Le fonds Laurenç Revèst est axé sur deux aires géographiques.
1- La principale partie est consacrée au dialecte occitan vivaroalpin en général, plus précisément aux parlers alpins de cet ensemble. Il déborde par moments dans le reste de l’ensemble occitan (provençaloniçois principalement) ou dans d’autres langues latines (ligurien-génois principalement).
Le vivaroalpin est un dialecte de confins. Dans l’est de l’Occitanie linguistique (pas la région administrative Occitanie Pyrénées Méditerranée), la partie orientale et septentrionale de l'occitan est historiquement mal appréhendée. Le vivaroalpin est situé entre des dialectes d’oc : au sud il est contigu sur toute sa longueur au provençal dont le niçois (sud-occitan), à l’ouest il jouxte sur sa longueur l’auvergnat, au nord et à l’est il touche d’autres langues (francoprovençal, et piémontais, ligurien-génois dont monégasque). La connaissance incomplète de ses caractères fait dire à NAUTON (1974) que ses traits ressemblent beaucoup à ceux de la langue francoprovençale, de sorte qu'il qualifie la partie vivaroalpine qu’il a étudiée, de zone annexe, de marge, sous le terme peu compréhensible d’« amphizone ». Le vivaroalpin trouve parfois des rapports d'infériorité, urbaine (villes impliquant des lieux de visibilité, d’enseignement) ou médiatique (dynamiques en matière de publications, radio, tv) avec ses voisins, qu’ils soient occitans ou non. C’est le cas de la relation entre d’un côté le vivaroalpin et de l’autre le sud-occitan (provençaloniçois), et c'est encore le cas de la relation entre vivaroalpin et piémontais (piemontèis).
Lors de ses études en linguistique à l’université de Nice, à partir de l’année 2000 Laurenç Revèst part pour un travail de titan, micro en main pour collecter -commune par commune- la parole occitane et ses limites, limite de langue (occitan, non occitan), limite de dialectes (vivaroalpin et autres) à partir d’un questionnaire établi pour révéler les critères linguistiques établissant les caractéristiques du dialecte occitan vivaroalpin, dans sa partie alpine. Parfois l’oralité très à l’aise du locuteur, guidée par le questionnaire, laisse la place au discours libre en langue. Tant que la langue est présente et illustre aussi sur le fond les objectifs.
Le goût de l’oralité occitane et de l’enregistrement lui vient d’enregistrements familiaux déjà réalisés dans sa famille durant les années 1970 et de l’envie de sauver la langue occitane. La langue occitane existe, la preuve au vu du nombre de personnes la parlant encore aujourd’hui et enregistrées.
Son premier village enquêté est celui de Bairols dans la vallée de la Tinée (dont un livret sur la toponymie est sorti, voir la version numérique sur Occitanica).
Travaillant comme pigiste pour l’émission Vaquí sur France 3 en 2005-2006, il profite aussi des émissions pour enquêter en parallèle (France, Italie).
Tout d’abord sur support cassette audio à bande magnétique puis sur support Mini Disc Sony. Ensuite sur carte mémoire depuis un enregistreur Zoom et parfois en se servant du téléphone portable comme enregistreur vocal. La plupart du temps cela s’est déroulé au domicile des occitanophones, plus rarement par enregistreur téléphonique à distance. Accompagné de retranscriptions papiers.
Une partie des sons numériques natifs des enquêtes des Hautes-Alpes, est perdue suite au vol de son matériel d’enregistrement, ordinateur et disque dur lors d’un arrêt aux Crots, au lac de Serre-Ponçon en 2009. Cette partie n’est pas comptabilisée parmi le nombre de sons présents dans le fonds mais peut se retrouver dans les retranscriptions papiers.
Une partie des retranscriptions papiers a été détruite lors d’un dégât des eaux. Le reste a été numérisé.
C’est un travail de fourmi, peu visible et qui prend énormément de temps. Très riche mais parfois en décalage avec le discours sur la langue, tant au niveau institutionnel, qu’associatif. Si bien que certains qui ne le voyaient pas souvent lui ont parfois dit « oh vous étiez passé où ? On vous croyait mort ! ». Il roule beaucoup et travaille à la rencontre des locuteurs d’occitan naturels. Dans les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes Alpes mais aussi ponctuellement dans le sud de l’Isère occitane, des localités limitrophes en Drôme, Vaucluse, en Piémont occitan mais aussi en région Ligurie et en Principauté de Monaco.
Ces enquêtes constituent les annexes de sa thèse, retranscriptions de ses enregistrements publiées grâce à l’Académie des langues dialectales de Monaco (ALDMc - Académie des Langues Dialectales, Monaco). Le début de ces enquêtes a donné lieu à des publications papier :
- tome 1 de 2009 : «Caractéristiques linguistiques de l’alpin (ou gavot) maritime du pays mentonnais et des vallées des Paillons (suivi d’une anthologie d’ethnotextes de toutes les
communes de cette aire)»,
- tome 2 de 2012: «Caractéristiques linguistiques de l’occitan alpin (ou gavot) maritime de la basse vallée du Var et de la vallée de l’Estéron, suivi d’une anthologie d’ethnotextes de
toutes les communautés de l’aire»,
- tome 3 de 2022: «Caractéristiques linguistiques de l’occitan alpin (ou gavot) maritime d’Utelle, vallée de la Vésubie, en rapport des communes voisines, accompagnées d’une anthologie
d’ethnotextes»,
- tome 4 à paraître (en attente) : I- Caractéristiques linguistiques de l’occitan alpin (ou gavot) maritime de la vallée de la Vésubie, du sud de la vallée de Tinée et de la moyenne vallée du Var jusqu'à Touët, accompagnées d’une anthologie d’ethnotextes de toutes les localités de ces vallées. Et II- Caractéristiques linguistiques de l’occitan alpin (ou gavot) maritime de Venanson, de la vallée du Var à partir de Puget-Théniers jusqu'au pays d'Annot.
2- La seconde partie est consacrée à la zone de rencontre entre languedocien (oriental et cévenol) et provençal (vaunageol), plus précisément.
Il s’agit de deux moments. La période où Laurenç Revèst est encore étudiant à l’Université Paul Valéry à Montpellier en 2001-2002 et 2002-2003 aboutissant à une Maîtrise d’Occitan.
Puis lorsqu’il est affecté professeur certifié d’occitan dans l’académie de Montpellier en 2014-2015.
Ce sont des enquêtes réalisées à cheval sur la limite réelle entre languedocien et provençal, pour la plupart dans le Gard, plus à l’est que ce qui est souvent montré (le Vidourle) lorsque l’on cherche de rares cartes, faites par des associations, sur ce secteur.
Pour ces deux parties, à travers près de 900 personnes enquêtées, témoins sonores uniquement en langue du pays, l’occitan pour la majeure partie donc, ce sont près de 800 enregistrements constituant ce fonds. Des enquêtes qui révèlent le quotidien de ces territoires et de cette langue vivante mais toujours non officielle en Europe au début du XXIème siècle.
- 1997, 1998, 1999 Prix Escola nissarda felibrenca de Bellanda, Nice
- 1998 e 1999 Prix Region Provença-Alps-Còsta d’Azur/ Unioun Prouvençalo, Marseille
- 2002 Prix Aran de Literatura, Vielha (Val d’Aran)
- 2005 Prix de la Vocacion Provençala, Fondacion Vouland, Avignon
Monégasco-français, il commence ses études post bac à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis en 1999 dans l’ancien département de Langue d’Oc de la Faculté des Lettres de Nice. Puis part deux années à l’Université Paul Valéry de Montpellier et rentre finir son cursus d’étudiant-chercheur dans les Alpes parmi le laboratoire CNRS du département de Sciences du Langage à la Faculté des Lettres de Nice. Il collabore à l’opération de sonorisation de l’Atlas Linguistique de Provence (ALP). De 2004 à 2007 il est chercheur soutenu par l’Association pour le Développement de l’Enseignement et des Recherches- région Provence-Alpes-Côte d’Azur (ADER PACA) avec l’Écomusée du Pays de la Roudoule -Terre Gavote.
Parmi ses collaborations, citons en 2003- 2004 sa participation à l’Étude communale de Guillaumes « Barels »
- suivi des dossiers techniques pour la partie
méthode de construction, du social et du patrimoine ;
- Recherches bibliographiques, contact d’informateurs ;
- Collectages sonores, analyses et présentation
Conseil Général des Alpes-Maritimes, Écomusée du Pays de la Roudoule, consultable sur le site Alpes Azur Patrimoines
En 2014 pour les références vivaroalpenc et niçard de l’ouvrage Apprendre l'occitan – Assimil de QUINT Nicolas.
Ou encore en 2019, il participe à l’élaboration des critères graphiques, varietat occitan vivaroalpenc, pour le Detector de varietat de Lo Congrès
Docteur en Linguistique depuis 2009, sa thèse est intitulée « Le dialecte occitan alpin : aire d'extension et caractéristiques linguistiques » sous la direction de Jean-Philippe Dalbera.
Voir les informations sur le portail theses.fr
Il devient ensuite professeur Certifié d’Occitan. Tout d’abord affecté dans le Gard et enseignant l’occitan languedocien et provençal, il enseigne depuis l'occitan vivaroalpenc dans les Alpes-Maritimes, en lycées et collèges à Menton, Beausoleil, Roquebrune-Cap-Martin et en collège à L’Escarène.
Laurenç Revèst est Président d'honneur du Centre Culturel Occitan País Nissart e Alpenc et fondateur de la web radio Nissa pantai associée à Ràdio Lenga d’Òc Montpelhièr- Nissa.
Membre fondateur du Conselh de la Joventut d’Òc, membre de l'IEO et du Felibrige, de l’Associacion Internacionala d’Estudis Occitans (AIEO), de l’Écomusée du Pays de la Roudoule, de la Société d'art et d'Histoire du Mentonnais (SAHM), conseiller de l’Académie des Langues Dialectales de Monaco (ALDMc) il a publié un numéro spécial « Diaspora occitane » en 2004 aux éditions Lo Lugarn.
En 2007 il publie un recueil de textes occitans, historiques et contemporains, sur Garibaldi : Nice et l'Occitanie par Garibaldi - anthologie garibaldienne d'Oc (1859-2007), éditeur SERRE.
En 2021 une série de récits occitans vivaroalpins : De valaias en valaas - 20 còntes vivaroalpencs, dals Alps de Gavotina, de mar en soms, IEO PACA éditeur.
La même année une histoire en monégasque : Nipal - sturiëte d'u lapinotu fürbu, éditeur EGC.
Il collabore également avec des médias de langue occitane comme Jornalet, Aquò d'Aquí, Sapiença et écrit des poèmes et des nouvelles pour les revues comme Òc, Reclams, Gai Saber, Diu Negre, Minutinas. Comédien occasionnel dans "Malaterra" de Carrese en 2003, "Mistral" de Belmon en 2004, "Garibaldi" de Passuello en 2007, il a également été animateur sur France 3, dans l'émission en langue d’Oc "Vaquí".
Il poursuit la publication de ses analyses linguistiques via la retranscription de ses enregistrements en ethnotextes (édition de la suite prévue actuellement à l’Académie des Langues Dialectales (Monaco) - ALD).
Une partie de ses recherches est numérisée sur Occitanica
Dates extrêmes :
2000-
Langues représentées dans le fonds :
Occitan vivaroalpin (mais aussi provençaloniçois), à la marge ligurien-génois dont monégasque
Occitan provençal, à la marge occitan languedocien
Importance matérielle :
Environ 800 enregistrements (cassettes audio, minidiscs puis numérique natif)
Accroissement :
Fonds ouvert
Fonds consultable sur place uniquement
Reproduction non autorisée
Les archives des Ballets occitans de Toulouse documentent une période et une action pionnière dans le mouvement de renouveau folk occitan des années 1960-1970.
Les Ballets occitans de Toulouse sont une compagnie de spectacle vivant créée en 1962 par Françoise Dague. La compagnie a joué un rôle majeur pour le renouveau culturel occitan, en particulier en matière de musiques et danses dites traditionnelles ou populaires en Languedoc et Gascogne.
En savoir + sur Les Ballets occitans de Toulouse : lire l'article Les Ballets occitans de Toulouse dans l'Enciclopèdia.
Le fonds des Ballets occitans de Toulouse reflète la double activité de la compagnie, qui joua un rôle pionnier dans le mouvement de renouveau culturel occitan des années 1960-1970. Créés en 1962 par Françoise Dague et dissous en 1985, les Ballets occitans eurent une double activité pour la sauvegarde et la transmission du patrimoine chanté et dansé occitan : d’une part une activité de collectage via des enquêtes orales, d’autre part une activité de création et de diffusion de spectacles vivants interprétant les expressions et répertoires populaires occitans.
Le fonds comprend deux corpus d’enquêtes et documents :
Le fonds du Conservatoire occitan conserve également un ensemble d’enregistrements des activités et des créations des Ballets occitans réalisés par le Conservatoire.
Le fonds des Ballets occitans est inventorié et indexé au sein du portail documentaire du COMDT.
Voir le fonds des Ballets occitans sur le portail documentaire du COMDT.
Poète de langue dʼÒc, historien de la littérature et de la civilisation occitane, penseur et acteur de la décentralisation culturelle en France.
Félix CASTAN naît le 1er Juillet 1920 à Labastide-Murat (46). Son père est ingénieur aux Ponts et Chaussées, sa mère professeur de français. Lʼoccitan est la langue maternelle de son père (il apprend le français à lʼécole). Sa mère le comprend mais refuse de le parler.
Son enfance se passe à Moissac (82). Mais la crue du Tarn en 1930 va détruire la maison familiale. Un an après, la famille sʼinstalle à Montauban, 30, rue de la Banque. Lʼadaptation à cette nouvelle vie est difficile pour la mère, Hélène. Elle sombre dans une profonde dépression. Félix a alors 12 ans. Il se rend compte que la seule chose qui rende le sourire à sa mère est de parler de littérature.
Car sa mère écrit et lui apprend la versification. En 1935, nous trouvons son premier cahier de 17 poèmes en vers classiques (en langue française). Ce qui frappe le plus, cʼest la maîtrise du lyrisme : peu dʼétats dʼâme, par contre un sens déjà aiguisé de la critique...
À cette époque il découvre un auteur pour lequel il gardera jusquʼà la fin de sa vie un sentiment de fraternité profonde : Germain Nouveau.
Il passe un baccalauréat « Math.élèm » pour faire plaisir à son père puis le bac « Philo ». Sa mère lʼenvoie donc à Paris en Khâgne à Louis Le Grand. À cette époque, il rêve de partir aux Etats Unis.
En mai 1939, il tombe malade et se retrouve à Labastide-Murat chez sa grand-mère. Il ne sera rétabli quʼà la fin de lʼannée 1940 : de là date sa passion pour la langue et la littérature occitanes.
Il trouve une embauche à Léribosc. Mais il lui faut partir aux Chantiers de Jeunesse, service obligatoire. Il s’en va en octobre 1941 à Castillon en Couserans, avec une adresse en poche (M. André Barrès, à Orignac près de Bagnères de Bigorre, membre du PCF, qui professe un marxisme chrétien). Cʼest auprès de cet homme qu’il découvre le marxisme et le communisme.
Libéré en 1942, il revient à Léribosc où on lui a gardé sa place dʼouvrier agricole. Il a toutes ses soirées pour lire, écrire, entretenir ses correspondances : le groupe de Montauban (les poètes Malrieu et Albouy), les peintres Marcelle Dulaut et Lapoujade, la philosophe Odette Penot. Avec eux, il découvrira le jazz chez Panassié. Dʼautre part, il est en correspondance régulière avec les occitanistes : Ismaël Girard, René Nelli, Max Rouquette, Robert Lafont. En décembre 1944, nous le retrouvons engagé volontaire, encaserné à Montauban dans le 1er bataillon de marche dit bataillon Cottaz - 2ème Compagnie. Il adhère au Parti Communiste.
En avril 1945, il participe aux combats de la Pointe de Grave puis le bataillon remonte vers Strasbourg. En décembre 1945, Félix Castan contracte une deuxième longue maladie et passe quelques mois entre la vie et la mort. En 1946, il est guéri. Il rentre à Montauban où il est censé préparer le concours de lʼEcole Normale d’instituteurs.
Un grand projet lʼanime en 1946-47 : rassembler tous les poètes français et occitans dʼOccitanie en une publication en hommage à Joë Bousquet. Malgré le soutien de Bousquet et de Marcenac, ce projet ne verra jamais le jour... Cʼest sûrement la première désillusion. Mais le travail a été fait et on peut penser que le fameux numéro spécial dʼOc de 1948 dont il est le rédacteur en chef en est le prolongement. Pour la partie française nʼapparaissent que quatre textes publiés sous le titre Montauban-Epopée (Éd. Mòstra, 1979). Il y donne un texte daté de 1944 quʼil considérait comme son dernier texte en langue française. Il contient toute son adhésion à la langue occitane.
Dans les années 50, lʼaction militante au Parti Communiste lʼoccupe particulièrement au travers dʼune amitié indéfectible avec le journaliste Maurice Oustrières.
Cʼest à cette époque que débute la relation amoureuse avec Marcelle Dulaut. Elle est peintre. Cʼest elle qui illustre son recueil qui paraît dans la collection Messatges en 1951. Ils se marient en décembre 1953.
Quelques mois auparavant, ils organisent au Musée Ingres de Montauban une exposition rétrospective de lʼœuvre de Lucien Andrieu. Félix Castan y donne une conférence importante, publiée en 1954 dans lʼalbum qui suit lʼexposition. Sur la lancée, le Groupe « Art Nouveau » se constitue : organisateur du Salon du Sud-Ouest (lʼancêtre de la Mòstra del Larzac). De 1954 à 1963, il organise avec Marcelle Dulaut qui en est la directrice artistique le Salon du Sud-Ouest qui deviendra la Mostra del Larzac de 1969 à 1997.
La première structure est née : dans le domaine des arts plastiques. Lʼidée du Festival de Montauban, qu’il animera plusieurs années durant, est déjà en germe. Sa sœur, Jeanne, inscrite au Cours Dulin après la guerre, est devenue comédienne. Une lettre de janvier 54 témoigne de lʼintérêt quʼils portent à Antoine Dubernard, auteur de théâtre occitan (limousin) sur lequel elle travaille... Jeanne sʼorientera finalement vers le théâtre du Siglo de Oro espagnol pour créer le Festival dʼArt Dramatique de Montauban en 1957. En parallèle, Félix Castan prévoit une Biennale Occitane de Poésie.
En 1958, apparaît la quatrième structure créée par Castan : le Forum de la Décentralisation. Félix Castan, organisateur et théoricien de lʼaction culturelle, acteur farouchement autonome, se réinstalle à Montauban où il devient professeur de français au Collège de la Fobio, alors que Marcelle Dulaut est professeur de dessin au Lycée Michelet. Le poète reste seul avec son travail. Il se sait mal compris par ses amis intellectuels de jeunesse. Ascèse définitive : silencieusement, il poursuit son œuvre. Nous savons quʼen 1959, il a déjà entamé la série des Prophéties (sus la Patz), qui seront publiées dans le recueil Jorn en 1972.
1962 voit naître un projet qui le passionnera : une agence de publicité qui pourrait financer une maison dʼédition occitane ! Tout est prévu, les financements sont prêts... au dernier moment, lʼassocié inquiet de ce choix dʼédition le lâche... lʼOccitanie crée décidément bien des problèmes!..
En 1964, Art Nouveau perd son lieu dʼexposition. Il se réfugie au Château de Nérac. Commence alors la recherche dʼun lieu (qui sera la Mòstra del Larzac) et dʼun financement autonome : un collectage de vanneries traditionnelles à partir du travail de lʼethnologue Maurice Robert, qui le passionne et le met en contact avec de nombreux locuteurs naturels.
En 1965 éclate une violente crise interne du comité du Festival de Montauban, qui se poursuit au tribunal (des contrats avaient été signés conjointement auprès de plusieurs compagnies par des membres différents et tous ne pouvaient être honorés). Jeanne, Félix, Marcelle et quelques autres membres sont exclus de lʼassociation. Jeanne perd sa santé, Félix sʼarc-boute jusquʼau jugement, où lui, sa sœur et son épouse sont réhabilités, réhabilitation qui laisse pourtant le Festival exsangue.
Il crée la même année le Centre International de Recherches et de Synthèse du Baroque et, dans ce cadre, il dirige la revue Baroque (Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Toulouse 1965). Plus tard, le C.N.R.S., le Centre National des Lettres et les Editions Cocagne deviennent partie prenante. La revue deviendra Lucter en 1971.
Sa mère décède au printemps 1966 dʼune longe maladie. Il lui dédie l’« Oda a ma maire » publiée dans Jorn.
Dans les années 1960, il crée la revue Cocagne (revue dʼactualité culturelle).
En 1968 : il prend une retraite anticipée et commence à réhabiliter (il y faudra plus de 5 ans) l’ancien relais de poste qui deviendra la Mostra del Larzac.
1969 marque la première exposition de la Mostra del Larzac au milieu des travaux inachevés. Notons que les statuts de la Mostra comportent une section "édition". Pierre Viaud est responsable de la mise en page, Félix Castan du choix dʼédition. Tous les deux porteront au jour la publication complète et définitive de lʼœuvre de Roger Milliot (salué par Seghers dans son Anthologie des Poètes Maudits, grâce à la parution in extremis du livre). Milliot était un ami très proche, familier de la maison, associé de Marcelle Dulaut dans un atelier de modelage et de dessin pour enfants. Il accroche les expos dʼArt Nouveau. Il se suicide en 1968, laissant une œuvre poétique brève et dense.
L’édition de cette œuvre est la première réussite éditoriale de Félix Castan. Dʼautres viendront : Rien de Bernard Derrieu, Lo plag de Max Allier…
De 1969 à 1973, le Festival de Montauban survit contre toute attente. Les subsides ont très sensiblement diminué : le Ministère nʼappuie plus une action qui a été perturbée par les conflits internes. Les rêves de production de cette époque ne seront jamais réalisés : entre autre La Tragédie du Roi Christophe dʼAimé Césaire...
En 1971, la revue Cocagne devient Lucter.
Après le décès brutal de Marcelle Dulaut au printemps 1978, la Mostra perdure sous sa première forme (rassembler et confronter toutes les tendances) jusquʼen 1983. Par la suite, elle sʼapplique à montrer et étudier une tendance ou un groupe particulier. En 1983 les éditions Mostra sont ainsi transmises aux Éditions Cocagne aujourdʼhui responsables de lʼédition de son œuvre. A la fin des années 1980, Félix Castan entame son travail sur lʼœuvre dʼOlympe de Gouges dont beaucoup reste à publier.
Il achève sa vie auprès de sa compagne Betty Daël, directrice des Editions Cocagne. Ils se marient en 1998.
Les dix dernières années de sa vie, il réfléchit à une histoire de la lyrique occidentale depuis les origines. Il relit par exemple Grégoire de Narek, les grands poètes de langue arabe...
Il décède le 22 Janvier 2001.
Terminons avec une citation extraite dʼHétérodoxies : « La loi véritable de la vie culturelle nʼest pas une loi unitariste. Lʼ universalité porte, inscrite dans ses gènes, la multiculturalité : on pense trop souvent, naïvement, la culture en termes statiques, espaces vides, masses immobiles... Son patrimoine génétique assure lʼinfini renouvellement, la dialectique créatrice des cultures. Il nʼy a de culture que dans une permanente genèse de la diversité par la diversité. »
Félix Castan découvre la littérature occitane en 1939 durant sa maladie à Labastide-Murat à travers les œuvres de Cubaynes et Perbosc, grâce à des livres que lui porte l’instituteur du village. Il prend contact avec Cubaynes en février 1940 (la réponse de Cubaynes est datée de février 1940).
Début 1941, il rentre à Montauban où il apprend à ses parents, sidérés, quʼil veut devenir ouvrier agricole pour apprendre la langue dʼOc. Il rencontre Ismaël Girard en 1942, Nelli en 1943, ainsi que Lafont, Max Rouquette...
En 1945, juste avant le combat de la Pointe de Grave, il envoie 200 F. à Girard pour la constitution de lʼI E O.
Ses débuts dʼécriture poétique en langue dʼoc datent des années 1940. Il envoie ses textes à Perbosc qui lui répond en janvier 43.
Il est rédacteur en chef de la revue Òc de 1948 à 1954.
Il participe à la réflexion et à la mise en place de l’IEO : méthodes de travail, pédagogie, critique littéraire…
En 1954, à l’Assemblée générale de Montpellier, Castan critique la pensée économiste
En 1954, il abandonne la rédaction dʼÒc.
En 1957, il signe avec Manciet la déclaration de Nérac.
En 1963, il présente une motion dʼunité à lʼAssemblée Générale de lʼIEO. Cette motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Génerale fait partie du Manifèst Eretge, qui sera imprimé le 4 Août 1966, mais jamais diffusé.
Le 6 septembre 1964, à l’Assemblée générale de l’IEO à Decazeville, Girard, Castan et Manciet sont exclus de l’IEO. Le montage de textes intitulé Manifèst Erètge tend à faire comprendre la position des trois exclus de l’IEO. Cette exclusion est très douloureuse pour Félix Castan qui n’en continue pas moins l’action culturelle entreprise depuis les années 1950.
De 1954 à 1963, il organise avec Marcelle Dulaut qui en est la directrice artistique le Salon du Sud-Ouest qui deviendra la Mostra del Larzac de 1969 à 1997, implantée aux Infruts (La Couvertoirade 12230 La Cavalerie), lieu d’expositions dʼarts plastiques et de vannerie traditionnelle, représentatives de lʼart dʼavant-garde et de la tradition occitane. Dans la belle maison caussenarde, ex relais de poste, il fait visiter les expositions et aime échanger avec les visiteurs de passage. De nombreuses années, le 15 août, il y organise des débats culturels qui rassemblent créateurs (peintres et écrivains) et acteurs de l’occitanisme. Un de ces débats est par exemple retranscrit dans le n° 33/34 de la revue Mòstra.
En 1957, dans le cadre du Festival de Montauban qui deviendra en 1974, le Festival dʼOccitanie, il crée les Biennales de Poésie Occitane (1957, 1959, 1961) « où se confronteront des poètes de langue française et des poètes de langue dʼoc ». Lʼidée de cette Biennale découle directement de la fameuse Déclaration de Nérac.
En 1959, Félix appelle les écrivains dʼOc à signer cette Déclaration en prévision de la deuxième Biennale de 1960 où se rencontreront français, occitans et espagnols. La 3ème et dernière Biennale aura lieu en 1962 (rencontre poésie / cinéma expérimental).
En 1972, il édite son recueil Jorn : six longs textes dont deux odes, deux satires et deux prophéties datés de 1959 à 1966. Les prophéties font référence au prophète de la Bible Amos, issu du peuple et surtout critique de lʼinstitution religieuse et politique...
Ces textes donnent matière au film de Michel Gayraud Mas paraulas dison quicòm.
Si le recueil ne contient que six textes, nous pouvons affirmer que la production fut beaucoup plus importante : il existe par exemple une « Ode à la Ville », une « Ode à Garonne »...
Bien sûr les Editions Mostra nʼauront jamais la capacité financière de diffusion.
1973 voit la rencontre de Castan et André Benedetto. La chanson occitane apparaît au festival, qui se réoriente, se nomme Festival dʼOccitanie, devient pluridisciplinaire.
En 1983, il fonde le Forum dʼOccitanie qui chapeaute toutes ces structures, plus le Forum des Identités Communales, Caméra Libératrice et les Editions Cocagne.
À la fin de sa vie, il met en place son épopée Epos-Ethos où la légende familiale qui a bercé son enfance lui sert de point dʼappui : ses deux parents s’étaient trouvés orphelins très jeunes.
Tout au long de son existence, Félix Castan a construit en parallèle une œuvre poétique en langue dʼoc, une œuvre d'essayiste sur la décentralisation culturelle, une œuvre dʼhistorien de la culture occitane.
En novembre 2010, une association porte plainte contre la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, au sud de Montpellier : le maire a fait poser des panneaux indiquant le nom de la ville en occitan. Au terme d’un long parcours judiciaire, la cour d’appel de Marseille autorise le 26 juin 2012 Villeneuve-lès-Maguelone à garder sa signalétique bilingue.
Capitale du Haut-Ossau, Laruns est célèbre depuis l'apparition du tourisme thermal au XIXe s. et la venue de nombreux artistes et écrivains. Sa fête patronale Noste Dama (Nôtre-Dame) le 15 août est particulièrement remarquable.
Tôt le matin, les musiciens vêtus de leur camisole (blouse) noire et les balladins revêtus de leur veste rouge parcourent les rues de la bourgade jouant des chansons en passe-rue. Ils s'arrêtent sous les fenêtres des personnes qu'ils souhaitent honorer pour leur faire une aubade musicale de leurs flûtes à trois trous/tambourin à cordes, accordéon et violon.
La grand'messe de l'Assomption met à l'honneur les personnes portant le costume traditionnel qui se placent dans le chœur : les hommes avec les pantalons, chausses et la courte veste écarlate, les femmes recouvertes du capulet (long capuchon) de soie rouge. Cantiques traditionnels ou récents sont ici généralement chantés spontanément en polyphonie.
Dès la fin de la cérémonie religieuse, s’organise sur le parvis de l’église un cortège ouvert par les musiciens jouant des airs de passe-rues. Ce cortège traverse la place en direction du taulèr (litt. étal, le podium autrefois dressé sur des barriques sur lequel s’installent les musiciens et autour duquel se positionnent les danseurs). Le bal démarre alors selon un ordre bien établi ouvert par le très solennel branlo baish (branle bas) dansé une seule fois. Suivent un saut dansé par les jeunes hommes, autrefois les conscrits, puis un branlo airejant. La suite du bal fait ensuite alterner série de branles et sauts.
Le bal se poursuit par un long apéritif. La municipalité offre dans un premier temps un vin d'honneur sous la halle. Il s'agit là de la première étape d'une longue journée placée sous le signe de la polyphonie. Par petits groupes d'amis ou bien tous ensemble, chacun exprime le bonheur des retrouvailles et l'identité valléenne par de très nombreuses chansons de table. Les chanteurs du village et ceux venus de toute la vallée s'acheminent ensuite vers les cafés de la place puis, tard dans l'après-midi, à l'appel répété des cuisinières, vers le repas de fête où la polyphonie ne s'estompe pas, Laruns devenant ce jour-là la capitale du País de las cantas (le Pays des chants)
L’après déjeuner est marqué par un passacarrèra (passe-rue) qui remplace la procession vespérale de la Vierge abandonnée dans les années 60 après le Concile Vatican II, procession dont l’origine remontait aux processions votives ordonnées par Louis XIII.
Le passe-rue voit chaque quartier converger en chanson vers la place centrale. La déambulation s’accomplit le temps de l’interprétation par des musiciens d’une strophe de chanson. Les chanteurs s’arrêtent alors formant un cercle barrant la rue chantant une strophe puis ils reprennent leur déambulation en musique.
A l’arrivée sur la place un deuxième bal se tient enchaînant branles et sauts. Un dernier bal a lieu plus tard, vers minuit alors que les chants qui fusent toujours des cafés ne s’arrêteront que tard dans la nuit. Chacun des bals se clôt par le branle.
Par son titre choc dans un France encore divisée et marquée par les conflits de la décolonisation, particulièrement en Algérie, « Décoloniser la province », le Rapport Général proposé par le Comité d’Initiative aux délibérations des colloques sur la vie régionale en France présenté par le jeune Michel Rocard (sous le pseudonyme de Georges Servet), a marqué les mémoires et demeure comme un jalon important de l’irruption de la question régionale qui marqua la France des années 1960-1970. La question est particulièrement vive en Occitanie autour de grands mouvements sociaux qui mobilisent les populations, les médias et les acteurs du mouvement occitan en plein développement : grève des mineurs de Decazeville en 1961-1962, lutte des paysans du Larzac contre l’extension du camp militaire de 1971 à 1981, crise et manifestations viticoles en Languedoc tout au long de la décennie 1970 et au-delà, mouvement des mineurs de Ladrecht de 1979 à 1981, entre autres.
La Rencontre socialiste de Grenoble a lieu les 30 avril et 1er mai 1966 à l’appel de nombreuses personnalités politiques, syndicales, clubs, mouvements de jeunesse, etc. de la gauche des années 1960. Elle s’inscrit dans un mouvement de refondation de la gauche française face à la faiblesse et au discrédit de la SFIO au sortir de la IVe République, mouvement qui aboutit au Congrès d’unification des socialistes à Epinay en 1971. Avec 500 participants et une grande couverture médiatique, la Rencontre de Grenoble fut un événement politique important des années 1960.
Animés par la volonté de construire un « socialisme moderne », notamment au cœur du projet du nouveau Parti socialiste unifié (PSU fondé en 1960) coorganisateur de la Rencontre de Grenoble, les participants souhaitent élaborer un projet politique de gouvernement prenant acte des évolutions économiques et sociales des années 1960-1970, et capable de susciter l’adhésion de la jeunesse qui se détourne des partis de gauche traditionnels. Cette période est marquée par l’irruption de nouveaux sujets voire de véritables ruptures dans les doctrines traditionnelles de la gauche française. Avec le Rapport présenté par Michel Rocard, le problème du sous-développement régional français est mis en lumière et permet l’intégration des analyses et propositions des mouvements régionalistes, en particulier celles du Comité occitan d’étude et d’action (COEA, créé en 1962) de Robert Lafont, à la pensée et aux propositions d’une partie de la gauche française.
Dès l’ouverture de la Rencontre, le maire de Grenoble Hubert Dubedout évoque la question régionale comme un sujet fort et toujours mal appréhendé par la gauche française, de tradition étatiste et centralisatrice : « Il y a dans ces textes un grand vide en ce qui concerne la vie régionale, étant bien entendu que je ne me réfère pas à la parodie de vie régionale que nous connaissons actuellement. Vous faites l'étude des structures d'un État socialiste et vous risquez de tomber dans le piège de l'État centralisateur... » Le colloque qui doit avoir lieu sur la vie régionale autour du rapport de Michel Rocard sera l’occasion d’intégrer pleinement les enjeux et problèmes régionaux.
Si le rapport ne fait pas mention explicite au « colonialisme intérieur » comme concept d’analyse et de propositions politiques face au sous-développement régional, son titre volontiers provocateur dans la France des années 1960, y compris devant un auditoire de personnalités de la gauche française, montre qu’il est inspiré de ce qui se passe, se pense et se dit depuis de début des années 1960 en Occitanie.
La première mention médiatique du concept de colonialisme intérieur est liée à la grève des mineurs de Decazeville, qui donne l’occasion à Serge Mallet - qui fait partie des participants à la Rencontre de Grenoble - d’écrire un article publié dans France Observateur sous le titre : « La révolte des colonisés de l’intérieur » (11 janvier 1962). Au même moment, des écrivains et intellectuels issus du mouvement occitan (autour de Robert Lafont et de l’Institut d’estudis occitans) vont nourrir le concept en le transformer en analyse économique, sociale et politique étayée d’études de plus en plus chiffrées et argumentées. Dès 1962 ils se sont regroupés autour d’une organisation, qui se définit comme un club politique plus d’un parti, le Comité occitan d’étude et d’action. Robert Lafont en est le Secrétaire général et le principal animateur.
Le Rapport fait une référence explicite au mouvement de Decazeville : « Que l'on y prenne garde cependant : les affrontements sociaux changent aujourd'hui de nature. Les mineurs de Decazeville en grève défendaient moins l'avenir de la mine que celui de leur région. Ils ont été mieux soutenus par les paysans aveyronnais que par leurs frères mineurs du Nord. Petit à petit, c'est l'inégalité géographique de développement qui devient l'injustice la plus criante. » En lien avec ce passage, on trouve la seule mention du Rapport sur les revendications linguistiques (reconnaissance officielle et enseignement des langues dites régionales), prouvant qu’il n’est pas une émanation directe des mouvements régionalistes.
Quoi qu’il en soit, au même moment le COEA affiche clairement sa proximité idéologique particulière avec le PSU au sein des différentes composantes de la gauche, en particulier à compter de 1966 lorsque celles-ci tendent à se recomposer autour de François Mitterrand dans une optique de rassemblement avec la SFIO (qui sera opérée à Epinay en 1971, le PSU restant d’ailleurs en dehors de l’unification des composantes socialistes). Côté mouvement régionaliste, la rupture est également consommée en 1966-1967 avec un certain nombre de mouvement, dont le COEA, qui conduit à une candidature autonome des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974, représentée par le Secrétaire général du COEA, Robert Lafont. Invalidé par le conseil constitutionnel, il soutiendra la candidature écologiste de René Dumont et non celle du candidat du Parti socialiste, François Mitterrand.
Malgré son titre, on ne trouvera pas dans le Rapport « Décoloniser la province » la réalité des enjeux et propositions du COEA et des autres mouvements régionalistes. Il s’agit d’un rapport d’étude et de mise en lumière du sous-développement économique régional français. Sans que l’on puisse en être certain, il est fort possible que le rapport d’orientation présenté par Robert Lafont à l’Assemblée générale du COEA au printemps 1967 soit en partie une réponse, critique, au rapport de Michel Rocard : « Dans le domaine de l’analyse du colonialisme intérieur : notre intervention théorique a consisté dès le départ à substituer à la notion amorphe, peu distincte, diversement interprétée, du sous-développement régional, une notion infiniment plus dynamique et qui nous engage à une étude structurale, fonctionnaliste, du dépérissement de nos régions : le colonialisme intérieur. Sur ce point, il y a eu succès ; le terme s’est répandu, il a été repris avec vigueur dans la presse et ailleurs. Nous nous sommes pourtant bien aperçus que ce succès même risquait d’être un affadissement… Ceux qui adopteront en France notre terminologie, risquent de confondre sous-emploi, exode rural, retard d’industrialisation et colonisation. En parlant de décolonisation, ils ne viseront qu’une revitalisation économique et finalement une action anodine, qui ne résoudra aucune question de fond. » (Bulletin d’information du COEA, 20 juillet 1967).
Pour autant, par l’importance politique de la Rencontre de Grenoble, le Rapport de Michel Rocard et plus largement l’irruption dans le champ de la gauche socialiste française d’une nouvelle approche de la question régionale, ont incontestablement joué un rôle dans la diffusion et le succès des analyse et propositions portées par Robert Lafont et le COEA autour du colonialisme intérieur. Quelques mois après la Rencontre socialiste de Grenoble, les éditions Gallimard publient dans une collection à grand tirage, les deux essais de Robert Lafont sur le colonialisme intérieur : La Révolution régionaliste (Paris : Gallimard, 1967), Sur la France (Paris : Gallimard, 1968).
Pour ce qui est de l’adhésion de la gauche française aux analyses et propositions du mouvement régionaliste, si la rupture est consommée entre le COEA et le Parti Socialiste au début de la décennie 1970, la question revient dans la seconde moitié de la décennie alors que la candidature invalidée de Robert Lafont a débouché sur la naissance d’un mouvement socialiste occitan autonome, Volèm viure al país, qui fait sans doute craindre la perte d’une partie d’un électorat dans un bastion du socialisme, le Languedoc méditerranéen. Dans le cadre de la campagne présidentielle de 1981, le Parti socialiste et le candidat Mitterrand multiplieront les signes d’adhésion aux revendications régionalistes : programme « La France au pluriel » (Parti socialiste, 1981), discours de François Mitterand à Lorient le 14 mars 1981 et proposition 56 des 110 propositions pour la France.
Passionnée de langues, Estelle Ceccarini, maîtresse de conférence en études italiennes, a tout d'abord travaillé au département d'études italiennes de l'université d'Aix-Marseille.
Chercheuse en thoérie littéraire, littératures du monde et histoire culturelle, elle a grandi en Occitanie, entre Nîmes et la Petite Camargue, où elle a puisé l'inspiration poétique qui l'amènera finalement à écrire.
Désormais aussi poète, elle écrit en provençal comme en français et publie en 2015 un conte sur l'origine légendaire du cheval de Camargue : L’istòri dóu pichot chivau / L’histoire du petit cheval (L’aucèu libre 2015), ainsi que deux recueils de poèmes : Chivau/Chevaux (L’aucèu libre 2016) e Li piado dóu matin / Les traces du matin.
Bibliographie :
L’istòri dóu pichot chivau / L’histoire du petit cheval, éditions l’aucèu libre 2015
Chivau/Chevaux, éditions l’aucèu libre 2016
Li piado dóu matin / Les traces du matin, éditions l’aucèu libre 2018
La pratique chantée dans le Sud Gascogne est particulièrement originale en France comme en Europe. Très peu connu du grand public, ce chant de la convivialité, « chant d’auberges », engageant « hautes et basses » a un nom savant : polyphonie ; c’est-à-dire une pratique vocale à plusieurs voix distinctes produites dans cette région en dehors de tout apprentissage musical savant. Ce savoir-faire de tradition orale est général dans les Pyrénées et le piémont basque et gascon (Béarn et Bas-Adour) ne franchissant pas, au nord, l'Adour.
Si le chant en solo existe, la polyphonie le recouvre dès lors que les chanteurs sont au moins deux. Très populaire, son existence se perd dans les brumes de la mémoire collective, les témoignages écrits les plus anciens signalant déjà son existence à la fin du XVIIIe s.
[imatge id=21610]La polyphonie est en effet une pratique éminemment sociale. Produite au sein de la communauté, en famille, entre amis ou connaissances ; au cours de fêtes, de repas, au café ou encore à l’église.
Le chant est l’affaire de tous : hommes comme femmes. Si la polyphonie était pratiquée au café dont les hommes représentaient autrefois la population quasi exclusive, les femmes se faisaient entendre à l'église ou dans le cercle familial, divisions sexuées qui se sont aujourd’hui estompées.
Actuellement, le réflexe polyphonique est toujours bien ancré. Il est la représentation musicale des valeurs de la société pyrénéenne traditionnelle, il y a peu encore essentiellement tournée vers l'élevage et donc la gestion de terrains communaux privilégiant les comportements collectifs aux comportements individuels.
Les tensions entre viticulteurs du Languedoc et pouvoir central ne cessent de s’endurcir tout au long de la décennie 1970 et aboutissent au drame humain de Montredon-des-Corbières (Aude). Une action qui tourne mal, un mort dans chaque camp, un vigneron des Corbières, un CRS breton.
Lui-même fils de viticulteur, La Sauze est un des chanteurs de cette « Nouvelle chanson » à texte occitane. Il signe, avec Montredon, enregistré quelques mois après les événements, un tract sonore d’une humanité bouleversante. De quoi en faire une chanson-monument pour des générations de Languedociens.
Version connue
La Sauze - Montredon (33 tours La Sauze 2, Ventadorn, 1979)
Auteur : Marcel Sauzel, auteur, compositeur, chanteur, musicien
Paroles
Dos òmes son tombats sul sòl de Montredond.
Emili èra occitan, Joël èra breton.
Son mòrts e cresi pas qu’aquò plan importèssa
Qu’un siá viticultor e l’autre C.R.S. :
A Brèst o a Quimpèr se se torna passar,
Emili serà flic e Joël païsan.
Èra un quatre de març, veniá roge lo cèl.
Sus la plana fumava encara l’escaucèl,
Quand la mòrt uniguèt dos fraires de misèria,
Dos innocents pastats dins la mèma matèria
Que, sens saber perqué, gendarme e vinhairon,
Son tombats coma un sol al mièg d’un carrairon.
Un es mòrt per sa tèrra e l’autre per pas res.
Sauprem pas jamai lo pus de plànher quan es.
Vos demandi tanben, e mai se vos arraca,
De los plegar ensem dins la meteissa saca
E de pas pus cercar a tot pèrdre, cossí
De l’un ne faire un sant, de l’autre un assassin.
Bretanha e Lengadòc, cadun perdèt un filh,
Mas los murtrièrs son pas los qu’avián un fusilh.
Èran dins de burèus, tirats a quatre espillas,
Rosetas al revèrs, consciéncias tranquillas.
Los copables per los trapar valddriá melhor
Gaitar cap a París, l’Elisèu, Matinhon.
Jutjaretz benlèu qu’es tardièra ma cançon,
Qu’es passada de mòda e pas pus de sason.
Vos vesi romegar e me faire la tronha :
"Desenterrar los mòrts, s’es pas una vergonha !"
Podètz totjorn bramar, mas per ieu es segur
Que Montredond es mai vivent que Montsegur.
Dins vint ans i aurà pus degun a Montredond.
Pus degun, e de vin aurà rajat jol pont.
Mas del quatre de març, aurem grand gaug encara,
Per ne nos remebrar, del cant d’una guitarra,
E per tornar trapar, foguèssa roge o blanc,
Al vin setanta sièis, un rèire-gost de sang.
Parmi les nombreuses impressions de cantiques spirituels en occitan (plus ou moins mêlé avec le français) du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, nous pouvons citer :