Regent e poèta audenc. Fonda mantunas escòlas felibrencas. Es sòci de l’Acadèmia dels Jòcs Florals de Tolosa. En 1900, es elegit majoral del Felibritge. En 1927 fonda lo Collègi d’Occitanía. Dirigís mantunas revistas, coma Lo Gai Saber e elabòra amb Antonin Perbòsc una grafia inspirada dels trobadors que servirà de basa a la grafia “classica” de l’occitan. Entreten una correspondéncia amistosa amb Mistral entre las annadas 1890 e 1910 dins laquala Mistral lo complimenta sus sa poesia e comenta sas causidas ortograficas, de còps en las li reprochant.
La letra del 31 de mars de 1895 es un compliment de Mistral per Lou Terradou. Ne saluda lo lirisme e l’autenticitat : “i’a qu’un fiéu de la terro pèr ama coum’acò e pèr canta la terro maire”. Sembla qu’a una vertadièra e prigonda admiracion per las òbras d’Estieu, sas criticas son elogiosas e passionadas, emplega sovent dins sa correpondéncia lo tèrme d’“artiste” per designar son amic e sarra son art d’aquel d’un orfèbre.
D’un autre costat, Mistral li manda un fum de cartetas portant de jòcs de mots entre lo nom d’Estieu e la sason.
Ça que la, Mistral admira pas tant sas causidas ortograficas : d’un costat Estieu respècta pas totjorn la grafia dels trobadors qu’a pasmens elegida coma modèl, de l’autre serva de letras que, segon Mistral, embarrassan la lectura. Aquela question tòrna sovent dins la correspondéncia.
Dins l’ensems, çò que Mistral repròcha a Estieu, es pas tant la causida del modèl que la coeréncia globala de la grafia elaborada amb Antonin Perbòsc. Mistral, que deplora una francizacion de la grafia occitana, incita los escriveires a s’apuejar sus aquela dels trobadors per la reformar en tenent compte de las particularitats dialectalas, mas en l’armonizant pron per evitar los abausiments grafics. Ça que la, sas pròprias causidas graficas son pas exemptas de tot repròchi e daissan transparéisser d’unas incoeréncias emai una cèrta subjectivitat.
Benlèu per jòc, una carteta datada del 4 de junh de 1898 es escricha en grafia “classica”.
Una autra tematica qu’a degut interessar Estieu es desvolopada dins aquela abondanta correspondéncia. Concernís la legenda d’Esclarmonda : lo 7 de julhet de 1911 Mistral tòrna transcriure per son amic un escambi dins loqual refusa lo títol de vice-president del “Comité parisien du monument d’Esclarmonde de Foix”, al motiu que crei pas mai a l’istòria d’aquela “militante cathare” esbrudida per Napoleon Peyrat. De la formulacion qu’emplega, se compren qu’i a cregut un temps, mas sas recèrcas li desvelan pas que de mençons tròp raras per justificar lo simbèu. Mistral a bastidas son òbra e sa Causa provençala sus un cèrt nombre de mites istorics e de projèctes politics que, de decepcions en remesas en question, son passats de l’estatut de conviccions a aquel d’illusions a sos uèlhs mas an pas demesit son estacament a la poesia nimai a la Causa. N’an benlèu sonque cambiada l’esséncia.
Le Mas du Juge, demeure familiale de la famille Mistral sur la route de Maillane à Saint-Rémy-de-Provence, vit naître et grandir tant Frédéric Mistral, le 8 septembre 1830, que son œuvre majeure, Mirèio.
Source: http://gallica.bnf.fr/
Le Mas du Juge. Egalement connu sous les noms de Mas de Clément et Mas-Crema (de cremat : brûlé en occitan, un incendie ayant potentiellement ravagé le bâtiment, ou du fait de sa proximité avec le Clos-Cremat, comme indiqué dans les Mémoires et récits de Mistral). L'étymologie de cette appellation pourrait être à rechercher dans les anciens propriétaires du bâtiment, dont les avis divergent toutefois selon les sources. Ancienne viguerie du Procureur de Monaco (cf. Site internet des actuels propriétaires), cette demeure dâtée du XVIIIe siècle, est également attribuée à la dame Perriat, fille d'un juge de Saint-Rémy, achat lui-même réalisé auprès d'une "dame Baltrat épouse Tourel". (cf. Mistral ou l'empire du soleil, p.39).
Sur la route entre Maillane et Saint-Rémy-de-Provence.
Demeure de notables au XVIIIe siècle, elle devient ensuite le cœur d'une propriété agricole pour les "ménadiers" de la famille Mistral à compter du rachat de l'ensemble par Antoine Mistral en 1803, et jusqu'à la vente de celle-ci par Frédéric Mistral Neveu.
Propriété de particuliers depuis, la bâtisse accueille toutefois le public lors de visites commentées autour de la vie et de l'œuvre de Frédéric Mistral (découverte des lieux et documents à l'appui) ainsi que de nombreux événements culturels (concerts, spectacles, conférences). Découvrir le détail des propositions.
XVIIIe siècle
Le Mas du Juge est historiquement lié à la figure de Frédéric Mistral,poète provençal, fondateur du Félibrige et du Museon Arlaten, prix Nobel de littérature en 1904. Entrée dans sa famille en 1803 lors de l'achat de cette bastide provençale par Antoine Mistral, elle fut par la suite léguée aux aînés de la famille et revint à ce titre en 1827 à François Mistral, père du poète occitan. Le mas du Juge accueille la naissance (1830) et les jeunes années de Frédéric Mistral. Sa licence de droit obtenue à Aix-en-Provence en 1851, le futur auteur des Isclo d'Or s'installe sur les terres familiales d'où il entame son entreprise de rénovation de la langue et de la culture occitanes : "Et là même, - à cette heure, j'avais mes vingt et un ans, - le pied sur le seuil du Mas paternel, les yeux vers les Alpilles, en moi et de moi-même, je pris la résolution : premièrement, de relever, de raviver en Provence le sentiment de race que je voyais s'annihiler sous l'éducation fausse et antinaturelle de toutes les écoles; secondement, de provoquer cette résurrection par la restauration de la langue naturelle et historique du pays, à laquelle les écoles font toutes une guerre à mort : troisièmement, de rendre la vogue au provençal par l'influx et la flamme de la divine poésie." (Memoires et récits, édition de 2008, Arles, Actes Sud, p.159). C'est entre ses murs qu'il entreprend d'ailleurs de rédiger la première de ses oeuvres majeures, Mirièio. Le 4 septembre 1855, le décès de François Mistral, et les litiges relatifs à la succession, conduisent Frédéric et sa mère, Délaïde, seconde épouse du patriarche, à quitter la propriété définitivement. L'épisode, douloureux pour le poète, est relaté dans ses Memòri e racontes : "une semaine après, au retour du service, le partage se fit.[...] Et au Mas paternel, qui n'était pas dans mon lot, il fallut dire adieu". (Ibid, p.247). Celle-ci revient alors, selon la tradition provençale, au fils aîné Louis Mistral, et après lui à son fils Théophile Mistral. A la mort de celui-ci, Frédéric Mistral, petit-neveu de l'illustre aïeul hérite du Mas du Juge, la vendant plus tard hors du cercle familial.
La propriété se composait du temps des Mistral d'un ensemble de 25 ha de terrain, ainsi que d'un corps de ferme. "La bastidasso ount nasguère, en fàci dis Aupiho, toucant lou Claus-Créma, se ié disié lou Mas dóu Juge : un tenemen de quatre couble, emé soun pastre, sa servènto [...]" / "La vieille bastide où je naquis, en face des Alpilles, touchant le Clos-Créma, avait nom le Mas du Juge, un tènement de quatre paires de bêtes de labour, avec son premier charretier, ses valets de charrue, son pâtre, sa servante [...]". (cf. Sur les pas de Frédéric Mistral p.11) De forme longitudinale, la demeure est entourée d'un vaste jardin. Prélude à l'arrivée au mas, une allée de platanes, et sur le côté du chemin, un muret aujourd'hui gravé d'un portrait de Frédéric Mistral. Sur l'un des murs latéraux du mas, figure également une plaque portant l'inscription suivante "Dins aqueste Mas dou Juge Frederi Mistral es nascu lou 8 de setèmbre 1830 i'a viscu sa bello jouinesso. Escri si proumièris obro e pièi "Mirèio" lou quittant, en setèmbre 1855, qu'après la mort de soun segne paire Francés Mistral, de qu'au a escri : "C'est lui qui m'a rendu poète". Lauso aubourado lou 18 de mai 1959, jour de la Santo-Estello à Maiano. Pèr li siven de soun rèire-nebout e fihou, prouprietàri dou mas Mireien." Dans ce Mas du Juge, Frédéric Mistral est né le 8 septembre 1830 et y a vécu sa belle jeunesse. Il y écrivit sa première oeuvre et puis "Mirèio", ne le quittant, en septembre 1855, qu'après la mort de son père François Mistral, du quel il a écrit : "C'est lui qui m'a rendu poète". Pierre érigée le 18 mars 1959, jour de la Saint-Estelle à Maillane, par son grand-neveu et fils, propriétaire du mas Mireien."
La maison elle-même n'a pas fait l'objet d'une procédure d'inscription ou de classement aux Monuments historiques. Le Jardin du mas toutefois, a fait l'objet d'une campagne d'inventaire en 1994.
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L'art roman a produit un très riche bestiaire symbolique, composé d'animaux réels et d'animaux exotiques et fantastiques. Ce bestiaire est particulièrement représenté dans la sculpture des édifices religieux (portails, chapiteaux, corniches, etc.) et dans l'enluminure des manuscrits à contenu représentations symboliques incarnant souvent le combat entre le bien et le mal. De même les « bestiaires » littéraires sont destinés à l'instruction morale des chrétiens. Les animaux y ont des caractères et des mœurs comparables à ceux des hommes.
Les animaux humanisés sont également présents dans le décor des fables et satires comme le très célèbre ensemble de récits des XIIe et XIIIe siècle regroupés sous le nom de Roman de Renart. À partir du XIIIe siècle, la redécouverte des œuvres d'Aristote produit une approche plus réaliste du monde animal, en particulier dans les encyclopédies. Les livres de chasse donnent également lieu à une importante iconographie relative au gibier et aux animaux sauvages.
« Le bestiaire dans l'enluminure médiévale », exposition et dossier virtuel réalisés à partir de l'exposition de manuscrits à la Bibliothèque nationale de France (11 octobre 2005 au 8 janvier 2006). Exposition virtuelle (commissariat : Marie-Hélène Tesnière, conservateur en chef au département des Manuscrits). L'exposition virtuelle propose de nombreuses reproduction de manuscrits, pour la plupart issus des collections de la Bibliothèque nationale de France et de la Médiathèque d'agglomération de Troyes. Peu de manuscrits de provenance méridionale.
Parcourir l'exposition sur le site de la BnF
Liste des bestiaires littéraires du Moyen-Âge sur le site ARLIMA : à consulter en ligne.
« Les mystères du bestiaire roman » : un petit dossier sur le bestiaire sculpté dans les édifices religieux de Poitou-Charentes réalisé par le service des musées de Poitiers.
Juliette GUIGON, Le bestiaire de la sculpture romane : Thèse de doctorat : Médecine vétérinaire : École vétérinaire de Maisons-Alfort : 2004
Voir la fiche en ligne sur le répertoire informatisé d'ARLIMA
2e moitié du XIIIe siècle. Imitation en prose occitane du Bestiaire d'amour de Richard de Fournival (en français, vers 1250). Auteur anonyme, connu par une copie sans doute incomplète présente dans l'un des plus importants chansonniers occitans, le chansonnier dit La Vallière (Bnf, ms français 22543, f. 140 r et v).
Consulter la fiche sur le répertoire ARLIMA
Consulter le Chansonnier provençal (Chansonnier La Vallière) en ligne sur GallicaBreviari d'amor, copie N (Bibliothèque nationale de Russie : Ms. Prov. F. V. XIV.1)
Le ms N, sans doute réalisé à Lérida à la fin du XIIIe siècle, est l'un des plus richement enluminés.
Breviari d'amor, copie A (Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 857)
Breviari d'amor, copie B ( Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 9219)
Breviari d'amor, copie C ( Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 858)
Joséphin Péladan (1859-1918), tanben conegut jol pseudonim de Sar Péladan, es un escrivan francés simbolista e idealista, wagnerian. S’interessa a las sciéncias ocultas e misticas : sòci de l’Òrdre Kabbalistic de la Ròsa-Crotz, fonda puèi l’Òrdre de la Ròsa-Crotz catolica e estetica del Temple e del Graal. Es l’organizator dels Salons de la Ròsa-Crotz. Participa a mantunas revistas artisticas e literàrias e es l’autor d’unes tractats d’iniciacion e de tragèdias.
Dins la letra datada del 8 de mars de 1888, Mistral merceja Péladan per “l’envoi” en son onor, escrich dins son obratge À Cœur perdu. S’agís probablament d’una dedicaça manuscricha que Péladan auriá notada dins un exemplari mandat a Mistral. Es pas rar que Mistral recépia e legisca los obratges d’autres autors, per apuèi los complimentar e faire una pichòta critica de l’òbra, emai s’aquela compòrta d’aspèctes negatius.
Aquí, lo merceja mas s’espandís pas sus la critica : “vous dire par écrit mon impression sincère serait compromettant, et je la garde pour moi”. Es doncas malaisit de saber exactament consí cal comprene aquel “compromettant”. Lo personatge de Joséphin Péladan es tal que pòt pas daissar Mistral indifferent : aqueste adòpta dins la seguida de la letra un ton moralizator, un pauc sentenciós, sembla de voler metre Péladan en garda contra son actitud o son discors tròp provocators, mas demòra fosc e misteriós, cita pas brica de fach precís. Benlèu qu’aquela letra es un bon testimòni de la prudéncia caracteristica de Mistral.
La letra seguenta, datada del 13 de febrièr 1897, es mai serena. Dins lo temps que separa aquelas letras, los dos òmes an degut aprene a se conéisser mai, al mens entretenon de ligams amistoses : “nous vous remercions, ma femme et moi, de la charmante visite que vous nous fites [sic] le mois passé”. Péladan contunha de li mandar sas òbras en li dedicant d’epigrafas e Mistral saluda a cò de Péladan tant l’òbra poetica coma l’òme : çò qu’èra probablament de provocacion dins la primièra letra es vengut dins la segonda “idées courageuses”, “indépendance fière” e “nouveautés fécondes”.
A l'est du département de l'Hérault et dans une bonne part de celui du Gard, s'étendent des zones humides, partie occidentale de la Camargue. Au cœur de cette Petite Camargue, évoluent manadiers et taureaux noirs, les biòus qui chaque année, d'avril en octobre défient l'homme au cours des courses camarguaises. Cette pratique sportive consiste pour les raseteurs, à décrocher grâce à de petits crochets de métal, la cocarde placée sur l'os frontal de l'animal.
La bouvine, tradition séculaire de ces espaces, regroupe autour d'elle la communauté villageoise au cours des fêtes votives. Abrivada, capelada, aubadas et empègas perpétuent les rites et traditions de cette fête aux accents occitans.
L'homme et le taureau ont en commun une longue histoire, dépassant les frontières de la Camargue. Les trésors architecturaux et artistiques de la Haute Antiquité, témoignent du culte voué au bovin. Il est le dieu Apis des éyptiens, et les représentations de voltige avec taureau ornent toujours les ruines de l'ancienne civilisation minoenne en Crète. Il demeure depuis cette époque, un symbole de force, de puissance et de fertilité dans de nombreuses civilisations.
La Camargue, aux riches maraîs et terres de patures, constitue un microcosme favorable à l'élevage de bovins sauvages. Le biòu de Camargue, taureau noir aux cornes en forme de lyres, aujourd'hui élevé de façon semi-sauvage, constitue ainsi depuis des siècles, l'un des emblèmes d'une région et de ses modes de vie. (P15TRADITIONS TAURINES ENTRE MER ET VIDOURLE). Il est la vedette des courses camarguaises, un jeu taurin attesté au moins depuis le début du XVe siècle dans la région, lorsqu'en 1402 à Arles, l'un de ces combats est organisé en l'honneur de Louis II de Provence (cf. Lis p.82).
Longtemps, la bouvine demeure sans codes ni réglementation précise, comme en témoignent les témoignages disséminer de siècles en siècles. La pratique a alors des contours flous, présentant des divergences vis-à-vis des courses camarguaises actuelles. Elle n'en demeure pas moins déjà, une pratique bien ancrée dans un territoire faite de traditions et de coutumes propres à un espace et regroupant autour d'elle la communauté.
Nombreux sont les auteurs a avoir trouvé en la bouvine une source d'inspiration. Nous devons à l'érudit marsillarguois Germain Encontre, un ouvrage de référence pour la connaissance de cette pratique avant le tournant opéré au cours du second XIXe siècle, l'introduction de la corrida en France venant bouleverser l'existant. Paru en 1839 et depuis réédité et analysé par Alain Laborieux dans Le Taureau et la fête, ce long poème de 1500 vers revient sur la préparation et le déroulement d'un jour de fête en Camargue. Comme bien des fêtes patronales, cette journée est l'occasion de faire entrer les taureaux dans la ville.
La corsa di biòu nous présente les acteurs de la fête pris au cœur de l'action, gardians,biòus et raseteurs sont les héros de l'intrigue. L'ouvrage présente les particularités de cette pratique en ce premier XIXe siècle. Du temps de Germain Encontre, c'est au son des instruments traditionnels occitans que sont les hautbois et les tambourins, que s'organisent les festivités. (cf. Le Taureau et la fête...). Cette journée constitue un moment de fête réunissant l'ensemble de la communauté villageoise. Notons ainsi la présence des Chivau frus, les chevaux jupons, mais surtout des danses comme celle du Chivalet (cf. P166), ou la farandole. Celle-ci ouvre communément les festivités menée, comme bien souvent durant les fêtes traditionnelles, par les jeunes célibataires de la ville.
Gratuite comme nous le rappelle l'auteur, la fête patronale repose sur la participation de l'ensemble de la communauté, soit par l'entremise de la municipalité, soit plus traditionnellement, par la prise en charge des jeunes gens célibataires. Ils seront par la suite remplacés par les conscrits qui héritent de ce privilège.
Les murs et les portes de bien des communes en pays de bouvine présentent aujourd'hui encore d'étranges peintures, les empègues. Ces dessins réalisés au pochoir témoignent de la part rituelle des courses camarguaises.
L'empègue, de l'occitan empegar (coller) en référence à la résine – la pega - utilisée, s'inscrit dans le cadre plus large de la pratique de l'aubade. Il était en effet de coutume de confier aux plus jeunes la mission d'organiser la tenue de la bouvine. Afin de mener à bien cette mission, les jeunes ou abats faisaient une aubada (aubade), une tournée les menant de maison en maison (traditionnellement celles abritant de jeunes filles non mariées) en vue de collecter les dons qui leur permettraient de financer les spectacles à venir. Symbole de cette pratique, l'empègue venait alors orner le mur des demeures ayant contribué. A chaque année sa troupe de jeune et ses empègues, les motifs évoluant afin de différencier chacun des paiements. Ces dessins renvoient généralement au monde de la bouvine ou de la Camargue : chevaux, taureaux, croix camarguaise... bien qu'aujourd'hui des représentations plus contemporaines s'y ajoutent périodiquement, tel un maillot de football. L'empègue dont la tradition voudrait que Beauvoisin abrite le plus ancien exemple, un dessin de 1894, se perpétuent aujourd'hui encore dans certaines communes du Gard. On en trouve ainsi à Beauvoin, aux Aubais ou encore au Caylar (page wikipédia et blogs respectifs...).
En dépit d'évolutions notables de la pratique, la course camarguaise n'en demeure pas moins liée à l'histoire et à la culture provençale, un temps à part qui réunit autour de lui l'ensemble de la communauté. La course en elle-même, ses moments de défis entre l'homme et l'animal, ne sont-ils pas autant de rites de passage ? De fait, la bouvine et les rituels qui l'accompagnent, participent de l'identité et de la culture provençale. En cela, elle fut au XIXe siècle l'objet de toutes les attentions du Félibrige.
Les toros bravos espagnols entrent en France au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Les arènes rouvrent leur portes, après avoir été jusque-là délaissées par les jeux taurins provençaux qui investissait de préférence l'espace même de la ville. Face au succès grandissant des corridas, la bouvine, née d'une nécessité quotidienne, l'élevage et la manade des biòus, va évoluer, aidée en cela par l'intervention de passionnés soucieux de préserver ce pan du patrimoine occitan.
Parmi les figures notables ayant travailler à donner à la course camarguaise ses lettres de noblesse, notons Folco de Baroncelli-Javon, poète et manadier. (cf. Georges Lis, p.85).
Né à Aix-en-Provence en 1869, le jeune marquis est le descendant d'une vieille et noble famille italienne installée depuis le XVe siècle en Avignon, ville qui abrite le palais de la famille, mieux connu sous le nom de Palais du Roure. Le lieu conserve aujourd'hui encore les collections réunies par Baroncelli, véritable musée dédié à la muse provençale et temple de la course camarguaise (cf. Site du Palais du Roure ou de la ville d'Avignon).
C'est auprès de sa grand-mère, Madame de Chazelles, qu'il découvre et nourrit une passion pour la manade : la fé di biòu. (cf; René Béranger, p17). L'âge adulte venu, il se fait d'ailleurs manadier et s'installe aux Saintes-Marie-de-la-Mer où il fonde la Manada Santenca (cf.idem p/.99). Depuis les Saintes, il circule avec son troupeau au cœur de la Camargue, se rendant notamment fréquemment au Caylar, cette 'Mecque' de la manade provençale (P18 Georges Lis). Poète de langue occitane et membre du Félibrige dont il s'est rapproché durant sa période avignonnaise (cf. L'Astrado, n°29, 1994, p97), Folco de Baroncelli compose parallèlement de nombreux ouvrages et poésies, compositions dans lesquelles s'invitent fréquemment taureaux, manadiers et Camargue (cf. Lo biòu, Babali, Nouvello prouvençalo...).
Le Félibrige, fondé en 1854 et qui se structure alors autour de Roumanille, Devoluy mais surtout de Mistral, a alors à cœur de renouveler et de préserver les "petites patries" et les traditions propres à un monde qu'ils considèrent en danger de disparition. En pays de bouvine se mettent en place différentes festivités et cérémonies autour du costume (Festas Virginencas) et des gardians. A Arles aujourd'hui encore, la fête des Gardians débute d'ailleurs par un salut à la figure tutélaire du poète Mistral.
En 1909, suite à l'action de Folco de Baroncelli, lo Comitat Virginenc devient la Nacion Gardiana (idem Astrado 101), société de défense des traditions camarguaises. En 1921, le même Folco est aux premières loges de la Levée des tridents, en référence à l'outil symbolique des gardians, phénomène de réaction face aux procès et attaques dont les courses camarguaises font alors l'objet. Le défilé, pacifique, parvient à obtenir gain de cause (Georges Lis, Pays de Bouvine, Montpellier, les Presses du Languedoc, 2004). Outre cette manifestation emblématique, Lo marquès, agit plus en profondeur, contribuant à l'uniformisation et à la réglementation d'une pratique qui pâtissait jusque-là de son relatif anarchisme. (P75Marcel Salem, Envoûtement camarguais.).
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Alors que la corrida s'impose peu à peu en Provence, les afecionats (les passionnés) de la bovina, prenant en compte les faiblesses d'une pratique très peu codifiée et uniformisée sur le territoire camarguais, travaillent à son renouvellement. Peu à peu des règles s'instaurent, un calendrier des festivités se met en place, rythmé autour de l'abrivada (l'arrivée), jusqu'aux courses elles-mêmes opposant raseteurs et taureaux cocardiers (hommes et bêtes).
Folco de Baroncelli décède le 15 décembre 1943 à Avignon, loin de son mas du Simbèu réquisitionné par les troupes allemandes. Rénovateur de la course camarguaise, il fut aussi le principal artisan de sa mémoire, réunissant dans le palais familial d'Avignon, de précieuses collections retraçant l'histoire d'une pratique et d'un peuple.
Aujourd'hui la bouvine a opéré sa mue et peut compter sur un nombre stable sinon croissant d'afecionats.Les courses camarguaises viennent ainsi rythmer, entre avril et octobre (elle se déroule à Aigues-Mortes au début de ce mois), la vie des communes camarguaises.
De nombreuses histoires courent autour de la présence de cette grenouille au cœur du bénitier de l'église de Saint-Paul, la liant directement à celle du saint patron. Ce dernier serait arrivé dans la région au IIIe siècle, en provenance d'Asie Mineure, afin de l'évangéliser. C'est à proximité de l'étang de Bages qu'il fait un jour la rencontre de pêcheurs locaux le mettant au défi de voguer sur un bloc de marbre. Saint Paul, s'il parvient à tailler le marbre de sorte à en faire une embarcation, ne parvient toutefois pas à le manœuvrer. Surgit alors des eaux une grenouille lui proposant de lui servir de gouvernail pour le mener à bon port. Cette rainette serait peut-être, selon une autre légende locale, une grande dame romaine convertie par Saint Paul et qui, refusant d'abjurer pour épouser l'empereur Justinien, fut précipitée dans les flots et se transforma en rainette. Le batracien du bénitier serait alors un rappel constant de cette histoire (cf. Récits et contes populaires du Languedoc, recueil par Claudine et Daniel Fabre, Gallimard, 1978, pp.126-127 – cote CIRDOC CC 51-6-3). D'autres légendes raconte que la grenouille aurait été au contraire pétrifiée par Saint Paul lui-même, faisant cesser ainsi les coassements de l'animal perturbant son prêche.
La célèbre rainette de Narbonne, toujours présente dans l'église aujourd'hui, a une patte cassée. C'est autour de celle-ci que se concentre l'histoire rédigée en 1856 par le poète narbonnais Hercule Birat dans La Gragnotto dé Sant-Paul.
Hercule Birat, né dans cette ville à la fin du XVIIIe siècle (1796), laissa à sa mort en 1872, une œuvre féconde et protéiforme tant occitane que française. Chansons, satires, mais aussi poèmes sont autant de médias utilisés par Birat, proposant dans un style populaire et provincial revendiqué, les chroniques de sa ville natale.
Poète du local, féru d'histoire régionale, Birat connaît et convoque les légendes et histoires qui entourent sa région, se faisant lui-même conteur et passeur de mémoire dans bien des écrits. En 1861 paraissent Les Poésies narbonnaises, recueil qui regroupent différents écrits poétiques de sa main, dont le sous-titre nous renseigne sur le propos : "Poésies narbonnaises en français ou en patois, suivies d'entretiens sur l'histoire, les traditions, les légendes, les moeurs, etc., du pays narbonnais, par H.Birat".
C'est dans le tome II de cet ouvrage que dans le cadre du cycle de Saint-Paul, parait l'histoire de La Gragnotto dé Sant-Paul (p.195-220 de l'édition de 1860, Narbonne, E.Caillard [Cf. http://occitanica.eu/omeka/items/show/612]). La pièce date de 1856 et traduit le goût de l'auteur pour la création à partir de légendes et textes primitifs locaux.
Le bénitier de l'église Saint-Paul de Narbonne, présente dans son fond une petite grenouille de marbre, dont l'origine a de tout temps suscité les questionnements et l'imagination. De nombreuses légendes courent ainsi autour du batracien, par ailleurs immortalisé par de nombreuses cartes postales et photos.
Dans La Gragnotto dé Sant-Paul, qu'il rédige en occitan, Hercule Birat met en vers sa version de l'histoire du batracien narbonnais, et notamment de l'absence de sa patte avant droite, dont voici le résumé. Il n'existe pas en effet à notre connaissance de traductions de cette histoire en français. Vous pouvez toutefois en découvrir certains extrais traduits sur les sites internet suivant : polymathe.over-blog.com (http://polymathe.over-blog.com/article-35978332.html) ou notabene (http://notabene.forumactif.com/t364-la-grenouille ).
L'histoire raconte le tour de France d'un jeune ouvrier de Nancy, "Calisto" (Calliste ou Calixte). Il reçoit avant son départ les nombreux conseils de son père, Paul Moran, l'invitant à se rendre à Narbonne et là, à découvrir la grenouille qui se trouve dans le bénitier de l'église Saint-Paul. Il lui raconte qu'à l'époque, les Narbonnais survécurent 'six ou sept" ans durant un siège, en se nourrissant des précieuses grenouilles.
Sur place, le jeune homme, qui durant les recommandations de son père n'écoutait que d'une oreille, découvre bien des monuments mais oublie de se rendre auprès du bénitier. A son retour, rendant compte d'un voyage de près de 4 ans, il énumère ainsi, et Birat avec lui, les diverses richesses de la ville de Narbonne mais omet bien entendu de parler de la grenouille. En dépit de ses récits, son père l'enjoint alors de s'en retourner à Narbonne voir le batracien, et lui indique alors l'emplacement précis de l'église où se trouve la grenouille de marbre.
Le fils reprend donc seul la route, son père étant trop âgé pour l'accompagner. Il se munit pour l'occasion d'une lime et d'un ciseau (le jeune homme est lui-même ouvrier), murissant durant les douze mois de voyage, son projet de vengeance. Arrivé devant l'animal, il pose sur les reins de la grenouille son outil pour la réduire en "sept ou beït boucis" (sept ou huit bouts). L'eau présente dans le bénitier se change alors en un sang d'un profond pourpre. Calisto pris de panique fuit, mais s'écroule à quatre pas de la sortie, passant plus d'un an à l'hôpital, et ne survivant pas plus de douze ans à sa tentative.
D'autres racontent qu'un grand bruit retentit au même moment bouleversant le destin des personnes présentes (l'une devint sourde, une autre se brisa la hanche suite à un bond de terreur...). Certains affirment même que trompettes et cloches sonnèrent de leur seul fait.
Si à notre connaissance, il n'existe pas d'éditions en français de cette poésie. La Gragnotto dé Sant-Paul a toutefois été reprise et adaptée en occitan par Frédéric Mistral. Publiée une première fois dans l'Armana Prouvençau de 1890 (pp.58-61) sous le titre de La granouio de Narbouno, elle a par la suite été rééditée dans Moun espolido, ouvrage traduit en français sous le titre de Mémoires et récits. Vous en trouverez différents exemplaires disponibles au prêt au CIRDOC à la cote "Mist roman", et est également présente dans le volume trois des Récits et contes populaires du Languedoc (recueil par Claudine et Daniel Fabre, Gallimard, 1978 – cote CIRDOC CC 51-6-3).
Le héros, dénommé pour l'occasion Pignolet, poursuit ici aussi son tour de France. Originaire de Nancy chez Birat, il devient Grassois chez le Nobel provençal. Une fois de plus la grenouille subit les assauts du ciseau, mais alors qu'elle vient de perdre une patte, rougit l'eau, marquant pour toujours le bénitier de l'église. L'histoire ne dit pas ce qu'il advint du vandale de cette version.
Pour en savoir plus:
Récits et contes populaires du Languedoc, 3, Dans le Narbonnais. Recueillis par Claudine et Daniel Fabre. [Paris] : Gallimard, 1978, cop. 1978 (45-Malesherbes) : impr. Maury). (Cote CIRDOC : 398.148 REC).BIRAT, Hercule, Poésies narbonnaises en français et en patois, suivies d'entretiens sur l'histoire, les traditions, les légendes, les moeurs, etc., du pays narbonnais, Narbonne : E. Caillard, 1860 (Cote CIRDOC: CAC 452-1).
MECLE, André, "Hercule Birat, le poète de Narbonne", In La Voix Domitienne n°26-27 de 1997, p. 138-142 (Cote CIRDOC: O2).
MISTRAL, Frédéric, Mémoires et Récits, Bordeaux : Aubéron, 1999 (53-Mayenne) : Impr. Floch). (Cote CIRDOC : R.FRA MIS m ).
Le Dictionnaire languedocien-français de Pierre-Augustin Boissier de Sauvages est l'une des plus importantes œuvres lexicographiques occitanes imprimées et diffusées à l'époque moderne. Il a été un instrument de travail important pour les écrivains de la renaissance d'oc qui y font souvent référence au XIXe siècle.
Son auteur, l'abbé Pierre-Augustin Boissier de Sauvages (1710-1795), né et mort à Alès (Gard), est le frère du médecin et naturaliste François Boissier de Sauvages (1706-1767). Professeur de philosophie au Collège d'Alès, Pierre-Augustin Boissier de Sauvages se consacra aux sciences naturelles et publia plusieurs études relatives à la sériciculture, socle de l'économie cévenole au XVIIIe siècle. Il fait partie des petits contributeurs provinciaux de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Malgré des études de théologie dans sa jeunesse à Paris, Pierre-Augustin Boissier de Sauvages embrasse tardivement la prêtrise, en 1771, à l'âge de 61 ans.
Dictionnaire languedocien-français est le titre conventionnel de l'œuvre, qui s'applique à ses trois éditions différentes. Il est utilisé comme autorité titre dans les catalogues et inventaires [voir la notice d'autorité titre dans le catalogue de la BnF].
Les deux éditions parues du vivant de l'auteur (1756, 1785, voir ci-dessous) sont anonymes. L'identification de l'auteur a beaucoup varié dans les inventaires et les études sur l’œuvre : Abbé de S *** ; Abbé de Sauvages ; Abbé Boissier de Sauvages ; Pierre-Augustin Boissier de la Croix de Sauvages ; Pierre-Augustin Boissier de Sauvages de la Croix (parfois Lacroix).
La forme Pierre-Augustin Boissier de Sauvages est la forme d'autorité internationale dans les catalogues et inventaires [voir la notice d'autorité de nom de personne dans le catalogue de la BnF].
Le Catalogue collectif de France (ccfr.bnf.fr) signale une vingtaine d'exemplaires pour chacune des éditions anciennes (1756, 1785). L'édition moderne de 1820 paraît plus rare (environ 6 ex. référencés).
(A)
Dictionnaire languedocien-françois, ou choix des mots languedociens les plus difficiles à rendre en françois : contenant un recueil des principales fautes que commettent dans la diction et dans la prononciation françoise, les habitans des provinces méridionales du Royaume, connus à Paris sous le nom de Gascons. Avec un petit traité de prononciation et de prosodie languedocienne. / par M. l'abbé de S*** ; A Nimes : chez Michel Gaude, 1756 ; (A Avignon) : de l'imprimerie de Mérande, 1756 (XXXI-492 p.)
(B)
Dictionnaire languedocien-français : contenant un Recueil des principales fautes... Nouvelle édition, corrigée d'un grand nombre de fautes, augmentée d'environ dix mille articles, et en particulier d'une nombreuse collection de proverbes languedociens et provençaux. / par Mr. L.D.S. ; A Nismes : Gaude, Père, Fils & Compagnie, Libraires, 1785 .- 2 t. (XL - 388 p. ; 395 p.) [les deux tomes sont souvent réunis en un seul vol.]
[Le terme impropre de "Gascons" est abandonné et l'important recueil de proverbes et dictons apparaît pour la première fois dans la 2e édition.]
(C)
[Louis-Augustin d'Hombres-Firmas (éd. Scientifique)] Dictionnaire languedocien-français, : contenant un recueil des principales fautes... suivi d'une collection de proverbes languedociens et provençaux. Nouvelle édition, revue, corrigée, augmentée de beaucoup d'articles ; et précédée d'une notice biographique sur la vie de l'auteur, par son neveu L.A.D.F. / par M. l'abbé de Sauvages ; A Alais, chez J. Martin, imprimeur-libraire, 1820. - 2 t. (XXXVIII – 390 p. ; 399 p.) [reprint : Genève, Slatkine, 1971, 2t. en 1 vol.]
Le Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages fait partie des premiers dictionnaires et lexiques imprimés de la langue occitane, antérieurs aux deux grandes entreprises du XIXe siècle, le Dictionnaire provençal-français de Simon-Jude Honnorat (Digne, 1846-1848) puis Lou Tresor dóu Felibrige de Frédéric Mistral (1878-1886).
Les dictionnaires occitan-français qui se multiplient au XVIIIe siècle sont souvent conçus pour éduquer les élites méridionales à la langue française classique plutôt que pour constituer des instruments linguistiques pour l'usage ou l'étude de la langue occitane. Le modèle du genre est bien sûr le dictionnaire de Desgrouais (1706-1766), professeur au Collège de Toulouse, Les gasconismes corrigés : ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler & écrire correctement...(Toulouse, 1766), véritable classique maintes fois réédité, où « L'auteur veut seulement rendre les Gascons attentifs à des gasconismes qui ne leur sont que trop familiers, et dont il est important qu'ils se corrigent, s'ils veulent éviter ces petites humiliations, auxquelles les personnes qui parlent mal sont exposées , surtout à Paris, où ces expressions impropres ne manquent pas de donner lieu à des railleries dont il est toujours désagréable d'être l'objet. » (1) ou, comme l'écrit Jean-Claude Bouvier à propos des dictionnaires provençaux antérieur au Tresor dóu Felibrige : « Beaucoup de dictionnaires ou de glossaires de volume et d'intérêt inégal sont réalisés par des érudits locaux qui obéissent à deux sortes de raisons. Très souvent [...] ces ouvrages ont un but pratique : permettre aux 'Français du Nord', de plus en plus nombreux en Provence, de comprendre la langue du pays, mais surtout apprendre le 'bon français' aux Provençaux." (2)
Le Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages occupe cependant une place singulière dans ce corpus. L'abbé Boissier de Sauvages, professeur au Collège d'Alès est avant tout un scientifique menant nombre d'expériences naturalistes et géologiques – on loua postérieurement les principes newtoniens audacieux de son enseignement (3). Boissier de Sauvages publia d'importantes études sur la culture du ver à soie, rassemblées dans son Mémoire sur l'éducation des vers à soie en 5 tomes, (Nîmes, Gaude, 1763). Arpentant les Cévennes pour ses recherches naturalistes, il côtoyait quotidiennement les habitants du territoire dont la langue principale - et souvent unique - fournit la matière de son dictionnaire. Selon un témoignage oral rapporté par François Raynouard dans Le Journal des sçavans en 1824, « il choisissait toujours ses servantes dans les villages des Cévennes, où la tradition du vieux langage s'était le mieux conservée ».
La première édition du Dictionnaire languedocien-français (1756) constitue déjà une véritable entreprise lexicographique même si elle reste conduite dans l'esprit d'un manuel de « gasconismes corrigés ». En revanche la seconde édition, corrigée et augmentée par Boissier de Sauvages et parue en 1785, représente désormais un véritable dictionnaire de langue occitane réalisé à partir d'un patient travail de collecte de la langue parlée par les occitanophones des Cévennes et appuyé sur un sérieux travail de compilation des ouvrages et matériaux disponibles (glossaire de Godolin, premières éditions des troubadours, etc.). Dans son article consacré aux différentes éditions du Dictionnaire languedocien-français (AIEO, 1987, voir bibliographie), Claire Torreilles a notamment remarqué les relations qui unissaient Boissier de Sauvages avec l'abbé René Séguier qui avait produit un important lexique manuscrit du languedocien parlé dans les Cévennes (4).
Le cas du Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages fait débat, tantôt perçu dans la lignée des glossaires « patois », dévalorisant la langue occitane et destiné à corriger la prononciation et le vocabulaire français des « méridionaux », tantôt perçu comme une œuvre lexicographique pratique et non dépourvue de discours valorisant :
« Ce livre était destiné à enseigner aux Méridionaux le français littéraire. Malgré cela et quoique l'ouvrage ne vise pas à être complet, il contient de précieux renseignements sur le dialecte languedocien au milieu du XVIIIe s." (Walther von Wartburg, à propos de l'édition (A), 1756 ; voir bibliographie).
En réalité, il y a une évolution dans les buts poursuivis par Boissier de Sauvages entre son édition de 1756 et celle de 1785 au sujet desquels les interprétations divergent : « Il semble qu'il y ait une accélération de la dévalorisation [des langues dites régionales par rapport au Français] dans les années 1750-70. À titre d'exemple probant : le changement des finalités des dictionnaires occitans. Boissier de Sauvages qui, en 1756, avait encore attribué une importance pratique à son dictionnaire languedocien-français, modifie complètement la préface de la seconde édition de 1785 : la seule finalité qu'il admet à ce moment-là est celle d'utilité pour l'auto-correction linguistique des languedociens. » (Brigitte Schlieben-Lange, 1996, voir bibliographie).
À l'opposé, d'autres auteurs remarquent dans la deuxième édition du Dictionnaire languedocien-français de Boissier de Sauvages la formation d'un discours de défense de la langue d'oc : à propos du terme « patois », « L'abbé de Sauvages, dans son Dictionnaire, y consacre un article remarquable où il fait preuve d'une extrême lucidité quant aux connotations de ce terme. Il en perçoit d'abord l'aspect global puis celui de sous-langue, il écrit "c'est un langage dégénéré d'une langue plus parfaite" et il prend soin en suivant de distinguer le patois de sa langue : "il n'en est pas de même du gascon ou languedocien", et de s'étendre sur les causes sociolinguistiques de la situation de la langue. En citant d'autres auteurs, en l’occurrence M. de Vaissette et M. de Gibelin, il renforce encore son argumentation : "Le nom de patois ne peut convenir à une langue subsistante depuis plus de quinze cents ans" » (Marie-Anne Châteaureynaud, voir bibliographie).
Claire Torreilles a montré les différences fondamentales entre le projet (A) paru en 1756 et le projet (B) de 1785. La deuxième édition profite de dix ans de travail de compilation d'écrits occitans du Moyen Âge et de l'époque moderne. L'édition (B) répond à un véritable travail scientifique qui participe à une meilleure connaissance, de la part de Boissier de Sauvages, de l'ensemble occitanophone "d'Antibes à Bordeaux" et de la parenté directe entre la langue maternelle des Cévenols et la langue littéraire des troubadours et des grands auteurs occitans de l'époque moderne. Parallèlement, dans la période des trente ans qui sépare les deux éditions, la francisation des élites cévenoles s'est accélérée. Boissier de Sauvages inscrit son deuxième dictionnaire dans une perspective « patrimoniale ». Cette dimension patrimoniale sera d'ailleurs critiquée par une des grandes figures de la renaissance occitane en Cévennes, Gustave de La Fare-Alais, auteur de Las Castagnados (Alais, 1844) : « Les définitions y sont, en général, bien déduites, les classifications lumineuses ; les racines des mots, les étymologies, la marche de leur formation, tout cela est ingénieux et clairement exposé. (…) Mais plus on découvre de mérite dans cet auteur, plus on regrette qu'il se soit renfermé dans le rôle de grammairien français, alors qu'en imprimant une autre direction à ce même travail, il pouvait se faire le législateur suprême d'une langue à part, et lui donner une portée bien autrement utile à l'avenir littéraire du pays. »
À l'occasion des projets de monuments à Florian et à Louis Pasteur, Raphélis de Brovès lance une campagne locale pour l'érection à Alès d'un monument à Pierre-Augustin Boissier de Sauvages, quelque peu oublié par les Alésiens à la fin du XIXe siècle.
Le monument à « l'abbé Pierre-Augustin de Sauvages », qui comprenait un buste en bronze sur un socle en pierre, est inauguré le 27 septembre 1896. Le projet est modifié en 1898 (exhaussement afin de dégager le buste de la masse du chapiteau). Le monument à Boissier de Sauvages était situé square Sauvages, rue de la Meunière, puis déplacé au Bosquet.
Le buste a été enlevé et fondu lors de la Seconde guerre mondiale lors de la réquisition des matériaux non ferreux.
Sur la face latérale gauche du socle, une inscription en occitan (graphie de l'époque) : « l'obro laouzo lou mestre » (en graphie classique : l'òbra lausa lo mèstre = le travail récompense l'ouvrier), expression occitane que Boissier de Sauvages avait collectée et signalée dans son dictionnaire.
Notes
(1) Louis-Mayeul Chaudon, Bibliothèque d'un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature, Avec les jugements que les critiques les plus impartiaux ont porté sur les bons ouvrages qui ont paru depuis le renouvellement des lettres jusqu'en 1772 par L.M.D.V. bibliothécaire de Mgr le Duc de **. - A Avignon : chez Antoine Aubanel et se vend chez J.P. Costard, 1772.↑
(2) Jean-Claude Bouvier, "Dictionnaires ou glossaires antérieurs au Tresor dóu Felibrige" dans : Mistral et la langue d'Oc, Aix-en-Provence, 1979.↑
(3) René André, voir bibliographie.↑
(4) « Le Dictionnaire languedocien de l'abbé Séguier », dans : www.occitanica.eu : coll. Estudis ; ressource électronique, 2013 [en ligne] ↑