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La traduction française de la Gragnotto dé Sant-Paul d'Hercule Birat
CIRDÒC-Mediatèca occitana

La Gragnotto dé Sant-Paul d'Hercule Birat

 

De nombreuses histoires courent autour de la présence de cette grenouille au cœur du bénitier de l'église de Saint-Paul, la liant directement à celle du saint patron. Ce dernier serait arrivé dans la région au IIIe siècle, en provenance d'Asie Mineure, afin de l'évangéliser. C'est à proximité de l'étang de Bages qu'il fait un jour la rencontre de pêcheurs locaux le mettant au défi de voguer sur un bloc de marbre. Saint Paul, s'il parvient à tailler le marbre de sorte à en faire une embarcation, ne parvient toutefois pas à le manœuvrer. Surgit alors des eaux une grenouille lui proposant de lui servir de gouvernail pour le mener à bon port. Cette rainette serait peut-être, selon une autre légende locale, une grande dame romaine convertie par Saint Paul et qui, refusant d'abjurer pour épouser l'empereur Justinien, fut précipitée dans les flots et se transforma en rainette. Le batracien du bénitier serait alors un rappel constant de cette histoire (cf. Récits et contes populaires du Languedoc, recueil par Claudine et Daniel Fabre, Gallimard, 1978, pp.126-127 – cote CIRDOC CC 51-6-3). D'autres légendes raconte que la grenouille aurait été au contraire pétrifiée par Saint Paul lui-même, faisant cesser ainsi les coassements de l'animal perturbant son prêche.

La célèbre rainette de Narbonne, toujours présente dans l'église aujourd'hui, a une patte cassée. C'est autour de celle-ci que se concentre l'histoire rédigée en 1856 par le poète narbonnais Hercule Birat dans La Gragnotto dé Sant-Paul.

  

I/ Hercule Birat, poète du local

Hercule Birat, né dans cette ville à la fin du XVIIIe siècle (1796), laissa à sa mort en 1872, une œuvre féconde et protéiforme tant occitane que française. Chansons, satires, mais aussi poèmes sont autant de médias utilisés par Birat, proposant dans un style populaire et provincial revendiqué, les chroniques de sa ville natale.

Poète du local, féru d'histoire régionale, Birat connaît et convoque les légendes et histoires qui entourent sa région, se faisant lui-même conteur et passeur de mémoire dans bien des écrits. En 1861 paraissent Les Poésies narbonnaises, recueil qui regroupent différents écrits poétiques de sa main, dont le sous-titre nous renseigne sur le propos : "Poésies narbonnaises en français ou en patois, suivies d'entretiens sur l'histoire, les traditions, les légendes, les moeurs, etc., du pays narbonnais, par H.Birat".

C'est dans le tome II de cet ouvrage que dans le cadre du cycle de Saint-Paul, parait l'histoire de La Gragnotto dé Sant-Paul (p.195-220 de l'édition de 1860, Narbonne, E.Caillard [Cf. http://occitanica.eu/omeka/items/show/612]). La pièce date de 1856 et traduit le goût de l'auteur pour la création à partir de légendes et textes primitifs locaux.

 

II/ La Gragnotto dé Sant Paul

Le bénitier de l'église Saint-Paul de Narbonne, présente dans son fond une petite grenouille de marbre, dont l'origine a de tout temps suscité les questionnements et l'imagination. De nombreuses légendes courent ainsi autour du batracien, par ailleurs immortalisé par de nombreuses cartes postales et photos.

Dans La Gragnotto dé Sant-Paul, qu'il rédige en occitan, Hercule Birat met en vers sa version de l'histoire du batracien narbonnais, et notamment de l'absence de sa patte avant droite, dont voici le résumé. Il n'existe pas en effet à notre connaissance de traductions de cette histoire en français. Vous pouvez toutefois en découvrir certains extrais traduits sur les sites internet suivant : polymathe.over-blog.com (http://polymathe.over-blog.com/article-35978332.html) ou notabene (http://notabene.forumactif.com/t364-la-grenouille ).

 

L'histoire raconte le tour de France d'un jeune ouvrier de Nancy, "Calisto" (Calliste ou Calixte). Il reçoit avant son départ les nombreux conseils de son père, Paul Moran, l'invitant à se rendre à Narbonne et là, à découvrir la grenouille qui se trouve dans le bénitier de l'église Saint-Paul. Il lui raconte qu'à l'époque, les Narbonnais survécurent 'six ou sept" ans durant un siège, en se nourrissant des précieuses grenouilles.

Sur place, le jeune homme, qui durant les recommandations de son père n'écoutait que d'une oreille, découvre bien des monuments mais oublie de se rendre auprès du bénitier. A son retour, rendant compte d'un voyage de près de 4 ans, il énumère ainsi, et Birat avec lui, les diverses richesses de la ville de Narbonne mais omet bien entendu de parler de la grenouille. En dépit de ses récits, son père l'enjoint alors de s'en retourner à Narbonne voir le batracien, et lui indique alors l'emplacement précis de l'église où se trouve la grenouille de marbre.

Le fils reprend donc seul la route, son père étant trop âgé pour l'accompagner. Il se munit pour l'occasion d'une lime et d'un ciseau (le jeune homme est lui-même ouvrier), murissant durant les douze mois de voyage, son projet de vengeance. Arrivé devant l'animal, il pose sur les reins de la grenouille son outil pour la réduire en "sept ou beït boucis" (sept ou huit bouts). L'eau présente dans le bénitier se change alors en un sang d'un profond pourpre. Calisto pris de panique fuit, mais s'écroule à quatre pas de la sortie, passant plus d'un an à l'hôpital, et ne survivant pas plus de douze ans à sa tentative.

D'autres racontent qu'un grand bruit retentit au même moment bouleversant le destin des personnes présentes (l'une devint sourde, une autre se brisa la hanche suite à un bond de terreur...). Certains affirment même que trompettes et cloches sonnèrent de leur seul fait.

 

III/ La Gragnotto chez Mistral

Si à notre connaissance, il n'existe pas d'éditions en français de cette poésie. La Gragnotto dé Sant-Paul a toutefois été reprise et adaptée en occitan par Frédéric Mistral. Publiée une première fois dans l'Armana Prouvençau de 1890 (pp.58-61) sous le titre de La granouio de Narbouno, elle a par la suite été rééditée dans Moun espolido, ouvrage traduit en français sous le titre de Mémoires et récits. Vous en trouverez différents exemplaires disponibles au prêt au CIRDOC à la cote "Mist roman", et est également présente dans le volume trois des Récits et contes populaires du Languedoc (recueil par Claudine et Daniel Fabre, Gallimard, 1978 – cote CIRDOC CC 51-6-3).

Le héros, dénommé pour l'occasion Pignolet, poursuit ici aussi son tour de France. Originaire de Nancy chez Birat, il devient Grassois chez le Nobel provençal. Une fois de plus la grenouille subit les assauts du ciseau, mais alors qu'elle vient de perdre une patte, rougit l'eau, marquant pour toujours le bénitier de l'église. L'histoire ne dit pas ce qu'il advint du vandale de cette version.

 

Pour en savoir plus: 

Récits et contes populaires du Languedoc, 3, Dans le Narbonnais. Recueillis par Claudine et Daniel Fabre. [Paris] : Gallimard, 1978, cop. 1978 (45-Malesherbes) : impr. Maury). (Cote CIRDOC : 398.148 REC).

BIRAT, Hercule, Poésies narbonnaises en français et en patois, suivies d'entretiens sur l'histoire, les traditions, les légendes, les moeurs, etc., du pays narbonnais, Narbonne : E. Caillard, 1860  (Cote CIRDOC: CAC 452-1).

MECLE, André, "Hercule Birat, le poète de Narbonne", In La Voix Domitienne n°26-27 de 1997, p. 138-142 (Cote CIRDOC: O2).

MISTRAL, Frédéric, Mémoires et Récits, Bordeaux : Aubéron, 1999 (53-Mayenne) : Impr. Floch). (Cote CIRDOC : R.FRA MIS m ).

 

 

 

 

 

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Les premières décennies des Reclams de Biarn e Gascougne / Jean-Marie Sarpoulet
Sarpoulet, Jean-Marie
Aqueste article de Jean-Marie Sarpoulet, inspector pedagogic per l'occitan dins l'academia de Bordèu, presenta lo contèxt dels dos purmèrs decennis (1897-1920) de publicacion de la revista Reclams

Podètz consultar sus Occitanica l'integralitat dels numeròs de la revista, de 1897, annada de sa primièra parucion fins a 1945.
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Los purmèrs decenis deus Reclams de Biarn e Gascougne / Jean-Marie Sarpoulet
Sarpoulet, Jean-Marie
Aqueste article de Jean-Marie Sarpoulet, inspector pedagogic per l'occitan dins l'academia de Bordèu, presenta lo contèxt dels dos purmèrs decennis (1897-1920) de publicacion de la revista Reclams.

Podètz consultar sus Occitanica l'integralitat dels numeròs de la revista, de 1897, annada de sa primièra parucion fins a 1945.
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Musée Pyrénéen de Lourdes
CIRDÒC-Mediatèca occitana
Créé en 1921 par Louis Le Bondidier, le Musée Pyrénéen, labellisé "Musée de France", est installé dans l'ancien château fort de Lourdes, lui-même classé Monument historique. Il conserve plus de 3000 objets retraçant la vie quotidienne dans les vallées pyrénéennes au cours des XIX° et XX° siècles, versants français et espagnol, et plus de 2000 objets et documents relatant la découverte touristique des Pyrénées et la conquête de leurs sommets. Une place de choix ayant été faite dès la fondation du musée, à la recherche et à l'acquisition d'éléments documentaires, le centre de documentation du musée réunit d'une part une documentation d'ethnographie régionale sur les Pyrénées, d'autre part, un fonds pyrénéiste axé sur les pratiques et représentations de la montagne, les voyages, les observations scientifiques ou les récits d'ascension.
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Les trois éditions du Dictionnaire languedocien-français de l'abbé Boissier de Sauvages / Claire Torreilles
Torreilles, Claire
Claire Torreilles analyse l'évolution du Dictionnaire languedocien-français de l'abbé de Sauvages entre ses trois éditions historiques. Le Dictionnaire de l'abbé de Sauvages est une des plus importantes œuvres lexicographiques occitanes imprimées et diffusées à l'époque moderne. L'article de Claire Torreilles actualise à la lumière des recherches récentes une première communication sur le sujet publiée en 1987 dans les Actes du premier Congrès de l'Association internationale d’Études occitanes, AIEO, Westfield College, London.
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Détail d'un Pihet
Centre Occitan des Musiques et Danses traditionnelles [COMDT]
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Diverses roues de Boha sculptées
Centre Occitan des Musiques et Danses Traditionnelles (COMDT)
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Bibliothèque municipale de Périgueux
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Pour contacter l'établissement

Bibliothèque municipale
12, avenue Georges Pompidou
24000 Périgueux
Tél : 05 53 45 65 45
Fax: 05 53 45 65 49
Site Internet : http://www.perigueux-bibliotheque.fr/

Historique et missions

Le fonds patrimonial de la bibliothèque de Périgueux tire son origine des confiscations révolutionnaires. Elles furent rassemblées dans la bibliothèque du district qui devint, en 1795, la bibliothèque de l'École centrale du département puis, après la suppression de ces écoles en 1804, la bibliothèque municipale de Périgueux. Depuis cette époque, le fonds n'a cessé d'être enrichi par le travail des bibliothécaires qui s'y succédèrent et par des dons significatifs comme les fonds Lapeyre, Saint-Astier ou Marius Lévy.

Les collections occitanes de la Bibliothèque municipale de Périgueux

Les collections patrimoniales de la Bibliothèque municipale de Périgueux connaissent un accroissement continu, en particulier le fonds Périgord, présentant une grande variété de documents, dont un grand nombre touchent à la thématique occitane. De nombreuses monographies imprimées, parmi lesquelles nous trouvons les œuvres des poètes et auteurs classiques occitans : Frédéric Mistral, Marcelle Delpastre, Bernard Manciet, Yves Rouquette…, une collection présentant une production variée et dans les différents dialectes de la langue, des enregistrements sonores de groupes musicaux occitans, ainsi que des méthodes d'apprentissage de la langue et des textes littéraires lus, des titres de presse, vivants ou morts. A ces ouvrages présents en magasin et dans le fonds Périgord, s’ajoutent quelques pièces plus anciennes contenues dans le fonds ancien.
Les fonds Léon Lapeyre et Jules Pellisson contiennent quelques pièces en occitan.

Instruments de recherche disponibles :

Consulter l'inventaire du fonds Léon Lapeyre

Consulter l'inventaire du fonds Jules Pellisson

 

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Groupe de musique de rue du COMDT
Centre Occitan des Musiques et Danses Traditionnelles (COMDT)
Photographie couleur du groupe de musique de rue du COMDT.
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Lo Diccionari lengadocian-francés de Pierre-Augustin Boissier de Sauvages
CIRDOC - Institut occitan de cultura

Le Dictionnaire languedocien-français de Pierre-Augustin Boissier de Sauvages est l'une des plus importantes œuvres lexicographiques occitanes imprimées et diffusées à l'époque moderne. Il a été un instrument de travail important pour les écrivains de la renaissance d'oc qui y font souvent référence au XIXe siècle.

Son auteur, l'abbé Pierre-Augustin Boissier de Sauvages (1710-1795), né et mort à Alès (Gard), est le frère du médecin et naturaliste François Boissier de Sauvages (1706-1767). Professeur de philosophie au Collège d'Alès, Pierre-Augustin Boissier de Sauvages se consacra aux sciences naturelles et publia plusieurs études relatives à la sériciculture, socle de l'économie cévenole au XVIIIe siècle. Il fait partie des petits contributeurs provinciaux de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Malgré des études de théologie dans sa jeunesse à Paris, Pierre-Augustin Boissier de Sauvages embrasse tardivement la prêtrise, en 1771, à l'âge de 61 ans.


1. Autres versions du titre 

Dictionnaire languedocien-français est le titre conventionnel de l'œuvre, qui s'applique à ses trois éditions différentes. Il est utilisé comme autorité titre dans les catalogues et inventaires [voir la notice d'autorité titre dans le catalogue de la BnF].  

Les deux éditions parues du vivant de l'auteur (1756, 1785, voir ci-dessous) sont anonymes. L'identification de l'auteur a beaucoup varié dans les inventaires et les études sur l’œuvre : Abbé de S *** ; Abbé de Sauvages ; Abbé Boissier de Sauvages ; Pierre-Augustin Boissier de la Croix de Sauvages ; Pierre-Augustin Boissier de Sauvages de la Croix (parfois Lacroix).

La forme Pierre-Augustin Boissier de Sauvages est la forme d'autorité internationale dans les catalogues et inventaires [voir la notice d'autorité de nom de personne dans le catalogue de la BnF]. 


2. Exemplaires connus ou conservés 

Le Catalogue collectif de France (ccfr.bnf.fr) signale une vingtaine d'exemplaires pour chacune des éditions anciennes (1756, 1785). L'édition moderne de 1820 paraît plus rare (environ 6 ex. référencés).


3. Éditions anciennes 

(A)

Dictionnaire languedocien-françois, ou choix des mots languedociens les plus difficiles à rendre en françois : contenant un recueil des principales fautes que commettent dans la diction et dans la prononciation françoise, les habitans des provinces méridionales du Royaume, connus à Paris sous le nom de Gascons. Avec un petit traité de prononciation et de prosodie languedocienne. / par M. l'abbé de S*** ; A Nimes : chez Michel Gaude, 1756 ; (A Avignon) : de l'imprimerie de Mérande, 1756 (XXXI-492 p.)

(B)

Dictionnaire languedocien-français : contenant un Recueil des principales fautes... Nouvelle édition, corrigée d'un grand nombre de fautes, augmentée d'environ dix mille articles, et en particulier d'une nombreuse collection de proverbes languedociens et provençaux. / par Mr. L.D.S. ; A Nismes : Gaude, Père, Fils & Compagnie, Libraires, 1785 .- 2 t. (XL - 388 p. ; 395 p.) [les deux tomes sont souvent réunis en un seul vol.]

[Le terme impropre de "Gascons" est abandonné et l'important recueil de proverbes et dictons apparaît pour la première fois dans la 2e édition.]

(C)

[Louis-Augustin d'Hombres-Firmas (éd. Scientifique)] Dictionnaire languedocien-français, : contenant un recueil des principales fautes... suivi d'une collection de proverbes languedociens et provençaux. Nouvelle édition, revue, corrigée, augmentée de beaucoup d'articles ; et précédée d'une notice biographique sur la vie de l'auteur, par son neveu L.A.D.F. / par M. l'abbé de Sauvages ; A Alais, chez J. Martin, imprimeur-libraire, 1820. - 2 t. (XXXVIII – 390 p. ; 399 p.) [reprint : Genève, Slatkine, 1971, 2t. en 1 vol.] 

4. Note d'étude 

Le Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages fait partie des premiers dictionnaires et lexiques imprimés de la langue occitane, antérieurs aux deux grandes entreprises du XIXe siècle, le Dictionnaire provençal-français de Simon-Jude Honnorat (Digne, 1846-1848) puis Lou Tresor dóu Felibrige de Frédéric Mistral (1878-1886).

Les dictionnaires occitan-français qui se multiplient au XVIIIe siècle sont souvent conçus pour éduquer les élites méridionales à la langue française classique plutôt que pour constituer des instruments linguistiques pour l'usage ou l'étude de la langue occitane. Le modèle du genre est bien sûr le dictionnaire de Desgrouais (1706-1766), professeur au Collège de Toulouse, Les gasconismes corrigés : ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler & écrire correctement...(Toulouse, 1766), véritable classique maintes fois réédité, où « L'auteur veut seulement rendre les Gascons attentifs à des gasconismes qui ne leur sont que trop familiers, et dont il est important qu'ils se corrigent, s'ils veulent éviter ces petites humiliations, auxquelles les personnes qui parlent mal sont exposées , surtout à Paris, où ces expressions impropres ne manquent pas de donner lieu à des railleries dont il est toujours désagréable d'être l'objet. » (1) ou, comme l'écrit Jean-Claude Bouvier à propos des dictionnaires provençaux antérieur au Tresor dóu Felibrige : « Beaucoup de dictionnaires ou de glossaires de volume et d'intérêt inégal sont réalisés par des érudits locaux qui obéissent à deux sortes de raisons. Très souvent [...] ces ouvrages ont un but pratique : permettre aux 'Français du Nord', de plus en plus nombreux en Provence, de comprendre la langue du pays, mais surtout apprendre le 'bon français' aux Provençaux." (2) 

Le Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages occupe cependant une place singulière dans ce corpus. L'abbé Boissier de Sauvages, professeur au Collège d'Alès est avant tout un scientifique menant nombre d'expériences naturalistes et géologiques – on loua postérieurement les principes newtoniens audacieux de son enseignement (3). Boissier de Sauvages publia d'importantes études sur la culture du ver à soie, rassemblées dans son Mémoire sur l'éducation des vers à soie en 5 tomes, (Nîmes, Gaude, 1763). Arpentant les Cévennes pour ses recherches naturalistes, il côtoyait quotidiennement les habitants du territoire dont la langue principale - et souvent unique - fournit la matière de son dictionnaire. Selon un témoignage oral rapporté par François Raynouard dans Le Journal des sçavans en 1824, « il choisissait toujours ses servantes dans les villages des Cévennes, où la tradition du vieux langage s'était le mieux conservée ».

La première édition du Dictionnaire languedocien-français (1756) constitue déjà une véritable entreprise lexicographique même si elle reste conduite dans l'esprit d'un manuel de « gasconismes corrigés ». En revanche la seconde édition, corrigée et augmentée par Boissier de Sauvages et parue en 1785, représente désormais un véritable dictionnaire de langue occitane réalisé à partir d'un patient travail de collecte de la langue parlée par les occitanophones des Cévennes et appuyé sur un sérieux travail de compilation des ouvrages et matériaux disponibles (glossaire de Godolin, premières éditions des troubadours, etc.). Dans son article consacré aux différentes éditions du Dictionnaire languedocien-français (AIEO, 1987, voir bibliographie), Claire Torreilles a notamment remarqué les relations qui unissaient Boissier de Sauvages avec l'abbé René Séguier qui avait produit un important lexique manuscrit du languedocien parlé dans les Cévennes (4).   

5. Critiques et réception de l'œuvre : 

Le cas du Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages fait débat, tantôt perçu dans la lignée des glossaires « patois », dévalorisant la langue occitane et destiné à corriger la prononciation et le vocabulaire français des « méridionaux », tantôt perçu comme une œuvre lexicographique pratique et non dépourvue de discours valorisant : 

« Ce livre était destiné à enseigner aux Méridionaux le français littéraire. Malgré cela et quoique l'ouvrage ne vise pas à être complet, il contient de précieux renseignements sur le dialecte languedocien au milieu du XVIIIe s." (Walther von Wartburg, à propos de l'édition (A), 1756 ; voir bibliographie). 

En réalité, il y a une évolution dans les buts poursuivis par Boissier de Sauvages entre son édition de 1756 et celle de 1785 au sujet desquels les interprétations divergent : « Il semble qu'il y ait une accélération de la dévalorisation [des langues dites régionales par rapport au Français] dans les années 1750-70. À titre d'exemple probant : le changement des finalités des dictionnaires occitans. Boissier de Sauvages qui, en 1756, avait encore attribué une importance pratique à son dictionnaire languedocien-français, modifie complètement la préface de la seconde édition de 1785 : la seule finalité qu'il admet à ce moment-là est celle d'utilité pour l'auto-correction linguistique des languedociens. » (Brigitte Schlieben-Lange, 1996, voir bibliographie). 

À l'opposé, d'autres auteurs remarquent dans la deuxième édition du Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages la formation d'un discours de défense de la langue d'oc : à propos du terme « patois », « L'abbé de Sauvages, dans son Dictionnaire, y consacre un article remarquable où il fait preuve d'une extrême lucidité quant aux connotations de ce terme. Il en perçoit d'abord l'aspect global puis celui de sous-langue, il écrit "c'est un langage dégénéré d'une langue plus parfaite" et il prend soin en suivant de distinguer le patois de sa langue : "il n'en est pas de même du gascon ou languedocien", et de s'étendre sur les causes sociolinguistiques de la situation de la langue. En citant d'autres auteurs, en l’occurrence M. de Vaissette et M. de Gibelin, il renforce encore son argumentation : "Le nom de patois ne peut convenir à une langue subsistante depuis plus de quinze cents ans" » (Marie-Anne Châteaureynaud, voir bibliographie).

Claire Torreilles a montré les différences fondamentales entre le projet (A) paru en 1756 et le projet (B) de 1785. La deuxième édition profite de dix ans de travail de compilation d'écrits occitans du Moyen Âge et de l'époque moderne. L'édition (B) répond à un véritable travail scientifique qui participe à une meilleure connaissance, de la part de Boissier de Sauvages, de l'ensemble occitanophone "d'Antibes à Bordeaux" et de la parenté directe entre la langue maternelle des Cévenols et la langue littéraire des troubadours et des grands auteurs occitans de l'époque moderne. Parallèlement, dans la période des trente ans qui sépare les deux éditions, la francisation des élites cévenoles s'est accélérée. Boissier de Sauvages inscrit son deuxième dictionnaire dans une perspective « patrimoniale ». Cette dimension patrimoniale sera d'ailleurs critiquée par une des grandes figures de la renaissance occitane en Cévennes, Gustave de La Fare-Alais, auteur de Las Castagnados (Alais, 1844) : « Les définitions y sont, en général, bien déduites, les classifications lumineuses ; les racines des mots, les étymologies, la marche de leur formation, tout cela est ingénieux et clairement exposé. (…) Mais plus on découvre de mérite dans cet auteur, plus on regrette qu'il se soit renfermé dans le rôle de grammairien français, alors qu'en imprimant une autre direction à ce même travail, il pouvait se faire le législateur suprême d'une langue à part, et lui donner une portée bien autrement utile à l'avenir littéraire du pays. » 

6. Postérité 

À l'occasion des projets de monuments à Florian et à Louis Pasteur, Raphélis de Brovès lance une campagne locale pour l'érection à Alès d'un monument à Pierre-Augustin Boissier de Sauvages, quelque peu oublié par les Alésiens à la fin du XIXe siècle.

Le monument à « l'abbé Pierre-Augustin de Sauvages », qui comprenait un buste en bronze sur un socle en pierre, est inauguré le 27 septembre 1896. Le projet est modifié en 1898 (exhaussement afin de dégager le buste de la masse du chapiteau). Le monument à Boissier de Sauvages était situé square Sauvages, rue de la Meunière, puis déplacé au Bosquet. 

Le buste a été enlevé et fondu lors de la Seconde guerre mondiale lors de la réquisition des matériaux non ferreux.

Sur la face latérale gauche du socle, une inscription en occitan (graphie de l'époque) : « l'obro laouzo lou mestre » (en graphie classique : l'òbra lausa lo mèstre = le travail récompense l'ouvrier), expression occitane que Boissier de Sauvages avait collectée et signalée dans son dictionnaire. 

Notes

(1) Louis-Mayeul Chaudon, Bibliothèque d'un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature, Avec les jugements que les critiques les plus impartiaux ont porté sur les bons ouvrages qui ont paru depuis le renouvellement des lettres jusqu'en 1772 par L.M.D.V. bibliothécaire de Mgr le Duc de **. - A Avignon : chez Antoine Aubanel et se vend chez J.P. Costard, 1772.

(2) Jean-Claude Bouvier, "Dictionnaires ou glossaires antérieurs au Tresor dóu Felibrige" dans : Mistral et la langue d'Oc, Aix-en-Provence, 1979.

(3) René André, voir bibliographie.

(4) « Le Dictionnaire languedocien de l'abbé Séguier », dans : www.occitanica.eu : coll. Estudis ; ressource électronique, 2013 [en ligne

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