Des années 1970 jusqu’aux années 2010 la revue trimestrielle La Beluga de Limós a publié tous les ans le jugement du carnaval de Limoux de l’année en cours.
C’est donc ici un accès direct à un corpus de textes humoristiques, satyriques et politiques.
En effet, ces jugements permettent de régler en place publique tous les problèmes de la société limouxine de l’année écoulée. Parfois, il est compliqué de comprendre et d’expliquer les allusions, les noms de villages ou de personnes, car ils font références à des lieux, des personnages ou des événements locaux. Mais ces jugements permettent aussi de faire un récapitulatif des événements internationaux et nationaux majeurs de l’année. Carnaval est invariablement accusé de tous les maux, quel qu’en soit le niveau, local, national ou international, jugé coupable et exécuté.
Outre ce qui est raconté dans ces textes et l’importance qu’ils représentent au regard du déroulement du carnaval, l’intérêt de ce corpus se situe aussi dans la langue employée. En effet, ils ont tous été écrits en occitan et traduits en français. Nous n’en donnons ici que leur version occitane. Mais au fur et à mesure que les années passent il est intéressant de remarquer que les auteurs, anonymes, ont de plus en plus mélangé le français à l’occitan. Ainsi dans les textes des dernières années de publication on trouve de plus en plus de français dans le texte en occitan.
Le Tribunal Carniboro de Toulouso est un jugement de carnaval en un acte rédigé par Pierre Trousseu en 1867.
On ne sait pas grand chose de cet auteur, si ce n'est qu'il a été maire de la commune de Cassagnes dans les Pyrénées-Orientales occitanophones entre 1892 et 1896.
Le texte met en scène un jugement où l'accusé, Bonifaço Coutoun, se voit reprocher d'être soumis à sa femme, allant même jusqu'à être battu par elle, compromettant ainsi la « dignité de l'homme » selon le tribunal.
Comme dans tous les jugements de cette époque les doubles sens et les ambiguïtés sont nombreuses alimentant ainsi le registre comique sur lequel le texte est bâti.
Le jugement se clôt sur la déclaration de culpabilité de l'accusé, condamné à devoir errer à dos d'âne à travers la ville le jour du mercredi des Cendres qui marque le début du Carême, période de jeûne et d'austérité.
La signification de l'appellation « tribunal carniboro » est incertaine, bien que de nombreux textes associés au carnaval de Toulouse au cours du XIXe siècle en soient dotés. Plusieurs hypothèses, probablement complémentaires, peuvent être retenues pour l'expliquer.
L'appellation « carniboro » pourrait être interprétée littéralement dans son sens de « mangeur de chair », le tribunal marquerait ainsi une opposition avec les valeurs de jeûne suivi lors du Carême.
On peut également y voir un sens proche de celui de « boucher », où le rôle de ce tribunal loufoque ne serait que de juger coupables tous les accusés qui viendraient y être présentés.
La Bengenço de Bacchus, countro l'émmagrit Carémé, sur la mort de soun amic Carmantran1 est un jugement de carnaval en vers publié en 1842. Si aucune mention d'auteur ne figure sur le document, sa paternité est attribuée à Lucien Mengaud en raison de la présence d'une note manuscrite sur un exemplaire du recueil de poèmes La Crouts du même Lucien Mengaud issu des collections de la Bibliothèque municipale de Toulouse.
Le texte met en scène le bûcher de Carmantran (Caramentran), personnage emblématique de la fête de carnaval en Occitanie. Il est construit autour de l'opposition des valeurs d'opulence et d'excès portées lors de la fête de Carnaval par Carmantran, associé ici à la divinité romaine Bacchus, contre la rigueur et le jeûne suivis lors de la période de Carême (Carémé).
1. (Vengeance de Bacchus, contre l'amaigri Carême, sur la mort de son ami Carmantran) ↑
Louis Vestrepain (1809-1865), cordonnier et poète-ouvrier toulousain, donne ici un jugement de carnaval, sous le nom de Jutjoment de Capcarrat. Cette fête, ses manifestations et rituels étaient l'une des principales sources d'inspiration de ses écrits. Le jugement est suivi de la chanson La Coucudo et Capcarrat.