Explorer les documents (56 total)

IMG_1630.JPG
Lo viatge de Joana - Saison 1 / Épisode 4
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Alranq, Perrine. Interprète
Gaspa, Marie. Interprète
Hebrard, Alain. Interprète
Vidal, Jean. Interprète
Capron, Michel. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète

Texte de l'épisode 4 : 

Et toute la nuit j'ai vu courir des cauchemars à califourchon sur des mules : mes aïeux, communistes du côté de mon père et huguenots des Cévennes du côté de ma mère, étaient furieux. Le matin, mes cheveux étaient dressés sur ma tête : il me fallait réfléchir : comment faire pour ne rien laisser après mon dernier souffle. Je ne pouvais pas digérer la chose entendue chez Maître Bardot : après moi, l'église catholique et romaine allait tout avaler, les papistes !

Puis, il y eut la cérémonie au funérarium : le choix de l'urne, rouge et jaune. Les amis de Vincent qui n'étaient évidemment pas des jeunes ont chanté le « se canta » et leurs petits enfants ont chanté avec eux : le monde changeait, peut-être que les troubadours revenaient, hourra !

Je pense que tout ceci aurait fait plaisir à l'oncle.

Au moment de partir, quand les discours furent terminés, la vieille Julia voulut chanter (certains disent que quand elle était jeune, elle était amoureuse de Vincent) cette chanson cévenole que j'aimais tant :

Quand un jour tu sentiras que l'âge réveille

De plus en plus en toi des souffrances diverses

Las de bêcher ce sol ingrat comme un désert

A l'appel du repos tu tendras l'oreille

Le temps aboutira ton corps devenu trop vieux

Et par dessus ta tombe

Et dominant la plaine

La pointe d'un cyprès

Laissera voir le ciel

Le temps aboutira

Ton corps devenu trop vieux

Alors on t'enterrera dans la terre en friches

Toute fleurie d'immortelles

à deux pas de ton mas

 

Où l'on entend si fort

Souffler la tramontane

Alors on t'enterrera dans la terre en friches

L'astre qui nous réchauffe et nous ensoleille

Sera ton compagnon

L'été comme l'hiver.....

Nous l'avons laissée terminer la chanson seule et nous sommes partis.

Nous sommes allés tous ensemble avec l'urne et j'ai fait ce que m'avait demandé Vincent : j'ai éparpillé les cendres dans le ruisseau de la Vire. Je ne sais pas si j'avais le droit ! Les gens étaient surpris mais disaient : C'est lui qui l'a voulu. Il est parti tranquille, sans souffrir : aller se coucher le soir, et sans se réveiller le matin, dormir pour l'éternité....Cocagne !

Puis nous sommes rentrés à la maison où Mathilde nous attendait avec l'apéritif. Elle avait une jolie robe grise. Tout le monde m'a demandé qui était cette fille si jolie : j'ai continué d'affirmer que c'était ma filleule, la fille d'une amie d'école, Lucienne. Mathilde ne disait rien, elle faisait simplement des sourires à tout le monde.

J'avais décidé que j'aurais une discussion avec elle dans la soirée.

-« Et que vas-tu faire maintenant que tu as de l'argent, Jeanne : la charité, la vie, l'artiste ? Tu as une jolie voix ! Il te faudrait essayer d'aller au conservatoire de Montpellier. On ne sait jamais.... Il n'y a pas d'âge pour chanter et surtout pour se faire plaisir. » •

Celui qui me disait tout ça était René - mon amoureux! - dont, pécaire, la femme, Rosette était morte l'an passé et qui c'était sûr aurait bien aimé trouver une compagne de son âge, surtout avec un peu d'argent. Souvenir! souvenir : peut-être qu'il me plaisait quand j'étais jeune mais aujourd'hui...

 

Le cousin Paul et Denise, sa femme, étaient très contents de l'accord que nous avions conclu chez le notaire :

- « Merci Jeanne pour le loyer si bas : avec les problèmes de la viticulture peut-être qu'il me faudra tout arracher et faire un potager. Denise ira vendre sur le marché. » • «

Sûr que ça me plaira plus que de travailler au supermarché ! ».

« On essayera le bio, aujourd'hui il n'y a que ça qui marche, et encore plus pour le vin... Et toi, que vas-tu faire de ton temps, des terres et de la maison de Vincent ? Il t'a laissé de l'argent ? «

"Oui ! Je ne peux rien te dire de plus aujourd'hui. Mais je te promets que si un jour je vends les terres, c’est toi qui seras le premier informé."

« Merci pour tout ! »

À 8 heures tout le monde était parti : le dernier à s'en aller était René. Il vint me faire une bise, il avait bu un coup et me dit sur le pas de la porte :

« Si un jour tu en as assez d'être seule, ça me ferait plaisir de vivre avec toi. Tu sais bien que je t'aime depuis toujours ! » «

 

Tais-toi grand imbécile ! Une fois ça suffit : c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie ! Adieu ! »

Je fermai la porte sur ce pauvre René. Nous avons fait le ménage et avons mangé un morceau.

« Et maintenant Mathilde, il est temps de parler. Si vous voulez rester avec moi, je dois savoir d'où vous venez et tout ce que vous avez fait dans votre vie. »

« Je ne sais pas si je peux : j'ai peur... » « Vous n'avez pas le choix, sinon demain il me faudra vous demander de partir. »

« Non ! Je veux rester ici. Je me sens si heureuse avec vous. C'est comme si j'étais avec une mère, vous comprenez... »

Voir l'épisode 5

St-Vincent-d\'Olargues_eglise.JPG
Bouët, Jacques (enquêteur)
Vidal, Rose (informateur)
Moudier, Madame (informateur)
Une femme chante deux chants traditionnels.

00:00:00 à 00:01:32 Mon paire m'a maridada
00:01:32 à 00:02:13 L'informatrice tente de se rappeler des paroles d'une chanson
00:02:13 à 00:02:36 Se Canta
encyclo_chanson 2.jpg
Se Canta (chant)
Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana

Chanté sur la plupart des territoires d'Occitanie, le "Se Canta" s'affirme comme un hymne fédérateur occitan. Il comprend au moins une quinzaine de variantes, toutes différentes selon les localités où il est chanté ou a été recueilli. C'est cette appropriation, cette adaptation des paroles et de la mélodie mais aussi les thèmes universels qui le traversent qui font de ce chant un véritable hymne populaire sur l'ensemble du territoire occitan.

Les origines du "Se Canta"

La paternité de Gaston Fébus

L'hypothèse la plus répandue concernant l'origine de ce chant nous renvoie vers le XIV° siècle et le Béarn. Ce serait en effet Gaston Fébus (1331-1391), comte de Foix et vicomte de Béarn qui aurait rédigé cette chanson à l'attention de sa femme Agnès de Navarre. Connu pour son érudition, sa connaissance des divers dialectes occitans parlés à l'époque mais aussi pour son amour de la musique, Gaston Fébus aurait été délaissé par Agnès de Navarre, retournée dans le royaume de son père, de l'autre côté des Pyrénées. Il aurait alors rédigé le "Se Canta" -"Aquelas Montanhas" dans sa version originale - fou de chagrin pour implorer son retour. Cette hypothèse est communément admise même si aucune preuve dans les écrits de l'époque ne nous permet de confirmer la paternité de Gaston Fébus sur cette chanson. De même, on ne connaît pas la version d'origine de la chanson, cette dernière s'étant transmise de manière orale au cours des siècles, sûrement adaptée selon les chanteurs et les époques. Ce n'est qu'au XIX° siècle que la forme du "Se Canta" a été fixée par les collecteurs et folkloristes dans les diverses anthologies de chants qu'ils ont pu publier.  

L'hypothèse des bateliers toulousains

Joseph Canteloube, compositeur, musicologue et folkloriste est le premier en 1951, dans son "Anthologie des chants populaires français", à émettre une autre hypothèse quant à l'origine du "Se Canta".

Il y présente en effet une autre version commençant par ces vers : "Sul pont de Nanto ; I'a un auzelou" et analyse de cette manière l'origine de cette version du "Se Canta" : "Chanson très répandue en Roussillon, comté de Foix, Guyenne, Gascogne, Languedoc, Auvergne etc. Elle fut très probablement faite par des matelots toulousains transportant le pastel de Toulouse à Nantes pour le compte d'armateurs nantais. Le pastel était cultivé en Lauragais. Le bleu était obtenu sous forme de coque d'où l'expression pays de Cocagne appliquée à un pays heureux et riche. Ce bleu pastel fit au XVI° siècle la fortune du Midi de la France. Le pont dont parle la chanson est sans doute celui de Pirmil, situé à Nantes et qui portait, construite sur une arche, une hôtellerie pour les mariniers."

Là non plus, aucun élément ne nous permet d'affirmer la véracité de cette hypothèse et comme l'affirme Martine Boudet, universitaire, dans son ouvrage "Les hymnes et chants identitaires du Grand Sud - Essai sur l'emblématique inter-régionale" : "Ce pourrait être tout aussi bien être un matelot nantais qui ayant entendu le "Se Canta", l'aurait arrangé avec des paroles adaptées à Nantes. [...] Les traductions diverses venant sans doute qu'au cours des siècles, le sens originel de ce chant a été perdu et l'on a de ce fait, écrit d'autres paroles."

Les versions locales

D'autres versions locales existent et font notamment référence à la ville de Nîmes ("A la font de Nimes") ou à un pré ("Al fond de la prado"). On ne sait pas à ce jour à quelle époque ces versions ont été créées ni leur origine exacte. Pour de nombreux chercheurs et érudits, l'air de Gaston Fébus serait devenu tellement populaire qu'il aurait été repris et adapté localement, voire même mélangé à d'autres chants populaires locaux.

Dans tous les cas, on trouve dans toutes les versions du "Se Canta" les mêmes thèmes et figures : les hautes montagnes - qui font penser aux Pyrénées, frontière naturelle au sud du territoire occitan - qui apparaissent comme un obstacle à la réalisation amoureuse, le rossignol servant d'intermédiaire entre les deux amants et enfin, la relation amoureuse impossible.

La symbolique du "Se Canta"

Le thème de la séparation physique et morale des amants, la figure de l'oiseau comme intermédiaire rattachent également cette chanson à une tradition plus ancienne, celle de la fin'Amor célébrée par les troubadours au XIII° siècle. 

Pour d'autres, ce chant symbolise également l'alliance unissant de manière éphémère Occitanie, Aragon et Catalogne.

Enfin, Richard Khaïtzine dans son ouvrage "La langue des oiseaux" développe une approche plus symbolique et ésotérique de ce chant : "Cette chanson dans la manière des troubadours est un texte à clef ou codé. La clef en est livrée dès la seconde ligne puisqu'il y a un oiseau dont on nous dit "qu'il chante ce qu'il chante". Il s'agit d'une chanson rédigée en langue des oiseaux, autrement dit dans une langue à double sens. Remarquons que cet oiseau chante mystérieusement et de nuit. [...] Cette chanson nous entretient de la nuit noire de la répression. Le rossignol, autrement dit le troubadour, chante la passion des Cathares persécutés. Il ne chante pas ouvertement, mais d'une manière symbolique de façon à n'être compris que de ceux à qui s'adresse ce texte. Remarquons également qu'il chante pour la dame qui se trouve au loin, l'Eglise cathare en exil. Mais pourquoi  évoquer l'amandier qui fleurit ? Ses fleurs, nous dit-on, sont d'un blanc immaculé. L'art religieux utilisa fréquemment l'image de l'amande mystique, la vulve entourant la Vierge ou le Christ en gloire. L'amande, qui comporte une double écorce, très résistante, est bien adaptée à la représentation de la connaissance ésotérique qui ne s'acquiert qu'en usant de patience et d'efforts. Ceci est d'ailleurs conforme au sens profond de l'amande, laquelle en hébreu se dit luz terme désignant également la lumière. Nous devons donc comprendre ici que l'amandier aux fleurs blanches (alba) désigne le fidèle d'Amour, le fidèle de l'Eglise albigeoise. Si nous doutions de cette interprétation, l'occitan nous la confirmerait. En langue d'oc, amandier se dit amelhié (celui qui n'est pas noir). or de nombreux exégètes considèrent que, dans le poème médiéval Fleur et Blanchefleur, Fleur désigne l'Eglise catholique et Blanchefleur l'Eglise cathare. La suite de la chanson est bâtie sur le même processus. Les montagnes séparant l'amant de la dame représentent les obstacles rendant impossible la libre pratique de la religion cathare. Les derniers Parfaits et faidits se sont réfugiés de l'autre côté des Pyrénées. Pour sa foi, le croyant est prêt "à passer l'eau", à mourir sans crainte de se noyer. [...] Le terme occitan "negar" signifie, à la fois, noyer et renier. Ici, il s'agit donc d'un jeu de mots faisant référence à l'action d'abjurer sa foi. Enfin, si le parfait est prêt à passer l'eau, c'est que les cathares pratiquaient le baptême de Feu ou d'Esprit et non celui d'Eau."

Le "Se Canta" aujourd'hui

Si les versions, les hypothèses concernant sa création et les manières d'interpréter ce chant sont nombreuses, le "Se Canta" apparaît aujourd'hui comme un chant commun à la plupart des territoires d'occitanie, résonnant comme un véritable hymne identitaire adopté par la population des territoires occitans comme en témoignent les exemples suivants.

La généralité du Val d'Aran a adopté le "Se Canta" dans sa version "Montanhes Araneses" comme hymne officiel. Il a également été utilisé comme lors de la Cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Turin en 2006 pour représenter les vallées italiennes occitanes.

Le "Se Canta" est depuis 2010 l'hymne officiel des supporters du Toulouse Football Club, il est chanté avant chaque rencontre.

Enfin, sur Internet de nombreuses références sont faites à ce chant et concernent une très grande partie des territoires occitans. On peut par exemple trouver une version aragonaise. Le groupe de musique Los Hardidets a également répertorié 200 versions du Se Canta, pour la plupart directement consultables en ligne.

Si le "Se Canta" s'affirme comme un hymne identitaire occitan, il n'est pas le seul. En Provence, c'est la "Cansoun de la Coupo", rédigée par Frédéric Mistral qui s'est affirmé comme véritable hymne occitan. La chanson "Lo Boièr", datant du Moyen-Age est également depuis les années 1970 devenue un véritable hymne identitaire commun à plusieurs régions d'occitanie.

 

Pour aller plus loin : 

 
  • Bibliographie : 
  • Martine Boudet, Les hymnes identitaires du Grand Sud : essai sur l'emblématique inter-régionale, Puylaurens : Institut d'Estudis Occitans, 2009. Cote CIRDOC : 320.5 BOU
  • Richard Khaitzine, La langue des oiseaux : quand ésotérisme et littérature se rencontrent, Paris : Dervy, 1996.
  • Joseph Canteloube, Anthologie des chants populaires français groupés et présentés par pays ou province. Tome I, Provence, Languedoc-Roussillon, Comté de Foix, Béarn, CorseParis : Durand & Cie, 1951. Cote CIRDOC : CAB 3518-1.

 

 

cantesbiarnese1.jpg
Cantes Biarnéses é Gascounes : Aquéres mountines, Roussignoulét, Dus pastous a l'oumbrétte
Despourrin, Cyprien (1698-1759). Compositeur
Gaston III (comte de Foix ; 1331-1391). Compositeur
Mesplès, Paul Eugène (1849-1924). Compositeur
Partitions et paroles de divers chants gascons et béarnais, édités par l'Escole Gastou-Fébus, association littéraire fondée en 1896.
Courniou_Marthomis_vue_generale.JPG
Bouët, Jacques (enquêteur)
Moudier, Madame (informateur)
Deux femmes et un homme chantent plusieurs chants. Ils interprètent deux versions du Se Canta, un répertoire de chants de noëls occitans et diverses chansons en français.
couv.jpg
Georges, Alexandre (1850-1938)
Partition d'une version béarnaise de l'Hymne occitan Se Canta arrangée pour soprano solo et choeur d'hommes et accompagnement de piano.
sur 6