Les journaux de tranchées représentent un type de publication lié à l’évolution de la guerre de 1914-1918. Conçus par des soldats et officiers au front, ils apparaissent dès le début de la guerre de tranchées, une fois le front stabilisé. Dans les tranchées, des soldats rédigent, de manière manuscrite d’abord, puis sous forme de petites feuilles ronéotypées ou imprimées, des journaux destinés à distraire leurs camarades. Ils jouent un rôle essentiel pour le moral des troupes, comblant l’absence de nouvelles et aidant, à grand renfort d’humour, à vaincre l’ennui, voire le désespoir.

Conçus dans des conditions difficiles, leur périodicité est bien souvent aléatoire. On recense pourtant plus de 450 titres souvent tirés à un très faible nombre d’exemplaires. Quelques-uns de ces journaux de tranchées accordent une large place à l’occitan. Dans les corps armés, de véritables écoles félibréennes se fondent et créent sur le front des bulletins et journaux circulant dans les tranchées afin de maintenir le lien entre leurs membres mais aussi de les soutenir moralement. Certains journaux de tranchées deviennent également des organes de débat et d’expression sur la situation du mouvement félibréen.

On retrouve aussi quelques articles en occitan dans les journaux de tranchées en français. Ce sont pour la majorité des poèmes ou chansons envoyés par des soldats, souvent érudits et militants linguistiques.

D’autres journaux en occitan sont élaborés à l’arrière et pour ce qui concerne l’espace occitanophone, bien loin du front. Pour autant, ils sont parfois en contact direct et permanent avec les combattants et se veulent être un trait d’union entre les combattants éparpillés sur le front ou entre les combattants et l’arrière.

Le Félibrige au front

L’école félibréenne “L’Escolo dóu Boumbardamen” est créée le 28 janvier 1915 dans une tranchée de Lorraine, à Remières, elle est fondée par Albert Boudon-Lashermes (1882-1967). Ses statuts précisent que "pour devenir félibre de l’Escolo il faut être soldat dans une unité combattante, être sur le front ou avoir été évacué comme blessé ou malade". Sa devise est "lou canoun me fai canta", pastiche de la devise mistralienne "lou soulèu me fai canta". Cette devise se trouve gravée sur plusieurs cagnas (abris) de première ligne.

Les statuts de cette Escolo n’avaient qu’un article: “Li mèmbre de l’Escolo s’acampon quand podon e coume podon, pèr faire un boun repachoun e pèr felibreja” (Les membres de l’École se réunissent quand ils peuvent et comme ils peuvent, pour faire un bon repas et pour félibréger). Cette école félibréenne publie plusieurs journaux : l’Écho de Remières, devenant l’Écho du Boqueteau, le Buletin de l’escolo dòu Boumbardamen rédigé entièrement en occitan, et, à partir du 16 avril 1916, L’Ecò dóu bousquetoun, - lui aussi en occitan - distinct de l’édition française qui continue à publier quelques textes en occitan.