Support de présentation de la conférence Francèse de Cézelli et le siège de Leucate par Pierre Etcheto, membre de l'association Archéo-Cartographie Toulouse, donnée le 7 octobre 2023 dans la ville de Leucate à l'occasion du 16e colloque Histoire et Cultures en Languedoc.
Texte de la conférence Françoise de Cezelli, de Montpellier à Leucate par Pierre-Joan BERNARD, historien et archiviste, donnée le 7 octobre 2023 dans la ville de Leucate à l'occasion du 16e colloque Histoire et Cultures en Languedoc.
Depuis 2008, l'association "Histoire et cultures en Languedoc" organise chaque année les Rencontres Internationales du Patrimoine Historique.
Avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, du CIRDOC - Institut occitan de cultura, de la ville de Leucate, de la Société Archéologique de Montpellier et de la Confrérie des Consuls de la Seigneurie de LEUCATE.
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La frontière définie au Traité de Corbeil (1258) entre Louis IX, roi de France et Jacques 1er, roi d’Aragon n’est pas un linéaire continu, mais un no man’s land aux marges contestées. On peut dire que la limite entre les deux royaumes reste floue et peu lisible, conséquence de nombreux conflits. Saint Louis organisera sa frontière en forteresses de dissuasion autour de Carcassonne, ce seront : Aguilar, Peyrepertuse, Puylaurens, Quéribus, Termes. La géographie tourmentée des Corbières appuie leur rôle dissuasif. Ces forteresses du vertige, selon Michel Roquebert sont pour la plupart d’anciens châteaux refuges des cathares tombés lors de la croisade contre les Albigeois. Au traité de Corbeil, le Roussillon et la Cerdagne sont laissés à l’Aragon ; il faudra donc établir une forteresse pour protéger l’ouverture sur la Méditerranée, ce sera Leucate face à Salses l’aragonaise.
Leucate connaît un épisode majeur lors des guerres de religion dans le Languedoc. L’Édit de Nemours marque la cassure du Languedoc entre deux fractions irréductibles. L’une, fidèle à la Ligue, implantée dans la partie Ouest, ayant à sa tête le maréchal de Joyeuse, alliés aux Espagnols, qui rejette l’idée de reconnaître Henri de Navarre comme successeur d’Henri III. L’autre, à l’Est, sous le gouvernement du Duc de Montmorency, partisans du roi de Navarre. La limite des territoires est établie entre Béziers et Narbonne, mais dans les faits il n’en est rien. L’espace frontalier entre Narbonne et l’Espagne est trop stratégique. Montmorency ne va pas l’abandonner à la Ligue et Joyeuse a besoin des liaisons sûres avec le roi d’Espagne qui fournit troupes et subsides. La guerre permanente dans cet espace nous conduit aux deux sièges de Leucate.
En 1589, les Espagnols, alliés de la Ligue viennent assiéger Leucate. Il s’en suit l’exécution du gouverneur de la place, Jean du Barry. Françoise de Cezelli, son épouse prend la tête des défenseurs et résiste aux Espagnols. Reconnaissant son exploit, Henri IV la chargera de gouverner la place jusqu’à la majorité de son fils Hercule. En 1637, les Espagnols échouent pour la seconde fois à prendre Leucate. L'histoire est cruelle pour la brave citadelle.
Le traité des Pyrénées est signé le 7 novembre 1659 et met fin à la guerre de trente ans par le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse. En 1664, sur ordre du roi, le château est détruit, son inutilité décrété. De son histoire, que reste-t-il ? Quelques vestiges, témoins de son importance et de la présence de l’héroïne du lieu. Alors, qui est Françoise de Cezelli, passée sous silence par de nombreux historiens ?
Elle naît à Montpellier en 1558 et y meurt le 16 octobre 1615. Son père, Jean de Cezelli, comte de Mauguio et président de la chambre des comptes de Montpellier appartient à la lignée des marchands ayant fait fortune. Précisons que Montpellier est une cité en mouvement, où le moteur est la réussite dans les affaires. Rien de surprenant à ce que Jean de Cezelli marie sa fille Françoise, en seconde noce à Jean Antoine de Boursier, seigneur de Barri. Ainsi commença l’histoire de la « Dame de Leucate ».
Pour conclure, revenons au titre de l’exposé : En quoi « la frontière est une cicatrice de l’histoire » ? Depuis les limes romaines ou les marches franques, la frontière est un marqueur spatial d’une différence sémantique et d’une forme de construction territoriale. Cette démarcation a évolué. Au Moyen Âge, la territorialité est marquée par les lieux stratégiques de pouvoir, tels des noyaux polynucléaires, pour exemples : les forteresses de Saint-Louis. Au XVIIe siècle, Richelieu, puis Mazarin envisagent des frontières naturelles pour la France (Pyrénées, Rhin…) Le traité des Pyrénées légitime cette revendication : « Remettre la France où était la Gaule ». Le mythe est repris par la monarchie, par la Révolution et par la République. On parle d’Hexagone, figure géométrique par excellence pour traduire stabilité, perfection, harmonie. La création de l’Union européenne marque la suppression des frontières, c’est une nouvelle cicatrice. Nous ne pensons plus en terme de structure mais de flux.
Maguy Chapot-Blanquet
Docteur en Sciences Humaines
Texte de la visite conférence Patrimoine civil médiéval et cité marchande par Aymeric Kurzawinski, guide conférencier, donnée le 3 octobre 2021 dans la ville de Figeac à l'occasion du 14e colloque Histoire et Cultures en Languedoc.
Depuis 2008, l'association "Histoire et cultures en Languedoc" organise chaque année les Rencontres Internationales du Patrimoine Historique.
Avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, du CIRDOC - Institut occitan de cultura, de la Société Archéologique de Montpellier, du Centre des monuments nationaux, de la ville de Clermont l'Hérault, de la ville de Figeac et de la ville de Prudhomat.
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Du Bas-Languedoc au Quercy, deux châteaux, celui de Clermont-Lodève et celui de Castelnau-Bretenoux, se dressent sur leur promontoire au carrefour des voies de communication. Pour Clermont, c’est le passage obligé des axes séculaires nord/sud et est/ouest.
Pour Castelnau-Bretenoux, sis sur un piton abrupt, c’est une « marche » entre le comté de Toulouse et le duché d’Aquitaine. Ces deux forteresses sont les témoins de pierre qui nous livrent la saga de leurs seigneurs qui, du XII° siècle au XVII° y ont inscrit leur propre histoire et en même temps celle du royaume. Au Moyen-Age, on les retrouve, peu ou prou, dans la croisade contre les Albigeois et la guerre de Cent ans. A la Renaissance, les guerres de Religion ne les épargnent pas, notamment pour Castelnau- Bretenoux.
Le château de Clermont-Lodève, endormi dans ses ruines, serait illisible en dépit des études antérieures d’historiens locaux tels Gaston Combarnous et, plus récemment, Philippe Huppé. En 2009, des fouilles archéologiques sont diligentées par la commune. Mais il faudra attendre 2019 pour qu’un récit tripartite archéologue, architecte et archiviste (cf. Patrimoine Sud 10/2019) nous livre son histoire. Un premier écueil : comment le dater, les pierres sont muettes. Il faudra avoir recours aux écrits. La ville de Clermont est mentionnée dans le cartulaire de Gellone en 1140 et, un peu plus tard, le terme de castrum. Le château sera mentionné en 1160-1161 dans une série de chartes figurant dans le cartulaire des Guilhem de Montpellier. En fait, cette mention signifie une tentative de main mise sur une cité jugée concurrente, qui échouera. Mais voilà, en 1182, Marie Navarre, soeur de Guilhem VIII et fille de Guilhem VII, épouse Aymeric II de Clermont. Cette alliance assure à Clermont l’indépendance du côté Montpelliérain.
Outre les liens de fratrie, Marie Navarre est la tante de Marie de Montpellier, héritière de la seigneurie et épouse de Pierre II, roi d’Aragon. Leur fils sera Jacques I° le Conquérant qui naitra à Montpellier. On assiste alors à une montée en puissance de Clermont. Cependant, de 1209 à 1229, la croisade contre les Albigeois décime le Languedoc. De cette guerre, les Clermont sortent affaiblis, comme d’autres. Le contexte est incertain. Bérenger IV accède au pouvoir en 1249 et, contrairement à son grand-père Aymeric II, il s’accommode autant que faire se peut de l’administration royale. Bérenger Guilhem IV est bâtisseur : il reconfigure totalement le château, entreprend un vaste chantier de fortifications urbaines. Tout cela coûte cher, les créanciers se pressent aux portes du château mais peu importe, la reconfiguration castrale est lancée. Tour à tour, le château de Clermont présente une architecture militaire datable de la seconde moitié du XIII° siècle. Notons que le château tourne le dos à la ville dans sa partie ostentatoire et mieux défendue, orienté vers le nord, là où se trouve la garnison royale en retrait de la vallée de l’Hérault. D’étape en étape, les transformations marquent une identité aristocratique par son ancrage dans le château ancestral. A l’apogée du XIIIe siècle va succéder une période de repli et c’est avec Tristan (1423-1441) que le château retrouvera son lustre.
Qui est Tristan ? Du nom de Barthélémy Guilhem est un cadet. En tant que tel, chevaleresque et intrépide, il s’attache à la personne de Jacques de Bourbon qu’il accompagne en Italie à la conquête du royaume de Naples. En remerciements de ses exploits, il reçoit la main de Catherine des Ursins des Baux et deviendra par son mariage seigneur de Copertino. Il reviendra à Clermont pour succéder à son frère défunt. Gloire et faste marqueront le château. Le lignage des Guilhem de Clermont s’éteint-il avec le flamboyant Tristan ? Pas sûr… et pour le savoir, il faudrait écouter la tour Tristan ou la tour Bourguine ...
Le château de Castelnau Bretenoux dans le Lot est une des forteresses médiévales les plus majestueuses de France. Ses barons étaient parmi les plus puissants du midi de la France. Ils se targuaient du titre de « seconds barons chrétiens du royaume ». Mais qui sait que son histoire est intimement liée à celle de Clermont l’Hérault ?
Le territoire du Quercy fut au coeur des affrontements de la Guerre de Cent ans, occupé par les armées anglaises et pillé par les compagnies. C’est dans ce contexte troublé des XIVe-XVe siècles que plusieurs grandes familles nobles languedociennes se sont alliées à l’aristocratie locale fidèle au roi de France, y ont fait souche et y ont écrit un nouveau chapitre de leur histoire. Parmi elles, les Caylus, seigneurs d’Olargues, héritent en 1395 de la baronnie de Castelnau et prennent possession de l’invincible forteresse. Alliés par trois fois à des filles des Guilhem de Clermont-Lodève, les Caylus se fondent successivement dans les Castelnau et les Clermont pour ne former plus qu’un seul lignage. A partir de 1530, une même bannière flotte sur les châteaux de Clermont-Lodève et de Castelnau-Bretenoux. C’est ainsi que les Guilhem de Castelnau-Clermont devinrent une des familles les plus puissantes du royaume. Pour preuve, en 1541, le mariage princier de Gui de Castelnau-Clermont avec Louise de Bretagne-Avaugour, descendante des rois de France, cousine de la reine Anne de Bretagne et de la reine de Navarre Jeanne d’Albret. Louise de Bretagne est une figure les plus marquantes de l’histoire de Castelnau. Appelée Mme de Clermont, elle fut l’agent de Catherine de Médicis à la cour de Philippe II d’Espagne entre 1559 et 1561, et châtelaine de Castelnau jusqu’à sa mort vers 1608, elle fut la gardienne de ce bastion catholique durant les guerres de Religion. La lignée s’éteint en 1715, et marque l’abandon du château de Castelnau.
Plus au sud, la cité de Figeac possède elle-aussi un patrimoine médiéval exceptionnel. Bâtie autour d’une ancienne abbaye bénédictine, elle abrite une riche architecture civile des XIIe-XIVe siècles, protégée aujourd’hui par un secteur sauvegardé. Elle témoigne de la prospérité des villes commerçantes du Quercy au Moyen-Age. Comment imaginer que cette belle endormie était une des places les plus actives du Royaume et que les marchands de Figeac avaient pignon sur rue à Montpellier ?
Entre le milieu du XIIe siècle et le milieu du XIVe siècle, les marchands cahorsins ont joué un rôle économique et financier majeur dans toute l’Europe, équivalent aux commerçants italiens, au point que Cahorsin était à l’époque synonyme d’usurier. Leur fortune s’illustre dans l’accession à la papauté de Jacques Duèze en 1316, le pape d’Avignon Jean XXII. Ce nom ne désigne pas seulement les marchands de Cahors, mais tout un groupe de banquiers et négociants originaires des villes du Quercy, et en premier lieu de Figeac. Ils s’établissent à Paris, en Flandres, en Angleterre, et tout particulièrement en Languedoc à Montpellier. Pensons au célèbre Raimond de Cahors, consul de Montpellier et banquier de Simon de Montfort durant la Croisade contre les Albigeois. Parmi les familles originaires de Figeac, les Conques de Montpellier sont les plus fameux. Arrivés à Montpellier à la fin du XIIe siècle, ils investissent dans le commerce maritime international, la frappe de monnaie et la colonisation de l’île de Majorque. Les panneaux en bois peints provenant de l’ancien hôtel de Conques sont visibles au Musée Languedocien et comptent parmi les plus belles pièces de la Société Archéologique de Montpellier.
Maguy Chapot-Blanquet, Docteur en sciences humaines
Pierre-Joan Bernard, Resp. Bibliothèque et publications, Archives Municipales de Montpellier
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Avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, du CIRDOC - Institut occitan de cultura, de la Société Archéologique de Montpellier, de l'Office de Tourisme de l'Albret, de la ville de Nérac, du département du Gers et de l'Abbaye de Flaran (Centre patrimonial départemental), classé au titre des Monuments historiques.
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Ce pays est un ensemble de petites vallées qui composent la « Basse Navarre » et le territoire souverain du Béarn. Ce « confetti » indépendant entre la France et l’Espagne n’eut de cesse de revendiquer sa réunification avec la « Haute Navarre », celle de Pampelune. Ce désir fut aussi vif de part et d’autre des Pyrénées. Depuis Louis le Débonnaire, auquel on impute la césure du territoire navarrais, Trastamare, Grailly et d’Albret furent en conflit avec leurs homologues espagnols. Pourquoi ? La raison est simple : le Béarn tient les ports des Pyrénées entre la France et l’Espagne.
Au cours des guerres que se livrèrent François Ier et Charles Quint, Henri II de Navarre est du côté français. Mais, après la défaite de Pavie, en 1525, François est fait prisonnier et le sort de la Navarre sera réglé à la « Paix des Dames » en 1529 : la Haute Navarre restera espagnole.
En 1527, Henri épouse la soeur du roi, Marguerite d’Angoulême. Voici donc la Navarre dotée d’une reine de haute lignée, ajoutons à cela qu’elle est belle, diplomate, femme de lettres. Diplomate, elle fut envoyée à Madrid par sa mère, Louise de Savoie, pour négocier la libération de son frère auprès de Charles Quint. Femme de lettres, elle fut admirée de tous. Parmi ses nombreux écrits, on retiendra l’Heptaméron, reconnue comme une oeuvre majeure du XVIe siècle. Humaniste, elle s’inscrit dans le courant réformiste comme l’atteste son recueil « Le miroir de l’âme ». Elle est la protectrice du cercle de Meaux opposé aux théologiens de la Sorbonne. Après l’affaire des Placards, elle part pour Nérac et accueille à sa cour ses amis en disgrâce, Rabelais et Marot, entre autres.
Sur le plan politique et religieux, la Navarre aura un rôle de premier plan dans les évènements qui, en ce XVIe siècle, précipitera le pays dans les guerres de religion : sa fille , Jeanne, fera entrer la Navarre dans le camp armé des réformés, dont elle prendra la tête.
Qui est Jeanne d’Albret ?
Elle nait en 1528 à St Germain en Laye, fille unique de Marguerite et du roi de Navarre, Henri d’Albret. Elle est donc appelée à régner. Elle s’y emploiera avec détermination et foi.
Le caractère trempé de Jeanne se manifeste dès l’âge de 12 ans. Elle s’oppose à son oncle, François Ier, qui veut la marier au duc de Clèves. A 14 ans, son mariage forcé fait grand bruit. Elle refuse d’aller à l’autel. On l’y conduit de force. Elle obtiendra la nullité de son mariage et se remariera avec l’homme qu’elle a choisi, le bel Antoine de Bourbon. De ce mariage heureux naitra le futur Henri IV, lequel aura les qualités politiques de sa mère, la valeur des armes et la galanterie de son père.
Femme de foi, érudite et lettrée, Jeanne ira plus loin dans les préceptes évangélistes de sa mère. Elle abjure la religion catholique et se convertit au protestantisme.
La guerre est là. Antoine passe dans le camp des catholiques, c’est la rupture avec Jeanne. La terrible défaite de Jarnac va clore pour un temps la guerre par le traité de St Germain le 8 août 1570.
Les discussions sont âpres avec Catherine de Médicis qui finit par consentir à donner sa fille, Marguerite de Valois à Henri III de Navarre sous réserve que la princesse reste catholique. Le mariage est célébré le 18 aout 1572, Jeanne était morte d’épuisement en juin, loin de son fils. La paix sera de courte durée car, quelques jours plus tard, aura lieu le massacre de la Saint Barthélémy.
Par cet exposé se détachent les portraits de deux reines, deux femmes qui ont mis par leur talent, leur caractère, la Navarre au premier plan dans l’échiquier politique, et ont donné leur lustre aux cours de Pau et de Nérac. La troisième reine de Navarre, dont on parlera plus particulièrement, aura de sa tante la beauté, l’intelligence, un sens politique certes, mais se trompera souvent de camp, ses choix diplomatiques étant plus sentimentaux.
« La Marguerite des Marguerites » dira Ronsard pour la tante, « La perle des Valois » pour Margot. Pourquoi ce nom ? Ronsard écrivant un amusement théâtral pour les enfants de Catherine de Médicis, donna ce nom à la petite Marguerite, la plus jeune de la fratrie. Ce nom lui restera, avec affection pour ses frères mais sans aménité dans sa légende noire.
Cette légende à titre posthume est popularisée par Dumas et Michelet et, plus près de nous par le film de Patrice Chéreau, « La Reine Margot » qui donne un éclairage sulfureux du personnage. Mais cette légende est aussi née du temps de Marguerite de Valois. Son plus farouche détracteur fut Agrippa d’Aubigné à qui on attribue « le divorce satirique ou les amours de la reine Marguerite » écrit en 1607. Ne fait-on pas dire à Charles IX vouloir donner « Sa Margot, non seulement pour femme au roi de Navarre, mais à tous les hérétiques de son royaume ».
Mais qui de Marguerite de Valois à la reine Margot est la vraie Marguerite ? Jean Castarède, dans son ouvrage La triple vie de la reine Margot la définit ainsi : amoureuse, complotiste, écrivaine.
Amoureuse, elle le fut pour chacun de ses amants. Elle s’affiche comme une femme libre, hors de son temps. Elle instaure, à Nérac, une véritable cour d’amour, pas très troubadouresque.
Complotiste, ses choix politiques sont guidés par ses sentiments, qui la conduiront à participer avec son frère préféré François d’Alençon à la conjuration des « Malcontents » en 1574. Ce qui lui vaudra la réclusion au Louvre.
Libérée, elle se lance dans une mission « secrète » au Pays Bas toujours pour son frère François. Puis de Pau à Nérac, de château en château, ses choix politiques la conduiront à Usson ou son frère Henri III l’assigne à résidence pendant 19 ans. Elle se consacre alors à l’écriture. Ecrivaine, elle laisse un ouvrage remarquable, « Les mémoires de Marguerite de Valois », sorte de bestseller de la Renaissance que l’on redécouvre depuis peu. Cette correspondance nous révèle l’intime de Marguerite : « une enfant mal aimée dans une armure de reine » dira Isabelle Adjani qui l’incarna à l’écran.
Maguy Chapot-Blanquet, Docteur en sciences humaines
Texte de la conférence De Marguerite de Valois à la reine Margot par Charlotte de Malet, conférencière des Musées nationaux, donnée le 25 septembre à l’Abbaye de Flaran à l'occasion du 13e colloque Histoire et Cultures en Languedoc.