La bibliothèque de la Société de Port-Royal est une bibliothèque privée spécialisée dans l’histoire religieuse de la France moderne. La collection est constituée au cours du XVIIIe siècle par des fidèles du jansénisme. Passée de mains en mains, la collection est vendue et dispersée à la Révolution. C’est en 1802 qu’une société est fondée pour faire vivre le patrimoine et le souvenir du jansénisme et de Port-Royal des Champs. L’important fonds de livres et de manuscrits provenant de la collection de l’abbé Henri Grégoire a été transmis par son secrétaire, l’abbé Jean-Louis Rondeau puis par Gabriel Girard, prêtre de la paroisse Saint-Séverin. La Société Saint-Augustin, ancêtre de la Société de Port-Royal l'a reçu en 1840.
Le fonds de l’abbé Henri Grégoire conservé à la Bibliothèque de la Société de Port-Royal rassemble des imprimés et des manuscrits provenant de l'abbé révolutionnaire et représente une importante documentation sur la Révolution française. Les manuscrits du fonds Grégoire comprennent de nombreuses correspondances reçues par l’abbé Grégoire pendant la Révolution, dont une partie concerne l’Enquête sur les patois de 1790-1794, première grande enquête menée en France sur la situation sociolinguistique.
Modalités d'entrée :Legs
Accroissement :Fonds ouvert (le fonds s’accroît régulièrement de documents sur la Révolution française)
La Bibliothèque de la Société de Port-Royal conserve une grande partie des matériaux produits par l’enquête de l’abbé Henri Grégoire sur les « patois » entre 1790 et 1794. L’autre partie est conservée à la Bibliothèque nationale de France (BnF- Dpt des manuscrits - NAF 27981). Contenu :
- Ms. REV 222 : recueil factice contenant les réponses à la circulaire de l’abbé Grégoire.
- Ms. REV 223 : recueil factice contenant des pièces imprimées en « patois » envoyées à Grégoire en même temps que les réponses à la circulaire.
La plupart des documents réunis dans ces deux recueils ont été publiés par Augustin Gazier dans la Revue des langues romanes à partir de 1874 (t. V) puis en monographie : Augustin Louis GAZIER, Lettres à Grégoire sur les patois de France, 1790-1794 : documents inédits sur la langue, les mœurs et l’état des esprits dans les diverses régions de la France au début de la Révolution ; suivi du Rapport de Grégoire à la Convention… Paris : A. Durand et Pedone-Lauriel, 1880 (reprint : Genève : Slatkine, 1969). En revanche, Augustin Gazier n’avait pas connaissance du recueil BnF-NAF 2798, resté inédit.
Dates extrêmes :- réponses à l'enquête de l'abbé Grégoire : 1790-an III
- pièces justificatives : 1687-an II
Langues représentées dans le fonds :français, alsacien, basque, breton, occitan (tous dialectes), dialectes de langue d'oïl (berrichon, bourguignon-morvandiau, franc-comtois, picard, poitevin-saintongeais, wallon)
Importance matérielle :2 recueils factices : 100 + 22 ms.
Supports représentés :Manuscrits, imprimés
Ms. REV
Instruments de recherche disponibles :Sur le site de la bibliothèque
Répertoire national des bibliothèques et fonds documentaires (RNBFD)
Flamenca est un roman anonyme de 8095 vers octosyllabiques composé en ancien occitan vers le milieu du XIIIe siècle.
L'oeuvre raconte les amours de Guilhem de Nevers, jeune chevalier français doté de toutes les vertus physiques et morales, et de la belle Flamenca.
Le récit commence par la demande en mariage de Flamenca par Archambaut de Bourbon. Les noces sont célébrées avec faste à Nemours pendant huit jours puis suivent les festivités de l’arrivée de Flamenca à Bourbon. La description extraordinairement détaillée des fêtes de Bourbon, des danses, des musiques, des œuvres littéraires qui sont jouées, « le plus incroyable déploiement de culture vivante dont on puisse rêver » selon Yves Rouquette, ont fait de Flamenca un portrait exceptionnel de la société courtoise et ont pu lui donner l’image d’un roman historique.
L'Occitanie accueille au XIIe et XIIIe siècles, un renouveau littéraire initié par le duc d'Aquitaine et premier troubadour, Guillaume IX de Poitiers. Cet art du trobar, acquiert progressivement, et en langue d'oc, ses lettres de noblesse. Trobadors et trobairitz, leurs consœurs, chantent durant ces deux siècles qui constituent l'âge d'or de cette lyrique, fin'amor, joi et joven (amour raffiné, joie d'amour et jeunesse).
Le souvenir de ces poètes médiévaux est parvenu jusqu'à nous grâce à un ensemble de textes, appelés chansonniers, dont les principaux intitulés H et W sont respectivement conservés au Vatican (Rome) et à la Bibliothèque nationale de France (Paris). On conserve également des Vidas e Razòs, courts textes biographiques accompagnant les poésies et qui donnent quelques éclaircissements sur l'origine et l'existence de leurs auteurs. Ces écrits dressent la liste de pas moins de 2500 troubadours et d'une vingtaine de trobairitz.
Au regard de l'abondante œuvre laissée par leurs confrères masculins, les quelques chansons écrites par des trobairitz gévaudanaises semblent un bien maigre ensemble. Elles n'en demeurent pas moins un témoignage d'exception quant à la place des femmes de ce temps et de cette aire, l'Occitanie. Notons d'ailleurs l'importance, comparativement à l'ensemble d'une vingtaine de noms connus seulement pour tout le monde occitan, des trobairitz du Gévaudan, au nombre de quatre.
Contrairement à la prose des troubadours, celle des trobairitz, quantitativement moindre il est vrai face à un ensemble de plus de deux mille voix, fut longtemps reléguée au second plan. Le tournant des années 1970, à la faveur des différents mouvements féministes, puis les analystes contemporains ont permis de revenir sur ce pan de la lyrique troubadouresque, d'en étudier les particularités, l'origine de leurs auteurs... définir dans les faits s'il existe une voix féminine du trobar différente d'une langue que l'on pourrait dire "masculine".
Le portrait général des femmes que dressent les biographies des Vidas, est assez succinct. Rédigés bien souvent de façon postérieure à la mort de leurs sujets, ils sont dans le cas des trobairitz limités à quelques lignes, quand ces dames ne figurent pas uniquement dans la Vida oula Razò d'un troubadour qui fut l'un de leurs proches ou avec lequel elles dialoguèrent. A travers les vingt portraits de femmes connus, un portrait-type, que des sources nouvelles pourraient conduire à modifier, semble se dégager. Les femmes prenant la plume, furent principalement de noble extraction. En dépit d'une situation relativement privilégiées en Occitanie, espace qui leur accorde un certain nombre de droits, tel celui d'hériter, il est à noter que ces poétesses s'expriment en un temps, le Haut Moyen Âge, qui demeure peu favorable à la gent féminine. Avoir la possibilité de coucher sur le papier leurs idées et leurs « amours », puisque tel est le principal sujet de débat, demeure le fait d'une poignée de femmes socialement favorisées. Les thèmes qu'elles abordent sont communs à leurs homologues masculins : fin'amor, joi et joven y trouvent ainsi une place de choix, avec peut-être un regard et surtout, une posture dans l'échange amoureux, quelque peu différents.
Voix de femmes en Lozère
Hasard des sources ou véritable symbole d'une situation particulière à cet espace, le Gévaudan accueillit un quart des trobairitz répertoriées à ce jour, la plupart d'entre elles appartenant par ailleurs à la seconde génération des troubadours gévaudanais. La prudence demeure de mise face à cette production vieille de plusieurs siècles, et pour cela soumise aux aléas du temps et de la destruction. Ces trobairitz gévaudanaises sont donc au nombre de quatre : Almucs de Castelnou ou Almoïs de Châteauneuf (selon les commentateurs), Iseut de Chapieu ou Iseu de Captio, Azalaïs d'Altier et Na Castelloza, cette dernière s'installant en Gévaudan après son mariage.
Moins connues que leurs homologues masculins, dont Perdigon, auteur originaire de Lespéron, aux environs de Langogne (aujourd'hui administrativement située en Ardèche), ou Garin d'Apchier ; nous savons en définitive peu de choses des trobairitz de cette zone, dont peu de pièces et de maigres biographies constituent les uniques traces. Laissons de côté Azalaïs d'Altier, demoiselle issue de la noble famille du même nom et connue par son salut à Clara d'Anduze, pour étudier plus en détails ses trois comparses, très vraisemblablement contemporaines comme le suggèrent leurs écrits.
Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu
Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu sont principalement connues du fait des échanges épistolaires qu'elles entretinrent. Toutes deux sont originaires d'une région voisine.
Almoïs de Châteauneuf serait en effet issue de la famille de Châteauneuf-Randon, résidant dans le captium du même nom à quelques kilomètres de Langogne sur la route en direction de Mende, un château rendu célèbre par le chevalier Du-Guesclin mort à cet endroit. Nous la connaissons principalement par une courte biographie présentée dans le chansonnier H conservé au Vatican à Rome. Un acte d'hommage datant de 1219 et relatif au seigneur de Châteauneuf, le dénommé Guillaume, indique que la mère de celui-ci portait le nom d'Almoïs. Clovis Brunel et avec lui d'autres historiens, on fait depuis le rapprochement entre la trobairitz et la noble dame. (cf. TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982. Pp.67-70, et BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916).
Iseut de Chapiu ou Iseu de Captio. Les commentateurs voient en elle une dame de Chapieu, du nom d'un château situé alors sur le Causse de Mende et aujourd'hui en ruines. Trobairitz de la seconde génération également, elle aurait produit ses pièces entre 1187 et 1250 environ.
Dans le cadre de la tenson qui les réunit ( tenson = dialogue poétique), Iseut de Chapieu endosse le rôle de médiatrice entre Almoïs et son amant, dénommé Guigue de Torna ou de Tournel en fonction des commentateurs et qui fut peut-être, un parent de la demoiselle de Chapieu. Les seigneurs de Tournel portèrent en effet successivement les titres de Villaforti (de Villefort), de Capione (de Chapieu), leur préférant à compter du XIIIe siècle celui de Tornello (Tournel). (cf. Clovis Brunel, ibid.).
Le dialogue ouvert par Iseut se compose d'une seule cobla (couplet), précédée d'une Razò, fragments épars d'une œuvre possiblement plus vaste mais désormais perdue. Iseut prend la défense du sieur Guigue, accusé par sa maîtresse de trahison. Les échanges par leur tonalité suggèrent une proximité entre les deux femmes qui dépasse le simple échange épistolaire. Le langage s'y fait plus direct, le ton et le style en sont quoi qu'il en soit riches et soutenus.
Toute question demandant réponse, Almoïs prend à son tour sa plume afin de justifier sa position face à cet amant rejeté. Son couplet nous révèle un peu plus l'histoire amoureuse qui se trame derrière ces quelques lignes. Elle y engage son amant à demander pardon d'une faute, la tromperie, particulièrement mal perçue par la société occitane de l'époque. Nous ne possédons de cette dame qu'une œuvre unique, insuffisante pour connaître la finalité de cette médiation.
Na Castelloza
La vie et l’œuvre de Na Castelloza, originaire d'Auvergne, est dans les faits liée au Gévaudan et à ses poétesses qui furent ses contemporaines et ses interlocutrices. Dans « Ja de chantar non degr'aver talan », elle entame ainsi un dialogue avec une « Dompna N'Almueis », qui ne serait autre que la dame de Châteauneuf.
Mariée à Turc de Mairona, de Meyronne en Gévaudan (Haute-Loire), Na Castelloza a laissé à la postérité au moins trois écrits. Contrairement à la position de la Domna, dominatrice et indépendante, adoptée notamment par Almoïs de Châteauneuf, elle laisse pour sa part le portrait d'une dame soumise et implorante vis-à-vis de son amant.
La littérature médiévale en Gévaudan fut comme ailleurs en Occitanie, particulièrement florissante durant l'âge d'or du Trobar. De ces troubadours demeurent quelques images, chansons et des noms, liés aux domaines de ces seigneurs et poètes.
Petite anthologie des écrivains lozériens de langue d'oc. [Mende] : s.n., impr.1982.
ANATOLE, Christian, "Las trobairitz" in Lo Gai Saber n°394, avril 1979.
BEC, Pierre, Chants d'amour des femmes-troubadours. Paris, Stock, 1995.
BOGIN, Meg. Les femmes troubadours. Paris, Denoël/Gonthier, 1978.
BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916.
GIRAUDON , Liliane, ROUBAUD, Jacques. Les Trobairitz. Les femmes dans la lyrique occitane. Paris,Action poétique, 1978.
LAFONT, Robert ; ANATOLE, Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, P.U.F. 1970.
NELLI, René, Ecrivains anticonformistes du moyen-âge occitan. La femme et l'Amour. Anthologie bilingue, Paris, Phébus, 1977.
REMIZE, Félix. Biographies lozériennes : les noms célébres du pays de Gévaudan. Le Coteau-Roanne, Horvath, 1989.
SOUTOU, A. « L'enracinement des troubadours : Bertran de Marseille et le terroir de Ste-Enimie (Lozère » in Annales de l'Institut d'études occitanes 0180-4200 ; N° 18, 1954. Pp. 29-33.
TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982.
VASCHALDE, Henry. Histoire des troubadours du Vivarais et du Gévaudan. Paris, Maisonneuve et Ch. Leclerc, 1889.
Gargantua est ce héros gigantesque et légendaire, parcourant la France au fil des chroniques, et dont s'inspira Rabelais pour créer le personnage de ses récits littéraires (La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme, 1534).
Ce personnage mythique possède des caractéristiques le rendant facilement identifiable, et qui le rapprochent d’une autre figure « d’homme sauvage », Joan de l’Ors. Ces géants ont un appétit redoutable, et une barbe fournie. Gargantua se remarque également par sa maladresse et son tempérament nomade. La légende veut qu’il ait parcouru la campagne, transformant les paysages sur son passage, au gré de ses repas (et de ses déjections), de dépôts laissés par ses bottes, de cailloux lancés par jeu… Il lui arrive même de tarir des rivières lorsqu’il a soif ! Cet appétit incroyable illustrerait l'appétit de vivre marquant la période qui suit les difficultés de la peste et de la guerre de Cent Ans (fin du XVe siècle - début de XVIe siècle). Maladroit mais jamais intentionnellement méchant, Gargantua est un héros populaire, un ripailleur dont les aventures, parfois scatologiques, font rire le grand public de l'époque. Les récits légendaires sur sa naissance rapportent qu’il serait né de personnes de tailles inférieures à la moyenne, et qu’a contrario il aurait eu une très forte croissance. Rabelais quant à lui affirme que son personnage de Gargantua serait né un 3 février (et d’autres auteurs le pensent aussi), en sortant de l’oreille gauche de sa mère. Cette date de naissance, et son caractère absurde, le rapproche de carnaval dont les récits de Gargantua partagent déjà la fonction cathartique.
Si la ville s’attribue Gargantua comme héros fondateur, en s’appuyant certainement sur les propos de Felix Viallet, cela est dû en partie à un épisode légendaire qui s’y serait déroulé. Fait assez rare, le sang de Gargantua y aurait coulé, des suites d’une blessure au doigt, colorant ainsi les terres environnantes. Mais il ne faut pas oublier que la ville de Langogne, à la fin du XVe siècle est un carrefour commercial, possédant une foire réputée et attractive. Elle reçoit ainsi cette littérature de colportage dont Gargantua est l'un des « best-seller ». Il faut toutefois attendre le XIXe siècle pour voir apparaître la tête géante de Gargantua dont les cartes postales anciennes de Langogne perpétuent le souvenir. Celle-ci est exhibée dans le cadre du cortège de chars fleuris qui défilent dans la ville. Monumentale, elle mesure environ trois mètres cinquante. Elle est également articulée, ses yeux et sa bouche semblent s'animer et convier les habitants à la fête. Mais n’oublions pas que Gargantua n’est pas le héros d’une région en particulier, tant les récits de colportage lui font parcourir et transformer les paysages de France.
Bien qu’elle soit issue d’une littérature principalement orale, la légende de Gargantua continue encore à vivre aujourd'hui. C’est par exemple le cas en Lozère, dans la ville de Langogne (« le pays de Gargantua »), où le géant est fêté depuis 1884. Et si les sorties de « Gargantua » du 1er août ont été suspendues aux alentours de 1978, sa tête est ressortie une première fois en l‘an 2000 et reprend depuis part aux processions des chars carnavalesques. On remarque aussi à Langogne la création récente de la confrérie du Manouls Langonais de Gargantua, qui met en lumière cette spécialité culinaire d'abats de mouton et de veau (les manouls), mais aussi la confiserie appelée « la Gargantille ». Et depuis le 7 avril 2000, Langogne détient le record du monde de la saucisse la plus longue : 23 160 m exactement, une nouvelle fois en hommage à Gargantua.
Les premiers récits de littérature orale sur la figure de Gargantua et des géants en général se constituent en France à partir du Moyen- Âge, pour enfin connaître un vrai succès au XVIe siècle. Le nombre de chroniques orales augmente, ainsi que celui des ouvrages écrits, à la suite de Rabelais. En 1675, paraissent ainsi Les Chroniques du Roy Gargantua, cousin du très redouté Gallimassue et en 1715, est publiée la Vie du fameux Gargantua, fils de Briarée et de Gargantine. Aujourd’hui, la légende de Gargantua se perpétue différemment, en accord avec les modalités actuelles de partage des connaissances. On trouve ainsi des sites internet qui lui sont dédiés, et il existe même sur Facebook un #Gargantua.