La Festa (1983-1996) de Robert Lafont est un roman-fleuve de l’envergure du Jean-Christophe (1904-1912) de Romain Rolland et il se déploie comme lui en une fresque historique européenne que l’on pourrait qualifier, en citant Claudel, de « déclaration de conscience ».
C’est le roman d’une génération, celle qui a vingt ans pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Placé dans la filiation non déguisée du héros du premier roman de Robert Lafont, Vida de Joan Larsinhac (1951), le personnage central des deux premiers tomes, Joan Ventenac, connaît le destin tourmenté d’un écrivain engagé dans les luttes de son siècle.
Résistant, il l’est, dans les faits, en plusieurs lieux, à différents moments de sa vie : maquisard en Cévennes, combattant à Budapest, soutien clandestin du FLN à Paris. Il l’est en permanence dans la conscience intime des enjeux et du sens de l’histoire qu’il est en train de vivre et de celle qu’il revit en pensée et en écriture, en particulier l’histoire de Jean Cavalier et des camisards cévenols.
Cette conscience occitane malheureuse mais lucide empêche Ventenac de céder, quelles que soient les circonstances, au triomphalisme des libérations ou à ce qu’il ressent comme l’expression de « la bonne conscience de la France ». Elle est le fondement de son anticolonialisme et de son opposition à toutes les formes de la raison d’État.
Dans la construction du roman, l’épisode de la résistance des paysans du Larzac au projet d’extension du camp militaire occupe une place symbolique. Les premières manifestations de soutien organisées dans l’été 1973 rassemblent en un lieu d’espoir et d’utopies croisées des personnages séparés par la vie et déchirés par leur « haute conscience de l’histoire ».
L’écriture romanesque virtuose de Robert Lafont noue les fils du récit de résistance et de son commentaire, de l’oubli de soi et du narcissisme analytique, de l’exigence de liberté et du désir de bonheur dans ce roman chevaleresque des temps modernes qu’il nomme lui-même un Don Quichotte occitanien.
Originaire du Limousin, Françoise Dague est la fille de la costumière Cécile Leygue-Marie. Elle est la fondatrice, en 1962, des Ballets occitans de Toulouse, puis en 1971 le Conservatoire occitan (actuel COMDT) aux côtés d’Hubert Poirée. Diplômée des Beaux-Arts, Françoise Dague va s’attacher, sur la base des collections de sa mère, à recréer les costumes traditionnels des régions d’Occitanie.
Pierre Pessemesse (1931-2018), est un auteur provençal de langue occitane, aussi bien engagé de côté de l’Institut d’études occitanes (I.E.O) que de celui du Félibrige.
Issu d’une famille vauclusienne qui pratique l’occitan au quotidien, il ne découvre les mouvements associatifs occitans qu’au début des années 50, faisant ainsi le lien entre son « patois » et la langue d’auteurs prestigieux comme Frédéric Mistral. Peu de temps après, il découvre la revue littéraire Oc tenue par la nouvelle génération des occitanistes liée à l’IEO et menée par Robert Lafont. C’est cette génération qui sait attiser la curiosité et l'intérêt de Pierre Pessemesse, aussi bien engagé dans la création littéraire que la pensée théorique, politique et militante. Ainsi, à l'exception de son premier recueil Li graio negro (Les corneilles noires), qu’il co-écrit avec Serge Bec, une grande partie de son œuvre est rédigée dans la graphie de l’IEO et éditée par l’Institut.
Passionné par les langues, licencié d’allemand, son engagement militant est marqué par une défense permanente de la langue d’oc, aussi bien à titre personnel qu’à celui de maire de sa commune des Buoux (Vaucluse) qu’il dirigera pendant 28 ans. C’est à ce titre qu’il parraine en 1974, la candidature régionaliste de Robert Lafont à l’élection présidentielle française. Il est également un des membres historiques du PEN club de langue d’oc, section occitane du PEN club international, association d'écrivains internationale qui a pour but de « rassembler des écrivains de tous pays attachés aux valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Il est également entre 2002 et 2018, le président de la section occitane du Comitat d'afrairement occitano-catalan (Comité de jumelage occitano-catalan ; CAOC), association qui a pour but de développer les relations entre les cultures occitanes et catalanes. C’est à partir de la seconde moitié des années 2000 qu’il amorce un retour au sein du félibrige, couronné en 2012 par le titre de « Mèstre en Gai Saber ». C’est durant cette époque qu’il se rapproche du PNO (Parti de la nation occitane), publie régulièrement dans Lo Lugarn, la revue du parti, sans toutefois jamais adhérer à celui-ci. Il sera enfin un acteur de l’activité de l’Association Internationale d’Études Occitanes (AIEO) jusqu’à sa mort.
Personnalité marquante et iconoclaste, auteur d’une œuvre littéraire originale, très au fait des considérations littéraires de son temps, aussi bien françaises qu’occitanes, Pierre Pessemesse est l’un des écrivains provençaux de langue occitane les plus importants et les plus atypiques de la génération d’après-guerre. Il compte d’ailleurs parmi les premiers prosateurs de sa génération.
Ses prises de positions tranchées et son travail souvent provocateur ont parfois pu lui valoir certaines inimitiés tant du côté des penseurs que des militants de tous bords, politiques comme culturels, félibres comme occitanistes.
Reste son œuvre littéraire, d’une qualité indéniable, totalement inscrite dans le renouveau et le questionnement de son temps. À ce titre on peut relever le roman Nhòcas e bachòcas (1957), qui conte le quotidien d’un jeune homme au sortir de la Seconde guerre mondiale avec en trame de fond la fracture vécue par les jeunes occitans dans une société rurale traditionnelle partiellement occitanophone et une société moderne, plurilingüe et cosmopolite. Enfin, son triptyque De fuòc amb de cendre (1973, 1976, 1978) qui conte le parcours de deux jeunes occitans engagés dans les forces SS par idéalisme, demeure une pierre angulaire de la littérature occitane de la seconde moitié du XXe siècle par toutes les thématiques et problématiques qu’il soulève.
Les Ballets occitans de Toulouse sont une compagnie de spectacle vivant créée en 1962 par Françoise Dague. La compagnie a joué un rôle majeur pour le renouveau culturel occitan, en particulier en matière de musiques et danses dites traditionnelles ou populaires et fut à l’origine de la création du Conservatoire occitan de Toulouse. [imatge id=21632]
[imatge id=21633] Originaire du Limousin, Françoise Dague est immergée dans la culture populaire et la langue occitane par l’action de sa mère, Cécile Leygue-Marie (1905-1988), ingénieure-agronome, folkloriste réputée, passionnée de costume traditionnel qui, au contact du monde rural par son métier, va constituer une collection de premier plan aujourd’hui exposée au Musée des Jacobins à Auch. [imatge id=21635]
La création des Ballets occitans dès le début des années 1960 participe d'une volonté de mettre en valeur la culture occitane au travers d'une troupe de musiciens-danseurs-chanteurs professionnels. Diplômée des Beaux-Arts, connaisseuse experte du costume traditionnel des pays occitans, chanteuse, danseuse, elle est aussi une grande costumière.
La troupe fait figure d'ambassadrice et de vitrine d'une culture occitane décomplexée, fière de ses héritages et spécificités culturelles - musique, danse, costume, langue, etc. - qu’elle rend ainsi « digne » du spectacle professionnel. Les ballets jouent en Occitanie et dans le monde entier : tournées en Grèce (1963), Allemagne (1964), Turquie (1965), Suisse (1966), Israël (1967), Hollande (1968), etc. La compagnie enregistre plusieurs disques, dont les deux premiers, en 1967 et 1969, sortent chez Philips. [imatge id=21634]
Le modèle de référence est celui des Ballets russes d'Igor Moïsseïev, c'est-à-dire une compagnie artistique de spectacle contemporain dont l’esthétique est enrichie de la culture folklorique authentique dépouillée de tous oripeaux susceptibles de la caricaturer.
Cette création s’inscrit dans un premier moment du revivalisme culturel avec la création de compagnies qui proposent des prestations scéniques mettant en valeur les danses et les costumes traditionnels : le Ballet national de danses françaises créé en 1961 par Jacques Douai et Thérèse Palau ou encore les Ballets populaires poitevins.
Véritablement pionnière, créée une décennie avant le grand mouvement de renouveau folk, le projet évolue au fil du temps : aux musiciens de type académique, interprétant les œuvres sur des instruments d'orchestre symphonique, se substitue une recherche organologique afin de retrouver et de réutiliser des instruments traditionnels occitans tels que le graile (hautbois du bas-Languedoc), la bodega (cornemuse de la Montagne noire), la boha (cornemuse gasconne), etc. Le chant, la diction sont travaillés, ainsi que les pas de danse afin de se rapprocher d'un rendu aussi proche que possible de la réalité traditionnelle.
En recherche permanente d’authenticité et d’originalité esthétique, la compagnie des Ballets occitans et Françoise Dague sont à l’origine d’importants fonds de collectes ethnographiques et ethnomusicologiques. Elle est à l’origine de la création à Toulouse, en 1971, du Conservatoire occitan chargé dès son origine de conserver et valoriser les fonds d’enquêtes orales, de transmettre les pratiques musicales et dansées mais aussi des cours de langue occitane par des ateliers publics et très vite de conserver les savoir-faire instrumentaux et de fournir aux musiciens de plus en plus nombreux des instruments avec des ateliers de facture instrumentale.
Les ballets occitans accueillent toute une nouvelle jeune génération qui sera ainsi sensibilisée et formée, parmi laquelle débute de nombreuses personnalités du renouveau culturel occitan contemporain : Jean-Pierre Lafitte, Claude Sicre, Rosina de Pèira, Pierre Corbefin, Xavier Vidal, etc.
Les Ballets occitans ont disparu à la fin des années 1980. Les archives de la compagnie (enregistrements et captations de spectacle, photographies, dossiers documentaires, etc.) sont conservés an Conservatoire occitan des musiques et danses traditionnelles (COMDT).
Né à Marseille, André Benedetto (1934-2009) est un auteur de théâtre, metteur en scène et comédien.
Il crée en 1961 la Nouvelle Compagnie d’Avignon avec le comédien et metteur en scène avignonnais Bertrand Hurault. En 1963, la compagnie s’installe dans une salle jouxtant le cloître des Carmes, qui devient le Théâtre des Carmes, devenue un lieu-référence du théâtre contemporain. C’est ici qu’André Benedetto « invente » le Festival Off en 1966-1967.
L’année 1973 marque l’arrivée d’André Benedetto et de la Nouvelle Compagnie/Théâtre des Carmes d’Avignon dans le mouvement culturel occitan. Depuis le début des années 1960, André Benedetto aborde dans ses pièces les grands thèmes d’actualité et de la société (Le Pilote d’Hiroshima, 1963, Les voyous, 1965, et surtout Napalm en 1967, première pièce française sur le Vietnam). Benedetto et sa compagnie mènent une critique féroce de la politique de décentralisation théâtrale, dont le festival d’Avignon est le symbole. Ils initient le festival Off et publient un manifeste contre la politique culturelle institutionnelle.
Toujours à la recherche de nouveaux thèmes et formes de création, il se tourne en 1973 vers l’Occitanie. Il initie une réflexion sur le théâtre populaire comme théâtre enraciné dans un territoire, un environnement social et culturel.
Du 10 au 24 juillet 1973, en plein XXVIIe Festival d’Avignon, il met à disposition le théâtre des Carmes pour des « Rescontres occitans ». Cette année-là deux pièces de la Nouvelle Compagnie sont programmées officiellement au Festival d’Avignon, La Madone des ordures et Pourquoi et comment on a fait un assassin de Gaston D. qui revient sur l’affaire Dominici.
André Benedetto met le théâtre des Carmes à la disposition du Teatre de la Carrièra qui joue La Guerre du vin, monte une librairie éphémère spécialisée dans la littérature et les problèmes occitans, distribue dans la rue un journal militant, Esclarmonda et organise le soir du 14 juillet un « bal des ethnies » en opposition au bal « national » de la ville.
Écrivains, acteurs, artistes, metteurs en scène, intellectuels et militants occitans se rassemblent autour de ces Rescontres occitans d’Avignon, qui marquent un moment de convergence des acteurs culturels occitans qui se structureront en 1977 autour de deux collectifs, l’Action Jeune Théâtre (AJT) et l’Accion Culturala Occitana (ACO).
[imatge id=166]André Benedetto entame dès 1974 une collaboration avec Félix Castan, figure idéologique du mouvement occitan de l’Après-Guerre, penseur de la régionalisation de la culture. La collaboration Castan-Benedetto produit notamment Le Siège de Montauban en 1974 dans le cadre du festival d’Occitanie, pièce historique montée avec les habitants de la ville.
Il est membre de la Linha Imaginòt, le collectif occitan et littéraire créé autour de Félix-Marcel Castan, dont il est proche, ainsi que de Bernard Lubat et de l’écrivain Bernard Manciet. Réfléchissant sur la décentralisation culturelle, André Benedetto travaille avec Serge Pey, avec qui il organise à Toulouse les premières Nuits de la Poésie. Il compose et jour en 1999 la pièce occitane San Jorgi Roc.