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Mistral et la Révolution de 1848 : bibliographie
En février 1848, Frédéric Mistral accueille avec joie l'avènement de la Seconde République. Très enthousiaste à ce sujet, il publie dans une revue locale, Le Coq, deux poèmes révolutionnaires Le chant du peuple et Comment on devient libre qu’il cherchera même à faire publier dans le journal parisien La semaine. Il plante également avec d’autres Républicains plusieurs arbres de la liberté.
Il s’agit d’une période extrêmement intéressante de la vie de l’auteur, en effet très vite Mistral va faire une distinction très stricte entre poésie et politique : ”la politique n’a rien à voir avec la poésie” écrira t-il en 1886 à Raoul Lafagette. Il tentera aussi souvent possible de se tenir à cette distinction.
Cependant, il est encore ici un jeune auteur qui ne cache pas ses convictions. Celles-ci, bien que de plus en plus discrètes sont visibles au cours de l’évolution de son œuvre. Ainsi, le temps allant ses convictions se situeront de plus en plus “à droite”.
En 1848 et durant ses jeunes années, Mistral fait preuve d’un républicanisme enthousiaste et ne cache pas ses revendications régionalistes et anti-centralistes. Ces revendications se font de plus en plus discrètes avec le temps et ce jusqu’à la Commune de Paris en 1871 qui marque une rupture importante pour lui mais aussi pour nombre d’auteurs alors. Il écrira notamment cette année à Paul Meyer : ” Votre Paris, si beau devant les Prussiens, échappera-t-il à la Bèsti di sèt tèsto [La Bête de l’Apocalypse], la Révolution? [...] Plus Paris deviendra fou, plus nous deviendrons sage.”
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Fondation du Félibrige
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Le groupe de "Primadié" en 1854 à Font-Ségugne. De gauche à droite : au premier rang, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille, Jules Giéra ; au second plan, Théodore Aubanel, Paul Giéra, Alphonse Tavan et celui que Roumanille qualifiera dans sa correspondance de "troubadour inconnu".  (Source iconographique : Achille REY, Frédéric Mistral : Poète républicain, Cavaillon : Imprimerie Mistral, 1929, p.31. Original conservé au Palais du Roure, Avignon) 

Le 21 mai 1854, au Château de Font-Ségugne à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse), un groupe de sept jeunes poètes, rassemblés à l'occasion d'un banquet, se réunissent autour d'un projet de restauration de la littérature provençale. Selon la version relatée par Frédéric Mistral (1830-1914), aussi connue sous le nom de "légende dorée", le groupe serait constitué, outre celui-ci, de Joseph Roumanille (1818-1891), Paul Giéra (1816-1861), Théodore Aubanel (1829-1886), Alphonse Tavan (1833-1905), Jean Brunet (1822-1894) et Anselme Mathieu (1833-1895). Une incertitude subsiste quant à la présence de ces deux derniers.

Les poètes réunis autour de cette cause s’organisent peu à peu sous l’impulsion de Frédéric Mistral et de Joseph Roumanille son aîné. Mistral devient rapidement la figure de proue et l’animateur du mouvement, jusqu’à ses derniers jours. Le Félibrige se dote d’une organisation structurée et hiérarchisée, dédiée à la défense et illustrant la langue d’oc. Son objectif principal est de rendre à la langue occitane sa dignité littéraire et de mettre en valeur la richesse de la culture d'oc. Cette orientation est largement suivie et relayée dans les régions méridionales par l’organisation d’événements et de commémorations et la publication d’ouvrages et de revues.

Son action politique et linguistique vise à promouvoir l’usage de la langue d'oc "dis Aup i Pirinèu". Pour cela, les félibres disposent d’un outil : Lou Tresor dóu Felibrige, ou Dictionnaire provençal-français embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne, publié par Frédéric Mistral en 1886. L’ouvrage, fruit de trente années de travaux et de collecte linguistique, est encore aujourd'hui un instrument scientifique de référence.
 

1-Origine

La première rencontre des félibres, le jour de la Sainte-Estelle, reste le symbole de l'association et ce jour marque depuis le rendez-vous annuel des félibres, sous le nom de fête de la Santo Estello ou "félibrée". En 1855, moins d'un an après leur première rencontre, paraît le premier volume de l'Armana prouvençau adouba e publica de la man di felibre, almanach qui porte encore de nos jours la parole des poètes de langue d'oc. 


Le mot félibre est rapidement vulgarisé par les œuvres de ceux qui revendiquent leur appartenance au félibrige. L'origine de ce mot est cependant soumise à controverse. Il aurait été adopté par Mistral, soit sur la base d'un mot issu du bas-latin signifiant "nourrisson", soit sur celle d'une confusion: la transformation de "Sépher, libre de la Lei" (entendu dans l'Oraison de Saint Anselme) en "Set felibres de la Lei", qui se prononce de la même façon. Il donne de nombreux dérivés : félibrige, félibrejado, félibrejar1.

2-Organisation

En vertu de ses statuts officiels de 1876, le félibrige est dirigé par un Capoulié (de cap, tête ou chef), assisté d'un chancelier et d'un Consistoire de félibres Majoraux (assemblée) dont le nombre est fixé à cinquante. Les félibres Majoraux se distinguent par la Cigalo (cigale d'or) qu'ils arborent à la boutonnière. Celle-ci, qui a valeur de titre et d’appellation, se rattache le plus souvent à un qualificatif régional ou symbolique et se transmet à leur mort à la suite d'élections2

Le premier des Capoulié, Frédéric Mistral, sera élu en 1876. C'est le Capoulié qui porte à la boutonnière l'étoile à sept branches3 ainsi que la Coupo4 et qui préside le Consistoire5. Tous les sept ans, les félibres se donnent une reine qui est choisie par le poète lauréat des Jeux Floraux du félibrige6.

La cellule de base de l'organisation félibréenne est l'Escolo (École), dirigée par un Capiscol. Les Escolo sont regroupées au sein de Maintenances, sortes de divisions administratives qui correspondent aux grandes composantes dialectales de la langue d’oc (Prouvènço et Coumtat, Dóufinat, Lengadò, Roussihoun, Guiano, Gascougno, Limousin e Auvergno, Bearn e Fouis)7.

3-Historique

L’association qui voit le jour dans la seconde moitié du XIXe siècle réunit peu à peu un grand nombre de personnalités du Midi et de sympathisants animés par l’idée de refaire de la langue d’oc la grande langue de création littéraire qu’elle avait été au temps des troubadours. Le succès rencontré par le poème Mirèio, de Frédéric Mistral, en 1859, et le prix Nobel de littérature qui lui est attribué en 1904, ainsi que l’impact de l’ensemble de son œuvre permettent au félibrige d’accéder à une notoriété nationale et internationale. Peu à peu, le projet félibréen dépasse l’aventure littéraire pour investir le champ politique et historique.  

Le félibrige de 1854 (date de sa création) pose les bases d’une institution originale qui évolue autour du personnage de Mistral et de son œuvre. Mistral, à la fois instigateur et modèle du mouvement en tant que penseur et écrivain, en est également le théoricien par son œuvre de lexicographe. Par la publication en 1876 du dictionnaire Lou Tresor dóu Felibrige, fruit du collectage et de la compilation des parlers des pays de langue d’oc, il propose un outil pour l’usage de la langue (graphie dite "mistralienne" ou "félibréenne"). Frédéric Mistral et ses amis posent le problème de la reconnaissance d’une diversité linguistique et au-delà de la décentralisation et du fédéralisme.

L'institution regroupe des hommes d'opinions différentes aussi bien du point de vue politique (de l'extrême-droite à l'extrême-gauche) ou religieux qu'en ce qui concerne ce que doit être le but de l'action félibréenne (purement culturel, ou déjà politique, autour de la revendication fédéraliste), d'où des débats parfois vifs au cours de son histoire Les questions de choix linguistique, de pédagogie, d’enseignement, de politique sont au cœur des débats. Volontairement détaché des questions politiques, Mistral maintient avec difficulté cette position de neutralité face à l’ampleur du mouvement confronté au centralisme français et aux tentations de revendications fédéralistes ou nationalistes.

Le félibrige réuni quelques centaines d'adhérents, puis quelques milliers pendant l'entre-deux-guerres, majoritairement issus des classes moyennes. Il est à l’origine d’une importante production littéraire qui marque un déclin à partir de 1914, année de la disparition de Mistral et début de la première guerre mondiale, facteur d'érosion des forces vives de la nation. Son influence diminue au lendemain de la seconde guerre mondiale avec l’apparition officielle de l’Institut d’Estudis Occitans (IEO), né à la libération (1945) qui se détache du modèle et des personnalités du félibrige pour proposer un nouveau mode d’action et d’écriture (graphie normalisée dite alibertine du nom du linguiste Louis Alibert).


Notes

1 René Jouveau, Histoire du félibrige. 1854-1876, Aix en Provence, 1984, p. 76.

2
Comme les fauteuils pour les Académiciens de l’Académie française.

3 Étoile à sept branches symbole du félibrige en mémoire des sept félibres fondateurs. Cartabèu de de Santo Estello, 1877, p. 11.

4 Coupo félibrenco, coupe d’argent donnée par les Catalans aux poètes provençaux qui en offrent une semblable aux poètes catalans en 1878 et qui a inspiré la chanson de la Coupo Santo (Trésor p. 637).

5 Assemblée des félibres Majoraux.

6 Les concours littéraires organisés par le félibrige ont pris le nom de Grand Jo Flourau dóu Felibrige et Jo Flourau de Mantenènço.

7 Cartabèu de santo estello recuei dis ate ouficuiau dóu felibrige pèr la pountannado de 1877-1882, p. 7, 104.

Guilhem de Peiteus : prince des troubadours
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Guilhem de Peiteus : prince des troubadours


Le comte Guilhem de Peiteus, qui fut aussi Guilhem IX duc d'Aquitaine, a vécu à la fin du XIe siècle. Il est l'un des plus grands seigneurs de l'Europe médiévale, maître d’un immense domaine qui s’étend de la Gascogne aux marches de l’Auvergne, et de l'Anjou aux Pyrénées. Mais ce ne sont ni ses actions politiques ni ses hauts-faits d'armes qui font de Guilhem un des princes les plus brillants du Moyen Âge. Sa légende est artistique, initiant par ses chansons d'un genre nouveau deux siècles de création brillante en langue occitane, âge d'or littéraire célébré de Dante à Aragon en passant par Ezra Pound. Guilhem de Peiteus est le plus ancien troubadour dont on ait la trace. À l'image des jongleurs-musiciens du Moyen Âge, il chante et divertit, mais ajoute à ses compositions la finesse esthétique et l'audace intellectuelle d'un grand seigneur lettré. Guilhem a laissé l'image d'un seigneur libertin, excommunié deux fois, qui installa sa maîtresse la vicomtesse de Châtellerault à sa cour. Il chante une nouvelle conception du désir, de l'amour et de la femme aimée. Certaines de ses poésies sont très crues voire obscènes, destinées à un auditoire d'hommes, où la femme est une proie érotique. Mais Guilhem chante tout autant l'amour chevaleresque posant les fondements de tout l'art du 'trobar'. En quelques années, cette nouvelle façon de chanter l'amour en occitan fait de nombreux émules. Si nous connaissons seulement onze chansons de Guilhem, elles ne s'illustrent pas seulement comme l’œuvre d'un initiateur, il est déjà un des poètes les plus accomplis de l'art du trobar. Ses chansons contiennent déjà tous les ferments de la révolution artistique qui saisit les cours d'Occitanie pour près de deux-cents ans : « Companho, farai un vers [pauc] convinen et aura-i mais de foudatz no-i a de sen et er totz masclatz d'amor et de joi e de joven. » « Compagnons, je ferai un vers peu convenable et il y aura plus de folie que de bon sens et il sera tout mêlé d'amour, de joie et de jeunesse ! »
Traditions taurines en Petite Camargue
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A l'est du département de l'Hérault et dans une bonne part de celui du Gard, s'étendent des zones humides, partie occidentale de la Camargue. Au cœur de cette Petite Camargue, évoluent manadiers et taureaux noirs, les biòus qui chaque année, d'avril en octobre défient l'homme au cours des courses camarguaises. Cette pratique sportive consiste pour les raseteurs, à décrocher grâce à de petits crochets de métal, la cocarde placée sur l'os frontal de l'animal.

La bouvine, tradition séculaire de ces espaces, regroupe autour d'elle la communauté villageoise au cours des fêtes votives. Abrivada, capelada, aubadas et empègas perpétuent les rites et traditions de cette fête aux accents occitans.

 

I/ Terres de bouvine

A/ Une pratique très ancienne

 

L'homme et le taureau ont en commun une longue histoire, dépassant les frontières de la Camargue. Les trésors architecturaux et artistiques de la Haute Antiquité, témoignent du culte voué au bovin. Il est le dieu Apis des éyptiens, et les représentations de voltige avec taureau ornent toujours les ruines de l'ancienne civilisation minoenne en Crète. Il demeure depuis cette époque, un symbole de force, de puissance et de fertilité dans de nombreuses civilisations.

 

La Camargue, aux riches maraîs et terres de patures, constitue un microcosme favorable à l'élevage de bovins sauvages. Le biòu de Camargue, taureau noir aux cornes en forme de lyres, aujourd'hui élevé de façon semi-sauvage, constitue ainsi depuis des siècles, l'un des emblèmes d'une région et de ses modes de vie. (P15TRADITIONS TAURINES ENTRE MER ET VIDOURLE). Il est la vedette des courses camarguaises, un jeu taurin attesté au moins depuis le début du XVe siècle dans la région, lorsqu'en 1402 à Arles, l'un de ces combats est organisé en l'honneur de Louis II de Provence (cf. Lis p.82).

 

Longtemps, la bouvine demeure sans codes ni réglementation précise, comme en témoignent les témoignages disséminer de siècles en siècles. La pratique a alors des contours flous, présentant des divergences vis-à-vis des courses camarguaises actuelles. Elle n'en demeure pas moins déjà, une pratique bien ancrée dans un territoire faite de traditions et de coutumes propres à un espace et regroupant autour d'elle la communauté.

 

 

B/ La corsa di biòu de Germain Encontre

 

Nombreux sont les auteurs a avoir trouvé en la bouvine une source d'inspiration. Nous devons à l'érudit marsillarguois Germain Encontre, un ouvrage de référence pour la connaissance de cette pratique avant le tournant opéré au cours du second XIXe siècle, l'introduction de la corrida en France venant bouleverser l'existant. Paru en 1839 et depuis réédité et analysé par Alain Laborieux dans Le Taureau et la fête, ce long poème de 1500 vers revient sur la préparation et le déroulement d'un jour de fête en Camargue. Comme bien des fêtes patronales, cette journée est l'occasion de faire entrer les taureaux dans la ville.

La corsa di biòu nous présente les acteurs de la fête pris au cœur de l'action, gardians,biòus et raseteurs sont les héros de l'intrigue. L'ouvrage présente les particularités de cette pratique en ce premier XIXe siècle. Du temps de Germain Encontre, c'est au son des instruments traditionnels occitans que sont les hautbois et les tambourins, que s'organisent les festivités. (cf. Le Taureau et la fête...). Cette journée constitue un moment de fête réunissant l'ensemble de la communauté villageoise. Notons ainsi la présence des Chivau frus, les chevaux jupons, mais surtout des danses comme celle du Chivalet (cf. P166), ou la farandole. Celle-ci ouvre communément les festivités menée, comme bien souvent durant les fêtes traditionnelles, par les jeunes célibataires de la ville.

Gratuite comme nous le rappelle l'auteur, la fête patronale repose sur la participation de l'ensemble de la communauté, soit par l'entremise de la municipalité, soit plus traditionnellement, par la prise en charge des jeunes gens célibataires. Ils seront par la suite remplacés par les conscrits qui héritent de ce privilège.

 

 

C/ Témoignages et ancrages d'une fête communautaire

 

Les murs et les portes de bien des communes en pays de bouvine présentent aujourd'hui encore d'étranges peintures, les empègues. Ces dessins réalisés au pochoir témoignent de la part rituelle des courses camarguaises.

L'empègue, de l'occitan empegar (coller) en référence à la résine – la pega - utilisée, s'inscrit dans le cadre plus large de la pratique de l'aubade. Il était en effet de coutume de confier aux plus jeunes la mission d'organiser la tenue de la bouvine. Afin de mener à bien cette mission, les jeunes ou abats faisaient une aubada (aubade), une tournée les menant de maison en maison (traditionnellement celles abritant de jeunes filles non mariées) en vue de collecter les dons qui leur permettraient de financer les spectacles à venir. Symbole de cette pratique, l'empègue venait alors orner le mur des demeures ayant contribué. A chaque année sa troupe de jeune et ses empègues, les motifs évoluant afin de différencier chacun des paiements. Ces dessins renvoient généralement au monde de la bouvine ou de la Camargue : chevaux, taureaux, croix camarguaise... bien qu'aujourd'hui des représentations plus contemporaines s'y ajoutent périodiquement, tel un maillot de football. L'empègue dont la tradition voudrait que Beauvoisin abrite le plus ancien exemple, un dessin de 1894, se perpétuent aujourd'hui encore dans certaines communes du Gard. On en trouve ainsi à Beauvoin, aux Aubais ou encore au Caylar (page wikipédia et blogs respectifs...).

 

En dépit d'évolutions notables de la pratique, la course camarguaise n'en demeure pas moins liée à l'histoire et à la culture provençale, un temps à part qui réunit autour de lui l'ensemble de la communauté. La course en elle-même, ses moments de défis entre l'homme et l'animal, ne sont-ils pas autant de rites de passage ? De fait, la bouvine et les rituels qui l'accompagnent, participent de l'identité et de la culture provençale. En cela, elle fut au XIXe siècle l'objet de toutes les attentions du Félibrige.

 

 

II/ Folco de Baroncelli, artisan de la reconnaissance de la Bovina

 

Les toros bravos espagnols entrent en France au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Les arènes rouvrent leur portes, après avoir été jusque-là délaissées par les jeux taurins provençaux qui investissait de préférence l'espace même de la ville. Face au succès grandissant des corridas, la bouvine, née d'une nécessité quotidienne, l'élevage et la manade des biòus, va évoluer, aidée en cela par l'intervention de passionnés soucieux de préserver ce pan du patrimoine occitan.

 

 

A/ Folco de Baroncelli, poète et manadier

 

Parmi les figures notables ayant travailler à donner à la course camarguaise ses lettres de noblesse, notons Folco de Baroncelli-Javon, poète et manadier. (cf. Georges Lis, p.85).

Né à Aix-en-Provence en 1869, le jeune marquis est le descendant d'une vieille et noble famille italienne installée depuis le XVe siècle en Avignon, ville qui abrite le palais de la famille, mieux connu sous le nom de Palais du Roure. Le lieu conserve aujourd'hui encore les collections réunies par Baroncelli, véritable musée dédié à la muse provençale et temple de la course camarguaise (cf. Site du Palais du Roure ou de la ville d'Avignon).

C'est auprès de sa grand-mère, Madame de Chazelles, qu'il découvre et nourrit une passion pour la manade : la fé di biòu. (cf; René Béranger, p17). L'âge adulte venu, il se fait d'ailleurs manadier et s'installe aux Saintes-Marie-de-la-Mer où il fonde la Manada Santenca (cf.idem p/.99). Depuis les Saintes, il circule avec son troupeau au cœur de la Camargue, se rendant notamment fréquemment au Caylar, cette 'Mecque' de la manade provençale (P18 Georges Lis). Poète de langue occitane et membre du Félibrige dont il s'est rapproché durant sa période avignonnaise (cf. L'Astrado, n°29, 1994, p97), Folco de Baroncelli compose parallèlement de nombreux ouvrages et poésies, compositions dans lesquelles s'invitent fréquemment taureaux, manadiers et Camargue (cf. Lo biòu, Babali, Nouvello prouvençalo...).

Membre du Félibrige (association de défense de la langue et de la culture occitanes) dont il s'est rapproché durant sa période avignonnaise, Folco de Baroncelli va contribuer à la reconnaissance de la course camarguaise et à celle de ses principaux acteurs.


B/ La défense et uniformisation de la Nacion Gardiana

 

Le Félibrige, fondé en 1854 et qui se structure alors autour de Roumanille, Devoluy mais surtout de Mistral, a alors à cœur de renouveler et de préserver les "petites patries" et les traditions propres à un monde qu'ils considèrent en danger de disparition. En pays de bouvine se mettent en place différentes festivités et cérémonies autour du costume (Festas Virginencas) et des gardians. A Arles aujourd'hui encore, la fête des Gardians débute d'ailleurs par un salut à la figure tutélaire du poète Mistral.

En 1909, suite à l'action de Folco de Baroncelli, lo Comitat Virginenc devient la Nacion Gardiana (idem Astrado 101), société de défense des traditions camarguaises. En 1921, le même Folco est aux premières loges de la Levée des tridents, en référence à l'outil symbolique des gardians, phénomène de réaction face aux procès et attaques dont les courses camarguaises font alors l'objet. Le défilé, pacifique, parvient à obtenir gain de cause (Georges Lis, Pays de Bouvine, Montpellier, les Presses du Languedoc, 2004). Outre cette manifestation emblématique, Lo marquès, agit plus en profondeur, contribuant à l'uniformisation et à la réglementation d'une pratique qui pâtissait jusque-là de son relatif anarchisme. (P75Marcel Salem, Envoûtement camarguais.).

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Alors que la corrida s'impose peu à peu en Provence, les afecionats (les passionnés) de la bovina, prenant en compte les faiblesses d'une pratique très peu codifiée et uniformisée sur le territoire camarguais, travaillent à son renouvellement. Peu à peu des règles s'instaurent, un calendrier des festivités se met en place, rythmé autour de l'abrivada (l'arrivée), jusqu'aux courses elles-mêmes opposant raseteurs et taureaux cocardiers (hommes et bêtes).

 

Folco de Baroncelli décède le 15 décembre 1943 à Avignon, loin de son mas du Simbèu réquisitionné par les troupes allemandes. Rénovateur de la course camarguaise, il fut aussi le principal artisan de sa mémoire, réunissant dans le palais familial d'Avignon, de précieuses collections retraçant l'histoire d'une pratique et d'un peuple.

 

 



Aujourd'hui la bouvine a opéré sa mue et peut compter sur un nombre stable sinon croissant d'afecionats.Les courses camarguaises viennent ainsi rythmer, entre avril et octobre (elle se déroule à Aigues-Mortes au début de ce mois), la vie des communes camarguaises. 

Catinou et Jacouti : deux héros populaires occitans du XXe siècle

Catinou et Jacouti : deux héros populaires occitans du XXe siècle



Exclu de l'école et de la vie publique officielle, en recul dans les villes et auprès des élites sociales, l'occitan au XXe siècle se réfugie dans la vie quotidienne et les relations en milieu rural. Marqueur d'identité territoriale mais aussi sociale, l'occitan est la langue d'une forme de contestation des pouvoirs politiques et économiques, comme des mœurs policées de la bourgeoisie, une contestation qui passe par le rire. L'Aveyronnais Charles Mouly va comprendre plus que tout autre ce pouvoir fédérateur et jubilatoire de l'occitan auprès de l'Occitanie populaire, et construire avec les personnages de Catinou et Jacouti une œuvre en rupture avec les écrivains de la renaissance occitane en quête de reconnaissance du sérieux littéraire de leur langue, mais inconnu de la plupart des locuteurs occitans. Charles Mouly, fils d'un majoral du Félibrige, licencié en lettres et officier de l'Armée de l'air, entre dans la troupe du « Théâtre d'Oc » de Juliette Dissel en 1940. Parallèlement, il commence une carrière à Radio-Toulouse. C'est à la Libération qu'il crée le personnage de la Catinou, bientôt rejoint par un époux, Jacouti. Charles Mouly a fait vivre les aventures de ses deux personnages pendant près de cinquante ans dans des chroniques de la Dépêche du Midi, à Radio-Toulouse et sur les scènes des villages du Languedoc. Les figures typiques du village de Minjocèbos, parlant « patois », Catinou et Jacouti, par leur verve, leur belle humeur et leur solide bon sens, ont diverti des foules d’auditeurs, de spectateurs et de lecteurs, secouant le Languedoc d’un énorme éclat de rire. Décrié par nombre d'intellectuels occitans, voyant dans l’œuvre de Charles Mouly l'acceptation du statut de « patois » et la confirmation de nombres de préjugés culturels, « La Catinou » est sans doute pourtant l’œuvre en langue occitane qui fut le plus partagée, jouée et attendue par le public au XXe siècle. L’œuvre de Charles Mouly représente une étape clé dans la transmission de l'occitan à l'heure où son déclin s'accélèrait, et plus encore pour la visibilité de l’occitan au sein des grands médias méridionaux. Elle s’inscrit dans le prolongement d'un autre félibre rouergat, Justin Bessou, qui écrivait dans ses Besucarietos en 1906 : « Perque, s’es vertat que toutis lous omes, pertout sus touto la Terro, an besoun de rire, e que , tant mai trimon e soufrisson tant mai lou rire lour fa besoun, es tout clar que lou rire d’aici es pas lou même que lou rire d’alai ». Parce que, s’il est vrai que tous les hommes, sur toute la Terre, ont besoin de rire, et que plus ils triment et souffrent, plus le rire leur est nécessaire, il est pourtant certain que le rire d’ici n’est pas identique au rire de là.
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BORRÈIA
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De la danse traditionnelle à la chorégraphie contemporaine.

Danse emblématique des Auvergnats émigrés à Paris, la bourrée fait partie de ces danses traditionnelles dont la pratique n’a jamais cessé et qui a su évoluer au gré de l'influence de nouveaux contextes culturels.
Quelques mythes entourent son apparition : danse celte pour certains, empruntée aux grecs pour d’autres, aucun élément pouvant définir avec  précision son origine ne nous est parvenu à ce jour. Si le terme bourrée apparaît pour la première fois dans les traités de danse du XVIIe siècle, il désigne alors un pas issu du répertoire savant. La bourrée est ensuite décrite comme une danse populaire emblématique de Massif Central, notamment dans les textes de Mme de Sévigné (1676) et de Jean Fléchier (1665).  

 
Mais c'est l'importante émigration d'Auvergnats vers Paris à l'époque industrielle qui fit de la bourrée un élément emblématique de l'identité auvergnate par la constitution des amicales et l’invention du bal musette. La bourrée reste la danse de prédilection du bal, mais elle évolue au contact des autres danses de couple.
Dans le même temps se constituent dans sa région d'origine les premiers groupes folkloriques qui fixent et transmettent ce phénomène chorégraphique, participant d’une autre manière à sa sauvegarde. C’est à l’émergence du mouvement folk et des campagnes de collectage menées dans les années 1970  que la bourrée doit son salut et sa persistance.     
                                                                       
                                                   
 
Aujourd’hui, si sa pratique a largement reculé et le lien entre générations s’est un peu plus creusé, la bourrée reste vivante et constitue un patrimoine vivant séculaire. Depuis quelques années elle fait son entrée sur les scènes artistiques grâce à des chorégraphes qui puisent leur inspiration dans le répertoire traditionnel. Ce fut notamment le cas de Dominique Bagouet qui créa en 1976 la pièce Ribatz, Ribatz ! sur une suite de morceaux traditionnels en s’inspirant des danses présentes dans les bals et fêtes de village.     

 
 Plus récemment, les initiatives autour de la bourrée se sont multipliées avec de nombreuses créations contemporaines et urbaines.  Sidi Graoui avec sa création Le labyrinthe des Origines explore et décortique le phénomène bourrée en l’ancrant dans sa propre pratique chorégraphique contemporaine. Jean-Christophe Bleton, dans De Bouts croise la danse traditionnelle et les arts du cirque. La pièce Mets ta veste rouge est quant à elle le fruit d’une rencontre entre danseurs issus des milieux contemporains, hip-hop, flamenco et traditionnels qui réactualisent la bourrée en l’inscrivant dans le paysage dansé actuel.

 

Cadrans solaires des Alpes en occitan

 

La vie des hommes fut longtemps rythmée par le soleil. Avant que les progrès techniques n'apportent des solutions pratiques à la mesure du temps, l'astre fut également leur seul outil de mesure du temps qui passe.

Dès l'Antiquité, les Égyptiens mettent au point les premiers cadrans solaires. Science par la suite approfondie par les Grecs, la gnomonique va perdurer et se développer bien après l'apparition de l'horloge, offrant à l'usage une plus grande solidité et un moindre coût.

À compter du XVIIe siècle, les cadrans solaires se multiplient sur les façades des maisons de l'Occitanie méditerranéenne, partie de cet « Empèri dau solelh » que forment les pays de langues latines, selon la formule chantée par les félibres du XIXe siècle. Les Alpes provençales, région d'exceptionnel ensoleillement, sont une région privilégiée pour la quantité et la beauté de leurs cadrans solaires. Dans le seul département des Hautes-Alpes on dénombre aujourd'hui plus de 400 cadrans solaires peints sur des façades dont 150 ont été réalisés entre le XVIIIe siècle et la fin du siècle suivant. Beaucoup ont été peints par des colporteurs, dont le plus célèbre - fait exceptionnel dans l'artisanat anonyme des cadraniers - a laissé son nom, Francesco Giovanni Zarbula, un piémontais qui réalisa une quarantaine de cadrans entre 1830 et 1870.

Les cadrans constituent des éléments majeurs d'ornementation des façades, reproduisant souvent en trompe-l’œil des éléments de l'architecture classique, tout autant éléments d'ostentation offerts par les plus riches au reste de la communauté et au voyageur de passage. Le XIXe siècle marquel'âge d'or des cadrans solaires dans le Sud de la France, porté par le tournant des transports qui diffusent progressivement cet art hors de son berceau alpin d'origine ; et leur passage dans la sphère privée en ce siècle bourgeois.
Ces cadrans ne sont pas si silencieux qu’ils ne le paraissent. Les peintres cadraniers inscrivent des devises sur la mort, sur la vie, sur le soleil, ou loue Dieu, maître des temps. Dans l'espace occitan, les cadrans affichent nombre de formules, proverbes et devinettes en occitan, comme autant d'interpellations au passant : 'Badaïre faï toun cami Louro passo' (Badaire fai ton camin l'ora passa / Badaud poursuit ton chemin, l'heure passe). Illustration du temps qui passe, les références à la mort et à la vie figurent parmi les plus fréquentes occurrences présentes sur les cadrans solaires.
 
Lo Breviari d'amor : Une encyclopédie occitane du XIIIe siècle
CIRDÒC - Mediatèca occitana
   Parmi les nombreuses encyclopédies qui fleurissent au XIIIe siècle en latin et dans les différentes langues d'Europe, le Breviari d'amor est une œuvre sans égale. Héritière des conceptions originales de l'amour créées par les troubadours occitans à partir de la fin du XIe siècle, ce long poème encyclopédique de près de 35'000 vers en ancien occitan, fait de l'amour le concept central de la conception du monde. Composée aux alentours de 1290 par un certain Matfre Ermengaud, docteur en droit originaire de Béziers, elle représente une tentative de conciliation entre la fin'amor des troubadours – qui célébrait l'amour adultère – et le nouvel ordre idéologique et religieux qui s'installe en Languedoc au lendemain de la Croisade des Albigeois. Le Breviari d'amor fut sans doute très populaire au commencement du XIVe siècle dans l'espace occitanophone et en Catalogne au regard des 35 exemplaires (copies complètes, fragments ou extraits) parvenus jusqu'à nous– dont 7 traduits en catalan et 1 en castillan. Les manuscrits complets, tous richement enluminés, s'ouvrent par une représentation de 'l'albre d'amor', arbre généalogique de l'amour créateur du monde et de ses différentes variétés naturelles et humaines.

   L'essentiel de l'encyclopédie est un enseignement à destination « des amants et des troubadours » soucieux de comprendre la nature de l'amour. Dans la deuxième partie du poème encyclopédique, le 'perilhos tractat d’amor de donas' (Traité du danger de l'amour des femmes), Matfre Ermengaud débat avec les détracteurs des troubadours dont il cite de nombreuses chansons. Il aborde le thème du mariage, dénoncé à la fois par les troubadours célébrant l'amour adultère et par les cathares qui n'y voyaient qu'un « adultère légalisé ». Matfre se bat sur les deux fronts pour rétablir la tradition chrétienne : « cert es doncs que de folia / mòu e de ram d'eretgia / a tot òme que diga mal / d'est òrdre matremonial. » ('C'est donc de la folie que dérive, et de branche d'hérésie, pour tout homme la malédiction portée contre l'état de mariage.')

   Ce projet unique dans le corpus de la pensée médiévale est une tentative vouée à l'échec de conciliation de la fin'amor et des conceptions de l’Église de Rome. Sa redécouverte à partir de 1862 par l'édition du félibre biterrois Gabriel Azaïs et de la Société archéologique de Béziers éclaira d'un jour nouveau la civilisation courtoise occitane au moment de son crépuscule.
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Jean Moulin et la langue d'oc : une sélection de documents conservés au CIRDOC
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

À l’occasion des commémorations du 70e anniversaire de la mort de Jean Moulin, le CIRDOC-Mediatèca occitana, situé sur la même place que sa maison natale, avait proposé un éclairage sur un aspect méconnu de la jeunesse du grand héros de la Résistance à partir d’une sélection de documents conservés dans ses collections.

Les origines provençales de Jean Moulin

Hérité de sa famille d’origine provençale, en particulier de son père Émile-Antoine Moulin - familier de Frédéric Mistral et poète de langue d'oc - Jean Moulin demeura toute sa vie durant attaché à la Provence dont il maîtrisait la langue. 

« Tous nos ancêtres immédiats provenaient d’une bande de terre de basse Provence, de part et d’autre de la Durance » Laure Moulin, sœur de Jean Moulin1

MOULIN, Laure. Jean Moulin. Paris, presses de la Cité, 1969.

[imatge id = 21384] Le père de Jean Moulin, Antoine-Émile Moulin (1857-1938), dit « Antonin » Moulin, est originaire de Saint-Andiol, village des Bouches-du-Rhône, tout comme sa mère, Blanche Pègue

Antoine est le fils d’une vieille famille de tisserands républicains, Blanche est fille de paysan. Après des études de Lettres, Antoine Moulin est nommé professeur à Bédarieux puis au Collège de Béziers.
Dans le Béziers florissant des dernières années du XIXe siècle, le jeune professeur devient un membre actif des milieux républicains, dreyfusards, laïques et francs-maçons. Antonin Moulin fut à l'initiative du monument au maire Casimir Péret, déporté pour son opposition au coup d'Etat de 1851 et mort lors d'une tentative d'évasion du bagne de Cayenne.
Il est assez loin des acteurs locaux de la Renaissance d'oc, plus conservateurs, qui mènent au même moment, sur l’exemple provençal de Frédéric Mistral et du Félibrige, des actions en faveur de la langue d'oc. 

Sans participer activement aux mouvements de défense et promotion de la langue d’oc à Béziers, Antonin Moulin entretient un attachement familial et intime à sa langue maternelle, l’occitan provençal de son Saint-Andiol natal. Il fréquente Frédéric Mistral à qui il rend visite à plusieurs reprises à Maillane. Mistral lui fera rencontrer Alphonse Daudet. 
Les Moulin, mère et père, conservèrent toute leur vie des attaches avec Saint-Andiol où résident une grande partie de leurs familles. Les vacances, comme les grands événements de la vie familiale se déroulent tous à Saint-Andiol. Dans son livre de mémoires, Laure Moulin, sœur aînée de Jean, retranscrit ses impressions de voyage vers Saint-Andiol et évoque leur pratique de la langue familiale. 

« Quand tout se passait bien, nous prenions le petit train à Barbentane et là nous entrions dans un autre monde. Nous n’entendions plus parler que le provençal, ce qui nous réjouissait, surtout nos parents dont c’était la langue maternelle. Mon frère et moi, élevés en Languedoc, si nous le comprenions très bien, nous le parlions mal. »

Jean Moulin conservera un attachement à la Provence de son enfance et de ses origines, ce dont témoigne le choix de son nom d’artiste - « Romanin » - souvenir d’une excursion familiale au célèbre château éponyme près des Baux-de-Provence et qui signifie « romarin » en langue d'oc. Jean Moulin ne cultiva pas la langue d’oc comme son père. le document le plus émouvant, puisqu'il s'agit d'un personnage si important et célèbre de l'Histoire, est le poème que compose son père à sa naissance : A moun fieu Jan / O moun Janet, moun cago-nis... 
Il existe peu de documents faisant état d'une pratique de l'occitan chez Jean Moulin, elle restait occasionnelle, mais réelle. Sur des cartes de voeux apparaissent parfois des formules en langue d'oc, ou au détour de sa correspondance personnelle, quelques mentions de conversations achevées dans la langue familiale  nous renseignent sur un Jean Moulin occasionnellement occitanophone.

Documents : 

1/ Texte du poème en provençal écrit par Antonin Moulin pour son fils Jean, âgé de trois mois. (texte extrait de Laure MOULIN, op. cit. et mis en forme pour une exposition)

2/ 
- Lettre d'Antoine Moulin à Roger Barthe (1911-1981), écrivain occitan et félibre biterrois, membre du parti radical comme Antonin Moulin  - 17 juillet 1934
- Dédicace en occitan d'Antonin Moulin à  Emile Barthe pour le féliciter de son titre de Majoral du Félibrige
(CIRDOC-Fonds Barthe)

3/ Poème-dédicade d'Antonin Moulin à Frédéric Mistral publié dans La Santo Estello, journal paru à l'occasion des fêtes félibréennes de la Sainte-Estelle à Béziers (24 et 25 mai 1902)

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Max Rouquette
[imatge id=22179]Max Rouquette (1908-2005) est un écrivain languedocien issu de l’arrière-pays de Montpellier. Il y fut médecin un temps, avant d’exercer en ville pour la Sécurité Sociale. Il choisit comme langue d’écriture la langue occitane de son enfance, nous laissant ainsi une oeuvre magnifique, aujourd’hui reconnue internationalement, avec des recueils de poèmes (Los sòmis dau matin, 1937 ; Sòmis de la nuòch en 1942…), des oeuvres en prose (la série des Verd Paradís), des romans (La cèrca de Pendariès ; Tota la sabla de la mar de la mar ; …), des pièces de théâtre (Lo Metge de Cucunhan, 1942 ou Medelha, 1989), des essais, des traductions de Dante ou encore de Federico Garcia Lorca, des articles et des contributions de toutes sortes.

Animateur de l’occitanisme depuis sa période estudiantine, membre du Nouveau Languedoc (1928), membre de la Société d'Études Occitanes (SEO), rédacteur en chef de la revue Occitania (1936), il est aussi en 1945 l’un des fondateurs de l’Institut d’Études Occitanes (IEO). En 1962, avec Jean Camp et Jòrgi Reboul il fonde le Pen Club de langue d’oc.

Joueur passionné de balle au tambourin, il participe à sa renaissance par la création d’une fédération en 1939, et la refonte de ses règles en 1954, à partir de celles du tamburello italien.

Biographie détaillée :

Max Rouquette naît le 8 décembre 1908 d’Adèle Altairac et de Constantin Rouquette, vignerons à Argeliers dans l’Hérault. La famille de son père vient de La Couvertoirade, sur le Larzac, « la terre abandonnée » qui le fascinera toute sa vie. Son enfance est immergée dans la langue occitane, et marquée charnellement par le contact avec une nature sauvage qui deviendra le théâtre « mi-garrigue, mi-serrane » de son oeuvre d’écrivain. Celle-ci sera aussi marquée par la disparition de sa mère, enlevée par l’épidémie de grippe espagnole en 1917. À dix ans, Max Rouquette quitte l’école du village pour continuer ses études secondaires au petit puis au grand Lycée de Montpellier. Pensionnaire, il y découvre avec enthousiasme la culture classique et le monde de l’écriture avant, diplôme de baccalauréat en poche, d’étudier la médecine dans la pluriséculaire faculté de la ville.

C’est à cette période, tournant le dos à un Félibrige jugé trop passéiste, qu’il rejoint Le Nouveau Languedoc, association estudiantine occitane jumelée avec les Catalans et fondée par Jean Lesaffre. Il en fera un outil ambitieux de diffusion et de valorisation de la culture d’Òc, ce qui contribuera à poser les fondements de l’occitanisme moderne.

Il envoie à François Dezeuze son premier texte en 1927, sous l’impulsion de Max Cantagrilh : Lo paure òme e la crotz, publié dans Campana de Magalouna, journal « clapassier » d’expression occitane. La jeune garde estudiantine se liera ainsi avec les « Dissabtièrs », membres de la société créée en 1925 autour de François Dezeuze et de René Tulet, qui se retrouvent une fois par semaine - le samedi - pour deviser et échanger. C’est là que Max Rouquette côtoie et rencontre nombre de personnalités, dont le poète catalan Josèp Sebastià Pons qui aura sur lui et son style d’écriture une influence décisive.

Il publie dans la revue Òc de la Société d’Études Occitanes des poèmes remarquables - et remarqués, et passe, en 1931, le concours de l’internat de médecine à Toulon. Il y rencontre sa future épouse, Leona, aux origines corses. Il fait son service militaire dans la Marine, anime avec Charles Camproux un journal militant, Occitania, qui prolonge l’action du Nouveau Languedoc en élargissant son propos à l’ensemble des pays d’Oc. C’est le moment où il commence à écrire des oeuvres en prose d’un genre nouveau, faisant du monde des garrigues cachées une métaphore cosmique de l’âme humaine chassée du jardin d’Eden, et reléguée dans le néant de l’existence du XXe siècle.

Max Rouquette soutient sa thèse et s’installe comme médecin de campagne à Aniane en 1936, dans le contexte du Front Populaire pour lequel il a de la sympathie. Il en profite pour renforcer sa connaissance de la langue d’oc, Dins la boca dau pòble d’Òc, et prend le temps d’écrire l’une de ses plus belles pages. Mobilisé en 1939 en Tunisie, il revient vite au pays pour reprendre ses activités de médecin dans les difficiles conditions du temps.

Il écrit, à partir d’un conte de Joseph Roumanille, sa première pièce de théâtre en 1942, Lo Metge de Cucunhan, tout en s’investissant dans le fonctionnement de la future Société d’Études Occitanes. Ce travail mènera à sa fondation officielle en 1945, aux côtés d’Ismaël Girard et de René Nelli. Max en sera un temps le secrétaire puis le président. La Sécurité Sociale étant sur le point d’être créée, il en obtient le concours et déménage à Montpellier pour devenir médecin-conseil.

Max Rouquette disait que dans ses rêves heureux il rêvait de balle au tambourin. C’est à cette période qu’il s’investit dans la renaissance de ce jeu qui l’ancre un peu plus encore dans l’arc méditerranéen. Il contribue en 1939 à le doter d’une nouvelle fédération. Il sort un premier livre en 1948 (il y en aura deux autres plus tard), Le jeu de balle au tambourin, doté d’un lexique occitan, la langue d’origine du tambourin. Max Rouquette pensait que l’avenir de l’occitan et celui du jeu de paume languedocien ne pouvaient être dissociés. Il fera ensuite évoluer ce sport en 1954, en empruntant plusieurs règles aux Italiens pour rendre le jeu plus vif, tout en équipant le batteur languedocien d’un long manche de micocoulier.

Il dirige de 1954 à 1958 Vida Nòva, une revue occitano-catalane qui permet aux écrivains catalans espagnols de s’exprimer dans leur langue, alors prohibée. En 1962, avec Jean Camp et Jòrgi Reboul, il forme le Pen-Club du Languedoc, dont il sera le président.

À partir de 1974, c’est la retraite : l’urgence d’écrire le rattrape encore, notamment pour terminer les sept tomes de Verd Paradís. De 1978 à 1983 il dirige la revue Òc, une revue novatrice à la pointe de la création en occitan et en catalan. Dans ses pages, sa plume vive et aiguisée et ses qualités de polémiste font merveille au service de la langue d’oc, de la littérature et de la culture. Il revient à la poésie avec D’aicí mil ans de lutz en 1995, et se consacre ensuite à une écriture qui se diversifie avec des romans, du théâtre, des bestiaires ou encore des collaborations avec des photographes.

Traduite en français et dans de nombreuses langues, son oeuvre sort de la confidentialité du petit cercle des occitanistes pour atteindre la notoriété internationale à partir des années 1980. Sa pièce de théâtre Lo Glossari / Le Glossaire entre en 1998 au répertoire de la Comédie Française et sa tragédie Medelha / Médée, considérée comme un chef-d’oeuvre, est montée en français en 2003 et reprise en 2008.

Max Rouquette décède à Montpellier le 24 juin 2005, lors de la Saint-Jean d’été qui lui était si chère, à l’âge de 96 ans. La publication d’inédits et le rayonnement de l’oeuvre de Max Rouquette se poursuit aujourd’hui à travers une association, Amistats Max Rouquette, grâce au travail, entre autres, de Jean-Guilhem Rouquette - l’enfant de Max, de Jean-Frédéric Brun et de Jean-Claude Forêt. Depuis 2007 ils éditent chaque année une très belle revue, les Cahiers Max Rouquette, qui aborde successivement tous les aspects du grand oeuvre de l’enfant d’Argeliers.
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