Chronique écrite à la suite du concert du groupe Asondar a l'Ostal d'Occitània (Toulouse), le 23/02/2017.
(photo Ostal d'Occitània / La Topina)Asondar : inonder. Mot à mot « recouvrir par les ondes », avec toutes les acceptions du terme. Ou bien « se déverser » : le trop-plein d'un cours d'eau, ses débordements, ses emportements, comme ceux d'une culture trop riche. Nos oreilles pourront y entendre aussi « Al son d'ara », au son et au diapason d'aujourd'hui, et elles ne s'y tromperont pas tant le groupe Asondar ressemble à son époque. Avec seulement 4 musiciens Asondar nous fait déjà faire un bon demi-tour de planète : Bretagne, Corse, Turquie, et bien sûr Occitanie, sans doute le point de rencontre de tout ce petit monde. Derrière l'apparente jeunesse du quatuor apparaissent les voyages personnels de chacun : il s'agit de Dupain, Du Bartàs, la Kreiz Breizh Akademi et Erik Marchand, Laf Duo, Bayati, Jacky Molard, Bijan Chemirani ou encore Carlo Rizzo, autant de références de prestige qui placent la musique d'Asondar dans ce nouveau paysage des musiques traditionnelles débarrassées d'une certaine tradition, mais profondément ancrées, terrestres, ethniques. La liberté du jazz, de l'improvisation, le dialogue à quatre : Asondar permet à chacune de ses composantes d'exprimer son plein potentiel au service du collectif, dans un jeu permanent où chacun va tirer l'autre vers ce qui lui est propre et cher, pour l'offrir au partage.
Le flûtiste
Gurvant le Gac est à l'image du groupe : semblant être fait du même bois que ses instruments, il garde les pieds accrochés au sol alors que tout le haut de son corps se meut, ondule et s'élève lentement sans jamais quitter sa place. Oscillant entre la terre et le ciel, sa musique jaillit continuellement. On y voit là des traces de la Sòrga de Dupain (2015), groupe que Gurvant le Gac rejoignit pour développer ce répertoire : la même force brute et sensible, ce même folk progressif entêtant.
Thomas Lippens, le percussionniste « maison », suit les envolées mélodiques : rodé aux danses exaltées et exaltantes de la Méditerrannée (farandole, tarantelles...) il sait marquer d'un coup de cymbale résonnant tel un gong le début de la transe, lorsqu'après s'être cherchés, reconnus, jaugés, les musiciens s'emportent vers d'autres hauteurs dans un tourbillon qui retombera plus tard, plus loin, lent et calme.
Une force puis un calme maintenus et soulignés à demi-voix par
Pauline Willerval. A demi-voix et à demi-violoncelle, les deux se rejoignant souvent : on sait la ressemblance du son de l'instrument avec celui de l'organe humain. Avec le bruit de certains éléments naturels aussi, et la musicienne passera régulièrement de la rythmique de cordes à la douceur mélodico-mélancolique de la gadulka, une vielle à archet bulgare, colorant l'ensemble d'airs turcs, des Balkans ou du bassin méditerranéen.
Au cœur du groupe et du projet, Titouan Billon, musicien poly-instrumentiste qui n'use ici que de sa voix, tout à la fois jeune et incroyablement forte et assurée, et que l'on avait déjà pu apprécier dans Du Bartàs ou encore Lo Barrut. De son expérience poético-polyphonique, il en a gardé l'amour pour les mots de Léon Cordes, surtout ceux de la terre, qu'il se plaît à chanter, déclamer, lancer à la volée. Ce sont eux qui « asondan » régulièrement le concert, en constituent le cœur, avec d'autres, de traditionnels revisités, voire recréés.
Folk progressif, jazz digressif, avec une base traditionnelle très assurée, à tel point que les musiciens finissent par redécouvrir, presque à leur insu, des liens cachés entre les répertoires et apprennent petit à petit à les exploiter et les porter en commun avec des spécificités qui ne sont à aucun moment des différences.
L'ensemble, pas si hétéroclite, prend le temps de se construire, de se créer sous nos yeux et dans nos oreilles à force de boucles rythmiques et mélodiques d'où s'échappent par à-coups des petites improvisations et variations personnelles. Asondar progresse par vagues, frêles mais sûres, un va-et-vient constant qui donne l'impression d'à peine nous effleurer alors même que nous sommes déjà, sans l'avoir senti venir,...asondats.
Asondar sort de résidence de création au Chantier à Correns (Centre de création des nouvelles musiques traditionnelles & musiques du monde) et font partie du Collectif marseillais FeM, qui devrait livrer d'autres surprises et créations de haute volée dans les années à venir.