Originaire de l’Ariège, Raoul Lafagette est un homme de lettres très attaché à ses racines, en atteste sa bibliographie : Chants d’un montagnard (1869), Pics et vallées (1885), Symphonies pyrénéennes (1897). Il s'intéresse donc tout naturellement à la question régionaliste et par conséquent au Félibrige : La Renaissance romane (1890), Les visées du Félibrige (1896), et La Grande Lorraine (1908), pièce de théâtre historique. Il est l’ami d’un grand nombre de personnages importants de l’époque : Victor Hugo, Leconte de l'Isle, Émile Pouvillon, Alphonse Daudet, Frédéric Mistral, Auguste Fourès et Prosper Estieu. Ces nombreuses amitiés sont parfois abordées dans sa correspondance avec Frédéric Mistral.
La lettre du 11 juin 1886 met en avant plusieurs aspects intéressants de la vision de la poésie de Mistral mais est également fort représentative du type de rapport qu’entretiendront Frédéric Mistral et Raoul Lafagette. Ici, Mistral commence d’abord par féliciter Lafagette pour son Pics et vallées : “vos vers nerveux et colorés ne sauraient être mieux frappés, ni plus sonores”, mais bien vite leurs différences d’opinions politiques et poétiques surviennent : “la politique n’a rien à voir avec la poésie”. En effet, ces divergences d’opinions sur l’apport du politique dans le poétique reviendront souvent au sein de leur correspondance. On remarque également dans cette lettre l’opinion sur la langue à employer en poésie pour Mistral : “or la nature du midi ne chantera jamais, libre et naïve, que dans la langue qu’elle s’est faite. Une poésie arabe, une poésie indienne, m’en dira toujours plus sur l’Inde ou l’Arabie que les plus purs chefs-d’œuvres de Hugo ou de Leconte de l’Isle”. Mistral se veut en permanence recentré autour d’ambitions simples et réfute une nouvelle fois toute prétention politique qui pourrait lui être accordée : “Que vient-on nous parler révolution, évolution, et avatar etc! Est-ce que ça nous regarde, nous paysans et pâtres”. Enfin, cette lettre contient également une évocation intéressante d’Émile Zola : “mais Zola, le grand apôtre du réalisme, pousse inconsciemment la roue du Félibrige : car faire parler son monde comme dans la vie réelle, c’est la visée du naturalisme, et le Félibrige ne fait pas autre chose.” En effet, bien que Mistral soit retenu comme un auteur apparenté au romantisme, il est intéressant de voir qu’il ne manquait pas de se rapprocher d’un auteur naturaliste.
La lettre du 28 octobre 1902, nous permet d’observer une partie des rapports entre Frédéric Mistral et le monde du théâtre. Ici, Lafagette cherche à faire jouer sa pièce récemment achevée La Grande Lorraine, au théâtre d’Orange et demande pour cela son parrainage à Mistral. Celui-ci refuse cependant, car il est “absolument étranger à la direction et à l’organisation du théâtre d’Orange”, puisqu’elle revient à Paul Mariéton. De plus, Mistral ne possède aucune influence sur ses choix de programmation : “trois ou quatre dramaturges m’attribuant une influence particulière, m’ont déjà prié de les présenter à Mariéton et ma présentation n’a pas réussi du tout.” Il est également question du fait de jouer à Orange la Rèino Jano ce que Mistral n’approuve pas : “je n’y tiens pas du tout, il faudrait, pour avoir chance de réussite, des conditions de décor et d’acteurs fort difficiles à rencontrer”. Il est également intéressant de relever que dans une lettre à Prosper Estieu du 12 janvier 1903 Mistral dit qu’il n’a “pas la pretencioun d’èstre critico teatrau”.
Achille Mir (1822-1901) est un poète et fabuliste originaire de Carcassonne. L’auteur, comme beaucoup de ses confrères alors, écrit d’abord en français puis se tourne rapidement vers la langue d‘oc. Son premier poème occitan, La Bigno, est écrit en 1863. Mir l’envoie au Concours de la Société Archéologique et Littéraire de Béziers et le fait paraître dans la revue Les Muses du Midi. Il est alors remarqué par Mistral. En 1874, Mir adresse une première lettre au poète de Maillane qui lui répond bien vite, s’ensuit alors une correspondance de plus de 30 ans au sein de laquelle apparaît très rapidement une franche et sincère amitié entre les deux hommes. Mir sera l’un des principaux contributeurs en terme de lexicographie carcassonnaise au dictionnaire occitan de Mistral : Lou Tresor dóu Felibrige
Cette lettre de Frédéric Mistral à Achille Mir datée du 10 mars 1874 et envoyée depuis Maillane est un bon exemple du type de rapport qu’entretenaient les deux auteurs.
Sur cette lettre apparaît d’abord clairement l’estime de Mistral : “vous êtes un poëte certainement, vous avez (...) une profonde connaissance du riche dialecte carcassonais”. Cette estime se base donc tout autant sur la qualité littéraire de l’auteur que sur sa grande connaissance de sa langue. Cependant, aux yeux de Mistral l’écriture de Mir n’est pas exempte de tout reproche : “il faut, si l’on veut exister, affirmer carrément son existence en reprenant les traditions de notre littérature nationale. Il faut expulser hardiment tous les gallicismes”, en effet certains littérateurs de l’époque reprochaient à Mir une graphie et des choix lexicaux parfois trop proches du français, ce qui explique, encore aujourd’hui, le manque d’étude en profondeur, ayant été portée sur son œuvre. La lettre se termine enfin par la demande d’expressions locales de Mistral : “Je termine un grand Dictionnaire de tous les dialectes du midi. Vous seriez bien aimable de me faire une liste des mots que vous croyez particuliers à Carcassonne” qui prouve que le Tresor dóu Felibrige était alors bien avancé, et que l’aide de Mir a bien été sollicitée.
Epreuves annotées des 33 premiers chapitres de La Genèsi, traduite en occitan par Frédéric Mistral.
Cette oeuvre a fait l'objet d'une publication par chapitre, chaque années entre 1868 et 1908, dans l'Armana Prouvençau sous le pseudonyme de Gui de Mount-Pavon. Au final, elle comporte en tout 50 chapitres. La publication en un volume s'est faite en 1910.
Etudes et éditions des correspondances de Valère Bernard et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances d'Ulysse Boissier et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Prosper Estieu et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances d'Auguste Fourès et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Charles Guérin et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Raoul Lafagette et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Ludovic Legré et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Charles-Amédé Mager et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Stéphane Mallarmé et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances d'Achille Mir et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Joséphin Péladan et Frédéric Mistral
Etudes et éditions des correspondances de Philadelphe de Gerde et Frédéric Mistral