Au sein de ma famille il y a, il y avait, des personnes, des personnages même, qui ont nourri mon imaginaire, mes obsessions et aussi influé sur la manière de créer mes spectacles.
Durant une période charnière entre l’enfance et l’adolescence, l’environnement familial a été le théâtre où jours après jours se jouait une pièce, dont les scènes aussi drôles que dramatiques, me hantent encore aujourd’hui.
Saga met en scène ce « Roman Familial » en revisitant les souvenirs des lieux et en convoquant les personnages et les situations qui composent les épisodes de cette trépidante vie passée. Ces scènes sorties tout droit d’un documentaire ou d’un film, révèlent la théâtralité de cette enfance vécue au cœur d’une bande d’adultes qui se laissait aller à leur instinct sans trop se soucier du lendemain ou même des conséquences de leurs actes.
Le récit est construit à partir de celui de mes proches et plus particulièrement celui de ma sœur, qui fût avec mon beau-frère la principale actrice de cette histoire. Au plateau quatre interprètes portent ce récit autobiographique ou inventé et ensemble nous ré-interprétons les évènements de ce passé raconté au présent et qui s’entremêle au passé revisité. Le va et vient entre la narration et les scènes rejouées rend compte du caractère tout à la fois euphorique, ludique, mélancolique et sombre de ces épisodes de vie théâtralisée.
Dans la pièce, la chronologie des évènements n’est pas respectée. L’espace de représentation est une zone d’ombre, celle de la mémoire, qui met en lumière certains évènements et concrétise des situations ou des scénarios vécus, tout en laissant la liberté de les transformer et de les éloigner de leur réalité. La mémoire opère par tris, sauts dans le temps, décalages entre le corps présent et le langage, sensations brouillées ou ellipses.
Chaque matériau, archives, vidéos, scénographie, lumière, corps, jeu d’acteur doit trouver sa place pour entrer dans la symphonie du souvenir. Il y a comme deux formes de partitions qui nourrissent le récit, celle de la parole qui est presque continue, dans le style d’une pièce radiophonique ; et celle du mouvement des corps qui s’étire, se décale et par moment se fige.
Dans cette masse mémorielle, la frontière entre la réalité et la fiction est ténue. Une dissociation s’exerce entre le corps et la voix, entre l’action et la parole afin d’être au plus près du regard porté par l’enfant sur ces évènements intemporels parfois déformés, exagérés, absurdes, et qui sont le miroir de notre identité. Chaque interprète apporte une part de son histoire à ce récit et renforce la teneur autobiographique de la pièce.
Au plateau cette mémoire prend aussi la forme d’une scénographie conçue et réalisé par Nadia Lauro qui la qualifie « d’animal-montagne en fourrure, présence gardienne de la mémoire et avaleuse de souvenirs. »
Jonathan Capdevielle
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