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Bernard Lesfargues, fondateur des éditions Fédérop
Assié, Benjamin

Bernard Lesfargues (1924-2018), Abel-Bernard Lesfargues à l’état civil, est né à Bergerac dans le quartier populaire où son père était marchand de bois et de charbon. S’il a passé une grande partie de sa vie à Paris puis à Lyon où il était professeur agrégé d’espagnol, il demeura attaché à la langue et à la culture de son Périgord natal où il revient à la fin de sa vie.
Élève en hypokhâgne-khâgne à Paris au sortir de la guerre, le sentiment d’exil le rapproche des cercles occitanistes présents dans la Capitale (les Amis de la Langue d’Oc où il fait la connaissance de personnalités importantes du mouvement occitan en pleine reconstruction : Pierre-Louis Berthaud, Jean Lesaffre, Jean Mouzat, Henri Espieux, Bernard Manciet), participe à l’aventure de l’Institut d’estudis occitans nouvellement créé à Toulouse et rencontre Robert Lafont qui s’affirme vite, en tant qu’écrivain autant que militant, comme une personnalité centrale de la jeune génération.

Après avoir obtenu l’agrégation d’espagnol il enseigne à Paris puis à Lyon où, dans le sillage de Mai 1968 il ouvre un cours d’occitan.
Dès 1946, il crée une éphémère mais importante revue poétique qui fait la part belle à la poésie et à la critique littéraire, Les Cahiers du Triton bleu, dans lesquels il publie des poèmes en occitan de la jeune génération et surtout une Anthologie de la jeune poésie occitane qu’il codirige avec Robert Lafont (Les Cahiers du Triton bleu, Paris : J. Chaffiotte, 1946). À la fin des années 1970, il anime avec son ami et complice Jean-Marie Auzias, Philippe Gardy, Jean-Paul Creissac ou encore Joël Meffre, la revue de création et de critique littéraires occitanes Jorn, dirigée par l’écrivaine Roseline Roche.

C’est à Lyon qu’il crée en 1975 la maison d’édition Fédérop qui le suivra ensuite en Périgord. Fédérop édite des écrivains du monde entier, et notamment ses compagnons de littérature occitane comme Max Rouquette, Bernard Manciet ou Philippe Gardy.
Il est également reconnu comme un traducteur pionnier en ayant traduit en français les plus grands écrivains castillans ou catalans du XXe siècle.
Comme écrivain occitan il publia plusieurs recueils poétiques à la suite de Cap de l’aiga (coll. « Messatge »,IEO, 1952).

Une partie de ses archives sont conservées à l’Universitat autonoma de Barcelona où une bibliothèque porte son nom.

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Amiras (Aix-en-Provence)

La revue Amiras, publiée de 1982 à 1990 par Edisud (Aix-en-Provence), est née sous l'impulsion d’universitaires et d’intellectuels occitanistes autour de l’écrivain, universitaire,  homme de pensée et d’action qui a fortement marqué la seconde partie du XXe siècle occitan, Robert Lafont (1923-2009). Elle est la grande revue intellectuelle occitane de la période.
Amiras, qui signifie « repères » en occitan, reprend le flambeau de revues critiques et de débats intellectuels qui se sont succédés depuis les années 1960, parallèlement au développement d’un mouvement intellectuel et militant occitan qui a souhaité questionner, depuis le fait occitan, la réalité sociale, linguistique et culturelle contemporaines. Tous les champs du savoir et de la pensée (histoire, sociolinguistique, géographie, littérature, etc.) sont ainsi convoqués.

Amiras s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise du mouvement occitan après deux décennies d’impact important sur la société - les « 20 Glorieuses de l’occitanisme » selon la formule de Robert Lafont - et la désillusion progressive face à l’alternance politique de gauche portée au pouvoir en 1981 autour d’une promesse d’aggiornamento de la politique française en matière de reconnaissance et de soutien à la vie des langues et des cultures régionales : « Discours de Lorient » du candidat François Mitterrand en mars 1981, proposition 56 des 110 propositions pour la France, programme « La France au pluriel » du Parti socialiste, Mission et Rapport Giordan en 1981-1982.
Au sein du mouvement occitan, le début de la décennie 1980 est marquée par une rupture au sein de l’Institut d’estudis occitans et le départ de plusieurs figures intellectuelles et universitaires, derrière Robert Lafont, mises en minorité lors de l’Assemblée générale de l’IEO à Aurillac (novembre 1980).

Le premier numéro de la revue, qui paraît moins d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir, consacre son dossier à « Décentralisation an 1 » et affiche un certain optimisme sur l’avenir de la question occitane au sein de la politique nationale française. En 1990, le dernier numéro titre « Enseigner l’occitan : le tableau est-il si noir ? » et révèle une évolution vers l’inquiétude et la reprise d’un rapport de force entre mouvement occitan et politiques nationales. 

Dirigée par Robert Lafont puis Philippe Martel, comptant de nombreux contributeurs issus des universités françaises et étrangères, Amiras est la grande revue intellectuelle occitane des années 1980.

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Viure, Dire, Aicí e ara : les nouvelles revues de la pensée et de l’action occitanes (1965-1983)
[imatge id=21050]Entre 1965 et 1983 ces trois pubications vont être le laboratoire vivant de la pensée politique du mouvement occitan à travers reportages, enquêtes, témoignages, débats et comptes rendus engagés.

Viure (1965-1973)

Revue trimestrielle publiée à Nîmes de 1965 à 1973 (30 numéros) sous la direction de Robert Lafont. Lors de sa création, le comité de rédaction réunit Jean-Paul Bringuier, Claude Fabre, Gui Martin et Yves Rouquette. Jean Larzac et Philippe Gardy rejoindront l’équipe en 1966. Le premier numéro paraît en 1965, il débute par un texte liminaire Revolucion occitana, souvent repris par la suite, qui constitue un manifeste et annonce mai 68. Le texte est rédigé par Robert Lafont et Yves Rouquette.
L'importance de Viure tient à son caractère précurseur dans tous les domaines. Par ses analyses (aliénation, colonialisme intérieur, socialisme, nationalisme...) la revue a donné les éléménts nécessaires à la réappropriation de l'histoire et de l'identité occitanes.
Des désaccords au sein du comité de rédaction entraîneront la disparition de la revue en 1973.

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Dire : revista de critica occitana  (1976)

Revue trimestrielle, publiée à Avignon en 1976, seuls 3 numéros paraîtront. Le comité de rédaction se compose, entre autres, de Yves Barelli, Claude Barsotti, Gaston Bazalgues, Philippe Gardy, Robert Lafont et Philippe Martel.
Entièrement rédigée en occitan, la revue tente de combler le vide laissé par Viure et en présente les mêmes caractères.

Aicí e ara (1979-1983)

[imatge id=21049]Revue trimestrielle, publiée à Montpellier de 1979 à 1983 (15 numéros) sous la direction de Rémi Pach. Le comité de rédaction réunit Jean-Frédéric Brun, Jean-Pierre Laval, François Pic. Le titre de la publication fait référence au manifeste publié dans le premier numéro de Viure en 1965 « Aicí e ara. Dins aqueste païs e dins aqueste sègle, l’òme… L’òme deliure e responsable » et affirme la volonté de filiation entre les deux publications.  Revue de réflexion et de critique sur l’occitanisme, indépendante de tout mouvement ou parti politique, les articles traitent de sujets politiques, culturels et littéraires. Aicí e ara est aussi ouverte aux autres minorités nationales. La revue est à l’origine de la création en 1980 de l’Union del Pòble d’Òc, qui se veut un rassemblement et non un parti, le Manifeste de l’U.P.O est publié dans le n°9 de novembre 1980.  La revue est rédigée entièrement en occitan jusqu’au n° 10 de février 1981, à partir de mai 1981 apparaissent des articles en français. En mai 1982, après une interruption d’un an, une nouvelle série voit le jour et la revue annonce un changement de cap, elle ne s’adresse plus seulement aux occitanistes et accorde une place plus importante à l’aspect culturel. Les articles en occitans, dans un esprit d’ouverture et de tolérance, s’ouvrent à la graphie mistralienne. Le dernier numéro paraît en février 1983, son éditorial fait le constat de démobilisation et de régression du mouvement occitan depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir.
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Le Comité occitan d'études et d'action (COEA)
Caucat, Domenge
Assié, Benjamin
Le Comité occitan d’étude et d’action (COEA) est un organisme militant créé en 1962 à Narbonne par un collectif de personnalités déjà impliquées dans le mouvement occitan, notamment au sein de l’Institut d’Estudis Occitans, « des écrivains et des militants de l’action dite culturelle, essentiellement linguistique, abordant les problèmes économiques et sociaux. » comme ils se définissent eux-mêmes, dans le Bulletin d’information du COEA (janvier 1970).
Dans les faits il est initié par Robert Lafont engagé depuis le début des années 1950 comme Secrétaire général de l’IEO pour la refondation d’une stratégie, d’une pensée et d’une action occitanes sur l’analyse des réalités économiques et sociales. Il est pendant une décennie le le principal animateur et le Secrétaire général du COEA, qui compte également parmi ses membres Yves Rouquette, Guy Martin, Gaston Bazalgues, Jean Larzac, Claude Marti, Michel Grosclaude, Bernard Lesfargues, Michèle Stenta, entre autres (source : Bulletin d’information du COEA).

Origines

En 1950, Robert Lafont devient Secrétaire général du tout nouvel Institut d’Estudis Occitans, fondé à Toulouse en 1945. Il présente un rapport de rupture avec l’action et l’objectif traditionnel - culturel, savant et linguistique - des organisations occitanes. Tout au long des années 1950 il ne cessa d'argumenter en faveur d’une refondation d’une stratégie occitaniste qu’il souhaite fondée sur une analyse solide des réalités économiques et sociales et proposer ainsi un projet politique pour l’avenir de l’Occitanie.
La position de Lafont convainc une nouvelle génération militante mais fait débat et entraîne un temps de crise avec les tenants d’une position « culturelle » autour de Bernard Manciet et surtout Félix Castan. La crise au sein de l’IEO est soldée en 1964 par l’exclusion de Manciet, Castan et Ismaël Girard.
Entretemps, le mouvement des mineurs de Decazeville avait fait émerger dans l’opinion occitane et dans les médias, une prise de conscience du malaise occitan autour de la notion de « colonialisme intérieur ». Robert Lafont avait analysé en 1954 dans son essai Mistral ou l’illusion (Paris : Plon) le rendez-vous manqué entre le mouvement félibréen et la révolte des viticulteurs languedociens de 1907 qui aurait pu déboucher, selon lui, à une adhésion massive de la société au mouvement de renaissance occitane du moment où il ne se cantonnait plus à l'action littéraire et linguistique, et ainsi déboucher sur un projet politique pour l’Occitanie. C’est donc pour ne pas rater un nouveau rendez-vous avec le mouvement social que le COEA est créé dès 1962, sans attendre la transformation au sein de l’IEO.

L’organisation

Quelques mois après sa création, le Bulletin d’information du COEA (n° 2, 15 mars 1963) fait un premier bilan de la nouvelle organisation : il annonce une cinquantaine de personnes adhérentes, la tenue d’une première assemblée générale en mai 1962 et l’adoption de statuts ouvrant la voie à une existence légale. L’organisme se veut « d’un type entièrement nouveau » et doté d’une doctrine qui « doit être entièrement neuve ». L’établissement de cette doctrine doit se faire dans le cadre de séances de travail et de débats par correspondance mais déjà le premier bulletin, « à un grand nombre d’élus du Pays d’Oc », contient une synthèse sur le concept de colonialisme intérieur à la fois comme grille d’analyse mais également comme vecteur de propositions politiques concrètes.
Sur le plan de l’organisation militante, le COEA affiche l’ambition de créer à partir du Comité central un maillage de « comités occitan d’action » au niveau régional, local, et dans les entreprises. Les fonctions entre le comité central et les comités divers sont définies ainsi : « le comité central analyse la situation, donne des directives et les comités divers sont les organes de l’intervention. » L’ambition est de mettre sur pied une organisation militante et ne pas devenir une organisation « académique », c’est-à-dire purement intellectuelle. Il s’agit également pour le COEA de créer un réel mouvement d’opinion autour de ses analyses et propositions et de favoriser « une prise de conscience occitane ».
Dans les faits, le développement d’une organisation militante massive ne s’est pas réalisé même s’il est fait état au fil des Bulletins d’un Comité auvergnat d’étude et d’action ou d’un COEA Paris.
En 1964 Robert Lafont, Yves Rouquette et d’autres membres actifs du COEA fondent la revue Viure. Si elle n’est pas un organe direct du COEA, elle est un lieu de diffusion et de débat sur les idées portées par l’organisation.
Le COEA publiera quelques livres : Principes d'une action régionale progressiste (Nîmes : COEA, 1966, réed. 1969), Le petit livre de l'Occitanie (Saint-Pons : 4 Vertats, 1971 ; réed. Paris : Maspero, 1972). Mais c’est avec les essais politiques de Robert Lafont autour du problème région et du colonialisme intérieur, publiés à grand tirage chez de grands éditeurs parisiens, que les analyses et propositions du COEA seront véritablement connues et diffusées auprès de l’opinion : La Révolution régionaliste (Paris : Gallimard, 1967), Sur la France (Paris : Gallimard, 1968), Décoloniser en France. Les Régions face à l’Europe (Paris, Gallimard, 1971), Clefs pour l’Occitanie (Paris : Seghers, 1971), Lettre ouverte aux Français d’un Occitan (Paris : Albin Michel, 1973), La Revendication occitane (Paris : Flammarion, 1974) ou encore Autonomie, de la Région à l’autogestion (Paris, Gallimard, 1976).

Le rôle politique

En juin 1964, le contact avec la vie politique est établi : le COEA participe avec des délégués à la Convention des Institutions Républicaines, nouveau parti politique créé par François Mitterrand, qui aboutira sept ans plus tard au fameux congrès d’unification des socialistes d’Épinay-sur-Seine (juin 1971). Le COEA reconnaît s’être constitué en club politique - mais refuse explicitement de devenir un « parti politique » traditionnel - afin d’entrer en contact avec d’autres clubs politiques (comme le Front régionaliste corse).
S’il fait partie des clubs fondateurs de la Convention des Institutions Républicaines qu’il fait adhérer à la problématique de l’autonomie régionale, le COEA prend ses distances avec l’organisation de François Mitterrand dans sa dynamique d’union avec la SFIO et la famille radicale. Non seulement la SFIO et les radicaux n’ont pas exprimé de position favorable aux problématiques régionalistes, mais de nombreux membres du COEA sont adhérents ou sympathisants des deux autres forces de la gauche des années 1960 : le parti communiste et le PSU. En 1967 la séparation avec la Convention des Institutions Républicaines est actée. Dans les faits le PSU de Michel Rocard apparaît de plus en plus comme l’organisation politique la plus proche des problématiques politiques du COEA (dénonciation d’une situation de colonialisme intérieur, défense de l’autonomie régionale, de l’autogestion, etc.) On peut sans doute mettre au compte du COEA le fameux rapport « Décoloniser la province » présenté en 1966 par Michel Rocard lors des Rencontres socialistes de Grenoble.
Le Comité occitan d’étude et d’action disparaît à l’orée des années 1970 et débouche sur la candidature de Robert Lafont, candidat des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974. Le COEA rendait possible une telle candidature, non seulement en permettant de mûrir une analyse et des propositions capables de tenir une telle candidature, mais également en établissement les liens entre organisations politiques régionalistes et en diffusant les idées du colonialisme intérieur en dehors des cercles militants. La candidature ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel, les comités de soutien vont se transformer en mouvement autonome Volèm viure al país qui sera l’organisation des années 1970.
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Ballets occitans de Toulouse
Escarpit, David (1980-....)

Les Ballets occitans de Toulouse sont une compagnie de spectacle vivant créée en 1962 par Françoise Dague. La compagnie a joué un rôle majeur pour le renouveau culturel occitan, en particulier en matière de musiques et danses dites traditionnelles ou populaires et fut à l’origine de la création du Conservatoire occitan de Toulouse. [imatge id=21632] 

Françoise Dague

[imatge id=21633] Originaire du Limousin, Françoise Dague est immergée dans la culture populaire et la langue occitane par l’action de sa mère, Cécile Leygue-Marie (1905-1988), ingénieure-agronome, folkloriste réputée, passionnée de costume traditionnel qui, au contact du monde rural par son métier, va constituer une collection de premier plan aujourd’hui exposée au Musée des Jacobins à Auch.  [imatge id=21635]
La création des Ballets occitans dès le début des années 1960 participe d'une volonté de mettre en valeur la culture occitane au travers d'une troupe de musiciens-danseurs-chanteurs professionnels. Diplômée des Beaux-Arts, connaisseuse experte du costume traditionnel des pays occitans, chanteuse, danseuse, elle est aussi une grande costumière.

La compagnie des Ballets occitans de Toulouse

La troupe fait figure d'ambassadrice et de vitrine d'une culture occitane décomplexée, fière de ses héritages et spécificités culturelles - musique, danse, costume, langue, etc. - qu’elle rend ainsi « digne » du spectacle professionnel. Les ballets jouent en Occitanie et dans le monde entier : tournées en Grèce (1963), Allemagne (1964), Turquie (1965), Suisse (1966), Israël (1967), Hollande (1968), etc. La compagnie enregistre plusieurs disques, dont les deux premiers, en 1967 et 1969, sortent chez Philips. [imatge id=21634]
Le modèle de référence est celui des Ballets russes d'Igor Moïsseïev, c'est-à-dire une compagnie artistique de spectacle contemporain dont l’esthétique est enrichie de la culture folklorique authentique dépouillée de tous oripeaux susceptibles de la caricaturer.
Cette création s’inscrit dans un premier moment du revivalisme culturel avec la création de compagnies qui proposent des prestations scéniques mettant en valeur les danses et les costumes traditionnels : le Ballet national de danses françaises créé en 1961 par Jacques Douai et Thérèse Palau ou encore les Ballets populaires poitevins.

Véritablement pionnière, créée une décennie avant le grand mouvement de renouveau folk, le projet évolue au fil du temps : aux musiciens de type académique, interprétant les œuvres sur des instruments d'orchestre symphonique, se substitue une recherche organologique afin de retrouver et de réutiliser des instruments traditionnels occitans tels que le graile (hautbois du bas-Languedoc), la bodega (cornemuse de la Montagne noire), la boha (cornemuse gasconne), etc. Le chant, la diction sont travaillés, ainsi que les pas de danse afin de se rapprocher d'un rendu aussi proche que possible de la réalité traditionnelle.
En recherche permanente d’authenticité et d’originalité esthétique, la compagnie des Ballets occitans et Françoise Dague sont à l’origine d’importants fonds de collectes ethnographiques et ethnomusicologiques. Elle est à l’origine de la création à Toulouse, en 1971, du Conservatoire occitan chargé dès son origine de conserver et valoriser les fonds d’enquêtes orales, de transmettre les pratiques musicales et dansées mais aussi des cours de langue occitane par des ateliers publics et très vite de conserver les savoir-faire instrumentaux et de fournir aux musiciens de plus en plus nombreux des instruments avec des ateliers de facture instrumentale.

Les ballets occitans accueillent toute une nouvelle jeune génération qui sera ainsi sensibilisée et formée, parmi laquelle débute de nombreuses personnalités du renouveau culturel occitan contemporain : Jean-Pierre Lafitte, Claude Sicre, Rosina de Pèira, Pierre Corbefin, Xavier Vidal, etc.

Les Ballets occitans ont disparu à la fin des années 1980. Les archives de la compagnie (enregistrements et captations de spectacle, photographies, dossiers documentaires, etc.) sont conservés an Conservatoire occitan des musiques et danses traditionnelles (COMDT).

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André Benedetto

Né à Marseille, André Benedetto (1934-2009) est un auteur de théâtre, metteur en scène et comédien.
Il crée en 1961 la Nouvelle Compagnie d’Avignon avec le comédien et metteur en scène avignonnais Bertrand Hurault. En 1963, la compagnie s’installe dans une salle jouxtant le cloître des Carmes, qui devient le Théâtre des Carmes, devenue un lieu-référence du théâtre contemporain. C’est ici qu’André Benedetto « invente » le Festival Off en 1966-1967.

L’année 1973 marque l’arrivée d’André Benedetto et de la Nouvelle Compagnie/Théâtre des Carmes d’Avignon dans le mouvement culturel occitan. Depuis le début des années 1960, André Benedetto aborde dans ses pièces les grands thèmes d’actualité et de la société (Le Pilote d’Hiroshima, 1963, Les voyous, 1965, et surtout Napalm en 1967, première pièce française sur le Vietnam). Benedetto et sa compagnie mènent une critique féroce de la politique de décentralisation théâtrale, dont le festival d’Avignon est le symbole. Ils initient le festival Off et publient un manifeste contre la politique culturelle institutionnelle.
Toujours à la recherche de nouveaux thèmes et formes de création, il se tourne en 1973 vers l’Occitanie. Il initie une réflexion sur le théâtre populaire comme théâtre enraciné dans un territoire, un environnement social et culturel.

Du 10 au 24 juillet 1973, en plein XXVIIe Festival d’Avignon, il met à disposition le théâtre des Carmes pour des « Rescontres occitans ». Cette année-là deux pièces de la Nouvelle Compagnie sont programmées officiellement au Festival d’Avignon, La Madone des ordures et Pourquoi et comment on a fait un assassin de Gaston D. qui revient sur l’affaire Dominici.
André Benedetto met le théâtre des Carmes à la disposition du Teatre de la Carrièra qui joue La Guerre du vin, monte une librairie éphémère spécialisée dans la littérature et les problèmes occitans, distribue dans la rue un journal militant, Esclarmonda et organise le soir du 14 juillet un « bal des ethnies » en opposition au bal « national » de la ville. 
Écrivains, acteurs, artistes, metteurs en scène, intellectuels et militants occitans se rassemblent autour de ces Rescontres occitans d’Avignon, qui marquent un moment de convergence des acteurs culturels occitans qui se structureront en 1977 autour de deux collectifs, l’Action Jeune Théâtre (AJT) et l’Accion Culturala Occitana (ACO).

[imatge id=166]André Benedetto entame dès 1974 une collaboration avec Félix Castan, figure idéologique du mouvement occitan de l’Après-Guerre, penseur de la régionalisation de la culture. La collaboration Castan-Benedetto produit notamment Le Siège de Montauban en 1974 dans  le cadre du festival d’Occitanie, pièce historique montée avec les habitants de la ville.
Il est membre de la Linha Imaginòt, le collectif occitan et littéraire créé autour de Félix-Marcel Castan, dont il est proche, ainsi que de Bernard Lubat et de l’écrivain Bernard Manciet. Réfléchissant sur la décentralisation culturelle, André Benedetto travaille avec Serge Pey, avec qui il organise à Toulouse les premières Nuits de la Poésie. Il compose et jour en 1999 la pièce occitane  San Jorgi Roc.

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Bernard Manciet
Lartigot, Fanny

Bernard Manciet est un écrivain originaire des Landes, né à Sabres en 1923 et mort à Mont-de-Marsan en 2005.

Il débute sa scolarité à Sabres avant de partir à Talence et Bordeaux pour passer son baccalauréat. Il fait des études de lettres et de sciences politiques à Paris. Bernard Manciet est mobilisé quelques temps comme sous-officier dans la zone d'occupation française en Allemagne. Il revient à Paris et reprend ses études en sciences politiques. Il sert ensuite dans les services diplomatiques, d’abord en Allemagne puis, en 1953 en Amérique du Sud.  Il revient dans les Landes en 1955, il se fixe à Trensacq où il fonde une famille et gère l'entreprise de sa belle-famille (les établissements Dayon et Manciet) dans le secteur de la scierie. En 1965, il quitte son travail à la scierie familiale pour se consacrer pleinement à l'écriture. 

Il avait commencé à publier dès l’Après-Guerre, notamment dans Reclams, la revue littéraire de Béarn et Gascogne dirigée par Miquèu de Camelat. Son premier poème, « A le nèu », paraît à l’été 1945 (Reclams de Biarn e Gascougne, Annada 49, n° 07-09 - Garba-Seteme 1945) À partir des années 1960 il se réalise dans la poésie, le roman, l'essai ou encore les pièces de théâtre. Le fil conducteur de cette œuvre est l'occitan gascon « negue » (parler noir) des Landes, dont il se disait le « renard ». 

En 1964 paraît le roman Lo gojat de noveme (Toulouse : Institut d'Estudis Occitans), considéré comme l’une des œuvres majeures de la littérature occitane du XXe siècle. Lo gojat de noveme est le nom que donne Bernard, le narrateur, à cet étranger qui vient chaque année au Barrail pour quelques jours puis reprend son chemin vers on ne sait quel destin. Une année, il ne réapparaît pas. Commence alors une longue attente d'une famille écrasée par la misère et l'isolement. 

Il devient dans ces années-là une figure importante du mouvement intellectuel et littéraire occitan. Il participe pour un temps aux débats occitanistes au sein de l’Institut d’estudis occitans aux côtés d’autres grandes personnalités de sa génération. Membre puis secrétaire de l'Institut d'Estudis Occitans, il s’oppose au cours des années 1950, aux côtés de Félix Castan, à la voie nouvelle lancée autour de Robert Lafont qui souhaite un élargissement de la pensée et de l’action de l’IEO aux champs économiques, sociaux et politiques. Il cosigne avec Félix Castan « La Déclaration de Nérac » en 1956, véritable manifeste contre la nouvelle doctrine économiste et politique initiée par Lafont et qui tente de définir le cadre d'une nouvelle approche stratégique et esthétique culturelle. Il rompt avec l’IEO en 1964 : à l’Assemblée générale de Decazeville (6 septembre 1964) les opposants à la pensée et la stratégie économiste et politique (Ismaël Girard, Félix Castan et Bernard Manciet) sont exclus.

Bernard Manciet est actif pour la création et la diffusion de la création littéraire occitane. Il prend la direction de la grande revue de la modernité littéraire occitane OC (fondée en 1923). 

Bernard Manciet n’a cessé de répéter que son modèle était la parole populaire et l’éloquence sacrée, et que le poème écrit n’était qu’une étape vers sa profération. À partir des années 1980 il devient lecteur public de ses propres poèmes. Il prend part à de nombreux évènements, comme le Festival occitan d'Eysines en 1987, où il rencontre le jazzman Bernard Lubat avec lequel il se produit à plusieurs reprises notamment dans le cadre du festival d’Uzeste.  

Il est reconnu dès les années 1960 par le monde de la littérature occitane comme l'un des auteurs majeurs de la modernité. En 1972 René Nelli écrit qu'il est certainement l'un des grands poètes méconnus de l'Europe moderne (René Nelli, La poésie occitane des origines à nos jours, Paris : Seghers, 1972). La publication, en 1989 de son long poème en 16 chants L'Enterrament à Sabres (Garein : Ultrei͏̈a, 1989 ; 2e ed. : Paris : Gallimard, 2010) lui permet d'accéder à une reconnaissance nationale et internationale. Son dernier livre Casaus perduts (Pau : Reclams, 2005) est un recueil de contes où se mêlent douceur et ironie face au temps qui passe.

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APRENE (Establiment d'ensenhament superior)
Aprene est un établissement d’enseignement basé à Béziers (34), sous convention avec les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, fondé à Montpellier en 1995. Sa mission est la formation des enseignants des écoles occitanes immersives Calandreta, au moyen d’un cursus de préparation de divers diplômes et concours.
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CIRDOC-Institut occitan de cultura
Assié, Benjamin

Le Centre international de recherche et documentation occitanes (CIRDOC) - Institut Occitan de Cultura est un établissement public de coopération culturelle, créé en 2019 à partir de la fusion de deux organismes, le Centre interrégional de développement de l’occitan (Béziers) et de l’Institut Occitan d’Aquitaine (Billère).
Le nouvel établissement, implanté sur ses deux sites - la Mediatèca à Béziers et l’Etnopòle Billères a pour mission la sauvegarde, la connaissance et la promotion de la culture occitane.
Établissement public de coopération culturelle, à vocation nationale et internationale, fondé et administré par neuf collectivités publiques - État (Ministère de la Culture), régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, Ville de Béziers, départements de l’Hérault, des Pyrénées-Atlantiques et de l’Aude, communautés d’agglomération de Pau-Béarn-Pyrénées et Béziers-Méditerranée - la création du CIRDOC - Institut occitan de cultura marque une nouvelle étape dans la mise en œuvre des politiques publiques en France en faveur des langues et cultures dites régionales.

Historique

En 1975, un an après le succès de l’exposition Mille ans de littérature occitane (Béziers, Musée des Beaux-Arts), l’écrivain et activiste occitan Yves Rouquette, alors professeur au lycée de Béziers, convainc la Ville de soutenir son projet de « bibliothèque nationale occitane ». Aux côtés de nombreux écrivains, artistes, chercheurs et militants, il crée une première association, le Centre international de documentation occitane (CIDO). Le CIDO voit affluer dons d’archives et bibliothèques privées et mène une active politique d’acquisition afin de constituer une collection encyclopédique et représentative de la richesse et de la diversité des expressions culturelles, scientifiques, intellectuelles et sociales occitanes des origines à nos jours.

Le CIDO se professionnalise et acquiert rapidement une reconnaissance des institutions (collectivités locales, universités, Bibliothèque nationale, ministère de la Culture, etc.) Au tournant des années 1970 et 1980 il est l’organisme intégralement dédié à la culture occitane le mieux doté en matière d’emploi et de métiers. Il mène de nombreuses actions de promotion et diffusion des savoirs et de la création occitane : exposition, rencontres, publications.

L’association entre en crise dans les années 1990, due aux crises internes de l’occitanisme de la période (courant universitaire et courant populaire) mais également à l’émergence des politiques publiques régionales en matière de valorisation de la langue et de la culture occitanes. La crise aboutit à la fin de l’activité de l’association en 1995, reprise en 1998 par un nouvel établissement, public, coadministré par la Ville de Béziers et la Région Languedoc-Roussillon.
Dans les mêmes années, les acteurs du mouvement occitan en Béarn posaient avec le Département des Pyrénées-Atlantiques les jalons d’une politique publique en faveur du développement de l’occitan qui suscite notamment la création de l’Institut occitan.
Celui-ci devient rapidement l’opérateur de la région Aquitaine et de l’État pour l’accompagnement de projet et la structuration de l’action en faveur de l’occitan. Au cours des années 2000, suite à la convention Unesco pour le patrimoine culturel immatériel, l’Institut occitan d’Aquitaine va développer une expertise scientifique et professionnelle, en lien avec l’Université de Pau, pour l’accompagnement des projets d’inventaire, sauvegarde et valorisation du patrimoine culturel immatériel occitan.

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Versions occitanes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Escarpit, David
Assié, Benjamin
[imatge id=20512] La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est sans doute le texte le plus célèbre de la Révolution française. Il s’agissait, pour la toute nouvelle Assemblée constituante, de rédiger la liste des droits fondamentaux à partir desquels serait établie la Constitution.
La Déclaration fut adoptée le 26 août 1789 et donna lieu, par sa portée universelle, à de nombreuses traductions, et aussi adaptations, pastiches ou versions, comme la célèbre « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » rédigée et publiée par Olympe de Gouges en 1791.
Dès son adoption, dans un contexte politique favorable à la traduction des textes officiels en langues de France - les historiens ont pu parler de « politique des traductions » pour la première période révolutionnaire marquée par le Décret du 14 janvier 1790 prévoyant que « le pouvoir exécutif fera traduire dans tous les idiomes de la France les décrets de l'Assemblée nationale » - on recense plusieurs traductions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet article dresse l’inventaire les différentes traductions et versions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme depuis la Révolution jusqu’aux versions et traductions contemporaines. 

Les traductions de l’époque révolutionnaire

Une grande partie des traductions occitanes des textes officiels, répondant au Décret du 14 janvier 1790 a malheureusement disparu.
Le tarnais Dugas et ses collaborateurs avaient notamment, aux côtés d’autres traducteurs plus occasionnels, produit une centaine de volumes de traduction en occitan de décrets et actes constitutionnels. Seule une partie de ce corpus est conservée aux Archives nationales (AA 32, dossier 963 : traductions des textes et décrets de l’Assemblée nationale en occitan et autres langues de France pendant la Révolution).
La plupart des traductions de la Déclaration des droits de l’homme qui sont parvenues jusqu’à nous s’inscrivent dans ce contexte de la politique des traductions. Cependant, la version la plus célèbre, celle de l’avocat bordelais Bernadau, a été recueillie dans le cadre de l’enquête de l’abbé Grégoire qui prépara son fameux Rapport et qui marquera un tournant de la politique linguistique révolutionnaire à partir de 1793-1794.

La traduction bordelaise de Pierre Bernadau

L’auteur

Pierre Bernadau (1762-1852) est un avocat bordelais, par ailleurs historien de Bordeaux, érudit passionné de biographie et occasionnellement poète d’expression occitane. C’est en tant que membre de la Société des Amis de la Constitution qu’il répond au questionnaire envoyé par l’abbé Grégoire, tout en lui signalant - ironiquement ? - qu’il n’a « saisi qu’imparfaitement le sens des questions [posées] aux patriotes ». Dans sa réponse, Bernadau a le souci de donner à Grégoire un aperçu aussi complet que possible de la réalité de l’occitan parlé à Bordeaux et dans sa région. Il prend l’initiative de joindre à son envoi une traduction de la « sainte Déclaration des droits de l’homme ». Bernadau explique avoir réalisé cette traduction ainsi que celle des « lois municipales » (création des communes le 14 décembre 1789) dans « la langue mitoyenne entre tous les jargons » en usage dans les campagnes autour de Bordeaux. Bernadau dit avoir fait ces premières traductions avec des annotations pour être « très-utiles aux paysans » du Bordelais. La traduction de Bernadau s’inscrit donc dans l’esprit de la période de la « politique des traductions ». L’idée était de rendre intelligible au peuple non francophone les progrès et droits octroyés par la Révolution.

Le document

Il s'agit d'un manuscrit de 11 pages daté de 1790 et contenant la traduction occitane avec le texte français donné en interligne. Il est relié au sein d’un recueil de documents envoyés à l’abbé Grégoire dans le cadre de son enquête sur les « patois » et conservé dans le fonds de l’abbé Grégoire à la Bibliothèque de la Société de Port-Royal (cote : ms. REV 222).

Le texte

« La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Réponse de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, éditée par Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dans : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en ligne sur Gallica

Comme pour de nombreux traducteurs de la période, Bernadau fait d’abord un choix linguistique, cherchant à traduire dans une forme et un niveau de langue occitane compréhensible assez largement par-delà les variations locales. Il choisit l’occitan tel qu'il est parlé à Bordeaux, « langue mitoyenne entre tous les jargons » nous dit-il.
Par sa situation de port et de carrefour, en particulier entre les domaines géolinguistiques gascon et languedocien, l’occitan parlé sur les quais de Bordeaux, où Bernadau a d’ailleurs passé sa vie, est une sorte d’occitan « unifié » de la vallée de la Garonne (c’est l’occitan populaire de Bordeaux que le chansonnier Ulysse Despaux, un siècle après Bernadau, appelle le « pishadèir ») : les Toulousains, Périgourdins, Agenais, Landais, Béarnais, Auvergnats qui se croisaient et se rencontraient sur le port de Bordeaux pouvaient tous comprendre le pishadèir. On y trouve mêlées des formes appartenant aux deux grandes variantes du territoire, comme les démonstratifs aqueth (gascon) et aquel (languedocien). Bernadau utilise les deux indifféremment dans sa traduction.
La traduction de Bernadau est réputée peu fidèle au texte original. L’historien Jacques Godechot en particulier signala que la traduction de Bernadau ne se base pas complètement sur le texte de la Déclaration des droits de l'homme telle qu'elle fut adoptée en 1789, mais sur une paraphrase plus ou moins fidèle de celle-ci. Il est possible que Bernadau, contrairement au provençal Bouche, chercha à rendre intelligible la Déclaration non seulement en la traduisant dans la langue du peuple, mais aussi en reformulant des tournures qu’il jugeait sans doute trop techniques.

Pour le consulter

Consulter le manuscrit original (Bibliothèque de la Société de Port-Royal, ms REV 222) : https://occitanica.eu/items/show/20274

Augustin Gazier (1844-1922), qui dirigeait la bibliothèque de la Société de Port-Royal, a publié dans la Revue des langues romanes de 1874 à 1879 l’intégralité de la réponse de Bernadau à Grégoire, incluant la traductionde la Déclaration des droits de l'homme.
Consulter l’édition d’Augustin Dazier dans la Revue des langues romanes : https://occitanica.eu/items/show/5126
Consulter la version manuscrite de l’édition d'Augustin Dazier : https://occitanica.eu/items/show/19881

Autres traductions révolutionnaires

Pour être la plus célèbre, la traduction de Bernadau n’est pas la seule réalisée à l’époque révolutionnaire pour le domaine occitan.

La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche (1792)

[imatge id=20312] Charles-François Bouche (1737-1795), homme politique aixois très actif pendant la période révolutionnaire, député du Tiers aux États généraux puis à l'Assemblée nationale, fait imprimer  en 1792 sur les presses de l’Imprimerie nationale La constitution française traduite conformément aux décrets de l'Assemblée-nationale-constituante en langue provençale et présentée à l'Assemblée-nationale-législative. On y trouve en préambule une traduction en provençal de la déclaration.
Comme Bernadau, Bouche cherche une forme d'occitan provençal de large communication. En revanche, à la différence de l'avocat bordelais, sa traduction de la Déclaration des droits de l'homme est jugée de piètre qualité sur le plan de la langue employée. Sans doute par respect excessif pour la « sacralité » du texte français original et aussi peut-être par la difficulté de traduire des notions et tournures très techniques pour un locuteur et érudit provençal de la fin du XVIIIe siècle, le texte de Bouche est davantage une sorte de provençalisation du texte français plutôt qu'une réelle traduction. 

En savoir plus sur La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche.  

Traductions perdues 

L’existence d’autres versions de la Déclaration des droits de l'homme en occitan est attestée bien que les documents soient aujourd'hui introuvables ou définitivement perdus. La sociolinguiste Brigit Schlieben Lange, spécialiste de l'occitan pendant la période révolutionnaire, mentionne dans un article de la revue Lengas la version d’un certain Larrouy en parler du Béarn et datée de 1790. Il est probable que cette version soit conservée dans le fonds AA32 des Archives nationales.
De même le Dictionnaire des usages socio-politiques : 1770-1815, fas. 5 : Langue, occitan, usages (Paris : Klincksieck, 1991) cite une traduction occitane de la Déclaration attestée à Saint-Nicolas-de-la-Grave, non loin de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) via un document témoignant qu'elle avait été lue et commentée en langue vulgaire avec la Constitution afin de les rendre intelligibles à tous les citoyens.
À Gap, un certain Farnaud écrit aux administrateurs du Département des Hautes-Alpes pour leur signaler sa traduction de  la Déclaration et de la Constitution en « langage vulgaire ou patois de ce pays. » Il peut s'agir de Pierre-Antoine Farnaud (1766-1842) qui fut secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes sous l'Empire. Il est connu pour être l’auteur d’un « Noël patois » composé pour le préfet Ladoucette, célébrant Napoléon, et chanté lors de la messe de minuit 1806, ou plutôt de son père Joseph-Antoine Farnaud (1731-1817), qui a été décrit comme amateur de langues. En effet, dans la lettre, Farnaud dit avoir traduit la constitution aussi en latin, espagnol, portugais et italien. La texte de la traduction de Faraud n'est malheureusement pas conservé avec la lettre aux Archives départementales des Hautes-Alpes (L 417).
Enfin, René Merle, dans sa thèse sur l'Écriture du provençal de 1775 à 1840 (Béziers : CIDO, 1990) cite la demande d'une traduction en provençal à Aix le 7 novembre 1790 : « on réclame la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme en langue provençale. La proposition est mise aux voix et adoptée. » En dépit de virulentes oppositions, nous dit René Merle, une traduction fut réalisée en provençal à la demande des citoyens aixois. Il est possible qu’il s’agisse de celle de Charles-François Bouche, qu'il fit imprimer en 1792.

Adaptations littéraires

La Déclaration versifiée en provençal par Félix Gras (1896)

[imatge id=20513] L'écrivain Félix Gras (1844-1901), le « le félibre rouge », propose une version de la Déclaration des droits de l'homme en provençal dans son roman historique Li Rouge dóu Miejour (= Les Rouges du Midi, Avignoun : J. Roumanille, 1896).  ll s’agit en réalité d’un court extrait qui, dans le récit, est porté en pancarte et déclamé par un fédéré de Marseille en route pour Paris. Seul le premier vers est, en réalité, inspiré de la Déclaration : Lis ome naisson libre e soun tóutis egau. La suite est un texte patriotique qui reprend les principes de la Révolution.

Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !

Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion ! 

Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé : éditions des régionalismes, 2016.
Consulter le texte dans l'édition originale sur Gallica.

La version théâtrale d'André Benedetto (1976)

André Benedetto (1934-2009), comédien, auteur et metteur en scène a inséré un fragment de la Déclaration des droits de l'homme traduite en occitan dans sa pièce Les Drapiers jacobins (Nouvelle compagnie du théâtre des Carmes d'Avignon, création en 1976 pour le festival de Montauban).
Les Drapiers jacobins est une réflexion très influencée par Félix Castan sur la question de l'unité nationale pendant la Révolution et une critique de la construction de la « nation jacobine », bourgeoise et destructrice des cultures populaires en raison du contenu de classe. 
Il attribue au personnage du révolutionnaire montalbanais Gautier-Sauzin, dont il fait un fervent robespierriste, une traduction occitane de la Déclaration des droits de l'homme. Si Antoine Gautier-Sauzin a bien existé, on ne sait en réalité pas grand-chose. Il est l'auteur d'une pétition conservée aux Archives nationales contenant un véritable programme d'instruction publique en occitan intitulé « Réflexions sur le genre d’instruction publique qui conviendrait à nos campagnes méridionales »  Le caractère exceptionnel de cette pétition en a fait le point de départ de la pièce de Benedetto. Cependant la traduction de la Déclaration des droits de l'homme est une pure invention théâtrale.  André Benedetto donne d'ailleurs le nom de la traductrice, Marie-Charlotte Chamoux. Il reprend également à la tirade suivante la version versifiée de Félix Gras. 

Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :
«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat.
Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »

André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dans Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.

Traductions contemporaines

La Déclaration de 1789 a été à plusieurs reprises réécrite et complétée (1792, 1795, 1848…) avant d’être considérée comme un texte constitutionnel français de plein droit. Son inspiration est patente dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies le 10 décembre 1948. La portée universelle de cette dernière impliquant qu’elle soit traduite dans toutes les langues du monde, officielles ou non, plusieurs traductions occitanes furent réalisées en 1998 :

La Déclaration universelle des droits de l’homme en occitan (languedocien, graphie classique) 

Consulter en ligne sur le du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1

Sur le même site on trouve aussi une traduction en auvergnat (graphie dite Bonneau) :  https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1

La traduction des élèves du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique 

Publiée dans le n° 35 de la revue pédagogique Lenga e país d’òc, cette traduction en occitan languedocien a été réalisée par la classe de 4e bilingue du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique (Aveyron) dans le cadre d’un travail d’éducation civique.
Consulter le texte : https://occitanica.eu/items/show/20514

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