Exposition bilingue français - occitan gascon
Textes : Thérèse Pambrun
Graphisme : Peir Lavit
Réalisation Pescalua-Aigaberdenc, avec le soutien de l'Ofici Public de la Lenga Occitana (OPLO)
Comment Louis XI, dès le delphinat, tisse une véritable toile d’araignée pour servir sa politique européenne et aboutir à l’annexion de ce comté souverain. La munificence, qui permet de s’affirmer symboliquement, sera un enjeu majeur du pouvoir sur le terrain provençal et René d’Anjou y aura recours aussi, dans la mesure de ses moyens. L’un est stratège, l’autre touche à tout. Les deux se prévaudront des ressorts de leur temps, notamment la vie spirituelle et le poids ecclésiastique. L’un s’attachera à des actions concrètes, l’autre au rayonnement d’une vie de cour à l’angevine qui instillera un certain attrait chez les Provençaux déjà enclins à la culture et au divertissement qu’on appellerait aujourd’hui “ patrimoine immatériel ”, telles les tarasquinades initiées par René. On s’interrogerra alors : quels bénéfices pour les Provençaux du XVe siècle ces deux grands princes ont-ils apportés ? Et pourquoi, dans la mémoire populaire, l’Angevin est-il resté le “ bon roi René ”? C’est sur cette thématique avec ces deux personnages atypiques et indissociables, que nous proposons une promenade entre Languedoc et Provence.
Au cours d’une conférence et d’un moment musical, on découvrira les différentes facettes du personnage complexe que fut René d’Anjou, auquel nous ajouterons un titre à ses nombreuses titulatures (duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Jérusalem, roi
de Sicile, voire roi d’Aragon) : celui de prince des arts en Provence.
Le roi René est curieux de tout. Il porte de l’intérêt à tous les arts
et apporte sa contribution aux lettres françaises avec ses trois ouvrages : le Livre des Tournois, celui du Coeur d’Amour Epris et le Mortifiement de Vaine Plaisance. Ces oeuvres attestent cette relation qui lui était chère entre l’écrit et le dessin, rapport qu’illustrera si bien Barthélemy Van Eyck. René a une conception de la munificence bien partagée par ses homologues du XVe siècle, en particulier en Italie : un prince doit être cultivé, généreux et le faire savoir.
Comme l’écrit Françoise Robin, “ un prince comme René fait vivre
une bonne centaine d’artistes, ce qui est loin d’être négligable. ” Car la fête angevine donne à voir et à être vu. La musique est de toutes les festivités et l’Angevin entretient des instrumentalistes de toutes sortes : harpistes, luthiers, flûtistes, et pour l’extérieur, joueurs de trompettes, de cymbales, de tambourins. Il faut noter que l’entourage des princes donne aux notables le goût des grandes oeuvres, menant la Provence au faîte de son rayonnement culturel.
Yannick Frizet, docteur en histoire de l’art médiéval de l’Université d’Aix-Marseille, nous entraînera dans le jeu du chat et de la souris auquel se sont livrés le roi René et Louis XI. La Provence est une terre convoitée, non seulement par le roi de France, mais surveillée par le duc de Savoie puisqu’elle est terre d’Empire, par la maison de Milan, par les Catalans qui ont gardé certainement rancoeur de l’alliance matrimoniale qui les a dépossédés de la Provence. La maison de Barcelone y présidait depuis 1113 en dépit de la grande guerre méridionale (1080-1194). Plus d’actualité, les Aragonais sont en guerre contre le roi René à Naples.
Ainsi, au-delà des territoires, il y a la Méditerranée. Marseille est un enjeu majeur pour le commerce. L’oncle et le neveu l’ont bien compris, chacun à sa manière. Louis XI, calculateur, stratège dans ses alliances et leurs ruptures a pour objectif de jouer dans la cour des grands et veut rattacher à la couronne toute la bordure méditerranéenne, du Roussillon à la Provence. L’enjeu est de taille car les Aragonais dominent la Méditerranée occidentale avec les Baléares, la Sardaigne, Naples et la Sicile.
René d’Anjou a pour objectif de développer le port de Marseille pour rivaliser avec Gênes et les ports français méditerranéens. Ce port est la pierre angulaire du développement de la Provence. Il doit faire face aux dangers déjà cités mais aussi aux Barbaresques d’Afrique du Nord. Dans cet espace aux multiples enjeux qu’est la Méditerranée occidentale en ce XVe siècle, René est un prince encore chevaleresque, attaché à la valeur de la parole donnée, contrairement à Louis XI. Il est reconnu par ses pairs comme tel mais cette qualité ne va pas toujours avec la politique et René le prodigue manque de moyens. Il convient également de s’interroger sur le sort des Provençaux dans cette mouvance. Yannick Frizet apportera un éclairage inédit sur la vie du littoral provençal à la seconde partie du XVe siècle, tant sur le plan économique avec la réactivation du commece en Méditerranée, que sur le plan sécuritaire face à la piraterie dont furent victimes villes et villages. Il montrera également comment les pouvoirs urbains, avec leurs moyens propres, ont su gérer ce fléau de façon plus efficace que les rois-comtes de Provence et leurs hauts dignitaires.
Après la salle des festins et la visite de l’église Sainte-Marthe, Aldo Bastié, conservateur du Château de Tarascon, construit de 1400 à 1435, nous fera découvrir son histoire. Cette forteresse possède une double fonction militaire et résidentielle. Elle symbolise la puissance des ducs d’Anjou, princes de sang. Elle fut construite par Louis II et Louis III pour maintenir leur autorité sur le couloir méridional du fleuve, proche d’Arles d’Avignon et de Marseille. Elle est une base de leurs ambitions en Méditerranée. Les aménagements de confort ainsi que les jardins sont l’oeuvre de René (1409-1480), grand amateur d’art et du bien vivre. A la mort de Charles du Maine, frère et successeur de René, le château devient propriété du roi de France, Louis XI. Le château de Tarascon est un chef d’oeuvre du Patrimoine Européen. Il est classé aux Monuments Historiques Français depuis 1840.
Maguy Chapot-Blanquet, Vice-présidente Histoire et cultures en LanguedocUne exposition pour une approche transversale et onirique des musiques populaires des pays d'Oc d'hier et d'aujourd'hui. Entre documents d'archives et regards transversaux, il s'agit de mettre en relation des pratiques et des citations pour travailler les imaginaires de demain.
Le CIRDOC invite les éditeurs occitans (Per Noste, Cairn, Letras d'Òc...) à venir présenter lors d'un temps convivial, leur actualité éditoriale récente. Une heure pour découvrir les romans, nouvelles... en présence de ceux qui les produisent et si l'occasion se présente, de ceux qui les rédigent.
DÉCOUVRIR L'ENSEMBLE DE LA PROGRAMMATION 2019 : ICIPar son titre choc dans un France encore divisée et marquée par les conflits de la décolonisation, particulièrement en Algérie, « Décoloniser la province », le Rapport Général proposé par le Comité d’Initiative aux délibérations des colloques sur la vie régionale en France présenté par le jeune Michel Rocard (sous le pseudonyme de Georges Servet), a marqué les mémoires et demeure comme un jalon important de l’irruption de la question régionale qui marqua la France des années 1960-1970. La question est particulièrement vive en Occitanie autour de grands mouvements sociaux qui mobilisent les populations, les médias et les acteurs du mouvement occitan en plein développement : grève des mineurs de Decazeville en 1961-1962, lutte des paysans du Larzac contre l’extension du camp militaire de 1971 à 1981, crise et manifestations viticoles en Languedoc tout au long de la décennie 1970 et au-delà, mouvement des mineurs de Ladrecht de 1979 à 1981, entre autres.
La Rencontre socialiste de Grenoble a lieu les 30 avril et 1er mai 1966 à l’appel de nombreuses personnalités politiques, syndicales, clubs, mouvements de jeunesse, etc. de la gauche des années 1960. Elle s’inscrit dans un mouvement de refondation de la gauche française face à la faiblesse et au discrédit de la SFIO au sortir de la IVe République, mouvement qui aboutit au Congrès d’unification des socialistes à Epinay en 1971. Avec 500 participants et une grande couverture médiatique, la Rencontre de Grenoble fut un événement politique important des années 1960.
Animés par la volonté de construire un « socialisme moderne », notamment au cœur du projet du nouveau Parti socialiste unifié (PSU fondé en 1960) coorganisateur de la Rencontre de Grenoble, les participants souhaitent élaborer un projet politique de gouvernement prenant acte des évolutions économiques et sociales des années 1960-1970, et capable de susciter l’adhésion de la jeunesse qui se détourne des partis de gauche traditionnels. Cette période est marquée par l’irruption de nouveaux sujets voire de véritables ruptures dans les doctrines traditionnelles de la gauche française. Avec le Rapport présenté par Michel Rocard, le problème du sous-développement régional français est mis en lumière et permet l’intégration des analyses et propositions des mouvements régionalistes, en particulier celles du Comité occitan d’étude et d’action (COEA, créé en 1962) de Robert Lafont, à la pensée et aux propositions d’une partie de la gauche française.
Dès l’ouverture de la Rencontre, le maire de Grenoble Hubert Dubedout évoque la question régionale comme un sujet fort et toujours mal appréhendé par la gauche française, de tradition étatiste et centralisatrice : « Il y a dans ces textes un grand vide en ce qui concerne la vie régionale, étant bien entendu que je ne me réfère pas à la parodie de vie régionale que nous connaissons actuellement. Vous faites l'étude des structures d'un État socialiste et vous risquez de tomber dans le piège de l'État centralisateur... » Le colloque qui doit avoir lieu sur la vie régionale autour du rapport de Michel Rocard sera l’occasion d’intégrer pleinement les enjeux et problèmes régionaux.
Si le rapport ne fait pas mention explicite au « colonialisme intérieur » comme concept d’analyse et de propositions politiques face au sous-développement régional, son titre volontiers provocateur dans la France des années 1960, y compris devant un auditoire de personnalités de la gauche française, montre qu’il est inspiré de ce qui se passe, se pense et se dit depuis de début des années 1960 en Occitanie.
La première mention médiatique du concept de colonialisme intérieur est liée à la grève des mineurs de Decazeville, qui donne l’occasion à Serge Mallet - qui fait partie des participants à la Rencontre de Grenoble - d’écrire un article publié dans France Observateur sous le titre : « La révolte des colonisés de l’intérieur » (11 janvier 1962). Au même moment, des écrivains et intellectuels issus du mouvement occitan (autour de Robert Lafont et de l’Institut d’estudis occitans) vont nourrir le concept en le transformer en analyse économique, sociale et politique étayée d’études de plus en plus chiffrées et argumentées. Dès 1962 ils se sont regroupés autour d’une organisation, qui se définit comme un club politique plus d’un parti, le Comité occitan d’étude et d’action. Robert Lafont en est le Secrétaire général et le principal animateur.
Le Rapport fait une référence explicite au mouvement de Decazeville : « Que l'on y prenne garde cependant : les affrontements sociaux changent aujourd'hui de nature. Les mineurs de Decazeville en grève défendaient moins l'avenir de la mine que celui de leur région. Ils ont été mieux soutenus par les paysans aveyronnais que par leurs frères mineurs du Nord. Petit à petit, c'est l'inégalité géographique de développement qui devient l'injustice la plus criante. » En lien avec ce passage, on trouve la seule mention du Rapport sur les revendications linguistiques (reconnaissance officielle et enseignement des langues dites régionales), prouvant qu’il n’est pas une émanation directe des mouvements régionalistes.
Quoi qu’il en soit, au même moment le COEA affiche clairement sa proximité idéologique particulière avec le PSU au sein des différentes composantes de la gauche, en particulier à compter de 1966 lorsque celles-ci tendent à se recomposer autour de François Mitterrand dans une optique de rassemblement avec la SFIO (qui sera opérée à Epinay en 1971, le PSU restant d’ailleurs en dehors de l’unification des composantes socialistes). Côté mouvement régionaliste, la rupture est également consommée en 1966-1967 avec un certain nombre de mouvement, dont le COEA, qui conduit à une candidature autonome des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974, représentée par le Secrétaire général du COEA, Robert Lafont. Invalidé par le conseil constitutionnel, il soutiendra la candidature écologiste de René Dumont et non celle du candidat du Parti socialiste, François Mitterrand.
Malgré son titre, on ne trouvera pas dans le Rapport « Décoloniser la province » la réalité des enjeux et propositions du COEA et des autres mouvements régionalistes. Il s’agit d’un rapport d’étude et de mise en lumière du sous-développement économique régional français. Sans que l’on puisse en être certain, il est fort possible que le rapport d’orientation présenté par Robert Lafont à l’Assemblée générale du COEA au printemps 1967 soit en partie une réponse, critique, au rapport de Michel Rocard : « Dans le domaine de l’analyse du colonialisme intérieur : notre intervention théorique a consisté dès le départ à substituer à la notion amorphe, peu distincte, diversement interprétée, du sous-développement régional, une notion infiniment plus dynamique et qui nous engage à une étude structurale, fonctionnaliste, du dépérissement de nos régions : le colonialisme intérieur. Sur ce point, il y a eu succès ; le terme s’est répandu, il a été repris avec vigueur dans la presse et ailleurs. Nous nous sommes pourtant bien aperçus que ce succès même risquait d’être un affadissement… Ceux qui adopteront en France notre terminologie, risquent de confondre sous-emploi, exode rural, retard d’industrialisation et colonisation. En parlant de décolonisation, ils ne viseront qu’une revitalisation économique et finalement une action anodine, qui ne résoudra aucune question de fond. » (Bulletin d’information du COEA, 20 juillet 1967).
Pour autant, par l’importance politique de la Rencontre de Grenoble, le Rapport de Michel Rocard et plus largement l’irruption dans le champ de la gauche socialiste française d’une nouvelle approche de la question régionale, ont incontestablement joué un rôle dans la diffusion et le succès des analyse et propositions portées par Robert Lafont et le COEA autour du colonialisme intérieur. Quelques mois après la Rencontre socialiste de Grenoble, les éditions Gallimard publient dans une collection à grand tirage, les deux essais de Robert Lafont sur le colonialisme intérieur : La Révolution régionaliste (Paris : Gallimard, 1967), Sur la France (Paris : Gallimard, 1968).
Pour ce qui est de l’adhésion de la gauche française aux analyses et propositions du mouvement régionaliste, si la rupture est consommée entre le COEA et le Parti Socialiste au début de la décennie 1970, la question revient dans la seconde moitié de la décennie alors que la candidature invalidée de Robert Lafont a débouché sur la naissance d’un mouvement socialiste occitan autonome, Volèm viure al país, qui fait sans doute craindre la perte d’une partie d’un électorat dans un bastion du socialisme, le Languedoc méditerranéen. Dans le cadre de la campagne présidentielle de 1981, le Parti socialiste et le candidat Mitterrand multiplieront les signes d’adhésion aux revendications régionalistes : programme « La France au pluriel » (Parti socialiste, 1981), discours de François Mitterand à Lorient le 14 mars 1981 et proposition 56 des 110 propositions pour la France.