Originaire du Rouergue, l’écrivain Joan Bodon compte parmi les grands noms du renouveau littéraire occitan. Exclusivement en occitan (sa langue maternelle), ses romans, contes et poèmes rendent à la culture populaire occitane sa dimension universelle. Ainsi, son oeuvre, profondément atemporelle et humaniste, dévoile plusieurs niveaux de lecture, dans une langue claire, écrite pour le plus grand nombre.
En 2016, le CIRDOC-Mediatèca occitana devenu CIRDOC - Institut occitan de cultura en 2019 propose une exposition sur cet auteur incontournable de la littérature occitane, à partir de celle réalisée en 1993 par Yves Rouquette, Patrick Divaret et Patrice Baccou pour le Musée de Saint-Laurent-d'Olt avec le soutien de la Mission départementale de la Culture d'Aveyron, du Conseil général de l'Aveyron et du Centre International de Documentation Occitane (CIDO).
La notion de colonialisme intérieur a été développée par plusieurs penseurs des minorités dans le monde, dont Robert Lafont pour le cas occitan. Il s’agit d’une situation dans laquelle, au sein d’un état, le centre dominant traite la périphérie, c'est à dire certains territoires éloignés ou de cultures différentes, comme des terres coloniales, exploitées économiquement et niées culturellement.
En 1963 le Comité occitan d'études et d'action définit le colonialisme intérieur dans le N°1 de son Bulletin d'information par:
- la fuite des ressources (produits du sous-sol ou de l'agriculture élaborés ailleurs, revenant sous la forme de bien directement consommables),
- l'exploitation de ces ressources par un grand capital extérieur à la région qui a détruit la vie financière régionale, et demeure maître en fait, sinon en droit, de l'Etat et du Pays,
- la réduction constante du marché du travail, la prolétarisation des occitans dans les régions sur-développées du Nord et la formation dans la région d'un sous prolétariat importé,
- la dépossession de la terre vendue à des immigrants, le remembrement de la propriété au détriment de l'autochtone, les progrès de l'absentéisme (propriétaires résidants hors Occitanie),
- l'écrasement du négoce régional,
- la soumission absolue par le moyen du pouvoir central et de ses décisions aux impératifs d'une politique économique nationale, puis européenne,
- l'ignorance, par la majorité des occitans eux-mêmes, de leur richesse culturelle contituée par la littérature et la pensée d'Oc du moyen-âge à nos jours,
- l'idée d'un laisser-aller, d'une nonchalance, d'un manque de sérieux de l'homme du Sud, traduisant une méconnaissance totale de la psychologie particulière de l'occitan.
Ce colonialisme est appelé intérieur à cause de l'égalité des droits politiques à l'intérieur de la nation française et d'une participation des occitans eux-mêmes à cette politique colonisatrice.
Sur ce sujet vous pouvez consulter :
Le manifeste de 1962 des écrivains occitans engagés contre le « colonialisme intérieur » (version manuscrite d’Yves Rouquette mis en ligne sur Occitanica)
L'article d'Alain Alcouffe : Le colonialisme intérieur
l'article de Christian Lagarde sur le site Glottopol
Revue annuelle, publiée à Montpellier sous la direction de Jean-Paul Brenguier de 1993 à 2000 (9 numéros).
Le comité de rédaction réunit Alain Alcouffe, Jean-Yves Casanova, Jean-Louis Escafit, Philippe Gardy, Danièle Jullien, Robert Lafont, Philippe Martel, Guy Martin, François Pic, Patrick Sauzet, Claire Torreilles, Jean-Louis Viguier.
Chaque numéro, d'environ 150 pages, contient un texte de création, plusieurs articles généralistes et des critiques littéraires.
La Revista occitana n’est ni une revue littéraire ni une revue scientifique, son but est de fournir à ses lecteurs « une actualisation de la connaissance et de la pensée avec l’aide et au service d’une langue adulte ». Sa création intervient dans un contexte où les conflits liés à l’occitan sont apaisés. Les revendications politiques des années 1970 sont éloignées, les régions ont plus de pouvoir ce qui a facilité une reconnaissance de la dimension culturelle occitane. Au niveau linguistique la langue écrite est normalisée et d’un point de vue social le statut de la langue a évolué favorablement avec l’officialisation de l’occitan du Val d’Aran par le gouvernement catalan et au niveau de l'enseignement avec la création récente d'une Licence et d’un CAPES d'occitan.
La revue Amiras, publiée de 1982 à 1990 par Edisud (Aix-en-Provence), est née sous l'impulsion d’universitaires et d’intellectuels occitanistes autour de l’écrivain, universitaire, homme de pensée et d’action qui a fortement marqué la seconde partie du XXe siècle occitan, Robert Lafont (1923-2009). Elle est la grande revue intellectuelle occitane de la période.
Amiras, qui signifie « repères » en occitan, reprend le flambeau de revues critiques et de débats intellectuels qui se sont succédés depuis les années 1960, parallèlement au développement d’un mouvement intellectuel et militant occitan qui a souhaité questionner, depuis le fait occitan, la réalité sociale, linguistique et culturelle contemporaines. Tous les champs du savoir et de la pensée (histoire, sociolinguistique, géographie, littérature, etc.) sont ainsi convoqués.
Amiras s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise du mouvement occitan après deux décennies d’impact important sur la société - les « 20 Glorieuses de l’occitanisme » selon la formule de Robert Lafont - et la désillusion progressive face à l’alternance politique de gauche portée au pouvoir en 1981 autour d’une promesse d’aggiornamento de la politique française en matière de reconnaissance et de soutien à la vie des langues et des cultures régionales : « Discours de Lorient » du candidat François Mitterrand en mars 1981, proposition 56 des 110 propositions pour la France, programme « La France au pluriel » du Parti socialiste, Mission et Rapport Giordan en 1981-1982.
Au sein du mouvement occitan, le début de la décennie 1980 est marquée par une rupture au sein de l’Institut d’estudis occitans et le départ de plusieurs figures intellectuelles et universitaires, derrière Robert Lafont, mises en minorité lors de l’Assemblée générale de l’IEO à Aurillac (novembre 1980).
Le premier numéro de la revue, qui paraît moins d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir, consacre son dossier à « Décentralisation an 1 » et affiche un certain optimisme sur l’avenir de la question occitane au sein de la politique nationale française. En 1990, le dernier numéro titre « Enseigner l’occitan : le tableau est-il si noir ? » et révèle une évolution vers l’inquiétude et la reprise d’un rapport de force entre mouvement occitan et politiques nationales.
Dirigée par Robert Lafont puis Philippe Martel, comptant de nombreux contributeurs issus des universités françaises et étrangères, Amiras est la grande revue intellectuelle occitane des années 1980.
La Festa (1983-1996) de Robert Lafont est un roman-fleuve de l’envergure du Jean-Christophe (1904-1912) de Romain Rolland et il se déploie comme lui en une fresque historique européenne que l’on pourrait qualifier, en citant Claudel, de « déclaration de conscience ».
C’est le roman d’une génération, celle qui a vingt ans pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Placé dans la filiation non déguisée du héros du premier roman de Robert Lafont, Vida de Joan Larsinhac (1951), le personnage central des deux premiers tomes, Joan Ventenac, connaît le destin tourmenté d’un écrivain engagé dans les luttes de son siècle.
Résistant, il l’est, dans les faits, en plusieurs lieux, à différents moments de sa vie : maquisard en Cévennes, combattant à Budapest, soutien clandestin du FLN à Paris. Il l’est en permanence dans la conscience intime des enjeux et du sens de l’histoire qu’il est en train de vivre et de celle qu’il revit en pensée et en écriture, en particulier l’histoire de Jean Cavalier et des camisards cévenols.
Cette conscience occitane malheureuse mais lucide empêche Ventenac de céder, quelles que soient les circonstances, au triomphalisme des libérations ou à ce qu’il ressent comme l’expression de « la bonne conscience de la France ». Elle est le fondement de son anticolonialisme et de son opposition à toutes les formes de la raison d’État.
Dans la construction du roman, l’épisode de la résistance des paysans du Larzac au projet d’extension du camp militaire occupe une place symbolique. Les premières manifestations de soutien organisées dans l’été 1973 rassemblent en un lieu d’espoir et d’utopies croisées des personnages séparés par la vie et déchirés par leur « haute conscience de l’histoire ».
L’écriture romanesque virtuose de Robert Lafont noue les fils du récit de résistance et de son commentaire, de l’oubli de soi et du narcissisme analytique, de l’exigence de liberté et du désir de bonheur dans ce roman chevaleresque des temps modernes qu’il nomme lui-même un Don Quichotte occitanien.