde qui va de l'Espagne à la Grèce, entre porteurs de l'héritage hellénique et héritiers de la Romanité. Mais aussi ces parties du Nouveau Monde et de l'Afrique dans lesquelles un processus de colonisation ancien a mené l'Espagnol et le Portugais au contact de diverses langues indigènes. L'histoire de ces territoires offre bien entendu des chronologies différenciées depuis la fin de l'Antiquité pour les vieilles terres d'Europe, à partir du XVIe siècle pour les autres continents. Les langues présentes dans cet espace ont connu des statuts différents au cours de l'histoire, mais sont porteuses chacune de littératures spécifiques qui représentent au total un corpus considérable.


Les chercheurs regroupés ici proviennent pour une bonne part de l'EA 3020 ETOILL (Études occitanes, ibériques, latino-américaines et lusophones) rejointe par les italianistes et les chercheurs du Centre d'Études Néo-helléniques. Ils sont linguistes, spécialistes de littérature (médiévale, moderne et contemporaine), de civilisation, de l'édition de textes, .... Loin d'être un handicap cette multiplicité des approches possibles jointe à la diversité de l'espace concerné constituent un défi, celui d'un travail comparatiste et pluridisciplinaire croisant sur certains points précis et certaines problématiques des regards complémentaires venus de lieux et de disciplines différentes.


L'équipe se structure selon cinq composantes :


-ReDòc (Recherches en Domaine Occitan)


-Études ibériques et latino-américaines


-Études lusophones


-LASI (Littératures, Arts et Sociétés en Italie)


-Centre d'Études Néo-helléniques (JE 2487 « Le Grec et l'Autre »)


Axes qui fédèrent notre projet :


1.- Un programme d'édition de textes qui constitue l'axe « central » de l'équipe


2.- Un axe de civilisation (époques moderne et contemporaine)


3.- Un axe littéraire : Transversalités littéraires, linguistiques et artistiques



Voir les ressources disponibles dans Occitanica.
Mise en ligne : 26/09/2013
Tipe : Òbra
Les textes ci-dessous, écrits par Claude Alranq, sont tirés de la publication de La Pastorale de Fos (Paris : P.J. Oswald, 1975).

L'histoire de La Pastorale de Fos

À Pamparigouste - que la légende méridionale livre comme le pays du monde à l'envers - les personnages les plus caractéristiques de la mémoire populaire proven­çale se sont donnés rendez-vous.
La pastorale y convie ses gardians de Camargue, ses bergers de la Crau et les pêcheurs de la « Venise Pro­vençale » ; le théâtre marseillais y convoque son Chi­chois ; l'histoire régionale y délègue un Nostradamus mythique, la Fête-Dieu d'Aix, ses « La Badache » et « La Besoche »... Mais, cette fois, ce ne sera pas pour la galéjade, car il y est question de vie ou de mort. Le droit de vivre occitan va-t-iI supporter la sauvage et brutale réappari­tion de la Tarasque ? Ce coup-ci le monstre n'est plus de crocs et d'écailles. Il est manipulé par la « Confrérie des Entarasqués », une sorte d'inquisition de triste mé­moire dans l'âme méridionale.
Pamparigouste pollué, exproprié, embétonné, vidé de sa personnalité culturelle voit parallèlement arriver dans son « terraire » un peuple en bleu de travail, sans pays : les boumians de l'âge moderne. Les deux peuples s'épient. La crise sévit. Les entarasqués poussent à l'affrontement.
Mireille, la pamparigoustienne, rencontre « Boumian », « l'estrangier »...
Une pastorale nouvelle pousse dans les bourgeons de l'actualité, faisant éclater les masques de la duperie et retrouvant dans le dépassement de la classique pas­torale religieuse, la promesse de sa continuité et la flamme carnavalesque et païenne de ses origines.

Une présentation  

Cette pièce a été créée après quatre mois d'enquêtes et d'animations sur la région de Fos-Etang de Berre, en col­laboration avec les centres culturels de Martigues et Arles. C'est une peinture de l'industrialisation qui s'empara de cette zone de 1970 à 1973 et ses conséquences actuelles sur la population locale.
Cette région est marquée par de fortes traditions culturelles. La Crau, le pays d'Arles, la Camargue sont le berceau de la culture provençale. Tout autour, des formes de jeu plus carnavalesques, suscitées directement par la fête méridionale ( « Fêtes Dieu » de Aix et de Salon; « Théâtre Marseillais », etc.) imprime à cet héritage un caractère très populaire. Des coutumes antérieures au christianisme et à la romanisation (la tarasque par exem­ple) continuent à réveiller des manifestations folkloriques plus profondes qu'un simple asservissement régional au goût touristique.
C'est également dans cette région que les « mouvements nationalitaires provençaux » - du nationalisme français et provincialiste du Martégal Maurras au fédéralisme d'un Mistral, de « l'escola felibrenca » conservatrice et passéiste au félibrige rouge d'un autre Martégal Hughes - ont vu naître leurs principaux dirigeants.
Dans cette flore culturelle complexe, toujours très imprégnée par l'idéologie régionaliste des « petits et moyens producteurs » locaux s'opère donc une industrialisation et une urbanisation soudaines que les gouvernants présen­taient comme un modèle international de technicité et d'en­vironnement.
De fait allions-nous assister à une assimilation de ces phénomènes, ou à un nouvel exemple d'impérialisme éco­nomique, culturel, voire politique ?
La pièce apporte la réponse livrée par une enquête sur le terrain, en tout lieu et tout milieu. Certes, elle ne prétend pas être exhaustive mais elle est le reflet théâ­tralisé de cette réalité à un moment donné.
Pourtant, sur le plan formel, elle n'est aucunement le décalcage pointilleux et réaliste de l'actualité. Si la pièce s'en tient scrupuleusement aux lois et aux significations du phénomène évoqué, elle laisse néanmoins emporter son propos par une théâtralisation qui puise abondamment dans l'univers baroque des références locales.
Les jeux, les situations, les personnages sont très liés au patrimoine. Ainsi la forme culturelle choisie est l'an­cienne mais très populaire pastorale provençale. Ce genre littéraire cherchait à travers la fable de Marie, de Joseph et de la naissance du Christ à peindre une fresque de la vie provençale. Nous adaptons et revenons aux sources en ramenant la fable liturgique à hauteur d'homme: l'aventure d'une fille du pays avec un ouvrier étranger à la région sert d'alibi pour évoquer la chronique d'un certain aménagement. Ce qui naîtra ne sera pas fils de Dieu mais l'enfant menacé des hommes à un moment crucial de leur émancipation.
Le propos de cette pastorale moderne est donc essen­tiellement profane. Il l'est même jusqu'à la démentielle quotidienneté de sa crèche électronique, transposant le mystère de la nativité dans l'horizon parqué des cités de béton. C'est pourquoi il peut renouveler la classique pas­torale religieuse, car en retrouvant la dimension populaire et ses problèmes sociaux il se retrempe dans les jeux théâ­traux qui ont présidé à ses origines mais que les répressions d'Église et d'État ont expurgés comme suppôts de l'enfer.
1609: le concile de Narbonne défend de représenter dans les églises, la nuit de Noël, les prophéties et les ber­gers, d'y faire voler des pigeons, etc.
1677 : édit de Louis XIV interdisant les compagnies théâtrales des « confrères de la passion »
1725: le concile d'Avignon prohibe définitivement les Noëls pour leurs « vains bavardages et jeux de mots mal­sonnants».
Cette tentative théâtrale est donc à la fois une reconquête du patrimoine occitan et une marche en avant dans l'actua­lité.
Un certain folklore a cristallisé « l'âge d'or » de la pas­torale sous forme de santons. Ces icônes sociaux ne révèlent plus de miracles autres que ceux du commerce et du passé, mais ils font partie de l'imagerie provençale et populaire. C'est une raison suffisante pour leur redonner vie. Nous l'avons fait en les plongeant dans l'idéologie actuelle des couches régionales qui assurent leur continuité historique, et nous avons voulu les faire sursauter « jusqu'au sub­conscient » en les confrontant au retour de la tarasque à visage d'industrie et de béton.
Entre les dents de la Tarasque, préfèreront-ils vendre leur patrimoine pour se trouver une place au soleil dans un pays où ce soleil ne sera plus car ils l'auront eux-mêmes mis à l'encan ?
Entre les dents de la Tarasque préfèreront-ils lutter en brandissant leur droit de vivre jusqu'à la haine de tout ce qui leur est étranger (et peut-être jusqu'à finir sous le même drapeau que ceux qui leur ont volé celui de la Provence) ?
Entre les dents de la Tarasque, choisiront-ils de lutter en brandissant leur droit de vivre avec les Boumians, ces parias méprisés de la pastorale de jadis, ces ouvriers craints de la pastorale d'aujourd'hui ?
Et la Tarasque est-elle mauvaise en soi ?
Ce sont là questions d'avenir et en Provence quelle céré­monie est-elle plus significative de l'engagement sur le futur que la millénaire tradition du « cacha-fuàc » !
Pour le solstice d'hiver (Noël), l'ancien (le vieux jour, celui qui meurt) portait la bûche au feu avec le benjamin (le jour nouveau, celui qui naît et se développe), renouve­lant ainsi clarté et saisons et resserrant dans le mystère du moment les liens de la communauté familiale.
Sous la pression de l'histoire, le « cacha-fuàc » conserve le pouvoir sacré de faire sourdre la lumière d'où jaillira le printemps, mais scellera-t-il dans la sève montante une « communauté de sang » oubliant parjures et concussions de certains de ses enfants ou scellera-t-il une nouvelle communauté, celle de lutte, qui n'oublie pas, juge et frappe ?

La méthode de travail du Teatre de la Carrièra

Poursuivant sa recherche dans le sens d'un théâtre populaire contemporain enraciné dans la réalité occitane, « lo teatre de la Carriera » a créé la pastorale de Fos après deux mois d'enquêtes et deux mois de représentations et d'animations critiques auprès de la population concernée.

L'enquête

Elle a été menée en collaboration avec des habitants de la région de Martigues sur les divers aspects du sujet traité, en tout lieu et tout milieu (les traditions provençales en Camargue, dans la Crau et le pays d'Arles Critique de la vie quotidienne dans la zone du « grand Fos » - Étude de l'implantation du complexe sidérurgique et de ses conséquences - Aménagement, pollution, environne­ment, etc.).
Des journées de synthèse étaient régulièrement tenues et ouvertes à tous et leurs conclusions confrontées à des conférences publiques où des spécialistes étaient invités.
Un bulletin hebdomadaire diffusant le calendrier des enquêtes et le compte rendu des réunions était envoyé à toute personne désireuse de suivre le travail entrepris.
Des animations ponctuelles visant à soulever des « dis­cussions sur le vif » auprès de gens directement impliqués étaient également produites (marché, comités d'entreprise, associations diverses, etc.).

La création 

Après une synthèse finale classant les problèmes ren­contrés et restituant l'horizon culturel vécu, une fable dramatique était présentée et soumise à un débat public (ainsi que la première écriture de la pièce dans une deuxième période). Des lycéens et des jeunes travailleurs s'associaient alors au travail de réalisation et prenaient des rôles importants lors des quatre premières soirées critiques. Cette façon de procéder quadruplait le public martégal et amassait un matériau critique très positif pour s'attaquer (uniquement avec les professionnels de la troupe, cette fois), à une deuxième version de la création, cette fois en Arles.

Assimilation de la critique

Tour à tour baptisé « Calendes Martégales », « Pampa­rigouste » et « Pastorale de Fos », la pièce poursuivait son chemin sur ce schéma d'intervention et d'assimilation de la critique dans diverses localités vivant le « phénomène Fos».

Crédits (lors des premières représentations en 1975) :

Texte : Claude Alranq
Mise en scène : Jean-Pierre Agazar et Claude Alranq
Régie : Jean Hébrard
Distribution :
Jean-Pierre Agazar : Codon
Claude Alranq : Chichois
Catherine Bonafé : Bartomieta
Marie-Hélène Bonafé : Mireille
Anne Clément-Bénichou : Fée Titène / La Badache
Jean-Marie Lamblard : Nostradamus
Mohamed Rabia : Boumian
Charles Robillard : Le préfet
Mise en ligne : 29/08/2011
Tipe : Practica festiva

Le terme occitan « Martror » est d’usage très courant dans les textes médiévaux dans lesquels il désigne l’actuelle Toussaint catholique (1er novembre), qui fut longtemps la « fête des martyrs », étymologie du terme martror en occitan.
En Occitanie comme ailleurs, cette « fête des morts » coïncide avec le mois « le plus noir » de l’année, le début de l’hiver astronomique (de début novembre jusqu’au solstice d’hiver au 21-22 décembre), qui marquait le début de l’année dans le calendrier celtique. Période où le monde de la nuit et des ténèbres est le plus proche de celui des vivants, elle correspond à un moment propice aux échanges symboliques entre les deux mondes.
Mais cette célébration des morts coïncide aussi avec la saison d’un certain renouveau, celui des labours et semences (« de la Sant Miquèl a Martror ») ou encore celui de la plantation des arbres fruitiers (autour de la Sainte-Catherine, le 25 novembre).
L'Église catholique sacralisa cette période de rites immémoriaux d’échanges symboliques entre vivants et morts à partir du IXe siècle en instituant la fête de tous les saints le 1er novembre, puis un « jour des morts », distincts, le lendemain.
Les enquêtes menées au cours du XXe siècle sur les rites, croyances, traditions rituelles en pays d’Oc ont permis de documenter de nombreuses pratiques vivantes - jusqu’aux années 1980 dans les Pyrénées par exemple - de rites de communication entre vivants et disparus (offrande de nourriture notamment). En Rouergue, dans le canton de Saint-Geniez-d’Olt demeure une tradition de vente aux enchères pour les âmes, où l’on retrouve l’offrande de nourriture mais encadrée par le rite religieux (la vente servant à financer les messes pour les morts tout au long de l’année).
L’arrivée de la tradition américaine de la fête d’Halloween au milieu des années 1990, ressentie par certaines communautés comme exogène et commerciale, semble provoquer localement un intérêt renouvelé pour les rituels autour de la Toussaint, dont le plus important est celui du Martror annuel de Pézenas, spectacle rituel qui clôt le cycle des « Temporadas » (Théâtre des Origines, puis Collectif Temporadas).

1. Pratiques et rites actuels : 

1.1 Aveyron : La « Pola un » ou Vente pour les âmes (canton de Saint-Geniez-d’Olt) :

Cette pratique vivante - mais qui s’est réduite au cours du XXe siècle à quelques communes - a fait l’objet d’une enquête en 1990 (Enquête Al Canton : Saint-Geniez-d’Olt, voir « Sources et documentation » ci-dessous). Cette vente aux enchères est organisée par des associations paroissiales dans plusieurs localités de l  Rémy Ladet, habitant de Saine-Eulalie, « commissaire-priseur » amateur animant la vente de la « Pola un » à Sainte-Eulalie-d’Olt en 1990. Source : Al Canton : Sent-Ginièis / C.-P. Bedel, CG12 : Mission départementale de la Culture, 1993. ’Aveyron, notamment Castelnau de Mandailles (dans les trois villages composant la commune : Castelnau, Mandailles et Cambon) ou encore Sainte-Eulalie-d’Olt où elle porte le nom de « Pola un » (poule un). Le nom de « Pola un » utilisé à Sainte-Eulalie est donné à la vente car elle commence traditionnellement par la mise aux enchères d’une poule.
La vente se déroule selon des modalités à peu près identiques dans toutes les communes. Il s’agit d’une vente d’offrandes, essentiellement alimentaires, de chaque famille (volaille, fouasse, etc.) et dont les bénéfices serviront à dire des messes tout au long de l’année pour les morts de la paroisse. « Jadis, cette cérémonie existait dans de nombreuses paroisses rouergates et donc il ne s’agirait en réalité ici que d’une survivance localisée d’un rituel à l’origine plus étendu. »

1.2 « Martror, fèsta dels mòrts », rituel festif (Pézenas : Théâtre des Origines, Collectif Temporadas)

Un rituel festif autour de « Martror » a été créé à Pézenas par le Théâtre des Origines puis organisé à partir de 2015 par l’association Collectif Temporadas. Il tend à essaimer dans d’autres communes du Languedoc. Autour du Théâtre des Origines puis du Collectif, des artistes et « praticiens » locaux du patrimoine culturel immatériel (re)créent un rituel festif en puisant dans les traditions locales et universelles liées à la fête des morts dans une démarche de fête déambulatoire collective. Cet événement, à la frontière de la création théâtrale et du rituel collectif, s’inscrit dans les « Temporadas », cycle de fêtes saisonnières organisées par le Collectif Temporadas qui a pour objet « l’organisation des fêtes saisonnières de Pézenas par la mise en commun des savoirs, des pratiques, des recherches et des imaginaires liés à la notion de Patrimoine Culturel Immatériel ». Martror est le rituel le plus récent des Temporadas de Pézenas, longtemps ancré sur le cycle de Carnaval et de la Saint-Jean / solstice d'été. Affiche de Martror en 2008 à Pézenas
Les différents moments des Temporadas peuvent rassembler plus d’un millier de participants dans des déambulations, scénographies participatives et rituels accomplis par les participants eux-mêmes. Le moment-fort de Martror consiste à adresser un message écrit à un disparu et qui est envoyé par l’ensemble des participants dans le ciel et la nuit. Un « chœur » de pleureuses accompagne ce geste particulièrement chargé d’émotion pour les participants-acteurs du rituel (Enquête Anne-­Sophie Haeringer, 2013 : voir « Sources et documentation » ci-dessous).  

En 2015, deux fêtes-rituels de Martror sont organisées en Languedoc :
- Pézenas : 7 novembre (organisé par l’association Collectif Temporadas qui a pour objet “l’organisation des fêtes saisonnières” de Pézenas par la mise en commun des savoirs, des pratiques, des recherches et des imaginaires liés à la notion de Patrimoine Culturel Immatériel.”)
- Puisserguier : 7 novembre, dans le cadre de la Fête de la soupe, Spectacle MARTROR "la Fèsta dels Mòrts" déambulation théâtralisée avec le théâtre des Origines (Après leur spectacle sur Bacchus à la Fête de l'Acabaire 2014, le Théâtre des Origines revient à Puisserguier pour une nouvelle déambulation théâtralisée. Martror est un spectacle rituel mis en rue, musique, chants, danse et théâtre où le marasme de la vie quotidienne laisse place à la joie et l'ivresse de renouer le partage avec ses morts ! )

2. Jalons historiques :

2.1. Martror, l’ancien « nouvel an » occitan ?

Les chartes et actes et les textes littéraires en ancien occitan révèlent à quel point Martror représentait pour les hommes du Moyen Âge en Languedoc une borne calendaire importante, marquant le début de l’année :

- Un engagement de Roger II comte de Foix envers la vicomtesse Ermengarde et son fils Bernard-Aton du 22 avril 1095 indique que Roger II ne peut racheter ses domaines à son retour de la Croisade que « de martror en martror » (c’est-à-dire d’une fête de Toussaint à une autre).

- Guilhem de Tudèla, dans la Canso de la Crozada (au vers 5622) utilise la même expression « del un Martror al autre » (d’une Toussaint à l’autre, c’est-à-dire, dans la durée d’une année).

- Le troubadour Guillaume de Berguedan dans une Canso, fait également référence à Martor :
Luec del marit volgr’ieu un ser,
E‘l ser que dures de pascor
Entro la festa de Martror
(je voudrais la place du mari un soir, et que le soir durât du printemps jusqu’à la fête de la Toussaint).

Moment de l’échéance des rentes, du loyer des maisons ou encore du louage des domestiques, Martror constitue un repère calendaire pluriséculaire, marquant la fin d’un cycle et le commencement d’un autre. C’est aussi le moment des labours et des semences et la période où l’on prenait les exploitations en fermage, comme en attestent certaines expressions populaires :
« De Sant Miquèu a Martror i a un mes laborador » (De Saint-Michel à Martror, il y a un mois pour faire les labours)
Le terme « Martronada » désigne en occitan toute la période autour de ce marqueur calendaire qu’est Martror.

3.2. Novembre, le « mois noir » du calendrier, période des échanges entre le monde des vivants et celui des morts :


Appelé Miz Du, le « mois noir » en breton, novembre est un moment charnière de l’année, où les jours raccourcissent avant l’entrée dans l’hiver. C’est la période des fêtes de Samain dans la tradition irlandaise, fête la plus importante du calendrier celtique selon les moines irlandais qui la décrivent dans leurs écrits dès le VIIIe siècle comme une nuit de festivité grandiose et fantastique au cours de laquelle les ancêtres morts pouvaient se mêler aux vivants. Occasion de rencontre entre les mondes des morts et des vivants, où les ténèbres gagnent sur le soleil, le début du mois de novembre constitue un moment « hors du temps », comme l’indique Philippe Walter dans son article La Toussaint, Samain et Halloween : « La nuit du 1er au 2 novembre marquait, pour les anciens Celtes, le début d’une nouvelle année. Ils pensaient que cette nuit-là, les portes de l’autre monde étaient ouvertes. Ainsi, les vivants pouvaient impunément pénétrer dans l’au-delà, tandis que les revenants et les fées envahissaient pour un temps le monde des humains. Cet échange entre les deux mondes, cette circulation des âmes, marque les nombreuses légendes de la Toussaint. »

Comme pour de nombreuses fêtes chrétiennes, l'Église fit le choix d'intégrer les rites hérités des anciennes croyances et religions. La fête de tous les saints est instituée le 1er novembre dans la chrétienté latine entre le VIIIe siècle et le IXe siècle : en 737 le pape Grégoire III institue une fête de « tous les saints » qui ne pouvaient être fêtés dans l’année, mais c’est seulement en 837 que Louis le Pieux ordonne que cette fête de tous les saints soit célébrée le 1er novembre dans l’Empire carolingien (Gaule, Germanie). Ce n’est enfin qu’à la fin du Xe siècle que la « fête des morts » commence à être célébrée, le 2 novembre : « Pour le christianisme, les deux fêtes des saints et des morts sont bien distinctes mais, dans l’esprit populaire, la Toussaint et la Fête des Morts se confondent. Elles ne font que recouvrir les restes de la vieille fête celtique des revenants ou des fées. » (P. Walter)

3.3. Pratiques et rituels de Martror en Occitanie :


- Dans les Pyrénées :
Isaure Gratacos qui a mené des enquêtes ethnologiques dans les Pyrénées, consacre un chapitre à la fête des morts dans son Calendrier Pyrénéen ; « Jusqu’en 1940, à l’église, dès le début de la messe de la Toussaint, chaque « maison » allumait son plec, édifié avec la fine chandelle de cire que l’on avait fait bénir à la Chandeleur et le laissait brûler pendant toute la cérémonie. En cette descente vers l’ombre de l’hiver et du domaine des morts, la flamme symbolique qui est à la fois le soleil et la vie, compense et exorcise ses contraires. »
Lors de ses enquêtes, Isaure Gratacos relève des rites d’offrandes qui peuvent être assimilés à l’action de nourrir et réchauffer des morts telle la pratique du « souquet », une bûche placée dans la cheminée et qui brûlera toute la nuit, tradition répandue sur tout le territoire Pyrénéen au moment de Martror.
Si assez peu de témoignages évoquent des offrandes alimentaires (19 sur 387 informateurs mais 58 récits au second degré), l'un des témoins de l'enquête dit que jusqu’en 1982 elle déposait sur deux assiettes posées devant le foyer « des noix, des châtaignes et même du fromage .» Contrainte d’arrêter « à cause des souris », elle continuait de mettre un « souquet » dans la cheminée afin qu’il brûle toute la nuit : « Les morts qui, pour une nuit, reviennent dans la Maison, apportent avec eux les forces vitales des profondeurs de la Terre-Mère et permettent ainsi à la vie de surface de continuer… Le retour des morts, dans la nuit du premier au deux novembre, est donc vécu comme un épisode de la vie, qu’elle soit celle des ancêtres ou celle des vivants. Si ceux-ci laissent sur la table le pain, la pomme ou le fromage, et s’ils font brûler la bûche c’est pour remercier les ancêtres à qui ils doivent la vie. Mais c’est aussi pour les aider et “réchauffer leur âme”. » (Isaure Gratacos)

Comme pour les autres fêtes religieuses marquées par des manifestations cérémonielles, il est interdit de travailler, Isaure Gratacos mentionne un autre interdit spécifique aux femmes relevé grâce ses enquêtes : faire la lessive et surtout de l’étendre.

Ressources et documentation :

Enquêtes :

- Vente pour les âmes en Rouergue :

Christian-Pierre BEDEL (dir.), Al canton : Sent Ginièis, Conseil général de l’Aveyron : Mission départementale de la Culture, 1993.

Certains matériaux de l’enquête, réalisés par Daniel Loddo, son consultable au CORDAE-La Talvera (Cordes-sur-Ciel) : 

Enregistrement sur « Las enchèras » (Castelnau-de-Mandailles, 1993) : voir la référence sur le catalogue du CORDAE.

E
nregistrement sur « la Pola un » (document écoutable en ligne) : voir la référence et écouter l'enregistrement sur le catalogue du CORDAE. 

[Enquête Lucien Mazars] dans : Enquêtes folkloriques en Rouergue : 1900-1954, Mémoires de la Société des Lettres Sciences et Arts de l'Aveyron. - ; T. 17, 1958.

- Pratiques d’offrandes alimentaires dans les Pyrénées :

Isaure Gratacos, Calendrier pyrénéen : rites, coutumes et croyances dans la tradition orale en Comminges et Couserans, Toulouse, Privat, 1995.

- Martror, la fèsta dels mòrts, rituel festif à Pézenas :

[Enquête Anne-Sophie Haeringer sur le Théâtre des origines à Pézenas à l’occasion de Martror 2013 et 2014] dans : Jean-Louis Tornatore (dir.), Anne-­Sophie Haeringer, La construction d’une ethnoscène : Théâtre et patrimoine culturel immatériel dans le monde occitan, Rapport de recherche : Centre Georges-Chevrier UMR 7366 CNRS Université  de Bourgogne, CIRDÒC, 2015.

 

Claude ALRANQ, Martror : la fête des morts (conférence donnée à Pézenas à l’occasion de Martror 2014). En ligne sur Occitanica :

Consulter la version texte.

Consulter la version audio.


Autres ressources en ligne :

Voir toutes les ressources sur « Martror » disponibles sur Occitanica.

Mise en ligne : 06/11/2015
Tipe : Òbra

 La Declaracion dels dreches de l’òme e del ciutadan es probable lo tèxte mai celèbre de la Revolucion francesa. S’agissiá, per la tota novèla Assemblada constituenta, de redigir la tièra dels dreches fondamentals a partir dels quals seriá establida la Constitucion.
La Declaracion foguèt adoptada lo 26 d’agost 1789 e donèt luòc, per sa portada universala, a fòrça traduccions, emai tanplan adaptacions, pastiches o versions, coma la famosa « Declaracion dels dreches de la femna e de la ciutadana » redigida emai publicada per Olympe de Gouges en 1791.
Autanlèu coma foguèsse adoptada, dins un contèxte politic favorable a la revirada de tèxtes oficials en lengas de França - los istorians an poscut parlar de « politica de las traduccions » per lo primièr periòde revolucionari marcat pel Decret del 14 de genièr 1790 prevesent que « lo poder executiu farà revirar dins tots los idiòmas de la França los decrets de l’Assemblada nacionala » - mantas reviradas occitanas de la Declaracion dels dreches de l’òme e del ciutadan foguèron recensadas.

Aquel article establís l’inventari de las diferentas reviradas e versions occitanas de la Declaracion dels dreches de l’òme dempuèi la Revolucion fins a las versions e reviradas contemporanèas.

Las reviradas de l’epòca revolucionària

Una granda partida de las reviradas occitanas dels tèxtes oficials, respondent al Decret del 14 de genièr de 1790 a malurosament desaparegut.
Lo tarnés Dugas emai sos collaborators avián notadament, als costats d’autres traductors mai ocasionals, produch un centenat de volums de revirada en occitan dels decrets e actes constitucionals. Sola una partida d’aquel còrpus es servada als Archius nacionals (AA 32, dossier 963 : traductions des textes et décrets de l’Assemblée nationale en occitan et autres langues de France pendant la Révolution).
La màger part de las reviradas de la Declaracion dels dreches de l’òme que son pervengudas fins a nosautres s’inscrivon dins aquel contèxte de la politica de las reviradas. Pasmens, la version mai celèbra, la de l’avocat bordalés Bernadau, es estada reculhida dins l’encastre de l'enquèsta de l’abat Grégoire qu’aprestèt son famós Rapport e que mercarà una virada de la politica lingüistica revolucionària a partir de 1793-1794.

La revirada bordalesa de Pierre Bernadau

L’autor

Pierre Bernadau (1762-1852) es un avocat bordalés, per alhors istorian de Bordèu, erudit afogat de biografia emai ocasionalament poèta d’expression occitana. Aquò’s coma membre de la Societat dels Amics de la Constitucion que respond al questionari mandat per l’abat Grégoire, tot en li senhalant - ironicament ? - qu'a pas que saisi qu’imparfaitement le sens des questions [posées] aux patriotes. Dins la siá responsa, Bernadau a lo tesic de donar a Grégoire un apercebut aitanplan complet que possible de la realitat de l’occitan parlat a Bordèu emai dins son virat. Pren l’iniciativa de jónher a son mandadís una revirada de la sainte Déclaration des droits de l’homme. Bernadau explica aver realizat aquela revirada emai la de las lois municipales (creacion de las comunas lo 14 de decembre 1789) dins la langue mitoyenne entre tous les jargons en usatge dins las campanhas a l’entorn de Bordèu. Bernadau ditz qu’a fach aquelas primièras reviradas amb d’anotacions per èstre très-utiles aux paysans del Bordalés. La revirada de Bernadau s’inscriu doncas dins l’esperit del periòde de la « politica de las traduccions ». L’idèia èra de rendre intelligible al pòble non francofòn los progrèsses e dreches autrejats per la Revolucion.

Lo document

S’agís d’un manuscrit de 11 paginas datat de 1790 e contenent la revirada occitana amb lo tèxte francés donat en interlinha. Es religat al dintre d’un recuèlh de documents mandats a l’abat Grégoire dins l’encastre de son enquèste suls patois e servat dins lo fons de l’abat Grégoire a la Bibliotèca de la Societat de Port-Royal (còta : ms. REV 222).

Lo tèxte

La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Responsa de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, editada per Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dins : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en linha sus Gallica.

Tanben coma per de nombroses traductors del periòde, Bernadau fa primièr una causida lingüistica, cercant a revirar dins una fòrma emai un nivèl de lenga occitana comprensible pro largament per delà las variacions localas. Causís l’occitan tal qu’es parlat a Bordèu, langue mitoyenne entre tous les jargons ça-ditz el.
Per sa situacion de pòrt emai de caireforc, mai que mai entre los domenis dialectals gascon e lengadocian, l’occitan parlat suls cais de Bordèu, onte Bernadau a d’alhors passat sa vida, es una mena d’occitan « unificat » de la ribièra de Garona (es l’occitan popular de Bordèu qu’un sègle après Bernadau, apelavan lo « pishadèir ») : los Tolosans, Peiregòrds, Agenés, Landés, Bearnés, Auvernhats que se crosavan e se rencontravan sul pòrt de Bordèu, podián tots comprene lo pishadèir. I trapam mescladas de fòrmas apartenent a las doas grandas variantas del territòri, coma los demonstratius aqueth (gascon) emai aquel (lengadocian). Bernadau utiliza los dos indiferentament dens sa revirada.
La revirada de Bernadau es reputada pauc fidèla al tèxte original. L’istorian Jacques Godechot en particular senhalèt que la revirada de Bernadau èra pas basada complètament sul tèxte de la Declaracion dels dreches de l’òme tal coma foguèt adoptada en 1789, mas sus una parafrasi mai o mens fidèla d’aquela. Es possible que Bernadau, al contra del Provençal Bouche, aja cercat a rendre intelligibla la Declaracion non solament en la revirant dins la lenga del pòble, mas tanben en reformulant de biaisses de dire que jutjava sens dobte tròp tecnics.

Per lo consultar

Consultar lo manuscrit original (Bibliotèca de la Societat de Port-Royal, ms REV 222) : https://occitanica.eu/items/show/20274
Augustin Gazier (1844-1922), que dirigissiá la bibliotèca de la Societat de Port-Royal, a publicat dins la Revue des langues romanes de 1874 a 1879 l’integralitat de la responsa de Bernadau a Grégoire, inclusent la traduccion de la Declaracion dels dreches de l'òme.
Consultar l’edicion d’Augustin Gazier dins la Revue des langues romanes : https://occitanica.eu/items/show/5126
Consultar la version manuscricha de l’edicion d'Augustin Gazier : https://occitanica.eu/items/show/19881

Autras traduccions de l’epòca revolucionària

Per èstre mai celèbra, la traduccion de Bernadau n’es pas la sola realizada a l’epòca revolucionària pel domeni occitan.

La Counstitucién francézo per Charles-François Bouche (1792)

Charles-François Bouche (1737-1795), òme politic sestian fòrça actiu pendent lo periòde revolucionari, deputat del Tèrç als Estats general puèi a l’Assemblada nacionala, fa estampar en 1792 sus las premsas de l’Imprimariá nacionala La constitution française traduite conformément aux décrets de l'Assemblée-nationale-constituante en langue provençale et présentée à l'Assemblée-nationale-législative. S'i trapa en preambul una traduccion en provençal de la Declaracion.
Coma Bernadau, Bouche cercava una forma d’occitan provençal de larga comunicacion. Per contra, a la diferéncia de l’avocat bordalés, sa revirada de la Declaracion dels dreches de l’òme es jutjada de marrida qualitat sul plan de la lenga emplegada. Probable per respièch excessiu per la « sacralitat » del tèxte francés emai benlèu per la dificultat de revirar de nocions e biaisses fòrça tecnics per un locutor e erudit provençal de la fin del sègle XVIII, lo tèxte de Bouche es mai una mena de provençalizacion del tèxte francés que non pas una vertadièra traduccion.

En saber mai sus La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche.

Traduccions perdudas

L’existéncia d’autras versions de la Declaracion dels dreches de l’òme en occitan es atestada emai los documents sián uèi introbables o definitivament perduts. La sociolingüista Brigit Schlieben Lange, especialista de l’occitan pendent lo periòde revolucionari, menciona dins un article de la revista Lengas la version d’un nomenat Larrouy en parlar de Bearn e datada de 1790. Es possible qu’aquela version siá servada dins lo fons AA32 dels Archius nacionals.
Tot parièr lo Dictionnaire des usages socio-politiques : 1770-1815, fas. 5 : Langue, occitan, usages (Paris : Klincksieck, 1991) cita una revirada occitana de la Declaracion atestada a Sent Micolau de la Grava, non luènh de Los Sarrasins per un document testimoniant qu’èra estada legida e comentada en « lenga vulgara » amb la Constitucion per tant de las rendre intelligiblas a tots los ciutadans.
A Gap, un nomenat Farnaud escriu als administrators del Departament d’Auts Aups per lis-i senhalar la siá revirada de la Declaracion emai de la Constitucion en langage vulgaire ou patois de ce pays. Pòt èsser Pierre-Antoine Farnaud (1766-1842) que foguèt secretari general de la prefectura dels Auts Aups jos l'Empèri. Es conegut per èstre l’autor d’un Noël patois compausat per lo prefècte Ladoucette, celebrant Napoleon, e cantat al temps de la messa de mièjanuèch de 1806, o de son paire Joseph-Antoine Farnaud (1731-1817). Lo tèxte de la traduccion es malurosament pas servat amb la letra als Archius departamentals dels Auts Aups (L417).
Per fin, Renat Merle, dins sa tèsi sus l'Écriture du provençal de 1775 à 1840 (Béziers : CIDO, 1990 cita la demanda d’una traduccion en provençal a Ais lo 7 de novembre 1790 : on réclame la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme en langue provençale. La proposition est mise aux voix et adoptée. Malgrat de virulentas oposicions, çò-ditz Renat Merle, una revirada foguèt realizada en provençal a la demanda dels ciutadans sestians. Es possible que s’agisca de la de Charles-François Bouche, que fasquèt estampar en 1792.

Adaptacions literàrias

La Déclaration versifiée en provençal par Félix Gras (1896)

L’escrivan Fèlix Gras (1844-1901), lo « felibre roge », propausa una version de la Declaracion dels dreches de l’òme en provençal dins son roman istoric Li Rouge dóu Miejour (= Les Rouges du Midi, Avignoun : J. Roumanille, 1896). S’agís en realitat d’un cort extrach que, dins lo recit, es portat en pancarta e declamat per un federat de Marselha en rota per París. Sol lo primièr vèrs es, de verai, inspirat de la Declaracion : Lis ome naisson libre e soun tóutis egau. La seguida es un tèxte patriotic que repren los principis de la Revolucion.

Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !
Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion !
Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé. Éditions des régionalismes, 2016.
Consultar lo tèxte dins l'edicion originala sus Gallica.

La version teatrala d'André Benedetto (1976)

André Benedetto (1934-2009), comedian, autor e meteire en scèna a inserit un bocin de la Declaracion dels dreches de l’òme traducha en occitan dins la siá pèça Les Drapiers jacobins (Novèla companhiá del teatre dels Carmes d’Avinhon, creacion en 1976 pel festenal de Montalban).
Les Drapiers jacobins es una reflexion fòrça influenciada per Fèlix Castan sus la question de l’unitat nacionala al temps de la Revolucion emai una critica de la construccion de la « nacion jacobina », borgesa emai destructritz de las culturas popularas en rason del contengut de classa.
Atribuís al personatge del revolucionari montalbanés Gautier-Sauzin, que ne fa un brave robespierrista, una revirada occitana de la Declaracion dels dreches de l’òme. Se Antoine Gautier-Sauzin a ben de verai existit, ne sabèm en realitat pas grand-causa. Es l’autor d’una peticion servada als Archius nacionals contenent un vertadièr programa d’instruccion publica en occitan entitolat « Réflexions sur le genre d’instruction publique qui conviendrait à nos campagnes méridionales » . Lo caractèr excepcional d’aquela peticion n’a fach lo ponch de despart de la pèça de Benedetto. Çaquelà la revirada de la Declaracion dels dreches de l’òme es una pura invencion teatrala. André Benedetto balha d’alhors lo nom de la traductritz, Marie-Charlotte Chamoux. Repren tanben a la tirada seguenta la version versificada de Fèlix Gras.

Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :
«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat. Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »

André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dins Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.

Traduccions contemporanèas

La Declaracion de 1789 es estada mantuns còps reescricha e completada (1792, 1795, 1848…) avant d’èsser gaitada coma un tèxte constitucional francés de plen drech. Son inspiracion es de conéisser dins la Declaracion universala dels dreches de l’òme adoptada per las Nacions Unidas lo 10 de decembre 1948. La portada universala d’aquela implicava que siá traducha dins totas las lengas del monde, oficialas o non, mantas traduccions occitanas foguèron realizadas en 1998 :

La Declaracion universala dels dreches de l’òme en occitan (lengadocian, grafia classica)

Consultar en linha sul siti del Naut-Comissariat de las Nacions Unidas als dreches de l'òme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1

Sul meteis site se trapa tanben una revirada en auvernhat (grafia dicha Bonneau) : https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1

La traduccion dels escolans del collègi Jean-Jaurès de Sant-Africa

Publicada dins lo n°35 de la revista pedagogica Lenga e país d’òc, aquela revirada en occitan lengadocian es estada realizada per la classa de 4° bilingüa del collègi Jean-Jaurès de Sant-Africa (Avairon) dins l’encastre d’un trabalh d’educacion civica.
Consultar la traduccion dels escolans del collègi de Sant-Africa : https://occitanica.eu/items/show/20514

Mise en ligne : 12/12/2018
Tipe : Òbra / Data : septembre 2011

La date de publication du premier Armanac de Louzero pose problème. Cette publication annuelle en langue d'oc (dialecte du Gévaudan) est régulière depuis 1903. Cependant, un premier Armanac de Louzero avait été publié en format réduit en 1899. 

La publication de cet almanach se poursuit jusqu'à nos jours avec toutefois une interruption entre 1958 et 1969. Depuis 1970, il constitue un supplément annuel à la revue Lou Païs : revue régionaliste du Gévaudan et des Cévennes. Jusque dans les années 1950 il était entièrement en langue d'oc, il est aujourd'hui bilingue. 

Le n° 1 de l'Armanac de Louzero (1903) met en scène, sous forme de dialogue, l'ambition de ce nouvel almanach : « L'almanach patois. (...) Il faut que je te dise, Jacou, que ma fille était à Mende, hier, pour y vendre quelques fromages. Elle en a ramené une nouvelle : il paraît que l'on va faire un livre en patois. Tu ne l'as pas entendu dire ? 

— Jacou : Un livre en patois ? Non... Tu veux peut-être dire un almanach ? 

— Touèno : C'est ça : un almanach en patois. 

— Jacou : J'y suis maintenant, et comme disait l'autre : il suffit d'expliquer. Mais il te faut savoir, Touèno, qu'un almanach ce n'est pas un livre : un almanach, c'est un almanach... Il y a les fêtes, la pluie et le beau temps, les foires, les lunes, de petites choses pour amuser le monde, des proverbes, des contes, des chansons, des remarques... Souviens-toi, Touèno, qu'un livre il y en a beaucoup qui ne se baisseraient pas pour le ramasser, alors qu'un almanach en patois, tu verras qu'on s'y jettera dessus comme les brebis sur le sel... » (cité et traduit dans Dominique Blanc, « Lecture, écriture et identité locale : Les almanachs patois en pays d'oc (1870-1940) », voir bibliographie ci-dessous

Comme la couverture des premiers numéros l'annonce, cet almanach « Marco las fièiros, las festos, las lunos, las sesous, i o de contes, de prouberbis, de chansous, de farços, per fa passa lou tems al brabe mounde de nostre païs. » 

Selon le témoignage de Félix Buffière (1966, voir bibliographie ci-dessous), « lou Grelhet »/Félix Remize assurait l'essentiel de la rédaction de l'armamac : « Sous sa couverture de couleur, l'Armanac avait invariablement ses 64 pages. Il s'ouvrait par un calendrier détaillé et s'achevait par la liste des foires de la Lozère. Un « Catecisme de la Meirino » ou « del Peyri », un récit évangélique, un conte du pays, du diable, du renard et du loup, parfois un conte « biropassat » (traduit) de Grimm ou de Perrault : le tout entremêlé de savoureuses farces, de bons mots, de proverbes, de devinettes, de chansons, et clôturé par « l'ensenhadou » ou table des matières. » 

Parmi les collaborateurs réguliers du chanoine Remize, Félix Buffière cite Ange Peytavin, curé de Mialanes (qui signait Estieine). « Chontoclar » (Albert Brunel) fournissait régulièrement des chansons et illustrait l'Armanac. 

Origine de l'Armanac de Louzero : 

À la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, il y a une grande vogue des almanachs en langue d'oc, liée au développement du Félibrige qui avait créé dès 1855 l'Armana prouvençau à Avignon. Celui de la Lozère a été réalisé en 1899, puis de façon régulière à partir de 1903 par Félix Remize (« Lou Grelhet ») (1865-1941). Ces almanachs eurent un très grand succès populaire, certains tirant à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. 

En savoir + sur Félix Remize : 

Félix Buffière, « Le chanoine Félix Remize », introduction à Félix Remize, Contes du Gévaudan, vol. 1, s.l., s. n., 1966 (CIRDOC CAB 353-1) 

Sur le mouvement des almanachs en langue d'oc :

Dominique Blanc, « Lecture, écriture et identité locale : Les almanachs patois en pays d'oc (1870-1940) », dans Terrain, n° 5, octobre 1985 (pp. 16-28) [disponible en ligne sur le site de Dominique Blanc, anthropologue, Ingénieur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

Mise en ligne : 27/09/2011
Tipe : Òbra

Résumé

La poésie de Pey de Garros, est une poésie bucolique écrite dans une langue populaire riche, vigoureuse et naturelle. C’est une des premières œuvres occitanes du XVIe siècle qui revendique sa filiation avec les écrits des troubadours et « tente de poser l’existence d’une langue et d’une nation gasconne ».

Titre original complet

Poesias gasconas de Pey de Garros Laytorès dedicadas a magniphic e poderos princep le Princep de Navarra son seño

Exemplaires conservés

Albi BM - Rochegude 2436

Paris BnF - 16- YE- 1797

Paris BnF - RES- YE- 863

Paris B Mazarine - 4° 10917 O [Res]

Toulouse BU Arsenal - Resp 35293

Versailles BM - Goujet 23 4°

Londres BL -  241.l.14

Note de contenu

La poésie de revendication s’affiche aux premières pages de l’ouvrage dans l’avis au lecteur où l’auteur expose sa défense de la langue gasconne, seul passage en français de l’ouvrage.

Note d’étude

Pey de Garros, publie les Poesias gasconas en 1567, après ses Psaumes de David viratz en rhythme gascon publiés à Toulouse deux ans plus tôt. Bien que peu lue, l’œuvre de Garros renouvela profondément la littérature d'Oc au XVIe siècle. Garros est le premier auteur qui, de façon totalement novatrice, assume dans l'expression littéraire les particularités dialectales du gascon dans l'ensemble occitan. Il marque - comme le relève Robert Lafont - dans le devenir occitan, la naissance du gascon écrit. Utilisant dans son œuvre une graphie personnelle qui se situe en rupture avec les anciennes traditions d'écriture des archives, il veut ainsi faire entrer sa langue dans la modernité à l'instar des autres langues européennes. Le but de Garros est de rendre sa dignité à la langue gasconne, lien d'une nation encore à naître.

Non seulement il refuse d'écrire en français, « lengatge hardat » (langage fardé) pour adopter « la lenga de la noiritut » (langue de la nourrice), opposant ainsi le naturel à l'artifice, mais, par son choix des genres poétiques, il se distingue volontairement de la Pléiade française.

Éditions et traductions

Œuvres complètes de Pey de Garros ; [trad. du gascon en français par Alcée Durrieux]. Édition nouvelle. - Auch : G. Foix, 1895 (CAB 784)

Traductions partielles

Les églogues de Pey de Garros ; suivies du Chant nuptial : texte de 1567 avec une traduction, des notes et un glossaire par André Berry,.... Toulouse : É. Privat, 1953. (CAC 801)

Eglògas : poësias gasconas / Pey de Garros Éd. bilingue établie par Jean Penent. - [Toulouse] : Letras d'òc, 2012, Texte original accompagné d'une adaptation en orthographe moderne (gascon), d'une adaptation en occitan languedocien et d'une traduction française. - Bibliogr. p. 269-275 (CAC 9421)

Postérité de l’oeuvre

L’œuvre de Pey de Garros occupe une place éminente et fait de lui un des promoteurs de la renaissance provençale. Il est un des premiers promoteurs de la tradition d’écriture occitane qui s’inspire du modèle antique de Virgile et de sujets bucoliques. Après lui cette voie sera suivie par Larade et Goudelin au XVIIe siècle, l’abbé Favre et Claude Peyrot au XVIIIe siècle et se prolongera jusqu’aux Chansons pastorales de Despourin au XIXe siècle.

Bibliographie

Colloque sur Pey de Garros et la situation culturelle de l'Aquitaine méridionale au XVIème siècle : Auch Lectoure, 15, 16, 17 avril 1965 Institut d'Etudes Occitanes. [Toulouse] : Institut d'Etudes Occitanes, 1968

Pey de Garros : ca 1525-1583 : actes du Colloque de Lectoure, 28, 29 et 30 mai 1981 réunis par Jean Penent ; Centre d'étude de la littérature occitane. - Béziers : Centre International de Documentation Occitane, 1988.

François Pic, « Bibliographie de l’oeuvre imprimée de Pey de Garros » dans : Pey de Garros : ca 1525-1583, Béziers : Centre International de Documentation Occitane, 1988, p. 71-88.

Jean-Yves Casanova, « Entre Gascogne et France : l'idéologie de Pey de Garros dans les Poesias Gasconas de 1567 et l'ethnotypisme linguistique du Faeneste », Albineana, Cahiers d'Aubigné, 1995,  6, p. 289-306.

L'œuvre de Pey de Garros : poète gascon du XVIe siècle André Berry ; éd. établie par Philippe Gardy et Guy Latry. Talence : Presses universitaires de Bordeaux, 1998.

Ressources numériques

Exemplaire Bibliothèque de Toulouse (Arsenal) 1567

Exemplaire BnF Gallica (1567)

Mise en ligne : 09/03/2016
Tipe : Trobador

Né en 1071, Guillaume IX de Poitiers hérite à l'âge de quinze ans d'un vaste domaine. Les possessions familiales comptent de nombreux titres dont les importants duché d'Aquitaine et comté de Poitiers. Seigneur puissant, Guillaume IX de Poitiers mène durant son existence un grand nombre de luttes pour affermir et accroître ses possessions, luttes aux résultats toutefois inégaux. Ayant épousé en secondes noces Mathilde, fille et héritière du comte Guilhem IV de Toulouse, il lance notamment de nombreuses incursions sur les terres des Saint-Gilles, conduisant à leur occupation temporaire. A sa mort cependant, la plupart de ses conquêtes méridionales étaient depuis quelques années déjà, perdues.

 

Important seigneur aux charges et occupations multiples inhérentes à son rang, Guillaume IX de Poitiers fut également troubadour, composant dans la langue d'oc poèmes, satires et ballades. Il se vit d'ailleurs attribué le surnom du Troubadour, et demeure aujourd'hui encore le premier poète du tròbar identifié.

 

A l'instar d'une grande partie de ces poètes et poétesses du Haut Moyen âge, une Vida(court texte biographique expliquant les raisons pour laquelle les poèmes ont été écrits), bien que brève et postérieure de cent-cinquante années aux faits qu'elle relate, propose divers éléments biographiques sur le comte, nous dressant le portrait d'un homme complexe. Guillaume IX de Poitiers figure d'ailleurs parmi les rares troubadours sur lesquels nous possédons tant de détails biographiques. Son rang de comte semble avoir donné lieu à une plus ample documentation, tant de ses contemporains que des générations qui suivirent, celle-ci demeurant cependant davantage focalisée sur l'étude du seigneur bien plus que sur celle du troubadour.

 

Le premier des troubadours ?

 

Guillaume IX de Poitiers est-il le premier des troubadours, inventeur de l'art du tròbar ? La qualité de ses productions, l'affirmation déjà marquée des codes troubadouresques que l'on y trouve, témoignent d'une grande maîtrise de l'écriture qui pour certains historiens, semble davantage s'inscrire dans une continuité que dans une invention pure. Toutefois, la proximité du Val de Loire, alors marqué par un renouveau de la poésie d'amour en latin, l'influence limousine, foyer de création musicale par la présence des abbayes de Saint-Léonard et Saint-Martial, ainsi que la présence durant son enfance, de chanteurs arabes à la cour de son père, ont pu être autant de sources et de modèles pour le duc-troubadour. Guillaume IX n'en demeure pas moins l'exemple le plus ancien connu à ce jour de poésie lyrique en occitan s'inscrivant dans le courant troubadouresque.

 

Onze pièces de la main de Guillaume IX de Poitiers sont parvenues jusqu'à nous. Il est fort probable que bien d'autres, aujourd'hui disparues, aient été rédigées par celui-ci. Elles constituent une importante source de renseignements, tant pour les linguistes, du fait de leur ancienneté et des influences du poitevin, que pour les historiens de la littérature. S'y retrouvent ainsi les situations et lieux communs propres au genre sur les relations femme aimée/amant. La langue employée par Guillaume IX de Poitiers dans ces pièces, est celle qu’emploieront les troubadours successifs, y compris gascons, une langue commune, sorte de koinè troubadouresque, ne laissant transparaître que quelques influences dialectales.

 

L'art du tròbar en Aquitaine

 

L'art du tròbar, initié en Aquitaine par Guillaume de Poitiers, fut promis à un bel avenir dans ces contrées. Par la suite, Cercamon, probablement originaire de Gascogne, Marcabrun, son disciple, présent à la Cour de Guillaume X de Poitiers, Jaufré Rudel prince de Blaye ou Guiraut de Calanson, perpétuèrent l'art du tròbar sur les territoires qui composent l'Aquitaine actuelle .

 

A l'instar de Guillaume IX de Poitiers, seigneur qui marqua la mémoire de ses contemporains par son incursion dans le domaine des lettres et des arts, d'autres seigneurs et non des moindres prirent en leur temps la plume. Richard Cœur de Lion (1157-1199), duc d'Aquitaine puis roi d'Angleterre, fils d'Aliénor d'Aquitaine et par elle, descendant de Guillaume le Troubadour, composa ainsi en occitan des pièces de poésie. Deux cents ans plus tard, Gaston Fébus (1331-1391), vicomte de Béarn, prenait à son tour la plume pour rédiger des poèmes. S'il est difficile de certifier sa paternité concernant le Se canta (l'un des hymnes pan-occitan actuel), une autre de ses Cansos (chansons) fut récompensée de son temps par le Consistori del Gay Saber, aujourd'hui Académie des Jeux Floraux de Toulouse.  

Mise en ligne : 11/05/2015
Tipe : Trobador / Data : 2017

En 1912, a l'escasença d'eleccions legislativas extraordinàrias dins la circonscripcion de Limós, l'aviator Jules Védrines inspira una cançon en occitan encara coneguda e cantada a l'ora d'ara.

Contèxt istoric e resumit dels faits

A l'escasença d'eleccions extraordinàrias al pòste de deputat de la circonscripcion de Limós, aprèp l'eleccion d'Étienne Dujardin-Beaumetz coma senator d'Aude, l'aviator Jules Védrines foguèt al centre d'un escandal politic que se'n parla encara a l'ora d'ara.
Colleccion particulara

En efècte, Charles Toussaint Védrines dit Jules Védrines, nascut lo 29 de decembre de 1881 a Saint-Denis dins lo departament de la Seine, arribèt lo 10 de març de 1912 a Quilhan per una fèsta de l'aviacion organizada dins aquesta vila sus convit del conse Paulin Nicoleau. A aquesta escasença, e aprèp aver rescontrat Ernest Ferroul dins son burèu narbonés, decidiguèt de se presentar a las eleccions legislativas que se devián debanar lo 17 de mars de 1912 dins la circonscripcion de Limós (per pròva la letra de depaus de candidatura validada, datada de l'11 de mars de la meteissa annada).

Es a aqueste moment que comencèt dins Nauta-Valada d'Aude una corsa electorala en avion. Jules Védrines se presentèt contra Jean Bonnail, ja elegit dempuèi bèl brieu a diferents pòstes (conse e conselhièr general), quatre autres candidats se declarèron tanben mas qu'obtenguèron pas gaire de voses fin finala (Jean Vidal, Antoine Garrouste, Jacques Faure e Didier Cousturier).
En una setmana Védrines percorriguèt doncas la circonscripcion tota amb l'ajuda de son avion e distribuïguèt quitament sa profession de fe en la getant per dessús bòrd, dels aires. Dins cada vila o vilatge ont se pausava s'organizèron d'acamps que lo public li espèrava nombrós per escotar sos discorses, l'arribada de son avion era en se un eveniment. Aquela setmana de campanha electorala foguèt doncas enferonida, los articles de premsa nombroses e fòrça divisats, en foncion del jornal que i pareguèron, las afichas, los cants e los documents prefectorals testimònian de la vivacitat dels escambis e de la fervor que capitèt de soslevar Jules Védrines mentre que Jean Bonnail era largament pressentit per èsser elegit.
La batalha s'anonciava doncas sarrada. Mas al ser del 17 de mars de 1912 foguèt plan Jean Bonnail, candidat del partit radical socialista e polin d'Étienne Dujardin-Beaumetz que foguèt elegit amb 7691 voses contra 7002 per Védrines. Lo nombre de voses obtengut per cada candidat es encara uèi de prene amb precaucions puèi que chifras diferentas apareisson suls documents oficials que se pòdon consultar.
En seguida de l'anóncia de las resultas una part de la populacion se soslevèt e s'enseguiguèron nuèits de desbordaments e d'agitacions.
Aquelas resultas foguèron confirmadas qualques meses aprèp per la Cambra dels deputats.

Musica

La cançon dita «Cançon de Védrines» foguèt escrita sus l'aire de la Valse Brune (musica de Georges Krier - particion disponibla sul site www.partitionsdechansons.com). Coma un molon d'autras cançons de l'epòca las paraulas èran pausadas sus de musicas conegudas per la màger part de la populacion (aires d'operetas, danças, imne nacional etc.)

Paraulas

Colleccion particulara

Mantuna sorga atèstan de l'escritura de las paraulas d'aquesta cançon al moment dels faits en mars de 1912. En efècte, un article del Télégramme datat del 21 de mars de 1912 e un article de l'Éclair del 22 de mars de 1912, balhan los dos primièrs coblets e los dos primièrs repics de la cançon.

Si la cançon dita « Cançon de Védrines » sus l'aire de la Valse Brune es la mai coneguda, n'existisson d'autras sul meteis tèma e escritas a la meteissa epòca. Dins los articles de premsa de l'epòca n'i a una, publicada dins lo Télégramme del 17 de mars de 1912, qu'apareis pas dins lo cançonièr prestat pel M. Vives e qu'èra estada compausada sus l'aire del Se canta.

Lo cançonièr prestat pel M. Vives conten trenta-una cançons de las que cinc son en occitan (compresa la que lo tèxte n'es balhat çai-jos). Lo cançonièr qu'avèm poscut recuperar e numerizar a cò de M. Vives, eiretièr d'un cafetièr de Limós, per el, es pas datat mas es compausat pas que de cançons a l'onor de Jules Védrines. Dins la version balhada dins aquel i a un tresen coblet e un tresen repic.

Vaqui sa transcripcion e sa traduccion :

  Occitan : grafia de l'autor Occitan : grafia classica Francés
Titol Bédrino (aire de la Balso bruno) Védrines (aire de la Valse Brune) Védrines (air de la Valse Brune)
Coblet 1 Et qu’es aco que s’entends dins las brumos
Qu’es aquel bruch ?... Es un aousel sans plumo
Qué fa teuf-teuf… Qué rounflo… Qué fumo
Mounto descend et biro coumo bol.
Le cap lebat, nostré poplé frissouno
Serco d’aysels qué pot estre a quel fat
Mé coumo ben de debets Carcassouno
Cant à plein gargalhol
E qu’es aquò que s’entend dins las brumas
Qu’es aquel bruch?... Es un aucèl sens pluma
Que fa tuf-tuf... Que ronfla... Que fuma
Monta descend e vira coma vòl.
Le cap levat, nòstre pòble frissona
Cèrca dels uèlhs que pòt èsser aquel fat
Mas coma ven de devers Carcassona
Canta a plen gargalhòl
Qu’est ce qu’on entend dans les brumes
Quel est ce bruit ? C’est un oiseau sans plume
Qui fait tuf-tuf… Qui ronfle… Qui fume
Monte, descend et tourne comme il veut.
La tête levée notre peuple frissonne
Cherche des yeux qui peut être ce fou
Mais comme il vient de vers Carcassonne
Il chante à pleins poumons
Repic 1 Ah ?... ço qué brounzino
Y lé courachous Bedrino
Qu’arribo sur sa machino
Coumou passérat,
Pareil à l’esclaïré
Aqui es a soun affaïre !
Quilhat amoun naut din l’aïré
Filo coumou rat.
Ah?... çò (Aquò) que bronzina
Es le coratjós Védrines
Qu'arriba sus sa maquina
Coma un passerat,
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire !
Quilhat amont naut dins l'aire
Fila coma un rat
Ce qui bourdonne
C’est le courageux Védrines
Qui arrive sur sa machine
Comme un moineau
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
Perché là-haut dans les airs
Il file comme un rat.
Coblet 2 Dins le cel bleu et lis coumouo glaco
Aïtats amis aquel punt dins l’espaco
Que paüc à paüc groussis et se desplaço
Qu’aïgidomen escalado tant naut
Es un utis faït de boues et de télos
Per le mena cal pas estre nigaut
Cresé qu’un joun crebara las estelos
Nostre soulel tant naut !
Dins le cèl blau e lis coma una glaça
Gaitats amics aquel punt dins l'espaci
Que pauc a pauc grossís e se desplaça
Qu'aisidament escalada tant naut
Es un utís fait de boès e de telas
Per le menar cal pas èsser nigaud
Cresi qu'un jorn crebarà las estèlas
Nòstre solelh tant naut !
Dans le ciel bleu et lisse comme la glace
Regardez amis ce point dans l’espace
Qui peu à peu grossit et se déplace
Qui habilement escalade si haut
C’est un outil fait de bois et de toile
Pour le conduire il ne faut pas être sot
Je crois qu’un jour il crèvera les étoiles
Notre soleil si haut !
Repic 2 Le balent Bedrino
A chabal sur sa machino
Dins l’ether pur qué brounzino
Filo coumou rat.
Pareil à l’esclairé
Aqui est as soun affairé
Es quilhat se ten en l’airé
Coumou passerat
Le valent Védrines
A caval sus sa maquina
Dins l'etèr pur que bronzina
Fila coma un rat
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire
Es quilhat se ten en l'aire
Coma un passerat
Le vaillant Védrines
A cheval sur sa machine
Dans l’éther pur qui bourdonne
File comme un rat.
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
Il est perché, il se tient en l’air
Comme un moineau.
Coblet 3 Si les anciens que soun morts à la guerro
Ou dins le leit se lebaboun de terro
Elis can pas jamai saput ço quéro
Que de boula sariou al desespouer.
Lai mas sul cap d’aban pareil miraclé
Estabousit un frissoun dins lé quer
Samagaîrou en criden y lé diablé
Que descend dé l’infer.
Si les ancians que son mòrts a la guèrra
O dins lor lèit se levavan de tèrra
Eles qu'an pas jamai sauput çò qu'èra
Que de volar serián al desesper
Las mans sul cap davant parièr miracle
Estabosits un frisson dins le cuèr
S'amagarián en cridant es le diable
Que descend de l'infèrn.
Si les anciens qui sont morts à la guerre
Ou dans leurs lits se levaient de terre
Eux qui n’ont jamais su ce que c’était
De voler seraient au désespoir.
Les mains sur la tête devant pareil miracle
Stupéfaits, un frisson sur la peau
Se cacheraient en criant c’est le diable
Qui descend de l’enfer.
Repic 3 Ah ?... ço que brounzino
Y le moutur de Bédrino
Qu’a chabal sur sa machino
Filo coumou rat
Pareil à l’esclaire
Aqui es a soun affaïré
Semblo que nado dins l’aïré
Coumou passerat.
Ah?... çò (Aquò) que bronzina
Es le motor de Védrines
Qu'a caval sus sa maquina
Fila coma un rat
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire
Sembla que nada dins l'aire
Coma un passerat.
Ce qui bourdonne
C’est le moteur de Védrines
Qui à cheval sur sa machine
File comme un rat.
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
On dirait qu’il nage dans les airs
Comme un moineau.

Entresenhas al subjècte de la creacion de la cançon

Segon un article paregut dins lo Télégramme del 27 de mars de 1912, las paraulas d'aquesta cançon serián estadas escritas per Gabriel Buche, felibre narbonés, mantun còp recompensat per sos poèmas als Jòcs Florals de Tolosa e de Besièrs. Era tanben lo president de la Cigalo Narbouneso.
Pasmens, d'un autre costat, segon çò que nos diguèt M. Louis Vives, deteneire del cançonièr manuscrit que conten la version balhada çai-sus, pareis impossible qu'aquesta cançon aguèsse poscuda èsser escrita per una persona que seriá pas de Limós.
Lo mistèri demòra doncas sus l'identitat de l'autor d'aquestas paraulas. Pel moment cap pròva formala es pas estada descubèrta que confirmariá l'una o l'autra de las ipotèsis.

A l'ora d'ara

Un pauc mai de cent ans aprèp, lo remembre d'aqueles eveniments demòra fòrça viu. Es pas rare qu'una sortida del carnaval de Limós se'n inspire per exemple. Foguèt estat tanben lo subjècte de l'espectacle presentat pel festenal limosenc Cuivrée spéciale de 2012 per d'enfants de las escòlas de la comunautat de las comunas. D'articles pareguèron dins la premsa locala a l'escasença del centenari de la venguda de Védrines dins Aude. Un memòri de recèrca de màster 2 sus aqueste subjècte foguèt tanben sostengut en 2014 : "L'afaire Védrines" e autres.
Mise en ligne : 20/12/2016
Tipe : Practica festiva / Data : 2017
Ficha d'inventari realizada dins l'encastre de l'inventari dels gigants, animals fantastics e dragons processionals de França, coordonat pel Centre francés del patrimòni cultural immaterial – Ostal de las Culturas del Monde a l'entorn de la fèsta de Sant Joan d'estiu e son animal totemic lo Tribus Lupis de Cornonterralh.
Mise en ligne : 29/06/2017
Tipe : Òbra
      Mort et résurrection de M. Occitania est, historiquement, la première pièce de Claude Alranq pour le Teatre de la Carrièra. Elle est le fruit de ses engagements et de ses rencontres : en 1968, alors qu’il travaille à Lyon comme « métallo pour survivre » selon ses propres dires, il fonde avec quelques amis un tout nouveau type de théâtre de rue, pensé pour être joué sur les « places de marché, [les] sorties d’usines et [les] foyers sociaux. »

Dans le même temps, il fait la connaissance de Bernard Lesfargues, poète du Périgord, qui lui révèle « les tenants et les aboutissants de “notre accent” ». Fort de toutes ces réflexions, il écrit en 1969 Mort et résurrection de M. Occitania, à propos duquel il déclarera plus tard : « pour un coup d’essai, ce ne fut pas pour moi un coup de maître mais un plongeon dans l’utérus du pays natal. »

La pièce raconte l’histoire d’un pauvre vigneron, inspiré par la figure du père de Claude Alranq. Il meurt, mais une sorcière le ressuscite, et il a trois jours pour trouver les causes de sa mort, sans quoi il disparaîtra pour de bon… Souffrirait-il du mal méridional, étouffé par les profiteurs qui asphyxient le pays ? Faut-il faire appel aux renforts culturels et aux résistances d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs ?

Le propos sert de prétexte à un théâtre de situation, de combat, de débat, où chaque représentation donne lieu à un échange avec le public pour améliorer la pièce et mieux coller à la réalité du terrain.
En 1972 paraît, éditée par 4 Vertats, une édition de la pièce préfacée collectivement par le Teatre de la Carrièra. Voici le contenu de cette préface :

« Aqueste montatge es la resulta d’un trabalh collectiu. Es estat jogat mai de 200 còps dins los vilatges del miègjorn mas tanben en Bretanha e un pauc pertot dins l’hexagòn per las diferentas equipas que trabalhèron dins lo Teatre de la Carrièra. Aquela tresena edicion es lo fruch de totes las transformacions fachas dins l’espectacle, pauc a pauc al filh de las parladisas amb lo public. Aquela peça es estat montada per una equipa de lyceans de Besièrs en 1972 e per la tropa del Teatre Universitari Occitan de Montpelhièr. A suscitat tanben qualques initiativas d’aquel tip en Occitània. Tot comencèt per una enquista qu’avèm facha en Occitània dins l’idèa de portar pèira, e mai modestament, a la luta de liberacion del pòble occitan contra l’Estat capitalista. L’espectacle que n’es sortit, partís donc dels problèmas que cada jorn e concretament, se pausan al mond. S’aquel montatge deviá esser représ, aquesta exigéncia demorarà primièira : es pas lo texte escrich e aicí estampat que dèu comptar, aquò’s l’endrech e la situacion economicò-sociala de l’endrech ont serà jogat. Cada endrech e cada situacion. En consequéncia ÒM POT E ÒM DEU faire totas las adaptacions utilas tocant las situacions, los personatges, lo jòc, los fachs. Lo tèxt es sens cap de pretencion de cap de mena. Se deu plegar a las exigéncias del endrech. Totes los personatges apartenon al còr impersonal. Ne’n sortisson pas que per prene un ròtle donat, mai personalizat. De ròtls doncas ne pòdon téner mai d’un, levats los actors que jògan los ròtles mai en vista. »

Traduction :

« Ce montage est le résultat d’un travail collectif. Il a été joué plus de 200 fois dans les villages du Midi mais aussi en Bretagne et un peu partout dans l’Hexagone, par les différentes équipes qui travaillent au sein du Teatre de la Carrièra. Cette troisième édition est le fruit de toutes les transformations faites dans le spectacle, peu à peu, au fil des discussions avec le public. Cette pièce a été montée par une équipe de lycéens de Béziers en 1972, et par la troupe du Théâtre Universitaire Occitan de Montpellier. Elle a suscité aussi quelques initiatives de ce type en Occitanie. Tout a commencé par une enquête que nous avons faite en Occitanie avec l’idée d’apporter notre pierre, même modestement, à la lutte de libération du peuple occitan contre l’État capitaliste. Le spectacle qui en est sorti part donc des problèmes qui, chaque jour et concrètement, sont posés aux gens. Si ce montage devait être repris, cette exigence demeurera primordiale : ce n’est pas le texte écrit et ici imprimé qui compte, c’est l’endroit et la situation économico-sociale de l’endroit où il sera joué. Chaque endroit et chaque situation. En conséquence ON DOIT ET ON PEUT faire toutes les adaptations utiles touchant les situations, les personnages, le jeu, les faits. Le texte est sans prétention aucune. Il doit se plier aux exigences de l’endroit. Tous les personnages appartiennent au choeur impersonnel. Ils n’en sortent que pour prendre un rôle donné, jamais personnalisé. De ces rôles, donc, plus d’un peuvent les remplir, à l’exception des acteurs qui jouent les rôles les plus en vue. »

Sources :

- Claude Alranq, « Mai 68 en Occitanie » blog de Mediapart, article publié le 30 mai 2018 : https://blogs.mediapart.fr/paul-allies/blog/300518/mai-68-en-occitanie (consulté le 11 octobre 2019)
- Teatre de la Carrièra, Mort et résurrection de M. Occitania, 4 vertats, 1972, 66 p.
Mise en ligne : 20/03/2019
sus 3