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Lo jòc de bala al tambornet
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Un caillou, puis une balle, une main, puis une raquette... au fil des siècles et de par le monde, les hommes ont créé tout un panel de jeux dits de paume. Le tambornet, jeu traditionnel du Languedoc figure dans cette grande famille. Comme la plupart des sports traditionnels, sa pratique a évolué avec le temps afin de coïncider avec les pratiques culturelles et sportives modernes. Jeu typique du Languedoc, il s'est depuis développé hors de ses frontières naturelles au gré des migrations et des rencontres avec d'autres jeux de paume similaires. Au cours du XXe siècle, sa pratique connaît successivement un essoufflement avant que l'action de différents passionnés, dont l'auteur occitan d'Argelliers, Max Rouquette, ne concoure à un renouveau et à une restructuration de ce sport.

Du jeu de paume au jeu de tambourin

Naissance et évolution

Des jeux de balles de l'Antiquité jusqu'au jeu de paume

Le jeu est pour l'homme, tant un défouloir qu'un mode d'apprentissage. Réflexes de chasse ou de guerre, éléments de sociabilité et de dépassement de soi... on trouve trace de jeux de types divers dès les plus hauts temps de l'humanité.

Le pourtour méditerranéen voit ainsi très tôt apparaître différents jeux pratiqués à même la main, d'où la dénomination de jeu de "paume" : Égypte, Grèce, Empire Romain, les grandes civilisations de l'Antiquité ont toutes laissé des témoignages de pratiques diverses, telles les sources peintes de Beni Hassan en Égypte (cf. Rouquette, Max. Le Livre du Tambourin : un grand sport international en plein essor, Montpellier , CRDP, 1986. p.12 ). Le jeu de paume semble pénétrer en France via le monde romain. Dès lors, le jeu se développe progressivement dans les différentes régions du Royaume, que ce soit dans l'évêché de Rouen ou dans la province du Languedoc.

C'est à compter du XIVe siècle que ce sport apparaît dans les sources écrites. L'humanisme de la Renaissance, prônant le principe d'un "esprit sain dans un corps sain", porte un nouvel éclairage sur le jeu de paume. Pétrarque l'évoque dans son De remediis ultriusque fortunae (1320-1336), tout comme le médecin de Padoue, Mercurile (De gymnastica). Tous souligne les apports de cette pratique, combinant adresse et réflexion. Les jeux de paume, dans le sens de "jeux de balles", se développent ainsi dès l'origine tant auprès des élites, qu'auprès d'un plus large public.

La naissance d'un sport occitan : langue et coutumes d'une région

Les jeux de balles ou jeux de paume, présentent en France une grande variété de formes fonction des régions qui les pratiquent. Le Pays Basque a sa pelote (basque), le Languedoc son tambornet

 Le jeu de balle au tambourin appartient à la branche des jeux de longue-paume, une forme pratiquée en France depuis le Moyen Âge (cf. GUIRAUD, Christophe. Espaces sportifs et usages sociaux : étude comparative de l'implantation du rugby et du jeu de balle au tambourin dans le département de l'Hérault.  Paris, Institut National du Sport et de l'Education Physique, 1985. P.159). D'une branche commune, le jeu s'est ensuite adapté à son environnement, proposant un ensemble de règles spécifiques et un lexique original, produit dans la langue alors maternelle de cette région, l'occitan.

Les origines de ce sport progressivement passé dans la sphère populaire et le monde rural, notamment viticole, demeurent sujettes à caution. Face à l'insuffisance des sources concernant ce sport, de nombreuses hypothèses furent ainsi formulées, notamment la voie italienne du fait d'une similarité entre le "tambournet" et le "tamburello". Cette piste fut toutefois abandonnée. Le Tambourin a indéniablement une origine locale et demeure aujourd'hui comme hier le témoignage et le vecteur de la culture occitane régionale.

Principe et règles

Principe du tambornet

Le jeu de balle au tambourin est un sport individuel joué en équipe. (cf. Max Rouquette. Ibid. P.13). À l'instar des jeux de double dans un match de tennis, chaque individu joue seul face aux membres de l'équipe adverse. Au gré des évolutions et des codifications, le jeu de balle au tambourin a vu ses règles et son matériel évoluer, concourant à la création d'un sport qui tout en appartenant à part entière à la grande famille des jeux de paume, possède des caractéristiques propres qui le différencient.

Dans sa forme moderne, lo tambornet voit s'affronter deux équipes de cinq joueurs chacune sur un terrain de 80 mètres de longueur sur 20 mètres de largeur. Les équipes se font face de part et d'autre d'une ligne médiane tracée au sol, la « Basse ». Le principe du tambourin consiste à renvoyer dans le camp adverse, une balle. Celle-ci, en caoutchouc d'un diamètre réglementaire de 61mm, a aujourd'hui remplacé les balles faites en peau ou vessie d'animal. Chaque équipe compte deux cordiers, placés devant, un tiers placé au centre, et deux joueurs de fond, l'un ayant également pour mission d'engager le jeu, c'est le "batteur". Chacun des joueurs est doté d'un tambourin "classique", dont le format et l'apparence s'apparente à celle de l'instrument de musique.

L'apparition de cet outil est le fruit d'une réflexion ayant conduit à l'utilisation successive du battoir en bois des lavandières, puis celle d'un brassard, cylindre de bois tenu par le joueur à l'aide d'une poignée transversale. Le brassard est mentionné une première fois dans les sources écrites au cours du XVIe siècle (GILLAND, G. Histoire de Gignac de son origine à nos jours. Maurin-Lattes : Impr. du Paysan du midi, 1977. P.16). De nos jours, et depuis le XIXe siècle, le jeu se pratique à l'aide d'un tambourin tendu de tissu synthétique le plus souvent mais parfois encore, fait en peau de chèvre.

Un lexique natif en occitan

 Adaptation régionale dans sa forme de l'universel jeu de paume, le jeu de balle au tambourin est également languedocien par son lexique, l'occitan, langue maternelle des joueurs durant les siècles où se formèrent les principes et règles de ce jeu. Certains de ces termes ont depuis été traduits voire transposés en français. Demeure malgré tout un important lexique en occitan relatif à ce jeu, dont voici pour exemple quelques éléments et leur explication :
Alandar : faire voler la balle très haut.
Aquet : moitié du terrain qui fait face à la batterie.
Aquetar : reprendre la balle venue du battoir.
Arescle : cercle de lamelles concentriques en bois de mûrier qui constitue l'armature sur laquelle est tendue et clouée la peau parcheminée.
Aterrar : faire courir la balle sur le sol.
Bassa : ligne médiane des cinquante mètres ; se dit aussi d'une balle qui, à la mise en jeu par le batteur ne franchit pas cette ligne.
Bateure : battoir; batteur.
Ceuclar : se dit d'une balle qui dévie dans sa course en décrivant une courbe sur un plan horizontal
Clavels : clous: les clous de fer, fines pointes ; les clous de cuivre à tête large et arrondie servant à fixer les lanières de cuir de couleur.
Clausa : se dit d'une balle qui franchit la ligne de fond adverse; se dit aussi de cette ligne.
Corda : ligne des joueurs d'avant. Ils sont trois.
Cordiers : joueurs d'avant. Celui du milieu porte le nom de tiers.
Crosar : jouer en diagonale.
Dalhar : littéralement « faucher » se dit du joueur qui, par un geste de faucheur, envoie la balle en faute du côté opposé à la main qui joue.
Desclavetat : se dit du tambourin dont la peau cesse d'être tendue par le relâchement des clous ou déchirure des bords de la peau.
Detibat : détendu, se dit d'une peau insuffisamment tendue ou détendue par l'humidité de l'atmosphère
Fanabregon : micocoulier ou alisier sont les arbustes qui fournissent les manches légèrement flexibles des battoirs.
Freta : nom de la muraille qui fermait un des grands côtés du terrain et dont l'action sur les balles était admise à une certaine époque.
Jaça : emplacement marquant l'arrêt d'une balle après son premier bond ; ou son point de sortie du jeu, quand elle ne peut plus être rejouée.
Joc : jeu, nom du terrain; du jeu dans son ensemble. C'est aussi le cri du batteur lorsque, après les balles d'essai auxquelles il a droit, il annonce que la balle qu'il va lancer comptera pour la partie.
Marca : bâton de couleur servant à indiquer l'emplacement d'une jaça.
Marcaire : marqueur, celui qui jalonne les jaçes ou chasses
Pauma : balle
Pelh : désigne ici la peau de chèvre parcheminée
Riban : lanières de cuir rouge, vertes ou bleues servant à cacher les bords de la peau et ornementer le tambourin.
Tambornet : désigne à la fois l'instrument de jeu et le sport qu'il désigne
(Cf. Max Rouquette, ibid).

La "langue" du jeu de balle au tambourin est également porteuse de nombreuses références au monde agricole qui s'expliquent par le contexte principal de pratique de ce sport, et nous renseignent ainsi sur des usages et un vocabulaire aujourd'hui disparus ou peu usités. La transposition de ce vocabulaire vers le français s'est faîte dans le sens d'une transmission du jeu et de ses règles vers les personnes extérieures à ce "milieu" (cf. Guiraud, Christophe. Ibid. P.160). Durant des siècles, le jeu de balle au tambourin n'avait pas présenté de règles réellement uniformisées. Alors que la pratique tend à s’essouffler au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le jeu se modifie, se codifie, au gré des rencontres et des échanges avec son voisin transalpin, le tamburello, et grâce à l'action de divers pratiquants et militants du monde occitan.

Une pratique entre tradition et modernité

Le tournant du XXe siècle

Les premières décennies du XXe siècle annoncent un tournant dans la pratique du tambornet. À l'instar de bien des sports traditionnels, le jeu de balle au tambourin va au cours de ce siècle conjuguer entre modernité et traditions, en miroir des évolutions qui touche le monde sportif en général, un monde qui se professionnalise et s'organise autour de fédérations et de clubs.

Naissance des premiers concours et fédérations

Le tambourin d'avant 1914-1918 est encore organisé sur un mode traditionnel. Les premiers concours à audience régionale se mettent en place et sont alors principalement situés dans la vallée de l'Hérault. Le tambornet, jeu populaire pratiqué au cœur de la communauté villageoise sur les grandes places, accompagne alors bien souvent les jours de marché et les fêtes patronales, temps forts de sociabilité comme le confirment des documents d'archives relatifs à cette période pour Montpellier.(Guiraud, C. Ibid. P.240).

Le jeu de tambourin connaît au XXe siècle une très grande popularité, mais demeure encore très peu organisé, ses règles pouvant évoluer d'un village à l'autre. Au cours des premières années du XXe siècle une double dynamique se met en place notamment portée par les membres du Félibrige, conduisant à une plus grande uniformisation des règles et voyant l'apparition de championnats réguliers.

En 1909 naît du côté de Pézenas, un premier concours opposant les équipes des villages alentours. Fautes de règles communes, le tournois se déroule alors dans le respect de celles proposées par l'équipe organisatrice. Les années 1920 sont pour leur part marquées par l'apparition conjointe d'un concours nouveau, initié par le journal royaliste l'Éclair, et d'un premier championnat du Languedoc de jeu de balle au tambourin ouvert aux équipes des concours rivaux. Les rencontres sont largement commentées dans le journal, le sport devenant le support des idées régionalistes de ce média. (cf. Guiraud, C. Ibid. P.124). Parallèlement, et dans ce même contexte de réflexion sur la dimension "méridionale" de ce sport, prend forme une première fédération en 1923, créée par des membres de la bourgeoisie montpelliéraine. La fédération compte à sa naissance dans ses rangs trois félibres : André Pagès, Hyppolite Arnaud et Adrien Fédières. Le sport se codifie, poèmes et chants sont créés sur ce sujet nés de l'implication félibréenne. Mais cette première fédération ne résiste pas à la véritable crise et désaffection qui secoue la pratique du Jeu du Tambourin dans les années 1930 (cf. Max Rouquette. Ibid).

Max Rouquette : porteur d'un renouveau

Un renouveau s'opère toutefois quelques années plus tard, grâce à l'initiative du poète et militant occitan Max Rouquette, originaire d'Argelliers et lui-même joueur passionné de ce sport. L'écrivain prend acte des défauts apparents de ce sport. Il souligne ainsi le manque d'organisation de la pratique, qui, en dépit de la naissance conjointe de différents championnats et d'une première fédération, n'est pas parvenu encore à se structurer. Face aux progrès constant du nombre de licenciés dans les sports collectifs venus d'outre-manche dans la région, Max Rouquette souligne le manque de communication autour du tambourin. Afin de palier à ses insuffisances, naît une seconde fédération en 1938, la Fédération Française du Jeu de Tambourin. Opérations de communication et de diffusion du sport vont au cours des années qui suivirent, se conjuguer avec la rencontre enrichissante du cousin italien, le tamburello.

Les échanges interculturels

C'est au cours d'un voyage transalpin durant l'année 1954, que Max Rouquette prend connaissance du tamburello, jeu de paume italien présentant d'importantes similarités avec le tambornet occitan. Les italiens utilisent dans la pratique de leur sport, un tambourin tendu d'une peau de mulet ayant pour principal avantage de ne pas se déformer par temps humide, au contraire de la peau de chèvre. L'autre particularité du tamburello consiste en sa poignée, alors inexistante sur les tambourins français. La pratique confirme la supériorité et la maniabilité de l'instrument italien, qui s'impose progressivement sur les terrains de jeu français. Les tambourins sont depuis 2005 conçus en France, suite à la création d'une fabrique, LOUJOC, à Balaruc-les-Bains par des étudiants en BTS. Elle s'est depuis installée à Gignac, centre d'accueil de la Tambourithèque, qui dévoile l'histoire du sport.

Ces rencontres entre tamburello et tambornet impulsent une dynamique nouvelle. La pratique elle-même et les règles évoluent de concert pour s'adapter aux usages contemporains. Le synthétique remplace peu à peu la peau de bête. Surtout, les terrains diminuent de taille, accélérant le rythme du jeu; la règle des chasses est abandonnée : le jeu se codifie et s'ouvre à de nouveaux publics. La compétition elle-même voit ses frontières repoussées. Championnats départementaux ou régionaux, cohabitent avec des concours mondiaux voyant s'opposer des joueurs français et italiens, mais également Allemand, Écossais, Brésiliens...au gré des migrations de population et de l'implantation locale de nouvelles équipes séduites par cette forme de jeu de paume (cf. Gilland G. Ibid. P.19).

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Vidèoguidas del Lauragués

Al sègle XIX, lo Castèlnòudarrienc Auguste Fourès conta sa vila e sas riquesas. Un poèta e autor occitan que sa vida foguèt tan trepidanta coma sa mòrt foguèt singulara.

Fa qualques annadas que Castèlnòu d’Arri vos convida a la Fèsta del Caçolet, mas quina es l’istòria d’aquel plat mitic e legendari ? N’es la capitala Castèlnòu d’Arri ? Lauragués s’enorgulhís tanben d’una autra produccion rara e preciosa, que la cultura e la transformacion demandan paciéncia e precision : lo pastèl.

Aquelas videoguidas d'animacion foguèron realizats en 2014 dins l'encastre del projècte e-Anem, finançat pel FEDER en Lengadòc-Rosselhon.

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Flamenca : Lo cap d'òbra desconegut
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
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Flamenca est un roman anonyme de 8095 vers octosyllabiques composé en ancien occitan vers le milieu du XIIIe siècle.
L'oeuvre raconte les amours de Guilhem de Nevers, jeune chevalier français doté de toutes les vertus physiques et morales, et de la belle Flamenca.
Le récit commence par la demande en mariage de Flamenca par Archambaut de Bourbon. Les noces sont célébrées avec faste à Nemours pendant huit jours puis suivent les festivités de l’arrivée de Flamenca à Bourbon. La description extraordinairement détaillée des fêtes de Bourbon, des danses, des musiques, des œuvres littéraires qui sont jouées, « le plus incroyable déploiement de culture vivante dont on puisse rêver » selon Yves Rouquette, ont fait de Flamenca un portrait exceptionnel de la société courtoise et ont pu lui donner l’image d’un roman historique.

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Frontières et imaginaire(s)
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
"L'affrontement binaire supposé par l'existence de la frontière ne doit donc pas masquer la difficulté à penser cette limite qui, toujours entre deux, devient alors une source d'imaginaire et de mythes." J.Duclos, 2004.

"Les frontières n'ont de sens que pour les populations qui croient en leur existence ou encore pour les populations qui ont appris à y croire. Henri Velasco, 2004.


Les Corbières furent durant des siècles la frontière entre deux royaumes fréquemment en guerre durant le Moyen Âge et à l'époque moderne et qui se firent face de part et d'autre, au moyen de leurs forteresses respectives.

 

I/ Naissance de la frontière : figuration et conception, entre opposition et échanges

Une des caractéristiques premières de la frontière établie à Corbeil est de cristalliser les revendications et les antagonismes sur une barrière naturelle, le relief collinaire escarpé des Corbières. Historiquement, des limites ethniques et culturelles se profilent d'ailleurs déjà à cet endroit dès la proto-histoire. C'est une zone de marche, c'est-à-dire de transition, qui sera confirmée par les peuplements et l'histoire antique et médiévale de ce territoire.

Marche Hispanica du temps de Charlemagne et zone d'invasion et d'implantation temporaire des troupes d'Al-Andalus, l'espace des Corbières et du Fenouillèdes, demeura toujours une zone de passage quelques furent les contraintes naturelles.

Plus que ligne de rupture, les Corbières, tout particulièrement aux yeux de leurs propres habitants, ne furent-elles pas plutôt une zone frontière, dont les limites floues n'empêchèrent pas au fond et de tous temps les échanges et les rencontres, bien sûr amoindris par la situation politique de cette époque ?

L'existence de différents vestiges anciens, tels le Pech de Maho, du côté de Sigean, à la fois structure défensive et espace d'échanges commerciaux (le Pech de Maho est également un emporium, un centre de commerce) conduisent de nombreux historiens contemporains à souligner la nature de carrefour et de tampon de cet espace des Corbières. Ils minimisent ainsi l'idée d'une frontière imperméable entre deux espaces et deux civilisations, par ailleurs culturellement et linguistiquement proches.

Une enquête de 1300 ap. J.-C. menée sur ordre de l'Archevêque de Narbonne et du Seigneur de Leucates suite à des plaintes manifestées vis-à-vis des voisins espagnols, permet ainsi de mieux connaître la situation réelle de cet espace. Les conclusions tirées de celles-ci par les historiens relativisent l'importance matérielle de la frontière. Elles confirment l'idée d'une frontière floue et discrète sur le terrain, ne représentant pas dans les faits une muraille rompant définitivement les échanges culturels comme commerciaux. Le statut nouveau des Corbières, entrées de plein-pied dans les stratégies géopolitiques des deux royaumes limitrophes, conduit malgré tout à une perception nouvelle de cet espace, notamment pour ses habitants. Elle se charge dès lors de sens et d'interprétations idéologiques nouveaux se manifestant sous formes de contes et de légendes, de toponymes particuliers, qui s'inscrivent et se transmettent via la mémoire orale locale.


II/ Zone de marche : entre mythe et réalité (cultures, monde sauvage/civilisé...)

A/ Les Corbières, limites entre deux pays, limites entre deux mondes

Les Corbières, zone escarpée au faible peuplement avant même l'établissement de la frontière sur la ligne de crête du massif, constituent tout naturellement une zone de marge, la transition entre le monde civilisé et le monde sauvage. Elles sont ainsi un espace de limites susceptibles d'accueillir tout ce que le nouvel ordre social rejette. Les Corbières sont ainsi suspectées d'être le refuge de brigands et d'accueillir des manifestations surnaturelles et magiques : sorciers, démons, fées et autres esprits de la nature.

Les bornes, tours et autres forteresses implantées dans le paysage pour définir la limite entre les deux pays vont ainsi organiser l'espace et protéger du danger représenté à la fois par l'ennemi lointain que par le proche monde sauvage. Ces monuments s'accompagnent dès lors de multiples histoires, légendes et superstitions construites autour de ces symboles du contrôle de l'homme sur son territoire.

 

B/ Légendes d'un territoire à la marge

Les Corbières outres les bornes, la Roque d'en Talou en est l'une des plus célèbres, présentent également de nombreux dolmens. À Fontjoncouse, la zone compte ainsi pas moins de quatre pierres levées. Autour de celles-ci demeurent de nombreuses légendes d'ailleurs rappellées par la toponymie elle-même.
Les nombreuses mentions et histoires de Maures témoignent de cette conception de l'espace et du monde. Elles sont le souvenir de la lointaine et fugace occupation musulmane en terre audoise. La légende de Roland de Roncevaux, neveu de Charlemagne tué au cours d'une attaque dans les Pyrénées figure d'ailleurs parmi les histoires bien connues de ce territoire.

Le complexe folklorique autour de ces géants arpenteurs, qui auraient participé au modelage du paysage sont très fréquentes dans cette région. Le toponyme du Sol d'Astine, de "las tinas" en occitan, évoquent ainsi les empreintes de géants, tout comme les toponymes Gigant, ou Caramentra, qui renvoient à la pure tradition carnavalesque. Les correspondances entre le corps et le paysage, et les analogies scatalogiques fréquentes dans ces mêmes cérémonies carnavalesques sont d'ailleurs particulièrement fréquentes : Le Trau de Madama, l'Estront de la Vièilha... comme autant d'appropriation et de dédramatisation de l'espace par une civilisation médiévale à la fois fascinée et terrifiée par cette notion d'entre-deux, particulirement exacerbée en cette zone de marche-frontière. Les Corbières sont riches de ces histoires et légendes qui forment le socle d'une mémoire orale partagée avec le reste de l'Occitanie, adaptée ici aux spécificités de ce territoire à la marge.


C/Les Corbières, espace de retraite spirituelle

Désert au sens religieux du terme également, les Corbières furent très tôt une terre de retraite spirituelle privilégiée, tant pour les cathares fuyant les exactions que pour les chrétiens "orthodoxes" eux-mêmes.

Dès le VIIe ou VIIIe siècles environ, les gorges et grottes des environs de Saint-Paul-de-Fenouillet attirent les ermites qui s'installent dans ces abris naturels coupés du monde. Ceux-ci se placent sous la protection de Saint-Antoine, saint patron des ermites et premier d'entre eux, au moins dès le XVe siècle, date pour laquelle nous possédons les plus anciens témoignages écrits de l'existence d'un ermitage, qui perdura dans ses fonctions jusqu'au début du XXe siècle. Prochainement transformé en lieu d'exposition et de mémoire, il devrait permettre au public de découvrir l'autre facette des Corbières, depuis toujours frontière naturelle entre le monde civilisé et le monde sauvage, terrestre et spirituel.


CONCLUSION

La notion de frontière est pour l'époque qui nous concerne et durant laquelle les Corbières jouèrent ce rôle, quelque peu différente de celle qu'on lui connait de nos jours. Toutefois, elle va prendre progressivement au XIIIe siècle une connotation plus nettement militaire.
L'identité des territoires se construit alors, dans un rapport qui se fait toujours plus frontal à mesure que la symbolique circulaire s'amenuise (l'opposition entre un centre sacré et une périphérie plus sauvage, dominait ainsi jusqu'à présent). La frontière devient progressivement et pour reprendre le mot de Robert Lafont, "une cicatrice de l'histoire".


BIBLIOGRAPHIE

CRASTRE, Victor (1903-1983), Catalogne : des Corbières à L'Ebre, Paris : Horizons de France, 1959.

FABRE, Daniel. La tradition orale du conte occitan : les Pyrénées audoises. Presses universitaires de France, 1973-1974 (30-Nîmes) : impr. Barnier) Publications de l'Institut d'études occitanes.

PALA, Marc. L' ancienne frontière : entre mythe et histoire, un espace de l'entre-deux, Narbonne : Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, impr. 2008.

VILLEFRANQUE, Josette. Imagerie des Corbières : légendaire des plantes, des pierres et des bêtes, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1987.
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Quéribus : frontières et limites
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
"Une grande chaîne de rochers qui commençant à sortir des bords de l'estang de Leucate s'élèvent et continuent jusqu'au pays de Sault duquel continuent vers le Midy jusques dans les Pirénnées". Ainsi était désignée la frontière constituée par les Corbières entre France et Espagne dans un manuscrit du XVIIe siècle, avant que l'actuel Roussillon ne vienne compléter l'hexagone.

 

I/ Naissance d'une frontière

Le massif des Corbières et les plaines environnantes, constituent depuis des siècles une zone de conflit lorsqu'en 1258, le Traité de Corbeil est signé par les rois de France et d'Aragon. Il entérine et stabilise pour un temps, les rapports de forces d'une zone longtemps disputée par les souverains et leurs vassaux, éternelle zone de passages, d'échanges mais également zone de marche.

La ligne de crête des Corbières, massif ancien parfois perçu comme un prolongement des Pyrénées, s'apparente alors à une frontière naturelle entre les deux royaumes, que le temps et les monuments militaires, contribueront à matérialiser sur le terrain.

Barrière naturelle dont le franchissement demeure aujourd'hui encore complexe, notamment dans son axe nord-sud, le massif des Corbières est par ailleurs progressivement doté au XIIIe siècle, d'un important système défensif constitué de châteaux et autres forteresses bénéficiant d'une situation idéale, comme autant de nids d'aigles défendant d'étroites gorges.

 

II/ Matérialisation de la frontière dans l'espace

Outre les textes et manuscrits évoquant le tracé de cette frontière, de nombreuses traces demeurent au cœur même des Corbières. Elles sont autant de matérialisations d'une ligne de démarcation dont l'existence aura duré près de quatre cents ans entre les deux pays, du Traité de Corbeil en 1258 à celui des Pyrénées en 1659, qui repousse la frontière entre France et Espagne au massif des Pyrénées. Bornes et toponymes perpétuent aujourd'hui encore le souvenir de cette époque durant laquelle le Roussillon n'était pas français, telle la borne de Bélesta ou des toponymes évocateurs tel Latour de France, village à l'origine dénommé Triniac.

Entre Bélesta, village occitan, et les contrées catalanes de l'Ille-sur-Têt ou de Montalba-le-Château dans le secteur de Pilou d'en Gil, demeurent différentes quilhas maçonnées (bornes), datant de l'époque moderne. Face à ces bornes marquées du blason de France, fait face une croix pattée du "royaume d'Aragon". Un mégalithe se trouve également en un point-clé de cette ancienne frontière, tout comme le dolmen du podium Comitale dans le Sarrat d'Arcos (de l'occitan arca – prononcez arco désignant un coffre ou un dolmen). À ces bornes, parfois disparues dont ne demeurent que les témoignages toponymiques, les différentes lausas (bornes en occitan), vient s'ajouter un ensemble défensif conséquent de part et d'autre de la frontière nouvelle.

Aux lendemains de la signature du Traité de Corbeil en août 1258, le système défensif déjà en place dans les différentes vicomtés et comtés que compte la région, se précise et se renforce : Razès, Peyrepertuse, et bien entendu, le Fenouillèdes. Le roi de France consolide alors l'existant. Dans le Fenouillèdes, couloir d'entrée naturel du Roussillon vers le Languedoc, Caudiès est érigée en viguerie du Pays de Fenouillèdes et son château, Castel-Fizel, dont demeurent aujourd'hui encore quelques vestiges, vient asseoir le système de défense royal dans la région.

Ces différents points et châteaux assurent une triple fonction défensive consistant à protéger, observer, signaler. S'il demeure plusieurs vestiges de ces forts et bastions médiévaux et modernes, la toponymie elle-même, occitane comme catalane, demeure encore là-aussi la plus explicite dans ce domaine : espilh, mirail, gayte, bade, quardie, farahon. (le dernier catalan et non occitan). Ces différents châteaux et points fortifiés viennent compléter la défense formée par les cinq forteresses royales principales, souvent surnommées les Cinq fils de Carcassonne : Puylaurens, Peyrepertuse/ Quéribus/ Termes et Aguilar.

 

III/ Focus sur Quéribus : des cathares à la forteresse royale

Les 5 fils de Carcassonne :

Une fois l'hérésie cathare mise à bas et les domaines des souverains languedociens entrés dans l'escarcelle française, les anciens châteaux dits encore parfois "cathares" sont tout particulièrement mis à profit. La clé de voûte demeure Carcassonne, le siège de la sénéchaussée.

Quéribus figure après 1258, au rang de ces forteresses royales. Nid d'aigle placé sur un éperon rocheux dominant les plaines du Fenouillèdes et du Roussillon à l'extrémité du massif des Corbières, et défendant le passage du Grau de Maury entre Languedoc et Roussillon, l'histoire de Quéribus (Le Rocher des Buis) est étroitement liée à celle des seigneurs de Fenouillèdes dont il est au Moyen Âge, l'une des possessions. Une première mention de celui-ci est faîte dans le testament de Bernard de Tallefer, comte de Besalu, Fenouillèdes et Vallespir au début du XIe siècle.
Quéribus fut l'un des bastions-clés de cet ensemble de forteresses. Dernier avant-poste avant l'Espagne, il s'inscrit dans une plaque tournante de culture et d'échanges, une zone qui dès l'Antiquité et le Haut Moyen Âge, suscita les appétits.
La destinée du château de Quéribus suit de près celle de sa région, et sa "subordination" complexe, aux jeux vassaliques alors en cours dans la région, entre famille de Toulouse, Carcassonne, Narbonne, Barcelone... Il fut le dernier rempart des Parfaits cathares de 1240-1241 à 1256, alors que successivement, les différents châteaux tombaient aux mains des croisés. Avant 1256, la situation est d'ailleurs tendue entre la France et la vicomté de Fenouillèdes, qui menace directement celui-ci de conquête. Sur la ligne de crête des Corbières, Quéribus est le dernier château "indépendant", et focalise sur lui les derniers feux de la croisade.

Le château est alors sous la protection de Chabert de Barbeira lui-même hérétique, institué semble-t-il dans ses fonctions par Pierre de Fenouillet, seigneur légitime de ces terres. Le siège de Quéribus débute en mai 1255, mené officiellement par Pierre d'Auteil, sénéchal de Carcassonne mais dans les faits, par l'ancien seigneur faydit (occitan d'exilé, dépossédé), Olivier de Termes. La fin du siège, quelques semaines plus tard selon les calculs les plus restrictifs, en faveur des troupes croisées, et la signature du traité de Corbeil trois années plus tard, convertissent le dernier bastion cathare en une de ces forteresses royales chargée de défendre la région contre les invasions espagnoles.

La paix des Pyrénées et l'entrée du Roussillon dans le giron français, met fin au rôle militaire de la forteresse. Laissé à l'abandon à compter de cette date, le château de Quéribus a fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques en 1907. Grâce à cette reconnaissance, il bénéficie depuis 1951 d'un important programme de restauration. On peut y découvrir aujourd'hui encore des vestiges de son rôle défensif mais également de la vie quotidienne de ses habitants : citerne enduite destinée à récupérer les eaux précieuses lors d'un siège, corps de logis...



Conclusion

Depuis cette époque, la question de la construction européenne et la naissance d'eurorégions dont les contours dépassent le cadre traditionnel des nations, ouvrent la voie à de nouveaux échanges et rapprochements culturels. De fait, du temps même où les frontières marquaient effectivement et matériellement la limite des territoires et constituaient une rupture dans l'espace, les échanges n'en étaient pas moins existants. Telle est la réalité du Fenouillèdes et des Corbières, zone de marche et d'échanges plutôt que de rupture.

 

BIBLIOGRAPHIE

MARTI, Claude. Corbières au coeur, [Portet-sur-Garonne] : Loubatières, 1997 (CAC 6779).
 
PAGÈS, Marie-Jeanne. Ce pays qui fut cathare : par les Corbières et le Minervois. [S.l.] : [s.n.], 1984
 
PALA, Marc. L' ancienne frontière : entre mythe et histoire, un espace de l'entre-deux.Narbonne, Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, impr. 2008.
 
QUEHEN, René Les châteaux cathares... et les autres : les cinquante châteaux des Hautes-Corbières. Montesquieu Volvestre, R. Quéhen, DL 1983.
 
GOMEZ-GUILLOUX, Jean-Louis, Quéribus, Peyrepertuse : sentinelles occitanes. Portet-sur-Garonne, Éd. Loubatières, 1991. 
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Las ajustas setòrias
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
"Lou Cétori es baraquetaïré
As plesis, mola pas jamaï;
Mès sustout ce qu'aima lou maï
Es de veïré un bon ajustaïré."
Jousèp SOULET – 1917
 
Un quatrain dont voici la traduction proposée par le Centre Culturel Sétois (cf. BLANC, Louis-Paul.Les joutes à Sète. Sète, Centre culturel sétois, 1968)
"Le Sétois avant tout aime sa baraquette
Il aime encore plus les plaisirs et la fête;
Son divertissement toutefois le meilleur
C'est voir et applaudir un superbe jouteur."

L'identité d'une ville se construit fréquemment autour d'un ensemble de mythes fondateurs, de marqueurs symboliques réunissant sa population. Ville jeune, Sète naît réellement avec son port en 1666. C'est tout naturellement que le port, les canaux qui font de Sète la Venise languedocienne, la baleine de sable - son emblême, et les produits locaux faisant la part belle aux fruits de la mer - pensons à la tielle - soulignent le caractère maritime de celle qui fut au départ une île entre mer et étang.

Aux rangs des symboles et mythes fondateurs figurent sans conteste les joutes nautiques, pratiquées une première fois lors des Fêtes accompagnant la fondation officielle de la ville. Si Sète n'en est pas le berceau originel, les joutes nautiques de la ville se sont progressivement hissées vers les sommets de la pratique.

 

I/ Aux origines était le port

La naissance de la pratique des joutes à Sète, accompagne celle de son port, officiellement inauguré le 29 juillet 1666 (cf. TREMAUD, Hélène. Les joutes languedociennes. Paris, éd. Maisonneuve et Larose, 1968). Pour son baptême, la ville de Sète reçu les joutes en présent. Ce seraient des pêcheurs d'Aigues-Mortes qui auraient pour l'occasion initiés les habitants locaux à cette pratique sportive durant ces journées particulières.

Les joutes nautiques semblent exister depuis la haute antiquité. De part le monde et à toutes les époques, des témoignages oraux ou archéologiques attestent de l'existence de cette forme de divertissement. En France plusieurs types régionaux cohabitent, mais les joutes de Sète bien que n'étant pas les plus anciennes, sont à l'heure actuelle les plus connues et les plus actives. Les joutes françaises s'organisent généralement sur le principe suivant : deux hommes (rarement des femmes) se font face, postés sur une plate-forme à l'arrière d'une barque. Chacun au moment du croisement de ces deux embarcations, tente alors de faire tomber son adversaire à l'aide de lances de bois.
 
Il n'est pas impossible de voir dans les joutes nautiques, à l'instar des tournois d'antan, les réminiscences de ces entraînements au combat et d'affrontement des chevaliers qui marquèrent les temps de paix. Les joutes nautiques en perpétuent d'ailleurs le vocabulaire : joute, jouteurs, pavois, lance, quintaine... le lexique et l'imaginaire chevaleresque entourent aujourd'hui encore les fêtes nautiques. Les jouteurs de Sète, chevaliers intemporels dont le succès demeure source d'admiration.
 
Pays de mer, Sète adopte sans surprise les joutes nautiques, dans cet espace où l'ennemi vient plus souvent de la mer (ce fut le cas notamment en 1710 avec l'attaque anglaise de son port)(cf. Sous la direction de Jean Sagnes. Histoire de Sète. Toulouse, Éd.Privat, 1991.P.94). Pour d'autres auteurs cependant, les joutes nautiques seraient par nature plus dans le divertissement que dans l'affrontement ou le caractère militaire. Les origines en seraient ainsi égyptiennes, du temps des Nautonniers conducteurs de barques sur le Nil (un bas-relief d'Akhethetep en est la principale source) (cf. BLANC, Louis-Paul. Les joutes à Sète. Sète, Centre culturel sétois, 1968. P5).

 

A/ Principe et outils d'une pratique entre sport et traditions

 

Les règles :

Le but des joutes est donc simple, faire tomber à l'eau son adversaire. Afin que l'opération se fasse sans incidents ni tricheries, un ensemble de règles encadra progressivement la pratique. Il est ainsi interdit de faire tomber son adversaire faire l'avant, d'appuyer son genou ou son pavois sur la tintaine, ou de toucher de sa lance une autre partie que le centre du pavois (et ce pour ne pas blesser l'adversaire).

Alors que les barques s'apprêtent à se croiser, les jouteurs sont prêts au combat, pavois sur le bras gauche, placé devant la poitrine, lance dans la main droite, passée horizontalement sous l'aisselle ; en position, pied gauche vers l'avant, genou fléchi pour supporter le poids du corps, pied droit en arrière, jambe tendue. En Provence, le coup se porte encore droit, tel qu'il devait l'être également à ses débuts à Sète. Placé sur une tintaine progressivement plus large, le Sétois doit à présent faire davantage appel à son sens de l'équilibre qu'à une question de force pure. Le premier faisant tomber son adversaire à l'eau a donc gagné.

Si aucun ne tombe au bout de trois passes consécutives, la victoire se décide alors au point. Un jouteur parvenant à faire chuter trois adversaires de suite accédera au tour de revanche, et étape après étape, à la finale.

 

Matériel

- La barque : Les barques des joutes, peintes de blanc et aux couleurs de leur équipe (rouge ou bleue) comptent chacune un patron, un aide-patron (le barreur) ainsi qu'une équipe de douze rameurs afin d'assurer relais et repos (8 rameurs en permanence). Il est à noter qu'en complément de l'équipage, qui assure la circulation de la barque, figurent les jouteurs, placés à l'arrière du bateau, mais également deux musiciens placés à l'avant de celui-ci.

- Le pavois : il s'agit de deux pièces de bois jointes par des liteaux cloués. Elles sont généralement faites de bois sec, léger mais dur, ce qui explique une préférence marquée pour le peuplier. Les pavois mesurent 3 cm d'épaisseur environ et 71 cm de longueur. Ces pavois portaient autrefois les armes de la ville ainsi que les devises suivantes : « Vive le roi » et « Vive les mariés » ou « Vive la jeunesse » selon les cas. Celles-ci tendent à évoluer. Il n'est pas rare de ne voir aujourd'hui que les seules mentions R.F. (République Française) et Ville de Sète.
 
- La lance : de bois léger, en général du pin, elle mesure 2m75 de long, et s'affine progressivement jusqu'à la pointe, munie d'une couronne de fer (à pointes). De nos jours les lances sont généralement peintes de blanc, avec souvent un grand liseré, bleu ou rouge, qui va en tournoyant de la poignée jusqu'à la couronne finale. Il permet durant le jeu de définir si le jouteur ne pratique pas la lance « courte », en prenant sa lance bien plus au centre que ce que les règles l'autorisent.
 
- La tintaine ou quintaine : La tintaine est-elle la seule plate-forme sur laquelle se hisse les jouteurs, ou le bateau dans son ensemble ? Les opinions divergent sur le sujet, tout comme sur l'origine du terme tintaine. Certains textes anciens, mentionnent l'existence de barques-tintaines, d'autres de barques-quintaines. Il est probable que le terme original quintaine est été progressivement modifié en tintaine par les jouteurs locaux, empruntant ainsi à l'occitan la forme « ten-té », tiens-toi. Au Moyen Age, le mot quintaine figure dans le lexique chevaleresque. La quintaine est alors un mât d'exercice, progressivement transformé en un mannequin du nom de « faquin de quintaine ». Une miniature du XVe siècle présente d'ailleurs un exemple d'entraînement d'un jouteur nautique s'apprêtant à frapper de sa lance un mât placé sur la rive.
 
- Le costume : tout de blanc vêtus, les jouteurs portent parfois un canotier sur la tête. C'était autrefois un bonnet recouvert de dentelles. Les cocardes de couleur semblent elles aussi avoir disparues : celle de la jeunesse comportait alors deux rubans, l'un blanc, l'autre bleu, rouges et verts pour les mariés. De fait, la coutume de s'habiller entièrement de blanc, est assez récente, et apparaît aux alentours du XIXe siècle. Auparavant, les jouteurs pratiquaient en costume, ceux-ci tirant toutefois sur le blanc, marquant par celui-ci et des couleurs différenciées, leur appartenance à un groupe spécifique, jeune ou mariés. Il n'était pas rare alors d'y voir de la couleur, fréquemment rouge ou bleue. Le blanc moderne est en fait le signe d'une évolution plus générale, prenant en compte les nouvelles règles vestimentaires rencontrées dans les autres sports, tout en limitant l'apport d'un confort qui se ferait au détriment de la « prestance » des jouteurs. Celle-ci demeure d'ailleurs d'importance, le débraillement d'un des participants pouvant lui faire l'objet d'une observation de la part du jury. Les joutes demeurent ainsi dans leur déroulement et dans le règle, une pratique entre sport et traditions, comme en témoigne d'ailleurs son déroulement particulièrement codifié et ritualisé (cf. à ce sujet : PRUNEAU, Jérôme. Les joutes languedociennes. Paris, L'Harmattan, 2003. P.62).
 

 

II/ Une pratique entre sport et traditions

À Sète, les joutes se déroulent dans le Canal royal, ce bras d'eau relayant la ville à l'étang de Thau, creusé par Riquet à l'époque de Louis XIV et de son ministre Colbert. Un espace délimité par le pont National et le pont Legrand, et que s'approprient pour un temps les jouteurs. Leur pratique s'inscrit alors pleinement dans la ville, sa vie quotidienne et son histoire, en ce cadre d'exception qui renvoie aux origines et aux pères fondateurs de la ville. L'espace d'ailleurs se modifie le temps de la fête. Des gradins, ouverts à tous et gratuits, permettent aux spectateurs de tous horizons de s'installer pour regarder l'affrontement.

 

A/ Le temps de l'avant

Le déroulement des fêtes était autrefois extrêmement ritualisé. Le 23, habillés de propre les jouteurs partent prendre possession du drapeau, avant de se rendre à la Mairie recevoir les dernières consignes. La journée du 24 est le temps des visites et des invitations aux personnages de marques, qui reçoivent pour l'occasion un long ruban bleu et rouge nommé livrée. Le soir, un tour de ville en musique et drapeaux se déroule aux lueurs des flambeaux, avant qu'à minuit, les jouteurs n'entonnent une sérénade devant l'église consacrée à Saint-Louis.
 
Le lendemain matin, dès huit heures, les jouteurs se rendent à la mairie, de là, tout le groupe, officiels comme participants, se rendait autrefois à la messe de neuf heures. Après un passage par la Mairie où était annoncé l'horaire des joutes, le spectacle sur le Canal royal pouvait prendre place (il est arrivé que ces joutes se déroulent également dans le port, au lieu dit « le cul de bœuf » (cf. BLANC, Louis-Paul. Ibid. P.12).
 
Le cérémoniel, s'il a évolué depuis les débuts, demeure d'importance en ce qui concerne les joutes sétoises, tout comme le costume. Les jouteurs en se pliant à ces règles, soulignent leur appartenance à ce groupe spécifique. La fréquence des tournois, et l'évolution même de la pratique au fil des siècles, ont quelques peu mis à mal le respect de ce cérémonial. Les fêtes de la Saint-Louis, constituent malgré tout en ce domaine, un temps à part.

 

B/ L'importance de la musique

La musique est un des éléments indissolubles de la fête elle-même. Elle en ponctue les principaux moments, défilés comme tournois, et accompagne son histoire. Signe de cette importance, il existe d'ailleurs une chanson spécifique aux joutes, dont les paroles et l'origine demeurent l'objet de spéculations. Elle était pour Toussaint Roussy, une création de Lully (cf. Blanc. Ibid. P.30 ). Elle serait pour d'autres auteurs et analystes, non pas du XVIIe mais du XVIIIe siècle, C.Ponsonailhe voit dans l'opéra l'ancêtre de cette chanson, et ce serait ainsi « annoté comme timbre dans l'opéra « dé Frountignan » » que figurerait l'air des joutes, dont l'auteur serait donc l'auteur occitan et félibre Nicolas Fizes.

Les paroles, quelle qu'en soit l'auteur réel, constituent une importante source d'information sur cette pratique qui a aujourd'hui quelque peu évoluée. En voici une version (il en existe effectivement différentes variantes) :
Source. Louis-Paul Blanc, Les joutes à Sète, Sète, Centre culturel sétois, 1968 [?] : 
« Maridas, tenes bous ben
Aïci ya la jouïnessa qu'arriba
Anbé soun Cap de Jouven
Naz en l'er et jarret qué tiba
Pabihoums, ajustaïres
Et pioï lous tambourinaïres
Sans oublida l'aoubï
Que nous buffara tout yoï.
 
Mariés, tenez-vous bien,
Voici la jeunesse qui arrive
Avec son Chef de jeunesse
Nez en l'air et jarret tendu
Pavillons, jouteurs
Et puis les tambourineurs
Sans oublier le hautbois
Qui nous jouera tout aujourd'hui.
 
Sus la Tintaïna, maridas
Quaou-ès-aquei que se y azarta ?
Seres toutes désquihas,
Couma dè capoutchins de carta.
Ne toumbarès à l'aïga
Aplatis cuom una palaïga
E coularès à foun
Coum'una balla de ploum.
 
Sur la Tintaine, mariés
Quel est celui qui se hasarde ?
Vous serez tous enlevés,
Comme des capucins de cartes,
Vous tomberez à l'eau
Aplatis comme une sole
Et vous coulerez au fond
Comme une balle de plomb.
 
Sitôt douna lou signaou
Buff'aouboï ! La barqu'es en routa,
Pioï très salus couma caou,
E chaqu'ajustaïre s'arbouta ;
Quante béou cop de lança !
La tintaïna ne balança
Ya'un pavès de crebat
Maï dégus ès pas toumbat.
 
La jouinessotta das blus
Que risié d'aou pabihoum routché,
Avié pariat détch escus
Qué né toumbarien aoumen doutché ;
Yé l'an jougada grisa,
Yan fach bagna la camisa
La lanc'é lou pavès !
Lou Gaoutché m'a toumba très !
 
La petite jeunesse des bleus
Qui riait du pavillon rouge
Avait parié dix écus
Qu'il en tomberaient au moins douze ;
On l'a leur a joué grise
On leur a fait mouiller la chemise
La lance et le pavois !
Le gaucher en a tombé trois !
Las ajustas de Sant Louis
Es quicon qué jamaï nous lassa,
Tout Ceta sé réjouis
E lous estrangès benou'en massa !
Tant qu'aouren lou Bourdigou
Achès pas paou qué finigou
Aquel joc sé fara
Tant que Ceta durara !
 
Les joutes de Saint-Louis
C'est quelque chose qui jamais ne nous lasse
Tout Sète s'en réjouit
Et les étrangers viennent en masse !
Tant que nous aurons le Bordigue
N'ayez pas peur que cela finisse
Ce jeu se fera
Tant que Sète durera !

Présente lors des défilés durant lesquels elle accompagne la procession, la musique est par ailleurs omniprésente au moment des passes, dont elle rythme le cours et qu'elle semble illustrer, commenter.

Le répertoire des hautbois et des tambours traditionnels, se compose d'un ensemble d'airs bien connus des participants et de leurs spectateurs réguliers. Ils ont de fait peu changé au fil du temps, se transmettant de génération en génération. Durant les défilés, seront interprétés de préférence « La marche de l'Académie », « Larose » « Toete », « Cauvy », appellations parfois floues qui renvoient à leur compositeur. « La valse du chef de gare » rappelle que longtemps, les joueurs de hautbois venaient de loin pour mettre en musique les fêtes de Sète.

Durant les joutes elles-mêmes, un couple de musicien est installé dans chacune des barques, à l'avant de celle-ci. On les distingue visuellement par leur tenue. Galons, rouges ou bleus, ornent leur veste blanche, et sur leur tête comme sur celle du commissaire, ils portent un canotier. Les musiciens accompagnent la passe en sonnant si l'on peut dire « la charge ».

A la musique occitane traditionnelle, hautbois et tambours (aubòi e tambornet), s'est progressivement ajoutée celle des bandas, ces groupes d'influence espagnole. Aux avants-postes pour annoncer l'arrivée des jouteurs, elles sonnent le départ du défilé avec « la festa de l'issanka » (cf. LOPEZ-DREAU, C., in Bulletin de la Société d'Etudes Histoiques de Sète et sa région, Frontignan, 1998, Pp.183-188), chanson traditionnelle sétoise.

 

C/ Le temps de l'après, la convivialité

Les joutes terminées, vient la remise des prix, puis la fête célébrant les vainqueurs. C'était autrefois le temps de la dédicace de madrigaux à ces dames, rappelant les origines chevaleresques et courtoises des joutes. De tout temps, et en dépit d'une évolution profonde de cette pratique entre le XVIIe siècle et nos jours, la fin des joutes fut également l'occasion de repas et d'échanges entre les différents sociétés participantes, en faisant un réel moment de convivialité et de rencontres entre les jouteurs sétois. Après l'affrontement sur les eaux, vient le temps de la réconciliation sur terre, autour d'un verre de « pastaga ».

 

III/ Évolution d'un tournoi

Depuis ses origines, les joutes, pratique vivante, ont évolué à Sète comme ailleurs. Comme toute pratique profondément ancrée dans l'histoire et l'évolution d'un groupe social en particulier, et d'une communauté dans son ensemble, les joutes se sont adaptées, aux nouveaux modes de vie, aux réalités économiques et sociales nouvelles.

La fin du XVIIIe siècle semble marquée par le tournant d'un combat par équipe, à une lutte d'individu à individu, dont les modalités s'ordonnance dès lors sur la base du hasard d'un tirage au sort. Un temps, l'opposition nouvelle, bascule de celle de deux groupes d'âge, groupe des jeunes célibataires face aux hommes mariés, à celle de métiers, de quartiers, voire de communautés : lutte entre quartier-haut et la Bourdigue, pêcheur de haute-mer et pêcheur d'étang. 

Le début du XXe siècle, marqué en 1902 par la création de la première société de jouteur, la « Société des jouteurs cettois » opère une nouvelle évolution (cf. DI NITTO, Paul-René. C'était Cette. Ch.III. Montpellier, Espace Sud, 1996. P.171). Progressivement le jeu se codifie de plus en plus (on passe à un nombre limité de passes, cinq puis trois), emprunte aux sports leurs caractéristiques (le blanc de la tenue, le caractère compétitif qui augmente quand croît le nombre de sociétés), sans perdre malgré tout, son identité réelle.

 

Personnages et temps forts de cette pratique

Saint-Louis de 1891, deux femmes sur la tintaine. Cette année-là, les joutes jusque-là réservées aux seuls jouteurs locaux, s'ouvrent régionalement, avec la création du tournoi du Lundi. L'édition de 1891 est également marquée par la participation de deux sœurs, Anne et Elyse Sellier, toutes deux originaires de la Pointe Courte. L'Éclair du 2 septembre 1891 fait le résumé de cette joute particulière, qui vit s'affronter les deux sœurs (Anna envoyant sa sœur mais aussi un autre jouteur, dans les eaux).

Quelques jouteurs célèbres :

  • Barthélémy Auvenque, dit le Terrible, l'un des premiers champions historiques des joutes sétoises, Don Quichotte de l'Ancien Régime, qui fit le défi de jouter conre le pont levis en bois qui traversait le canal royal à son époque.

  • Hilaire Audibert dit l'Espérance, originaire du Quartier Haut, qui se démarqua en portant habit noir et cravate blanche sur la tintaine, fut gravement blessé (il manqua perdre un œil) et Martin le Gaucher, de la Bordigue, sont successivement les champions des joutes au XIXe siècle.

  • Louis Vaille dit le Mouton, premier XXe siècle, dix fois triomphateur de la Saint louis entre 1904 et 1923 (cf. BLANC. Ibid. P.35). Un homme d'une importante corpulence, il pesait aux alentours de 150 kg, qui souffrit d'un manque de popularité très certainement lié à cette physionomie hors du commun.

  

Conclusion

Codifiées différemment, empruntant aux sports modernes son organisation, les joutes nautiques n'en demeurent pas moins traditionnelles dans leur forme et leur respect d'un certain cérémonial, bien que la fréquence accrue du nombre de tournois diminue d'autant l'intérêt portée aux défilés. Cependant les joutes de la Saint-Louis demeurent un temps à part. Elles sont surtout partie prenante de l'identité sétoise et contribue hier comme aujourd'hui, à la bonne vie de la cité et à la sociabilisation entre communautés. L'ensemble des cérémonies, défilés, rites qui entouraient et entourent toujours la pratique des joutes, contribuent à l'affirmation d'un groupe social unifié.

 

BIBLIOGRAPHIE

BLANC, Louis-Paul.Les joutes à Sète. Sète, Centre culturel sétois, 1968.

DI NITTO, Paul-René. C'était Cette. Ch.III. Montpellier, Espace Sud, 1996.

LOPEZ-DREAU, C., in Bulletin de la Société d'Etudes Histoiques de Sète et sa région, Frontignan, 1998, Pp.183-188.

PRUNEAU, Jérôme. Les joutes languedociennes. Paris, L'Harmattan, 2003.

Sous la direction de Jean Sagnes. Histoire de Sète. Toulouse, Éd.Privat, 1991.

TREMAUD, Hélène. Les joutes languedociennes. Paris, éd. Maisonneuve et Larose, 1968
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Les carnets de guerre Marguerite Genès, félibre limousine
Genès, Marguerite (1868-1955)
Brive-la-Gaillarde (Corrèze). Archives municipales
Marguerite Genès (1868-1955) fut une des personnalités importantes de la renaissance d'oc en Limousin dès les années 1890, autour de l'action de l'abbé Joseph Roux (1834-1905), chef de file du Félibrige limousin.
En savoir + sur Marguerite Genès : consulter l'article dans vidas.occitanica.eu

Marguerite Genès a tenu un carnet régulier pendant toute la durée de la guerre de 1914-1918. Conservés aux archives municipales de Brive-la-Gaillarde, ces manuscrits inédits sont progressivement publiés sur un site dédié, réalisé avec les élèves du lycée Georges Cabanis. Le site 14-18.brive.fr fait partie des projets labellisés par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.


Capture d'écran du site Internet 14-18.brive.fr
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Portrait de William-Charles Bonaparte­-Wyse 
Crespon, Antoine (1825-1893). Photographe
Retrach fotografic de William-Charles Bonaparte Wyze (1826-1892), felibre nascut en Irlanda, poèta d'expression occitana (provençal). Aqueste tiratge original conten una dedicacion autografa a Joseph Roumanille (1818-1891), escrivan provençal e personalitat magèr de la renaissença felibrenca de la segonda mitat del sègle XIX.

« à moun car ami, J. Roumanille, (paire di Felibre). William C. Bonaparte-Wyse »

Transcripcion en grafia classica : "a mon car amic, J. Roumanille, (paire dei felibres). William C. Bonaparte-Wyse"

Fotografia atribuida d'aprèp la signatura a Antoine Crespon (1825-1893), fotograf nimesenc.
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Chiens de Frédéric Mistral
Photographie. Les chiens de Frédéric Mistral à Maillane.

Le Paris Match n. 431, du 13 juillet 1957 indique que le chien du cirque Buffalo Bill, confondit un jour son maître et Mistral qui lui ressemblait. Le poète l’adopta, le baptisa Pan perdu et fit sculpter sa tête sur sa tombe. Mistral voyait en Pan perdu la réincarnation d’un ancien troubadour. Cette présentation remonte sans doute à la légende construite par Folco de Baroncelli autour du passage de Buffalo Bill et du Wilde West Show en Provence en octobre 1905 (Rémi Venture), comme le confirme la présence de Pan perdu aux cotés de Mistral en 1900.

Le poète de Maillane croyait au surnaturel « comme tous les poètes » disait-il, et il mettait au compte de Sainte Estelle, patronne du félibrige, ce qui lui arrivait d’heureux ou d’imprévu. Il ne manquait pas de citer quelques faits à l’appui de cette croyance.

Ainsi, on lui apporta une fois un fragment de meule romaine qu’il plaça sur la terrasse de sa maison. Peu de temps après, un chien le suivit dans sa promenade, l’adopta, en quelque sorte, pour maître, ne voulut plus s’éloigner de lui, s’installa devant sa porte, si bien que Mistral le recueillit.

Mais dès que le chien aperçut le morceau de la meule, il la prit entre ses pattes et se mit à la faire tourner sur le sol...
- C’est sans doute un esclave employé à tourner la meule qui s’est réincarné dans ce chien, me dit Mistral, enchanté d’avoir trouvé une explication. (J. Robillot, Mercure de France 1, X, 1930).

Pan perdu aura un fils Pan panet aussi présent sur la tombe du poète. Ce dernier aura comme descendant Jean Toutouro aussi adopté par le poète.

Folco de Baroncelli, Car mon cœur est rouge : des indiens en Camargue ; présenté par Rémi Venture ; avant-propos de Frédéric-Jacques Temple. Marseille : Les éditions Gaussen, 2010. (CIRDOC CAC 9152)

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Copie dactylographiée d'une lettre de Frédéric Mistral à Philadelphe de Gerde : 8 novembre 1894
Mistral, Frédéric (1830-1914)

Qual es Filadelfa de Gerda ?

De son nom vertadièr Claude Réquier nascuda Duclos, originària de Gerda pròche de Banhèras de Bigòrra. Poetessa e felibressa occitana, amiga de Mistral, coronada a l’Acadèmia dels Jòcs Floraus e als Grands Jòcs Floraus del Felibritge. A la debuta de las annadas 1910, se sarra del partit politic Action Française de Charles Maurras. Catolica e regionalista, es fòrça activa dins la defensa e la valorizacion de las tradicions localas.

Descripcion de la letra

Aquela letra, datada del 8 de novembre de 1894, es dactilografiada, s’agís probablament d’una còpia. Es la responsa a una demanda de Filadelfa de Gerda : comprenèm qu’esperava de Mistral una presentacion de las Corts d’Amor. El refusa e explica que las recèrcas serián tròp laboriosas per que prenga lo temps de s’i consacrar, e remanda Filadelfa a las òbras de Marieton sul subjècte d’una part e de Joan de Nòstradama, Les Vies des plus Célèbres et Anciens Poètes Provençaux d’autra part.
Mistral evòca sovent las Corts d’Amor dins sas òbras : podèm supausar que son per el un espaci simbolic de l’edat d’aur provençala idealizada. S’es efectivament fòrça inspirat de Nòstradama, mas la presenta letra nos entresenha sus lo crèdit qu’acòrda a la valor istorica de son obratge. Los tèrmes e expressions qu’emplega daissan pas cap de dobte : lo raconte es fòrça ninòi (“très naïf”), l’autor es suspècte (“suspect”) mas nuança sas criticas : “il dit des choses si poétiques qu’elles sont dignes d’être crues par ceux qui vivent d’illusion”. La nocion d’ilusion es indissociabla del percors de Mistral : se remarca particularament dins son procediment creatiu e romanesc, que partís de mites e legendas per metre en scèna un passat gloriós e idealizat. Las Corts d’Amor interèssan Mistral mas sul plan poetic mai qu’istoric.

Per anar mai luènh :

LAFONT, Robert, Mistral et le mythe des cours d'amour, in Moyen Âge et littérature comparée : actes du septième congrès national, Poitiers 27-29 mai 1965, p. 185-196 (Còta CIRDOC : LAF 080). Veire la notícia SUDOC

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