Votre question : Pourquoi chante-t-on « fume la pipe sans tabac » dans la chanson Carnaval es arribat
Notre réponse : La chanson Carnaval es arribat, constitue dans la tradition occitane relative à cette fête, une chanson incontournable, interprétée tout aussi bien au commencement des festivités que dans l'épilogue de celles-ci alors que le bonhomme Carnaval est porté au bûcher.
Voici les premières paroles de cette farandole, telle que transmise dans l'ouvrage Lo resson de la pèira de Jean-Michel Lhubac, Josiane Ubaud et Marie-José Fages-Lhubac (Saint-Jouin-de-Milly : Modal, 2006), dans lesquelles apparaît la formule "Fume la pipe sans tabac".
Cançon 29 "La Pipa ou Carnaval es arribat ou Los Acabaires".
"Carnaval es arribat, / Carnaval est arrivé,
Fuma la pipa, fuma la pipa, / Fume la pipe, fume la pipe,
Carnaval es arribat, / Carnaval est arrivé,
Fuma la pipa sens tabac. / Fume la pipe sans tabac.
Repic / Refrain
I anarem totes, i anarem totes, / On y ira tous, on y ira tous,
I menarem nòstres enfants, / on y amènera nos enfants,
E la jornada serà pagada / Et la journée sera payée
Coma se trabalhaviam. (bis) / Comme si l'on avait travaillé."
Le même ouvrage nous renseigne par ailleurs sur l'origine de cette expression qui peut sembler contradictoire : "Fumer la pipe sans tabac". Il faut en fait aller chercher l'une des significations de la "pipe", terme qui en français comme en occitan désigne également une grande futaille, ("Grande futaille, de capacité variable selon les régions" Trésor informatisé de la langue française), c'est-à-dire un récipient sphérique destiné à contenir divers liquides, mais de préférence des liquides alcoolisés, vins ou eaux-de-vie le plus souvent.
Le Trésor du Félibrige, le dictionnaire somme réalisé au XIXe siècle par Frédéric Mistral donne également les différents sens de la pipa : " Pipo : (rom. Pipa, tube, pipeau, cat. Esp. Port. it. Pipa), s.m. Pipe, calumet, v.brulo-taba, cachimbau, galifo, tubanto; feuillette, grande futaille contenant 6 hectolitres en Béarn, v. Bouto, pipan [...]".
"La pipe sans tabac" nous renvoie donc à la futaille et avec elle, à la question de la boisson. Lo resson de la pèira explique ainsi que "Fumer la pipe sans tabac, c'est donc boire" (ibid. p103).
L'ouvrage Carnaval en Béarn. Coutumes et chansons de J.-B. Laborde, (disponible sur Occitanica ici) propose d'ailleurs en page 9, une des nombreuses variantes de Carnaval es arribat (on trouve d'une région à l'autre et selon les époques, des nuances plus ou moins fortes de cette chanson traditionnelle). Dans cette dernière, dont le premier couplet est repris ci-dessous, la question de l'alcool est présentée de façon plus explicite.
Ne saber mai :
- Sur le carnaval en ligne : Aquí
- Lo resson de la pèira.
« Carnaval est arrivé / carnaval es arribat
Carnaval est arrivé / Carnaval qu'es arribat,
Verse à boire, verse à boire, / Botelha, botelha.
Carnaval est arrivé, / Carnaval qu'es arribat,
Verse à boire, jeune homme / Botelha, gojat."
Les différentes chansons accompagnant Carnaval, est tel est le cas de Carnaval es arribat, possèdent en effet souvent un important paratexte, et multiplient les allusions plus ou moins explicites, notamment relatives à l'alcool mais aussi sexuelles. Effectivement, avant de devenir un moment de fête ouvert à tous et tout particulièrement aux plus jeunes, Carnaval fut durant des siècle un temps à part de l'année. Une période de licence et de remise en cause de l'ordre établi avant que ne commence la dure période des restrictions du Carême, très éloignée dans ces manifestations du monde de l'enfance.
Gargantua est ce héros gigantesque et légendaire, parcourant la France au fil des chroniques, et dont s'inspira Rabelais pour créer le personnage de ses récits littéraires (La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme, 1534).
Ce personnage mythique possède des caractéristiques le rendant facilement identifiable, et qui le rapprochent d’une autre figure « d’homme sauvage », Joan de l’Ors. Ces géants ont un appétit redoutable, et une barbe fournie. Gargantua se remarque également par sa maladresse et son tempérament nomade. La légende veut qu’il ait parcouru la campagne, transformant les paysages sur son passage, au gré de ses repas (et de ses déjections), de dépôts laissés par ses bottes, de cailloux lancés par jeu… Il lui arrive même de tarir des rivières lorsqu’il a soif ! Cet appétit incroyable illustrerait l'appétit de vivre marquant la période qui suit les difficultés de la peste et de la guerre de Cent Ans (fin du XVe siècle - début de XVIe siècle). Maladroit mais jamais intentionnellement méchant, Gargantua est un héros populaire, un ripailleur dont les aventures, parfois scatologiques, font rire le grand public de l'époque. Les récits légendaires sur sa naissance rapportent qu’il serait né de personnes de tailles inférieures à la moyenne, et qu’a contrario il aurait eu une très forte croissance. Rabelais quant à lui affirme que son personnage de Gargantua serait né un 3 février (et d’autres auteurs le pensent aussi), en sortant de l’oreille gauche de sa mère. Cette date de naissance, et son caractère absurde, le rapproche de carnaval dont les récits de Gargantua partagent déjà la fonction cathartique.
Si la ville s’attribue Gargantua comme héros fondateur, en s’appuyant certainement sur les propos de Felix Viallet, cela est dû en partie à un épisode légendaire qui s’y serait déroulé. Fait assez rare, le sang de Gargantua y aurait coulé, des suites d’une blessure au doigt, colorant ainsi les terres environnantes. Mais il ne faut pas oublier que la ville de Langogne, à la fin du XVe siècle est un carrefour commercial, possédant une foire réputée et attractive. Elle reçoit ainsi cette littérature de colportage dont Gargantua est l'un des « best-seller ». Il faut toutefois attendre le XIXe siècle pour voir apparaître la tête géante de Gargantua dont les cartes postales anciennes de Langogne perpétuent le souvenir. Celle-ci est exhibée dans le cadre du cortège de chars fleuris qui défilent dans la ville. Monumentale, elle mesure environ trois mètres cinquante. Elle est également articulée, ses yeux et sa bouche semblent s'animer et convier les habitants à la fête. Mais n’oublions pas que Gargantua n’est pas le héros d’une région en particulier, tant les récits de colportage lui font parcourir et transformer les paysages de France.
Bien qu’elle soit issue d’une littérature principalement orale, la légende de Gargantua continue encore à vivre aujourd'hui. C’est par exemple le cas en Lozère, dans la ville de Langogne (« le pays de Gargantua »), où le géant est fêté depuis 1884. Et si les sorties de « Gargantua » du 1er août ont été suspendues aux alentours de 1978, sa tête est ressortie une première fois en l‘an 2000 et reprend depuis part aux processions des chars carnavalesques. On remarque aussi à Langogne la création récente de la confrérie du Manouls Langonais de Gargantua, qui met en lumière cette spécialité culinaire d'abats de mouton et de veau (les manouls), mais aussi la confiserie appelée « la Gargantille ». Et depuis le 7 avril 2000, Langogne détient le record du monde de la saucisse la plus longue : 23 160 m exactement, une nouvelle fois en hommage à Gargantua.
Les premiers récits de littérature orale sur la figure de Gargantua et des géants en général se constituent en France à partir du Moyen- Âge, pour enfin connaître un vrai succès au XVIe siècle. Le nombre de chroniques orales augmente, ainsi que celui des ouvrages écrits, à la suite de Rabelais. En 1675, paraissent ainsi Les Chroniques du Roy Gargantua, cousin du très redouté Gallimassue et en 1715, est publiée la Vie du fameux Gargantua, fils de Briarée et de Gargantine. Aujourd’hui, la légende de Gargantua se perpétue différemment, en accord avec les modalités actuelles de partage des connaissances. On trouve ainsi des sites internet qui lui sont dédiés, et il existe même sur Facebook un #Gargantua.
La Bengenço de Bacchus, countro l'émmagrit Carémé, sur la mort de soun amic Carmantran1 est un jugement de carnaval en vers publié en 1842. Si aucune mention d'auteur ne figure sur le document, sa paternité est attribuée à Lucien Mengaud en raison de la présence d'une note manuscrite sur un exemplaire du recueil de poèmes La Crouts du même Lucien Mengaud issu des collections de la Bibliothèque municipale de Toulouse.
Le texte met en scène le bûcher de Carmantran (Caramentran), personnage emblématique de la fête de carnaval en Occitanie. Il est construit autour de l'opposition des valeurs d'opulence et d'excès portées lors de la fête de Carnaval par Carmantran, associé ici à la divinité romaine Bacchus, contre la rigueur et le jeûne suivis lors de la période de Carême (Carémé).
1. (Vengeance de Bacchus, contre l'amaigri Carême, sur la mort de son ami Carmantran) ↑
Le Bastardeou des tres-coucuts est une chanson de carnaval anonyme publiée en 1850 à Toulouse.
Elle est construite sur un registre burlesque autour du « cocu », le mari trompé, et des désagréments que lui cause sa femme au quotidien.
Occitan : graphie originale | Occitan : graphie classique | Français | |
Titre | Bastardeou des tres-coucuts : cansou pel Carnabal de 1850 | Bastardèu dels tres-cocuts : cançon pel Carnaval de 1850 | Bastardeou des trois-cocus : chanson pour le Carnaval de 1850 |
Couplet 1 | Del sale Bastardéou, Propre coumo un estable, Mai negre que le diable, Fasquen le tabléou : Le grand pincél, Per tant que sio capable, Le randra pas bél. |
Del sale Bastardèu, Pròpre coma un estable, Mai negre que le diable, Fasquèm le tablèu : Lo grand pincèl, Per tant que siá capable, Lo rendrà pas bèl. |
Du sale Bastardéou, Propre comme une étable, Plus noir que le diable, Faisons le tableau : Le grand pinceau, Pour autant qu'il en soit capable, Ne le rendra pas beau. |
Refrain | Tant que you biourrey fennoto, Tant que you biourrey, serey l'home battut, Et le Bastardéou coucut !! |
Tant que ieu viurai femnòta, Tant que ieu viurai, serai l'òme batut, E lo Bastardèu cocut !! |
Tant que je vivrai petite femme, Tant que je vivrai, je serai l'homme battu, Et le Bastardéou cocu !! |
Couplet 3 | Jamay n'a goubernat Al miey de sa famillo, Car sa fenno l'estrillo Et le ten renat ; Jusqu'al toumbél (bis) Sera jouts sa guenillo Menat pel bridél. |
Jamai n'a governat Al mièlh de sa familha, Car sa femna l'estrilha E le te renat ; Jusqu'al tombèl (bis) Serà jos sa guenilha Menat pel bridèl. |
Jamais il n'a gouverné au milieu de sa famille, car sa femme le bat Et le tient par les rênes ; Jusqu'au tombeau (bis) Il sera sous ses jupons Mené par la bribe. |
Couplet 4 | Sappiats que sa mouillé N'a pas la faço bélo, Sa maysso d'escarcélo Es sans rastelié ; A soun quasuet (bis) Dirion qu'es la femélo D'un biel parrouquet. |
Sapiatz que sa molhèr N'a pas la faça bèla, Sa maissa d'escarcela Es sans rastelièr ; A son caquet (bis) Dirián qu'es la femèla D'un vièlh parroquet. |
Sachez que sa femme N'a pas la face belle, Sa machoire toute maigre Est toute édentée ; À son caquet (bis) On dirait que c'est la femelle D'un vieux perroquet. |
Chant de carnaval présent dans toute l'occitanie.
Paroles de la chanson :
- Tu es laide, tu es grosse. Tu as une paire de joues comme les fesses d'un gros cochon.
- Tu es toujours en train de boire, de manger, de faire la farandole, j'en ai assez de toi.
- Et moi je préfère vivre seule que mal accompagnée, Grand couillon !
- C'est trop fort, moi je suis Carême
- Et moi Carnaval.
Refrain :
Au revoir, au revoir,
Au revoir pauvre Carnaval
Carnaval, tu es un ivrogne
Qui nous coûte cher
Mais tu as une belle gueule
Et ton ventre est sans pareil
Tu as chié dans tes culottes
Ça a coulé dans tes chaussettes !
Si tu n'avais pas eu la coulante
Ça ne serait pas tombé si bas !
Tu t'en vas et moi je reste
Pour manger la soupe à l'ail
Pour manger la soupe à l'huile
Pour manger la soupe à l'ail !
Dis-moi pourquoi il te chasse
Ce laid Carême
Pourquoi ici laisser ta place
Pourquoi pas rester toute l'année
Maintenant que nous avons tout terminé
Nous ferons la fête
Ou fumons la pipe
Maintenant que nous avons tout terminé
Nous ferons la fête dans le pré
Nous fumons la pipe sans tabac
Autour de 1978
Chant issu d'un petit opuscule Les chansons du Carrateyron regroupant 5 chansons en provençal composées par des étudiants aixois entre 1518 et 1530 dont le ton général est hostile au monde de la justice, du clergé et des commerçants.
Traduction des paroles de la chanson :
Refrain :
Ça ne pourrait aller plus mal
Nyga nyga nyga
Ça ne pourrait aller plus mal
Et nyga nyga nau
Ecoutez tous la balade
Bien hargneusement composée
Que nous allons vous dire
Car si elle n'est pas bien chantée
Egrenée
Entrainante
Nous vous dirons la vérité
Silence écoutez un peu
Encore une fois nous chantons
Pour vous dire
Sans rire
La chanson de malgovern
Ça empire toujours
Par saint pire
Dieu y regarde
Autant l'été que l'hiver
De carême et de carnaval.
Chant collecté en Provence
Traduction des paroles de la chanson :
Refrain :
Les soufflets sont cassés
Ils sont cassés ma mignonne
Les soufflets sont cassés
Cassés, rapiecés
Nous sommes une bande de jeunes
Nous avons un grand feu qui nous brule
Nous avons imaginé pour le faire passer
De prendre des soufflets et au cul te souffler
Ne croyez pas que nous sommes coureurs de jupons
Non, nous sommes renommés comme souffleurs
Celui qui veut faire souffler, n'a qu'à s'avancer
Le canon est planté, le jeu va commencer
Nous avons un instrument composé de deux pièces
Qui quand il est bien placé ne blesse jamais
C'est un morceau de peau entre deux grelots
Quand nous n'avons pas le sou, ça nous réjouit
Si par hasard, le soufflet peut vous plaire
Vous pouvez approcher de tous côtés
Vous pouvez venir souvent, nous vous donnerons du vent
Plus doux que le mistral qui fait serrer le trou