La revue Amiras, publiée de 1982 à 1990 par Edisud (Aix-en-Provence), est née sous l'impulsion d’universitaires et d’intellectuels occitanistes autour de l’écrivain, universitaire, homme de pensée et d’action qui a fortement marqué la seconde partie du XXe siècle occitan, Robert Lafont (1923-2009). Elle est la grande revue intellectuelle occitane de la période.
Amiras, qui signifie « repères » en occitan, reprend le flambeau de revues critiques et de débats intellectuels qui se sont succédés depuis les années 1960, parallèlement au développement d’un mouvement intellectuel et militant occitan qui a souhaité questionner, depuis le fait occitan, la réalité sociale, linguistique et culturelle contemporaines. Tous les champs du savoir et de la pensée (histoire, sociolinguistique, géographie, littérature, etc.) sont ainsi convoqués.
Amiras s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise du mouvement occitan après deux décennies d’impact important sur la société - les « 20 Glorieuses de l’occitanisme » selon la formule de Robert Lafont - et la désillusion progressive face à l’alternance politique de gauche portée au pouvoir en 1981 autour d’une promesse d’aggiornamento de la politique française en matière de reconnaissance et de soutien à la vie des langues et des cultures régionales : « Discours de Lorient » du candidat François Mitterrand en mars 1981, proposition 56 des 110 propositions pour la France, programme « La France au pluriel » du Parti socialiste, Mission et Rapport Giordan en 1981-1982.
Au sein du mouvement occitan, le début de la décennie 1980 est marquée par une rupture au sein de l’Institut d’estudis occitans et le départ de plusieurs figures intellectuelles et universitaires, derrière Robert Lafont, mises en minorité lors de l’Assemblée générale de l’IEO à Aurillac (novembre 1980).
Le premier numéro de la revue, qui paraît moins d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir, consacre son dossier à « Décentralisation an 1 » et affiche un certain optimisme sur l’avenir de la question occitane au sein de la politique nationale française. En 1990, le dernier numéro titre « Enseigner l’occitan : le tableau est-il si noir ? » et révèle une évolution vers l’inquiétude et la reprise d’un rapport de force entre mouvement occitan et politiques nationales.
Dirigée par Robert Lafont puis Philippe Martel, comptant de nombreux contributeurs issus des universités françaises et étrangères, Amiras est la grande revue intellectuelle occitane des années 1980.
La Festa (1983-1996) de Robert Lafont est un roman-fleuve de l’envergure du Jean-Christophe (1904-1912) de Romain Rolland et il se déploie comme lui en une fresque historique européenne que l’on pourrait qualifier, en citant Claudel, de « déclaration de conscience ».
C’est le roman d’une génération, celle qui a vingt ans pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Placé dans la filiation non déguisée du héros du premier roman de Robert Lafont, Vida de Joan Larsinhac (1951), le personnage central des deux premiers tomes, Joan Ventenac, connaît le destin tourmenté d’un écrivain engagé dans les luttes de son siècle.
Résistant, il l’est, dans les faits, en plusieurs lieux, à différents moments de sa vie : maquisard en Cévennes, combattant à Budapest, soutien clandestin du FLN à Paris. Il l’est en permanence dans la conscience intime des enjeux et du sens de l’histoire qu’il est en train de vivre et de celle qu’il revit en pensée et en écriture, en particulier l’histoire de Jean Cavalier et des camisards cévenols.
Cette conscience occitane malheureuse mais lucide empêche Ventenac de céder, quelles que soient les circonstances, au triomphalisme des libérations ou à ce qu’il ressent comme l’expression de « la bonne conscience de la France ». Elle est le fondement de son anticolonialisme et de son opposition à toutes les formes de la raison d’État.
Dans la construction du roman, l’épisode de la résistance des paysans du Larzac au projet d’extension du camp militaire occupe une place symbolique. Les premières manifestations de soutien organisées dans l’été 1973 rassemblent en un lieu d’espoir et d’utopies croisées des personnages séparés par la vie et déchirés par leur « haute conscience de l’histoire ».
L’écriture romanesque virtuose de Robert Lafont noue les fils du récit de résistance et de son commentaire, de l’oubli de soi et du narcissisme analytique, de l’exigence de liberté et du désir de bonheur dans ce roman chevaleresque des temps modernes qu’il nomme lui-même un Don Quichotte occitanien.
Originaire du Limousin, Françoise Dague est la fille de la costumière Cécile Leygue-Marie. Elle est la fondatrice, en 1962, des Ballets occitans de Toulouse, puis en 1971 le Conservatoire occitan (actuel COMDT) aux côtés d’Hubert Poirée. Diplômée des Beaux-Arts, Françoise Dague va s’attacher, sur la base des collections de sa mère, à recréer les costumes traditionnels des régions d’Occitanie.
Pierre Pessemesse (1931-2018), est un auteur provençal de langue occitane, aussi bien engagé de côté de l’Institut d’études occitanes (I.E.O) que de celui du Félibrige.
Issu d’une famille vauclusienne qui pratique l’occitan au quotidien, il ne découvre les mouvements associatifs occitans qu’au début des années 50, faisant ainsi le lien entre son « patois » et la langue d’auteurs prestigieux comme Frédéric Mistral. Peu de temps après, il découvre la revue littéraire Oc tenue par la nouvelle génération des occitanistes liée à l’IEO et menée par Robert Lafont. C’est cette génération qui sait attiser la curiosité et l'intérêt de Pierre Pessemesse, aussi bien engagé dans la création littéraire que la pensée théorique, politique et militante. Ainsi, à l'exception de son premier recueil Li graio negro (Les corneilles noires), qu’il co-écrit avec Serge Bec, une grande partie de son œuvre est rédigée dans la graphie de l’IEO et éditée par l’Institut.
Passionné par les langues, licencié d’allemand, son engagement militant est marqué par une défense permanente de la langue d’oc, aussi bien à titre personnel qu’à celui de maire de sa commune des Buoux (Vaucluse) qu’il dirigera pendant 28 ans. C’est à ce titre qu’il parraine en 1974, la candidature régionaliste de Robert Lafont à l’élection présidentielle française. Il est également un des membres historiques du PEN club de langue d’oc, section occitane du PEN club international, association d'écrivains internationale qui a pour but de « rassembler des écrivains de tous pays attachés aux valeurs de paix, de tolérance et de liberté sans lesquelles la création devient impossible ». Il est également entre 2002 et 2018, le président de la section occitane du Comitat d'afrairement occitano-catalan (Comité de jumelage occitano-catalan ; CAOC), association qui a pour but de développer les relations entre les cultures occitanes et catalanes. C’est à partir de la seconde moitié des années 2000 qu’il amorce un retour au sein du félibrige, couronné en 2012 par le titre de « Mèstre en Gai Saber ». C’est durant cette époque qu’il se rapproche du PNO (Parti de la nation occitane), publie régulièrement dans Lo Lugarn, la revue du parti, sans toutefois jamais adhérer à celui-ci. Il sera enfin un acteur de l’activité de l’Association Internationale d’Études Occitanes (AIEO) jusqu’à sa mort.
Personnalité marquante et iconoclaste, auteur d’une œuvre littéraire originale, très au fait des considérations littéraires de son temps, aussi bien françaises qu’occitanes, Pierre Pessemesse est l’un des écrivains provençaux de langue occitane les plus importants et les plus atypiques de la génération d’après-guerre. Il compte d’ailleurs parmi les premiers prosateurs de sa génération.
Ses prises de positions tranchées et son travail souvent provocateur ont parfois pu lui valoir certaines inimitiés tant du côté des penseurs que des militants de tous bords, politiques comme culturels, félibres comme occitanistes.
Reste son œuvre littéraire, d’une qualité indéniable, totalement inscrite dans le renouveau et le questionnement de son temps. À ce titre on peut relever le roman Nhòcas e bachòcas (1957), qui conte le quotidien d’un jeune homme au sortir de la Seconde guerre mondiale avec en trame de fond la fracture vécue par les jeunes occitans dans une société rurale traditionnelle partiellement occitanophone et une société moderne, plurilingüe et cosmopolite. Enfin, son triptyque De fuòc amb de cendre (1973, 1976, 1978) qui conte le parcours de deux jeunes occitans engagés dans les forces SS par idéalisme, demeure une pierre angulaire de la littérature occitane de la seconde moitié du XXe siècle par toutes les thématiques et problématiques qu’il soulève.