Lo Doctrinal de la sapiensa fait partie avec le Traité du Rosaire des deux seuls incunables connus en langue d’oc qui concernent le domaine religieux.
L’exemplaire présenté ici est celui de la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, il est sorti des presses toulousaines d’Henri Mayer en 1494.
Lo Doctrinal de la sapiensa est un texte d’instruction religieuse à destination des prêtres et des laïcs.
Il « se présente comme un catalogue de connaissances religieuses exposées dans une langue particulièrement claire et dans un ordre rigoureux… C’est à la fois un abrégé de la foi, un traité de morale, un guide pour les curés et un livre de dévotion… Le titre du Doctrinal fait référence à la religion populaire, du moins à celle du laïc et des prêtres les moins instruits »
(Frédéric Duval, Lectures française de la fin du Moyen âge, p. 97-100).
Le choix linguistique s’explique ici par la fonction didactique du livre, qui est à destination des prêtres ou des lecteurs ne lisant ni le latin, ni le français.
Lo Doctrinal de sapiensa est une traduction du Doctrinal aux simples gens ou Doctrinal de sapience, rédigé avant 1370 et attribué à Guy de Roye, archevêque de Sens et de Reims. Ce dernier ouvrage n’étant lui-même que la traduction française d’un texte latin composé en 1388 intitulé Doctrinale sapientiœ.
Il existerait une autre édition faite à Rodez après 1530 par les soins du cardinal d’Armagnac, d’après l’abbé Vayssier (J.B Noulet, « Un texte roman de la légende religieuse, l’ange et l’ermite », Revue des langues romanes, t. XVIII, 1880, p. 261-262).
On désigne par « incunable » - du latin incunabula, « le berceau », « le commencement » - les premiers livres imprimés au cours du XVe siècle. Ces premiers livres, dont le plus célèbre est la Bible latine à quarante-deux lignes que Gutenberg imprima à l'aide de caractères mobiles vers 1450 à Mayence, ne ressemblent pas encore aux livres modernes qui apparaîtront, selon les régions, entre le début et le milieu du XVIe siècle. Les incunables conservent encore beaucoup de caractéristiques des manuscrits reliés (codex) du Moyen Âge, sans page de titre, avec une mise en page compacte, sans chapitre et comportant de nombreuses abréviations. Certains étaient même encore enluminés. Mais la caractéristique la plus marquante de ces « premiers imprimés » est l'utilisation de caractères gothiques.
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Bien que l’espace occitan voie dès 1475 l’installation des premiers ateliers d’imprimerie à Albi, puis l'année suivante à Toulouse, c’est sur des presses italiennes, à Turin, que fut fabriqué en 1492 le premier livre imprimé en occitan : Lo Compendion de l’Abaco, œuvre du niçois Francés Pelós.
L'Incunabula Short Title Catalogue (ISTC), base de données internationale qui recense plus de 30’000 éditions de livres imprimés antérieurs à 1501, révèle que la langue majoritaire des premiers imprimés est le latin. Vient ensuite l’italien avec près de 2’500 titres et le français avec près de 1800 titres. La péninsule ibérique, qui connaît plus tardivement l’arrivée de l'imprimerie, est représentée par 437 éditions recensées en espagnol (castillan) et 138 en catalan. L’ISTC ne recense pour les langues vernaculaires de France, hormis le français, un incunable en breton, le Catholicon de Jehan Lagadeuc, dictionnaire trilingue breton-français-latin destiné à l'instruction « des petits clercs pauvres de Bretagne ou encore des illettrés en latin ».
Avec trois éditions connues, le corpus des incunables occitans est très faible au regard du corpus francophone, ou même catalonophone et révèle déjà l’état très dégradé du rapport de force entre l’occitan et le français dans la production et la diffusion écrite des savoirs au sortir du Moyen Âge, au large bénéfice du français. Pour autant, la langue occitane, héritière d’une scripta littéraire, scientifique et administrative importante et prestigieuse au Moyen Âge, demeure encore, à l'orée de l'époque moderne, une langue d’écriture et de diffusion savante. La plupart des autres langues vernaculaires de l’actuel territoire français, voire de l’Europe occidentale, n’ayant aucune édition ancienne.
C’est assez tardivement, dans les toutes dernières années du XVe siècle, qu'apparaissent les premiers incunables en occitan.