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Le chant polyphonique des Pyrénées : la Cantèra

La pratique chantée dans le Sud Gascogne est particulièrement originale en France comme en Europe. Très peu connu du grand public, ce chant de la convivialité, « chant d’auberges », engageant « hautes et basses » a un nom savant : polyphonie ; c’est-à-dire une pratique vocale à plusieurs voix distinctes produites dans cette région en dehors de tout apprentissage musical savant. Ce savoir-faire de tradition orale est général dans les Pyrénées et le piémont basque et gascon (Béarn et Bas-Adour) ne franchissant pas, au nord, l'Adour.
Si le chant en solo existe, la polyphonie le recouvre dès lors que les chanteurs sont au moins deux. Très populaire, son existence se perd dans les brumes de la mémoire collective, les témoignages écrits les plus anciens signalant déjà son existence à la fin du XVIIIe s.

[imatge id=21610]La polyphonie est en effet une pratique éminemment sociale. Produite au sein de la communauté, en famille, entre amis ou connaissances ; au cours de fêtes, de repas, au café ou encore à l’église.

Le chant est l’affaire de tous : hommes comme femmes. Si la polyphonie était pratiquée au café dont les hommes représentaient autrefois la population quasi exclusive, les femmes se faisaient entendre à l'église ou dans le cercle familial, divisions sexuées qui se sont aujourd’hui estompées.

Actuellement, le réflexe polyphonique est toujours bien ancré. Il est la représentation musicale des valeurs de la société pyrénéenne traditionnelle, il y a peu encore essentiellement tournée vers l'élevage et donc la gestion de terrains communaux privilégiant les comportements collectifs aux comportements individuels.

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« L'Immortèla », une chanson devenue hymne

L'Immortèla, une chanson devenue hymne

La chanson De cap tà l'immortèla est l'œuvre la plus connue du groupe béarnais Los de Nadau, devenu Nadau en 1986. Elle fait partie du troisième album du groupe, L'Immortèla, gravé en 1978 chez Ventadorn, le grand label occitan de l'époque. Bien que chanson de création, De cap tà l'immortèla est devenue en seulement une quarantaine d'années, une chanson véritablement populaire dans les pays d'oc, souvent considérée comme traditionnelle.

L'immortèla aborde la question de la démarche de recherche pour retrouver la langue perdue. Elle constitue donc une sorte de contrechant de la chanson contestataire qui s'attaque au système accusé d'avoir détruit cette langue. La langue et ce qui s'y rattache (le pays, la culture perdue) y sont représentés par la métaphore d'une fleur, l'Immortèla, nom occitan de l'edelweiss dans les Pyrénées, plante supposée ne jamais mourir et ne pas craindre le gel et les intempéries, qualités transposées sur la langue qui, bien que maltraitée, ne meurt pas. Le narrateur est représenté comme un chercheur, quelqu'un qui escalade la montagne à la recherche de la langue-fleur. L'accent est davantage mis sur la démarche de quête et les difficultés de cette démarche, que sur la fleur elle-même (la libertat, qu'ei lo camin, la liberté, c'est le chemin) et sur les espoirs toujours renouvelés qui invitent à aller plus loin malgré le découragement (après lo malh un aute malh, après la lutz ua auta lutz, après la montagne, une autre montagne, après la lumière, une autre lumière).

La chanson prend place dans un album globalement bâti sur un ton revendicatif et militant, dans l'esprit général de la Nouvelle chanson occitane des années 1970, dont Los de Nadau fut l'un des groupes emblématiques. Dans ce mouvement artistique et musical, la chanson sert à dénoncer ce qui relève du « colonialisme intérieur », concept popularisé notamment par Robert Lafont et appliqué à l'Occitanie, sur les plans culturel, économique et politique. Le rôle joué par l'école de la République à partir de la fin du XIXe siècle dans la déconstruction à la fois de la compétence linguistique et du patrimoine culturel des populations des pays d'Oc est largement mis en avant, à l'instar de la chanson-titre Mossur lo regent, parue dans le premier album éponyme en 1975. Los de Nadau s'inscrivent pleinement dans ce mouvement jusqu'au début des années 1981, où l'amorce d'une décentralisation ainsi que les évolutions des goûts et des genres amorceront le déclin de ce premier âge de la Nouvelle chanson occitane. Los de Nadau, puis très vite Nadau, connaît de profondes mutations d'effectif, de style et de propos qui accoucheront d'un groupe différent tout en étant la suite du premier. De cap tà l'Immortèla cessera d'être enregistrée au disque, avant de faire son retour au début des années 1990 sur l'enregistrement vidéo Nadau en Companhia, qui capte la prestation du groupe au Zénith de Pau en 1993. La chanson réapparaît sous une forme légèrement différente. Le branle au débit rapide de 1978 s'est ralenti, en même temps qu'il gagnait en solennité. Le chant de marche est devenu un hymne.

L'Immortèla est immédiatement devenue une chanson emblématique du groupe, puis de la musique occitane tout entière, et enfin du mouvement occitaniste qui l'a rapidement assimilée à un « hymne » occitan officieux, aux côtés du Se canta et de la Copa santa, qui possèdent également cette dimension. Échappant à ses auteurs, elle devient une chanson populaire occitane comme si elle avait toujours existé. La chanson est reprise sur plusieurs disques de Nadau à partir des années 1990, et sur tous leurs DVDs. Le groupe l'interprète à chaque concert depuis les années 1990, parfois en fin de soirée, parfois en introduction. Elle constitue à chaque fois un point d'orgue indéniable de la prestation et est reprise en chœur par le public. Elle est également entonnée lors des manifestations occitanistes et autres évènements revendicatifs.

Paroles de la chanson

Sèi un païs e ua flor
(E ua flor, e ua flor)
Que l'aperam la de l'amor
(La de l'amor, la de l'amor)
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
De cap tà l'immortèla
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
La païs vam cercar
Au som deu malh, que ia ua lutz
(Que ia ua lutz, que ia ua lutz)
Qu'i cau gurardar los uelhs dessus
(Los uelhs dessus, los uelhs dessus)
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
De cap tà l'immortèla
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
La païs vam cercar
Que'ns cau traucar tot lo segàs
(Tot lo segàs, tot lo segàs)
Tà ns'arrapar, sonque las mans
(Sonque las mans, sonque las mans)
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
De cap tà l'immortèla
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
La païs vam cercar
Lhèu veiram pas jamei la fin
(Jamei la fin, jamei la fin)
La libertat qu'ei lo camin
(Qu'ei lo camin, qu'ei lo camin)
Après lo malh, un aute malh
(Un aute malh, un aute malh)
Après la lutz, ua auta lutz
(Ua auta lutz, ua auta lutz)
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
De cap tà l'immortèla
Haut Peiròt, vam caminar, vam caminar
La païs vam cercar

Enregistrements

L'Immortèla, Ventadorn, 1978, sous le titre De cap tà l'Immortèla.

Nadau en companhia, VHS, 1993.

S'aví sabut, CD, 1995.

Nadau en companhia, CD en public au Zénith de Pau, avec chœurs et orchestre 1996.

Nadau a l'Olympia, VHS, 2000.

Nadau en companhia, Hèsta de las Calandretas, zénith de Pau, VHS, 2002.

Nadau a l'Olympia, DVD, 2005.

Nadau, Olympia 2010, DVD et CD, 2010.

Nadau, Zénith de Pau, 2017, DVD et CD, 2017.

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« La Fête en Languedoc », de Daniel Fabre et Charles Camberoque
Publié en 1977 chez Privat, cet ouvrage concrétise la rencontre entre un ethnologue de renom et un photographe de terrain. Synthèse unique en son temps, il fera date dans l'histoire du fait carnavalesque, en Languedoc et au-delà.

L'ouvrage est divisé en deux grandes parties.
La première fait place aux photos en noir et blanc de Charles Camberoque, liées à des manifestations carnavalesques languedociennes de la fin des années 1970 au milieu des années 1980.
La seconde est composée de « Regards sur le Carnaval aujourd'hui », un texte signé par Daniel Fabre, divisé en sept paragraphes, qui analyse notamment les grands symboles des carnavals languedociens :
Chapitre I : moments d'une renaissance
Chapitre II : la société saisie par la fête.
Chapitre III : vie et mort du roi Carnaval.
Chapitre IV : les sauvages et le chaos.
Chapitre V : la ballade des totems.
Chapitre VI : le corps en fête.
Chapitre VII : politique et carnaval.

« La fête est la plus fugace des œuvres collectives. Elle ne produit rien. Dans le dernier feu du carnaval, elle brûle ses propres traces, elle consume ses propres symboles. D'où la tentation de discourir à perte de vue sur ce vide, de le remplir de son propre désir. Ce livre essaie d'échapper à ce vertige.

Ce moment où toute l'existence devient comme un théâtre, ce moment où chacun se montre en se déguisant, il fallait le donner à voir. Charles Camberoque, le photographe, et Daniel Fabre, l'ethnologue, ont regardé ensemble les mêmes fêtes dans les villes et les villages du Languedoc et aussi d'Andorre et de Catalogne. Leurs visions se conjuguent. Chacune ouvrant ses propres perspectives, elles rendent à la fête une authenticité et une complexité surprenantes.

Après sa première parution, en 1977,, ce livre a connu un destin inattendu. Dans les mascarades de rue, sur les planches de théâtre, sur les écrans de cinéma, il est venu étayer la renaissance multiple du carnaval. Cette deuxième édition - entièrement refondue et mise à jour - tient compte de cette aventure. Sans reprendre par le menu une histoire proche, elle pose un double regard sur la fête en ses élans nouveaux. »

La Sauze - Montredon
Le chanteur La Sauze chante les événements de Montredon (Aude)
La Sauze

Les tensions entre viticulteurs du Languedoc et pouvoir central ne cessent de s’endurcir tout au long de la décennie 1970 et aboutissent au drame humain de Montredon-des-Corbières (Aude). Une action qui tourne mal, un mort dans chaque camp, un vigneron des Corbières, un CRS breton.
Lui-même fils de viticulteur, La Sauze est un des chanteurs de cette « Nouvelle chanson » à texte occitane. Il signe, avec Montredon, enregistré quelques mois après les événements, un tract sonore d’une humanité bouleversante. De quoi en faire une chanson-monument pour des générations de Languedociens.


Version connue
La Sauze - Montredon (33 tours La Sauze 2, Ventadorn, 1979)
Auteur : Marcel Sauzel, auteur, compositeur, chanteur, musicien

Paroles
Dos òmes son tombats sul sòl de Montredond.
Emili èra occitan, Joël èra breton.
Son mòrts e cresi pas qu’aquò plan importèssa
Qu’un siá viticultor e l’autre C.R.S. :
A Brèst o a Quimpèr se se torna passar,
Emili serà flic e Joël païsan.

Èra un quatre de març, veniá roge lo cèl.
Sus la plana fumava encara l’escaucèl,
Quand la mòrt uniguèt dos fraires de misèria,
Dos innocents pastats dins la mèma matèria
Que, sens saber perqué, gendarme e vinhairon,
Son tombats coma un sol al mièg d’un carrairon.

Un es mòrt per sa tèrra e l’autre per pas res.
Sauprem pas jamai lo pus de plànher quan es.
Vos demandi tanben, e mai se vos arraca,
De los plegar ensem dins la meteissa saca
E de pas pus cercar a tot pèrdre, cossí
De l’un ne faire un sant, de l’autre un assassin.

Bretanha e Lengadòc, cadun perdèt un filh,
Mas los murtrièrs son pas los qu’avián un fusilh.
Èran dins de burèus, tirats a quatre espillas,
Rosetas al revèrs, consciéncias tranquillas.
Los copables per los trapar valddriá melhor
Gaitar cap a París, l’Elisèu, Matinhon.

Jutjaretz benlèu qu’es tardièra ma cançon,
Qu’es passada de mòda e pas pus de sason.
Vos vesi romegar e me faire la tronha :
"Desenterrar los mòrts, s’es pas una vergonha !"
Podètz totjorn bramar, mas per ieu es segur
Que Montredond es mai vivent que Montsegur.

Dins vint ans i aurà pus degun a Montredond.
Pus degun, e de vin aurà rajat jol pont.
Mas del quatre de març, aurem grand gaug encara,
Per ne nos remebrar, del cant d’una guitarra,
E per tornar trapar, foguèssa roge o blanc,
Al vin setanta sièis, un rèire-gost de sang.

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« Tabò ou la dernière Sainte-Barbe » : le Teatre de la Carrièra solidaire des mineurs occitans
Teatre de la Carrièra

Tabò ou la dernière Sainte-Barbe
(1974) est la troisième pièce occitane du Teatre de la Carrièra. Elle a pour cadre la question de la liquidation des bassins miniers, déjà évoquée par la première pièce, Mort et résurrection de Mr Occitània. 

Tabò ? C'est le cri de guerre des Cévenols, depuis les Camisards jusqu'aux « pichots » se battant sur les rives du Gardon. La Sainte-Barbe ? La sainte patronne et la fête traditionnelle des mineurs, aujourd'hui devenue aussi journée de lutte. Pourquoi la dernière ? Sur les 21 puits cévenols, 17 ont déjà été fermés. En 1977, l'État fermera le dernier, à moins que...

Théâtre de combat ? Un théâtre régional qui part des problèmes quotidiens, qui les traite en étroite collaboration avec les travailleurs et qui les restitue dans la peau culturelle du peuple d'Oc.
Folklore ? Un enracinement dans le patrimoine occitan. Une fierté reconquise et brandie dans une recherche théâtrale contemporaine.
Théâtre de rue ? Un théâtre jouable en tout lieu, afin de rencontrer le public populaire. 

La pièce ? L’histoire d'un jeune mineur amoureux de Barbara, la fille du directeur de la compagnie, à l’heure de la liquidation du bassin minier, de la « crise de l'énergie », des soi-disant reconversions, du record de chômage, du « Grand Parc touristique », au milieu d'un paysage hanté par l'histoire, les légendes et les chants du « Pays Raïol ». Cette présentation met en évidence un jeu qui apparaît  constant dans le Teatre de la Carrièra entre réalité sociale, souvenirs d’Histoire et mythes populaires. Ainsi la pièce évoque-t-elle les conflits politiques dans les Cévennes du XIXe siècle, particulièrement aigus dans le bassin minier. Le titre de Tabò avait également été utilisé antérieurement pour un roman par l’auteur Julien Brabo, de son nom de plume Jan Castagno, imprimeur et éditeur, né le 26 octobre 1859 à Saint-Martin-de-Valgalgues, et mort le 31 janvier 1938 à Alès. La culture populaire orale est présente çà et là : allusion à la Romeca, supposée hanter les puits, utilisation de la berceuse « Sòm sòm… », connue sur l’ensemble de l’espace occitan. Comme la plupart des pièces de La Carrièra, le texte en a été écrit par Claude Alranq. Les premières pièces étaient conçues pour pouvoir être adaptées au public, avec des changements possibles de textes. Là aussi, à plusieurs reprises, les didascalies insistent sur cette adaptabilité. Par exemple, le tableau 4 « est conçu de façon très souple, afin de l’adapter aux conditions particulières de chaque bassin minier et de l’actualiser selon la conjoncture ».
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Les Cantiques spirituels en occitan : XVII-XIXe siècles
Escarpit, David (1980-....)
Les cantiques spirituels sont des textes religieux qui ne font pas partie du rituel catholique romain. Ils sont d'ailleurs généralement en langue vernaculaire, et non pas en latin, et sont pensés pour être chantés. Il s'agit de poèmes ayant pour sujet la doctrine catholique, l'histoire sainte et le comportement d'un parfait chrétien. Ils sont caractéristiques de l'époque de la Contre-Réforme ou Réforme catholique. La Contre-Réforme est un ensemble de mesures prises au sein de l'Église catholique suite aux conclusions du concile de Trente (1545-1563). Ces réformes visent à contrer le développement de la Réforme protestante, en modifiant le rituel catholique, en introduisant de façon importante la musique dans les célébrations religieuses, et développant les écrits en langue vernaculaire, préférablement au latin, afin de toucher plus efficacement les populations. Le diocèse de Toulouse en particulier se montre actif dans cette reconquête catholique vers le milieu du XVIIe siècle.

Une édition importante en pays d’Oc

Plusieurs recueils de cantiques spirituels en occitan ont été imprimés en pays d'Oc, principalement entre le XVIIe et le début du XIXe siècle, de Bordeaux à la Provence en passant par le Rouergue. La plupart sont entièrement ou partiellement rédigés en occitan. On peut constater vers la fin du règne de Louis XIII et au début de celui de Louis XIV un essor des recueils de cantiques spirituels en langue d'oc. Cet essor est à relier avec celui des noëls en langue vernaculaire, déjà ancien, à cela près que les cantiques spirituels n'ont pas forcément pour propos la Nativité (qui est toutefois présente, ne serait-ce que dans l'Angélus), mais tout ce qui concerne la morale religieuse, les prières et l'histoire sainte.
Jean Eygun dans Au risque de Babel, synthèse sur le texte religieux en langue occitane de cette période, date cet essor des alentours de l’année 1673, malgré la présence d'oeuvres imprimées antérieurement, dans les années 1630, 1640 et 1650, relatives à des missions catholiques principalement dans la zone pyrénéenne, où elles furent particulièrement nombreuses. À l'instar des noëls, la Provence figure en bonne place de la production de cantiques spirituels en occitan, ainsi que la région toulousaine.

Occitanie, terre à convertir : les éditions de cantiques spirituels en domaine occitan du XVIIe au XIXe siècle

Parmi les nombreuses impressions de cantiques spirituels en occitan (plus ou moins mêlé avec le français) du XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, nous pouvons citer :

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Ben Vautier

Exposé dans de nombreux pays, connu du grand public pour ses œuvres, ses performances, ses interventions dans les médias, figure de l’avant-garde artistique (mouvement Fluxus notamment) Ben est sans conteste le plus connu des artistes engagés pour la reconnaissance et la promotion de l’occitan.[imatge id=21636]

Benjamin Vautier, alias Ben, est né à Naples en 1935. Voyageur jusqu’à ses 14 ans, il s’installe à Nice en 1949. C’est là qu’en 1958 il ouvre sa célèbre boutique de disques d’occasion, qui devient le lieu de rencontre et d’exposition de nombreux artistes, notamment ceux que l’on regroupera dans « l’école de Nice ». [imatge id=21637]

En 1974, Ben démonte son magasin pour le remonter à l’identique au Musée national d’Art Moderne qui l’achète pour l’intégrer aux collections nationales.
Créateur, provocateur, agitateur, volontiers mégalomane, ardent défenseur du débat et de la discussion, son art est un art de l’idée, qui provoque brusquement une nouvelle « matière à penser » dans l’esprit du spectateur. S’il ne se revendique pas comme « occitan », dans ses œuvres comme dans ses interventions publiques, Ben a régulièrement été un promoteur de la langue et d’une certaine revendication occitane, très influencée par sa rencontre et son amitié durable avec François Fontan.

Ben, Fontan et l’ethnisme

C’est à Nice dès 1962 que Ben fait la connaissance de François Fontan (1929-1979), idéologue anticolonialiste dans les années 1950 et penseur du concept « d’ethnisme ». François Fontan est alors un homme de pensée et d’action occitaniste important,  qui vient de fonder le Parti nationaliste occitan en 1959.

[imatge id=21639]Ben adhère au concept ethniste de Fontan et l’explore dans nombre de ses œuvres et dans son engagement pour la défense des cultures « indigènes », à commencer par la langue et la culture nissardes / occitanes. Ben revendique une action artistique et une pensée « ethnistes » et devient lui-même compagnon de route du mouvement occitan contemporain (participation aux manifestations Anem Òc des années 2000, don de création pour des affiches, des couvertures de livre, des radios, des événements occitans, etc.) Dans la droite ligne de la pensée de Fontan, il défend par son art « l’idée que les groupes linguistiques ont droit à leur indépendance et à un espace territorial sur cette planète. Selon lui l’oppression de ces peuples par des puissances coloniales et par des intérêts stratégiques et financiers provoque d’immenses souffrances chez les humains… [imatge id=21638]

En conséquence Ben soutien l’Occitanie libre et le concept d’un peuple basque libre, il est contre le génocide linguistique, contre la suppression des groupes linguistiques par les puissances dominantes.[1] »
Il a réalisé un site web dédié à l’ethnisme :  http://ethnisme.ben-vautier.com/

À Nice il travaille avec les artistes du collectif Nux Vomica, investissant le contre-champ du Carnaval de Nice devenu vitrine touristique de la Ville, avec le char de la Ratapinhata, émanation de l’esprit populaire de Nice venu reprendre ses droits sur une culture et un imaginaire qui lui sont propres.

P - Peinture et ethnisme (1985)

« P - Peinture et ethnisme (1985) : La situation de rapports de force de l’art mondial n’accepte pas la modernité des peuples minoritaires : la notion de modernité a été structurée de telle façon qu’elle élimine toute modernité des peuples dominés en dévalorisant leurs oeuvres qu’elle classe dans la catégorie de l’art dit primitif ou folklorique. Ce qui est injuste car je ne vois pas pourquoi un Français travaillant en 1985 ferait de l’avant-garde alors qu’un Meo ou un Kurde travaillant en 1985 ferait de l’art primitif. Bref, le domaine de l’art moderne reflète la situation mondiale des rapports de force entre ethnies. » (Note de Ben issue de ses billets d’information - devenus depuis ses fameuses « newsletters »).

[1] Jon HENDRICKS, « Ben : Pouvoir, ethnisme, politique » dans : Strip-tease intégral de Ben. Paris et Lyon : Somogy et Musée d’art contemporain de Lyon, 2000.

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Version occitane du chant de la Sibylle
Bertrand, Aurélien

Résumé

Le chant de la Sibylle est un chant annonciateur de la fin des temps, dont la plus ancienne version connue remonte au Xe siècle. Une version occitane du texte est conservée aux archives départementales de l’Hérault.
Son appellation « Sibylle » fait référence à la portée divinatoire du texte, Sibylle étant le nom donné depuis l’Antiquité aux prophétesses qui pouvaient occasionnellement faire œuvre de divination.
Très populaire en Castille, en Catalogne, en Italie, et en France durant tout le Moyen Âge, il est aujourd’hui surtout interprété dans les églises de Majorque, Catalogne et Sardaigne au cours des Matines de Noël, la nuit du 24 décembre.
La version majorquine du chant de la Sibylle a été inscrite en 2010 par l'UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel.
Il existe de nombreuses variations du texte, souvent accompagné d’un acrostiche (strophe où les initiales de chaque vers, lues dans le sens vertical, composent un nom ou un mot-clé), parfois de sa musique et plus rarement encore d’un titre. [imatge id=21092]

Autres versions du titre

< « Version romane du chant de la sibylle » (ancienne appellation)

< « Ell iorn del iuzizi » (incipit de la version occitane)

< « Canto de la Sibila » (version castillane du titre)

< « Cant de la Sibil·la » (version catalane du titre)

Exemplaires conservés

1 exemplaire connu :

Le manuscrit qui comprend la version occitane du chant de la Sibylle est connu sous le nom de « Lectionnaire de l’office » et date du XIIe siècle.
Il est conservé aux Archives départementales de l’Hérault sous la cote 10 F 120.
Il se présente sous la forme d’un registre parchemin de 294 folios (37 × 26 cm).

Lien vers la numérisation 

Note d’étude

Les spécificités du manuscrit occitan

La version occitane du chant de la Sibylle est connue grâce au travail de Joseph Berthelé (1858-1926), archiviste, qui a recueilli, aux environs d’une ancienne abbaye d'Aniane dans l’Hérault, un lectionnaire (livre liturgique contenant les passages des textes religieux lus à l'occasion des cérémonies religieuses) copié à la fin du XIIe siècle et l’a transporté aux archives départementales de Montpellier. Ce lectionnaire comprend, outre dont la fameuse version occitane du chant, de nombreux autres textes comme des sermons, des Actes des Martyrs et des homélies.
Le texte de la version occitane du chant de la Sibylle est accompagné d’un unique feuillet de musique notée dans le mode de Ré qui pourrait être une transition entre le Mineur antique et le Majeur moderne de l’air de la chanson.
Le texte de la chanson est une adaptation en occitan d’une version latine et apparaît comme l’une des plus anciennes versions en langue non latine du texte. Cette adaptation est réalisée en vers rimés rythmés, groupés quatre par quatre qui s'adaptent à la mélodie. Elle permet ainsi de passer de la version latine à la version occitane entre chaque couplet, peut être à des fins de réappropriation par une population occitanophone.
La version occitane du texte ne comprend pas l'acrostiche présente dans la plupart des autres versions connues du texte.

Présentation du texte

Le contenu de la version occitane du chant de la Sibylle ne diffère pas fondamentalement des autres versions connues. Le chant narre les visions d’une prophétesse qui n’est pas présentée et dont les visions sont liées au jugement dernier de Dieu et donc à la fin de temps. En cela la chant de la Sibylle peut être qualifié d’eschatologique (dont le propos est lié à la fin des temps).
Ces visions font références à divers éléments et évènements bibliques (conséquences de la mort de Jésus-Christ sur Terre, ouverture des portes de l’Enfer pour les pécheurs…) et concernent autant les fizel (fidèles) que les descrezen (mécréants). Elles ont donc une valeur de mise en garde et d’avertissement auprès des fidèles.

Il faut probablement voir dans ce chant de la Sibylle et son succès le reflet de l’angoisse du passage vers l’an Mil dans la société occidentale du Haut Moyen Âge.

Postérité de l’œuvre

La version occitane de l’œuvre a fait l’objet d’un travail de réinterprétation en 2019 par l’artiste Clément Gauthier autour d’un projet collectif intitulé “Le chant de la Sibylle”.

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Robert Lafont : La Révolution régionaliste (1967)
Mediatèca occitana (CIRDOC-Béziers)

Dès 1954, Robert Lafont amorce une réflexion sur les « aspirations profondes, encore qu'inconscientes, d'une très vaste collectivité », qu’il observe en particulier dans la révolte des vignerons languedociens de 1907. En 1961-1962, le mouvement des mineurs de Decazeville fait émerger une prise de conscience autour du concept de colonialisme intérieur. On le retrouve en filigrane du fameux rapport de Michel Rocard « Décoloniser la province » (1966). Avec La Révolution régionaliste, paru à grand tirage chez Gallimard en 1967, Robert Lafont parachève l’émergence d’une conception, largement diffusée, du fait régional français ; il y trace une feuille de route qui sera un des socles de la pensée et de l’action régionaliste pour toute une génération.

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FELCO - CREO : une carte des enseignements bilingues

La FELCO-CREO est un regroupement d’associations régionales d’enseignants d’occitan de l’Éducation nationale. Fondée en 1987, la FELCO (Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc) œuvre à l’amélioration des conditions d’enseignement, tant pour les élèves que pour les enseignants, et développer cet enseignement à tous les niveaux.

Pour connaître les lieux où est enseigné l'occitan, consulter la carte de la France éditée par la FELCO-CREO

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