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Amiras (Aix-en-Provence)

La revue Amiras, publiée de 1982 à 1990 par Edisud (Aix-en-Provence), est née sous l'impulsion d’universitaires et d’intellectuels occitanistes autour de l’écrivain, universitaire,  homme de pensée et d’action qui a fortement marqué la seconde partie du XXe siècle occitan, Robert Lafont (1923-2009). Elle est la grande revue intellectuelle occitane de la période.
Amiras, qui signifie « repères » en occitan, reprend le flambeau de revues critiques et de débats intellectuels qui se sont succédés depuis les années 1960, parallèlement au développement d’un mouvement intellectuel et militant occitan qui a souhaité questionner, depuis le fait occitan, la réalité sociale, linguistique et culturelle contemporaines. Tous les champs du savoir et de la pensée (histoire, sociolinguistique, géographie, littérature, etc.) sont ainsi convoqués.

Amiras s’inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise du mouvement occitan après deux décennies d’impact important sur la société - les « 20 Glorieuses de l’occitanisme » selon la formule de Robert Lafont - et la désillusion progressive face à l’alternance politique de gauche portée au pouvoir en 1981 autour d’une promesse d’aggiornamento de la politique française en matière de reconnaissance et de soutien à la vie des langues et des cultures régionales : « Discours de Lorient » du candidat François Mitterrand en mars 1981, proposition 56 des 110 propositions pour la France, programme « La France au pluriel » du Parti socialiste, Mission et Rapport Giordan en 1981-1982.
Au sein du mouvement occitan, le début de la décennie 1980 est marquée par une rupture au sein de l’Institut d’estudis occitans et le départ de plusieurs figures intellectuelles et universitaires, derrière Robert Lafont, mises en minorité lors de l’Assemblée générale de l’IEO à Aurillac (novembre 1980).

Le premier numéro de la revue, qui paraît moins d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir, consacre son dossier à « Décentralisation an 1 » et affiche un certain optimisme sur l’avenir de la question occitane au sein de la politique nationale française. En 1990, le dernier numéro titre « Enseigner l’occitan : le tableau est-il si noir ? » et révèle une évolution vers l’inquiétude et la reprise d’un rapport de force entre mouvement occitan et politiques nationales. 

Dirigée par Robert Lafont puis Philippe Martel, comptant de nombreux contributeurs issus des universités françaises et étrangères, Amiras est la grande revue intellectuelle occitane des années 1980.

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Viure, Dire, Aicí e ara : les nouvelles revues de la pensée et de l’action occitanes (1965-1983)
[imatge id=21050]Entre 1965 et 1983 ces trois pubications vont être le laboratoire vivant de la pensée politique du mouvement occitan à travers reportages, enquêtes, témoignages, débats et comptes rendus engagés.

Viure (1965-1973)

Revue trimestrielle publiée à Nîmes de 1965 à 1973 (30 numéros) sous la direction de Robert Lafont. Lors de sa création, le comité de rédaction réunit Jean-Paul Bringuier, Claude Fabre, Gui Martin et Yves Rouquette. Jean Larzac et Philippe Gardy rejoindront l’équipe en 1966. Le premier numéro paraît en 1965, il débute par un texte liminaire Revolucion occitana, souvent repris par la suite, qui constitue un manifeste et annonce mai 68. Le texte est rédigé par Robert Lafont et Yves Rouquette.
L'importance de Viure tient à son caractère précurseur dans tous les domaines. Par ses analyses (aliénation, colonialisme intérieur, socialisme, nationalisme...) la revue a donné les éléménts nécessaires à la réappropriation de l'histoire et de l'identité occitanes.
Des désaccords au sein du comité de rédaction entraîneront la disparition de la revue en 1973.

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Dire : revista de critica occitana  (1976)

Revue trimestrielle, publiée à Avignon en 1976, seuls 3 numéros paraîtront. Le comité de rédaction se compose, entre autres, de Yves Barelli, Claude Barsotti, Gaston Bazalgues, Philippe Gardy, Robert Lafont et Philippe Martel.
Entièrement rédigée en occitan, la revue tente de combler le vide laissé par Viure et en présente les mêmes caractères.

Aicí e ara (1979-1983)

[imatge id=21049]Revue trimestrielle, publiée à Montpellier de 1979 à 1983 (15 numéros) sous la direction de Rémi Pach. Le comité de rédaction réunit Jean-Frédéric Brun, Jean-Pierre Laval, François Pic. Le titre de la publication fait référence au manifeste publié dans le premier numéro de Viure en 1965 « Aicí e ara. Dins aqueste païs e dins aqueste sègle, l’òme… L’òme deliure e responsable » et affirme la volonté de filiation entre les deux publications.  Revue de réflexion et de critique sur l’occitanisme, indépendante de tout mouvement ou parti politique, les articles traitent de sujets politiques, culturels et littéraires. Aicí e ara est aussi ouverte aux autres minorités nationales. La revue est à l’origine de la création en 1980 de l’Union del Pòble d’Òc, qui se veut un rassemblement et non un parti, le Manifeste de l’U.P.O est publié dans le n°9 de novembre 1980.  La revue est rédigée entièrement en occitan jusqu’au n° 10 de février 1981, à partir de mai 1981 apparaissent des articles en français. En mai 1982, après une interruption d’un an, une nouvelle série voit le jour et la revue annonce un changement de cap, elle ne s’adresse plus seulement aux occitanistes et accorde une place plus importante à l’aspect culturel. Les articles en occitans, dans un esprit d’ouverture et de tolérance, s’ouvrent à la graphie mistralienne. Le dernier numéro paraît en février 1983, son éditorial fait le constat de démobilisation et de régression du mouvement occitan depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir.
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Le Comité occitan d'études et d'action (COEA)
Caucat, Domenge
Assié, Benjamin
Le Comité occitan d’étude et d’action (COEA) est un organisme militant créé en 1962 à Narbonne par un collectif de personnalités déjà impliquées dans le mouvement occitan, notamment au sein de l’Institut d’Estudis Occitans, « des écrivains et des militants de l’action dite culturelle, essentiellement linguistique, abordant les problèmes économiques et sociaux. » comme ils se définissent eux-mêmes, dans le Bulletin d’information du COEA (janvier 1970).
Dans les faits il est initié par Robert Lafont engagé depuis le début des années 1950 comme Secrétaire général de l’IEO pour la refondation d’une stratégie, d’une pensée et d’une action occitanes sur l’analyse des réalités économiques et sociales. Il est pendant une décennie le le principal animateur et le Secrétaire général du COEA, qui compte également parmi ses membres Yves Rouquette, Guy Martin, Gaston Bazalgues, Jean Larzac, Claude Marti, Michel Grosclaude, Bernard Lesfargues, Michèle Stenta, entre autres (source : Bulletin d’information du COEA).

Origines

En 1950, Robert Lafont devient Secrétaire général du tout nouvel Institut d’Estudis Occitans, fondé à Toulouse en 1945. Il présente un rapport de rupture avec l’action et l’objectif traditionnel - culturel, savant et linguistique - des organisations occitanes. Tout au long des années 1950 il ne cessa d'argumenter en faveur d’une refondation d’une stratégie occitaniste qu’il souhaite fondée sur une analyse solide des réalités économiques et sociales et proposer ainsi un projet politique pour l’avenir de l’Occitanie.
La position de Lafont convainc une nouvelle génération militante mais fait débat et entraîne un temps de crise avec les tenants d’une position « culturelle » autour de Bernard Manciet et surtout Félix Castan. La crise au sein de l’IEO est soldée en 1964 par l’exclusion de Manciet, Castan et Ismaël Girard.
Entretemps, le mouvement des mineurs de Decazeville avait fait émerger dans l’opinion occitane et dans les médias, une prise de conscience du malaise occitan autour de la notion de « colonialisme intérieur ». Robert Lafont avait analysé en 1954 dans son essai Mistral ou l’illusion (Paris : Plon) le rendez-vous manqué entre le mouvement félibréen et la révolte des viticulteurs languedociens de 1907 qui aurait pu déboucher, selon lui, à une adhésion massive de la société au mouvement de renaissance occitane du moment où il ne se cantonnait plus à l'action littéraire et linguistique, et ainsi déboucher sur un projet politique pour l’Occitanie. C’est donc pour ne pas rater un nouveau rendez-vous avec le mouvement social que le COEA est créé dès 1962, sans attendre la transformation au sein de l’IEO.

L’organisation

Quelques mois après sa création, le Bulletin d’information du COEA (n° 2, 15 mars 1963) fait un premier bilan de la nouvelle organisation : il annonce une cinquantaine de personnes adhérentes, la tenue d’une première assemblée générale en mai 1962 et l’adoption de statuts ouvrant la voie à une existence légale. L’organisme se veut « d’un type entièrement nouveau » et doté d’une doctrine qui « doit être entièrement neuve ». L’établissement de cette doctrine doit se faire dans le cadre de séances de travail et de débats par correspondance mais déjà le premier bulletin, « à un grand nombre d’élus du Pays d’Oc », contient une synthèse sur le concept de colonialisme intérieur à la fois comme grille d’analyse mais également comme vecteur de propositions politiques concrètes.
Sur le plan de l’organisation militante, le COEA affiche l’ambition de créer à partir du Comité central un maillage de « comités occitan d’action » au niveau régional, local, et dans les entreprises. Les fonctions entre le comité central et les comités divers sont définies ainsi : « le comité central analyse la situation, donne des directives et les comités divers sont les organes de l’intervention. » L’ambition est de mettre sur pied une organisation militante et ne pas devenir une organisation « académique », c’est-à-dire purement intellectuelle. Il s’agit également pour le COEA de créer un réel mouvement d’opinion autour de ses analyses et propositions et de favoriser « une prise de conscience occitane ».
Dans les faits, le développement d’une organisation militante massive ne s’est pas réalisé même s’il est fait état au fil des Bulletins d’un Comité auvergnat d’étude et d’action ou d’un COEA Paris.
En 1964 Robert Lafont, Yves Rouquette et d’autres membres actifs du COEA fondent la revue Viure. Si elle n’est pas un organe direct du COEA, elle est un lieu de diffusion et de débat sur les idées portées par l’organisation.
Le COEA publiera quelques livres : Principes d'une action régionale progressiste (Nîmes : COEA, 1966, réed. 1969), Le petit livre de l'Occitanie (Saint-Pons : 4 Vertats, 1971 ; réed. Paris : Maspero, 1972). Mais c’est avec les essais politiques de Robert Lafont autour du problème région et du colonialisme intérieur, publiés à grand tirage chez de grands éditeurs parisiens, que les analyses et propositions du COEA seront véritablement connues et diffusées auprès de l’opinion : La Révolution régionaliste (Paris : Gallimard, 1967), Sur la France (Paris : Gallimard, 1968), Décoloniser en France. Les Régions face à l’Europe (Paris, Gallimard, 1971), Clefs pour l’Occitanie (Paris : Seghers, 1971), Lettre ouverte aux Français d’un Occitan (Paris : Albin Michel, 1973), La Revendication occitane (Paris : Flammarion, 1974) ou encore Autonomie, de la Région à l’autogestion (Paris, Gallimard, 1976).

Le rôle politique

En juin 1964, le contact avec la vie politique est établi : le COEA participe avec des délégués à la Convention des Institutions Républicaines, nouveau parti politique créé par François Mitterrand, qui aboutira sept ans plus tard au fameux congrès d’unification des socialistes d’Épinay-sur-Seine (juin 1971). Le COEA reconnaît s’être constitué en club politique - mais refuse explicitement de devenir un « parti politique » traditionnel - afin d’entrer en contact avec d’autres clubs politiques (comme le Front régionaliste corse).
S’il fait partie des clubs fondateurs de la Convention des Institutions Républicaines qu’il fait adhérer à la problématique de l’autonomie régionale, le COEA prend ses distances avec l’organisation de François Mitterrand dans sa dynamique d’union avec la SFIO et la famille radicale. Non seulement la SFIO et les radicaux n’ont pas exprimé de position favorable aux problématiques régionalistes, mais de nombreux membres du COEA sont adhérents ou sympathisants des deux autres forces de la gauche des années 1960 : le parti communiste et le PSU. En 1967 la séparation avec la Convention des Institutions Républicaines est actée. Dans les faits le PSU de Michel Rocard apparaît de plus en plus comme l’organisation politique la plus proche des problématiques politiques du COEA (dénonciation d’une situation de colonialisme intérieur, défense de l’autonomie régionale, de l’autogestion, etc.) On peut sans doute mettre au compte du COEA le fameux rapport « Décoloniser la province » présenté en 1966 par Michel Rocard lors des Rencontres socialistes de Grenoble.
Le Comité occitan d’étude et d’action disparaît à l’orée des années 1970 et débouche sur la candidature de Robert Lafont, candidat des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974. Le COEA rendait possible une telle candidature, non seulement en permettant de mûrir une analyse et des propositions capables de tenir une telle candidature, mais également en établissement les liens entre organisations politiques régionalistes et en diffusant les idées du colonialisme intérieur en dehors des cercles militants. La candidature ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel, les comités de soutien vont se transformer en mouvement autonome Volèm viure al país qui sera l’organisation des années 1970.
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Diglossie (concept sociolinguistique)
La diglossie est un concept sociolinguistique qui décrit la situation où, au sein d’un même état, deux langues ou dialectes d’une même langue coexistent, l’un étant considéré comme supérieur à l’autre ou du moins plus légitime. Dans un état comme la France, chaque langue et dialecte autre que le français est individuellement en situation de diglossie par rapport à ce dernier.
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Robert Lafont
Benjamin Assié
     Robert Lafont a fait le choix de confier ses archives, ses manuscrits et sa bibliothèque au CIRDOC qui se voit ainsi gestionnaire des matériaux d’une oeuvre et d’une action d’envergure historique. Par son importance, ce legs a profondément fait évoluer la vocation de l’institution et son approche de la question patrimoniale.

Disons-le d’emblée pour qui voudrait comprendre l’importance de l’œuvre et de l’action de Robert Lafont pour la modernité occitane et son ampleur européenne : avec Robert Lafont, la pensée, l’action, la création occitanes réunies ont retrouvé le chemin de l’Histoire et de l’actualité. Comme l’a écrit l’historien Philippe Martel, Robert Lafont, c’est celui qui fait sortir l’occitanisme du XXe siècle de son statut de société secrète et qui réussit à en faire un élément important du mouvement social, culturel et politique qui a marqué la seconde partie du siècle.

De 1943, date de la publication de ses premiers textes, à sa disparition en 2009, Robert Lafont a entrepris, à travers une œuvre plurielle et immense - plus d’un millier de publications ! -, indissociable de sa mise en action concrète par l’engagement intellectuel et politique, de rouvrir à peu près tous les chantiers, linguistiques, esthétiques, historiques et méthodologiques, nécessaires au rétablissement d’une parole occitane porteuse d’une compréhension du monde et d’une influence sur les grands problèmes de son temps.

Il est difficile de rendre compte ici de l’ensemble des disciplines scientifiques, des écritures et expériences littéraires, des centres d’intérêts et des aventures intellectuelles et militantes qui forment l’héritage de Robert Lafont, tâche qui n’est d’ailleurs pas à ma portée. Pour en saisir néanmoins la force d’ensemble, il semble que Robert Lafont ait ancré la dynamique de sa création, de sa recherche scientifique, de sa pensée et de son action dans l’analyse permanente des processus historiques, économiques et sociaux qu’il chercha à comprendre autant qu’à transformer : analyse, pensée, création et action forment ainsi le processus d’ensemble de toute une oeuvre, multiforme et cohérente.

Lafont apparaît sur la scène littéraire et militante à l’âge de vingt ans, dans une situation de crise profonde : crise générale de l’Europe au sortir de la guerre, crise particulière d’un occitanisme au plus bas. Dès 1943, son premier texte publié est un appel à la fédération d’une jeunesse occitane et d’une union entre les générations, posant d’ores et déjà les bases d’un parcours entièrement tourné vers la recherche d’une stratégie collective et l’élaboration d’une méthodologie pour une pensée et une action occitanes capables de se joindre au mouvement social général. Il est parmi les fondateurs de l’Institut d’Estudis Occitans en 1945. Dès 1950, il est secrétaire général de l’IEO et propose un rapport de rupture qui fit débat et resta inédit : il fait une analyse historique du mouvement depuis le Félibrige, dénonce l’illusion d’un nationalisme occitan et appelle à fonder l’action non plus sur une “foi” mais sur une réalité sociale, étudiée, connue et analysée. Il poursuit deux ans plus tard avec un article sur “Les conditions et les méthodes d’une étude rationnelle du comportement linguistique des occitans” Dans ces années 1950 où “s’eriam mes a far Occitània”, il réussit à faire adhérer une part active du mouvement à la nécessité de son extension aux questions économiques et politiques tout en l’éloignant de la tentation nationaliste. Au même moment, Il fait paraître son premier essai en français dans une maison d’édition nationale - le premier d’une longue série - intitulé Mistral ou l’Illusion. Ici encore, les analyses de Lafont sont clivantes pour le mouvement occitan mais permettent de faire émerger une dynamique collective consciente des erreurs historiques, libérée des mythologies, armée méthodologiquement pour comprendre et agir sur l’actualité. Ce seront les “20 Glorieuses” de l’occitanisme - l’expression est de Lafont - qui voient les idées - le “colonialisme intérieur” que Lafont analyse et diffuse auprès de l’opinion française dans des essais à grands tirages - et les acteurs du mouvement occitan au coeur de grands mouvements sociaux qui agitent l’Occitanie. Il est à l’origine de plusieurs organisations (Comitat occitan d’estudis e d’accion, mouvement Volèm Viure al pais) et présente sa candidature à l’élection présidentielle. Déjà il pense l’avenir occitan dans le cadre d’un projet européen articulé avec les régions. La contribution à un projet européen régional restructuré sur le dénouement du modèle des Etats-nations anima sa pensée et ses engagements après la crise des années 1980 (crise interne du mouvement occitan dont il est mis à distance, évolution politique française par un début de décentralisation) jusqu’à sa disparition en 2009. Il fut l’un des initiateurs de l’Eurocongrès 2000 des pays occitans et catalans.
Ainsi Robert Lafont c’est la pensée occitane mûre et méthodique, consciente de ses erreurs historiques, qui déconstruit l’idéologie ou l’impensé pour s’ancrer dans la société réelle et agir sur l’avenir : l’occitanisme ne peut être qu’un projet de société par la société, qui actualise son discours et son action à partir des données économiques et sociales de l’Occitanie réelle et non fantasmée, la sortant de son statut de rêve romantique pour devenir un haut niveau de conscience historique et un avenir européen en construction.

De là, une œuvre prolifique et à première vue pluridisciplinaire, en réalité polygraphique. On a pu dire qu’il était une forme contemporaine de l’honnête homme du XVIIe siècle. Mais l’enfermer dans cette image serait à mon avis passer à côté de l’extraordinaire cohérence de l’ensemble pensée-création-action qu’a fort bien mis en lumière le critique Philippe Gardy dans un essai récent qu’on ne peut que recommander à tous ceux qui souhaitent saisir les lignes de force de la démarche de Robert Lafont.
Pour embrasser l’œuvre et l’action lafontiennes dans son ensemble, Philippe Gardy utilise une double image : l’arbre et la spirale. L’arbre c’est l’écriture et l’action qui s’enracinent dans le vécu historique et sociologique de la langue, donnée vécue dès l’enfance chez Lafont, point fixe du développement de l’arbre et de ses multiples ramifications. Le développement des ramifications est mu par le désir de déchiffrer les origines de cette situation historique et sociale, d’en saisir les mécanismes et d’en révéler ce qu’elle peut apprendre sur le fonctionnement des sociétés à partir de ce qui fait la spécificité des hommes, le langage.

« Si l’image de l’arbre correspond bien à la façon dont l’oeuvre croît et se démultiplie au fil des années et pour répondre aux circonstances, celle de la spirale, de son côté, désigne la sorte d’enroulement sur elle-même qui organise l’ensemble. »

L’ancrage d’une oeuvre et d’une action aussi plurielles dans une analyse fine de l’histoire et de l’actualité, c’est ce qui donne à chaque contribution de Lafont aux débats littéraires, universitaires ou politiques une résonance si importante pour ses contemporains. C’est peut-être aussi ce qui fait qu’une fois Robert Lafont disparu, on est pris par une sorte de sensation d’injuste et soudain silence face à son héritage. Force est de constater qu’en dehors des milieux qui l’ont côtoyé, pour qui souvent il fut un enseignant, un formateur, un émancipateur et qui entretiennent avec exigence son héritage littéraire et intellectuel, la figure de Robert Lafont, dix ans après sa disparition, s’est considérablement estompée dans le paysage intellectuel et social occitan comme européen. C’est pourquoi à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition, il est heureux que des organisations comme la Generalitat donnent l’occasion de faire découvrir une pensée et un héritage intellectuel d’une surprenante utilité dans le contexte actuel.

Robert Lafont a fait le choix de léguer par testament sa bibliothèque de travail, ses archives et manuscrits au CIRDOC, choix que l’on peut considérer mûrement réfléchi : d’abord Robert Lafont a fait preuve dans son parcours d’une impressionnante cohérence d’ensemble et d’un sens aigu de l’Histoire ; par ailleurs, il avait déjà donné de son vivant au CIRDOC, et par là à la connaissance et l’accessibilité publique, la totalité de sa correspondance reçue, soit plus de 20’000 lettres provenant de près de 3’500 correspondants.
Le CIRDOC est une institution à part dans le paysage des institutions culturelles françaises. Il est une création directe des « 20 Glorieuses » de l’occitanisme. Pris dans un mouvement de « libération » des cadres historiques du centralisme d’État conjugué aux intérêts des grandes industries du Nord et de l’Est français, l’occitanisme a voulu par le même mouvement définitivement déverrouiller sa frustration culturelle historique : faire prendre conscience à la société occitane voire à la société française et européenne tout entière, non seulement du fait linguistique et culturel occitan dans l’Histoire, en particulier en révélant son apport littéraire, scientifique, intellectuel à la culture européenne, mais aussi d’en affirmer l’actualité et la revendication à exister dans le monde contemporain. C’est ainsi qu’au plus fort du mouvement, en 1975, l’écrivain et activiste occitan Yves Rouquette, ancien élève puis compagnon de route de Robert Lafont dans les années 1960, quoiqu’en conflit idéologique pour ne pas dire en rupture avec son ancien maître à ce moment-là, entreprend à Béziers ce qu’il conçoit comme un « outil structurant de décolonisation » en appelant les écrivains et intellectuels occitans à créer une bibliothèque nationale occitane d’initiative populaire : ce sera le Centre international de documentation occitane (CIDO), devenu depuis une institution publique officielle, le CIRDOC.

Né de la mobilisation citoyenne pour être l’un des outils de reconquête culturelle et linguistique, le CIRDOC n’est assurément pas une institution patrimoniale comme les autres, particulièrement dans le contexte institutionnel français, quand bien même a-t-elle trouvé depuis une forme de normalisation politique par son statut d’organisme public. Le CIRDOC n’a jamais eu l’occasion ni la tentation de devenir un temple culturel où les œuvres et les héritages des écrivain-e-s, des artistes, des chercheur-e-s seraient pieusement conservées et offertes à l’admiration des générations futures pour célébrer une identité collective bâtie dans le culte des gloires passées. Par la pression sociale et politique due à son étrange mission de service public intégralement dédié à la valorisation d’une langue non officielle en France, le CIRDOC fonctionne, quel que soit les orientations de ses directions ou de ses équipes successives, comme un lieu d’extraction et de transformation de la matière linguistique et culturelle occitane prise dans sa richesse et sa diversité historique, afin de permettre à la société actuelle de se l’approprier et de l’exploiter librement dans le cadre d’une création et d’une pensée occitanes vivantes et actuelles.
Le fonds Robert Lafont conservé au CIRDOC permet de saisir les nombreuses ramifications, chantiers littéraires et scientifiques, centres d’intérêts et leur cohérence d’ensemble.

Sa bibliothèque d’abord, avec 4’500 ouvrages reflétant les domaines de recherche-action qui ont été les siens. L’histoire littéraire occitane, dont il a fut au final le premier vrai historien, dans sa totalité historique et générique. Auteur d'inestimables synthèses d’histoire de la littérature occitane, il fut aussi celui qui mit à jour, non sans susciter critiques et débats, des périodes et mouvements jusqu’à lui contestés voire inconnus : la renaissance Baroque du XVIe et XVIIe siècles dès les années 1960 et à la fin de sa vie le remarquable chantier sur l’épique médiévale occitane. Révéler que la langue occitane, déjà difficilement reconnue par les institutions académiques françaises pour son rôle fondateur pourtant indéniable dans la naissance de la poésie européenne, a pu produire une histoire littéraire complète et diverse sur plus de dix siècles, contribuant aux grands mouvements esthétiques et littéraires européens, fut une tâche politique aux effets polémiques, régulièrement attaquée mais pourtant fondamentale dans le projet occitan global de la seconde moitié du XXe siècle.

La linguistique est représentée dans sa bibliothèque pour ce qu’elle fut dans l’oeuvre de Lafont : un intérêt large pour le fait de langage et “les langues” avec une place importante pour la sociolinguistique catalane.

On trouve dans sa bibliothèque bien sûr la création littéraire de son temps qui permet de saisir le critique littéraire qu’il fut, et l’écrivain dans son environnement générationnel, celui de 1945 et de l’Après-Guerre. Dans cette génération, Lafont s’est attelé ici aussi au chantier peut-être le plus vaste : expérimenter l’écriture occitane dans sa plus grande diversité, partir en quête de tous les territoires où la prose, la poésie et même le théâtre peuvent prouver la vastitude des capacités littéraires occitanes.

Aux côtés de sa bibliothèque : ses archives et manuscrits, milliers de dossiers de travail, de manuscrits, de correspondances qui attirent chaque année des dizaines de chercheurs de France et d’Europe tant ils constituent, au-delà de l’ouvroir de l’écrivain, du penseur et de l’homme d’action, un matériau documentant toute la modernité occitane voire, du point de vue occitan, une approche du monde contemporain.

La teneur du fonds tend à montrer que Robert Lafont n’a visiblement pas cherché, avant de rendre public les archives de son travail personnel, à trier ni à sélectionner les matériaux de sa biographie que l’on écrirait après lui. Je crois qu’il est le reflet de son rapport à l’autobiographie, genre sur lequel il a explicitement exprimé ses réticences. Livré dans son intégralité, des premiers écrits de jeunesse aux derniers, les relations épistolaires de toute une vie, les archives et manuscrits d’une œuvre immense, il révèle peut-être plus que la biographie d’un homme particulier, mais le parcours d’une expérience sociolinguistique qui constitue un vécu social et historique commun pour nombre “d’occitan-e-s”, transformé en aventure intellectuelle qui permit une compréhension fine du monde contemporain et d’agir sur son évolution.

Ce fonds est-il aujourd’hui condamné à devenir un objet d’érudition réservé à celles et ceux qui auront les clefs de la compréhension et de l’intérêt d’y revenir puiser une analyse sur les victoires et les échecs passés de la pensée et de l’action occitanes ?

Au regard de la situation actuelle je ne le crois pas. L’œuvre et l’action de Lafont, désormais accessibles comme un tout, seront de plus en plus débarrassés des positions partisanes de son époque pour constituer un matériau méthodologique, critique, de savoirs complets sur l’histoire, la langue et la littérature, que son auteur a voulu mettre à la disposition publique, comme une ultime publication. Il est urgent désormais de s’en saisir pour ce qu’elle a de plus précieux à nous offrir : une exigence, une méthode et un appel à l’aventure intellectuelle qui rend possible la transformation du réel.
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APRENE (Establiment d'ensenhament superior)
Aprene est un établissement d’enseignement basé à Béziers (34), sous convention avec les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, fondé à Montpellier en 1995. Sa mission est la formation des enseignants des écoles occitanes immersives Calandreta, au moyen d’un cursus de préparation de divers diplômes et concours.
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Association Chancaires de Saint Pé de Léren
Le festival est créé et organisé tous les ans par l’association Chancaires de Saint Pé de Léren : implantés aux confins des gaves de Pau et d’Oloron, entre Peyrehorade et Salies-de-Béarn, les Chancaires (échassiers) œuvrent depuis plus de soixante ans pour la transmission de la culture locale. Danses, chants, échasses pour petits et grands, création de spectacles, école de musique, cours de langue… Cette même équipe traverse la Gascogne en échasses au mois d’août, avec le projet de la Chancada, pour découvrir le territoire et rencontrer ceux qui le font vivre, pour connecter les ingrédients de l’expression d’une culture locale avec la langue occitane gasconne, de manière ouverte, enracinée et créative.

PROGRAMME 

Ateliers : 9h30 – 12h

- Découverte du travail de la forge avec André & Pascal Larrodé
- Initiation aux danses de bals, avec Los Chancaires
- Fabrication de géant avec Will lo maniclaire, Carnaval Biarnés
- Initiation aux échasses avec Los Chancaires
- Stage de saut béarnais de l’arribèra avec Michel Dufau

12h30 : repas (salade de riz, cœurs de canard & haricots verts ou menu végétarien, tarte aux pommes, vin, café)

Conférence du Primtemps - La « Halha » en Gascogne :
Grâce à des documents écrits et des témoignages oraux, nous savons que la « halha » (grand feu d’extérieur) de Noël était un rituel agraire qui existait partout en Gascogne : dans le Bordelais, le Bazadais, le val de Garonne, la Haute Lande, en Chalosse et en Béarn. Faire le tour du champ, à la tombée du jour, avec un grand feu de paille, en chantant… En Bazadais, le rituel traditionnel existe encore. Patrick Lavaud, réalisateur et collecteur originaire de Langon, nous dira tout. Un film de 20 min clôturera la conférence..

Chasse au trésor, Jeux géants
Des jeux d’adresse, de vitesse, des activités musicales, de création, d’imagination… pour tous les enfants à partir de 3 ans. RDV à 14h30 sous le chapiteau.

15: 00 : Long chemin de danses et de chants 
Venez tester votre endurance. Rondes chantées, danses en chaîne, qui s’enchaînent, qui se suivent, pour un instant, pour un moment, l’après-midi, ou plus peut-être. On s’y emploiera sans s’arrêter. Chanteurs, danseurs, pas de pause, en avant : amenez un chant, une danse, faisons l’expérience. A partir de 15h, relais et arrêt au stand autorisés.

18:00 : Spectacle des petits Chancaires
Sur scène, les plus jeunes, accompagnés par les grands, ou l’inverse, peut-être.

19h30 : apéritif musical

Repas ( assiette du Chancaire, cochon de lait ou menu végétarien, frites, pastis landais, vin, café)

Tarif : 10€ (réduit 8€ – gratuit pour les – 12ans) la soirée pour les 3 spectacle / bal /  concert :

21h : ARBO HUEC
22h30 : PARTIDA DE SONSAINAS
00h : FARCE DURE


Tout le programme ICI. 



INFORMATIONS PRATIQUES 

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Las obros de Augièr Galhard
Gaillard, Augier (1530?-1595)

Résumé

Las Obros est le premier recueil imprimé des poésies du poète et chansonnier Auger Gaillard (vers 1530-1595), de Rabastens (Albigeois).

Le recueil a été imprimé en 1579 à Bordeaux, chez Jacques Olivier, et dédié à François de Caumont, baron de Monbeton, seigneur et capitaine protestant. La mention latine « Ne extra hanc bibliothecam efferatur » sur la page de titre (« ne pas diffuser en-dehors de cette bibliothèque ») pourrait indiquer qu'il s'agit d'une impression clandestine, sans privilège royal, ce qui justifie également la dédicace à une figure du parti protestant.
Auger Gaillard, huguenot lui-même, a été soldat pendant les guerres de Religion et a combattu en Quercy dans les armées protestantes.

Cet imprimé bordelais est la première édition connue des poèmes d'Auger Gaillard. Certains auteurs mentionnent une édition montalbanaise postérieure, mais aucun exemplaire n'a jamais été mis à jour, ce que confirme l'Histoire de l'imprimerie et de la librairie à Montauban d'Émerand Forestié (Montauban : Forestié, 1898). Le recueil se compose de 49 poésies, dont 40 en occitan et 9 en français. Auger Gaillard y développe un style tranché par rapport à la poésie française du XVIe siècle, utilisant un langage direct et populaire sur des thématiques triviales.

Ressources numériques 



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Lagarda, Andrieu
André Lagarde vous invite à parcourir avec lui le monde de ses contes merveilleux, en écoutant ses Tres castèls del diable.

Une œuvre d’une grande qualité littéraire qui puise à la source des contes populaires occitans. Vous y découvrirez les aventures extraordinaires de Jean de L’Ours, né des amours d’une femme et d’un ours, des trois frères jumeaux, en butte aux sorcières qui gardent le château du diable, et de Jean de Bordeaux, aidé par les pouvoirs magiques de la ravissante Fleur de Mai, qui surmontera grâce à elle toutes les ruses du Diable de la Montagne Verte.

D’une voix chaleureuse, claire et précise, Marie Odile Dumeaux donne vie aux trois contes : Joan de l’Ors, Lo Peis de la Corona et La Montanha Verda.
Textes des contes et lexique occitan-français téléchargeables en pdf sur demande.

En savoir plus :
https://www.letrasdoc.org/fr/catalogue/tres-castels-del-diable/
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La Cadichounne
Escarpit, David (1980-....)

La Cadichounne de Bordeaux (1877-1878), primièr jornal politic en occitan

Lo diluns 10 de setembre de 1877, dins un contèxte politic tendut entre republicans e reialistas, a la velha d’eleccions legislativas que s’anoncian virulentas, pareis per las carrièras de la capitala girondina un novèl jornal, clarament d’opinion reialista, entègrament redigit en occitan : La Cadichounne.

Lo nom causit se referís a l’univèrs del poèta gascon Mèste Verdièr e de las recardèiras, las mercadièras ambulantas bordalesas. Aquelas recardèiras an lo vèrbi naut e l’insulta aisida. Lo ton es balhat còp sec dins lo títol del jornal: s’agirà de faire pròva de parlar franc, de dire çò que l’òm pensa shens crenhença d’ofensar, e al besonh d’alucar la meca de la polemica. Lo cap-redactor, director e conceptor del jornal es un certan Eugène Druilhet-Lafargue.

Lo jornal pareis en doas serias primièr onze numèros del 10 de setembre al 17 de novembre de 1877, puèi 12 numèros (demest los quals nau solament nos son pervenguts) entre lo 15 de decembre de 1877 e lo 30 d’abrial de 1878, mas aquela segonda seria en realitat mòstra una Cadichounne qu’es venguda un jornal satiric en francés. amb qualques tèxtes occitans

La Cadichounne n’es pas lo primièr jornal entègrament publicat en occitan : la siá parucion es posteriora de dètz meses a la del periodic marsilhés Lou Tron de l’Èr, que lo primièr numèro ne’n pareis lo 6 de genièr de 1877. Pasmens La Cadichounne s’aficha coma un cas a despart, primièr del fach que se dona per ambicion d’èsser entègrament en occitan, dels títols a las publicitats finalas, sens un sol mòt de francés, e sustot que s’agís d’un jornal, d’opinion, un jornal politic (çò que n’èra pas Lou Tron de l’Èr). [imatge id=20685]

Un contèxte politic tendut : la lucha entre republicans e reialistas

Lo contèxte es lo d’una crisi politica qu’entrainèt la quasi-paralisia de l’Estat: la crisi parlementària de 1876-1877, la quina vei la Republica en tant que fòrça politica prene vertadièrament lo poder, malgrat las temptativas del president legitimista Patrici de Mac Mahon. Las originas de la crisi remontan a son eleccion al printemps de 1873. Fàcia a la montada del camp republican, menat per Léon Gambetta, lo vielh marescal legitimista se regdís dens son actitud de “luòctenent general del reiaume”. Las eleccions legislativas de febrièr-març de 1876, previstas per las leis organicas de 1875 qu’instauran las basas de la IIIau Republica, confirman la butida republicana. Los prefèctes receben de directivas sevèras : interdiccion e sasidas de jornals, interpelacions.

En Gironda, lo prefècte Jacques de Tracy aplica amb rigor aquelas directivas. Gambeta, deputat de bordèu, fai votar lo 17 de mai una mocion de desfisança contra lo govèrn. Mac Mahon dissòlv la Cramba lo 25 de junh de 1877. Las novelas eleccions legislativas auràn luòc los 14 e 28 d’octobre. La campanha comença en setembre, marcada per una violéncia dens los escambis entre protagonistas dels dos camps. Es dins aquel contèxte qu’apareis La Cadichounne.

Un journal taillé pour le combat

Amb las siás colomnas a la una (lo meteis format coma La Petita Gironda a la meteissa epòca), lo son gost prononciat pels títols tumadisses, pels dessenhs satirics, per los eslogans eficaces, La Cadichounne es un jornal d’afrontament, de polemica e de provocacion. Òm sentís que Druilhet a fargat son jornal coma o poguèt, un pauc de tris e de tras. Aquò’s un jornal de recuperacion, que recicla de materials d’autres organas de premsa emai de libres. Mas los articles son, eles, originals.

Per las siás illustracions, Druilhet iserís de nombrosas gravaduras pitorescas. Aqueras gravaduras ne son pas originalas, son pas estadas realizadas exprès per La Cadichounne. Venen dels Contes balzatois. Aqueles pichons contes vilatgeses an per encastre la vida rurala de dos pichons vilatges charanteses: Balsac e Vindèla. L’autor, Jean Condat digut Chapelot (1824-1908) a rescontrat un succès vertadièr a París amb aqueles pichons contes naiènts e umoristics. Fai apèl al dessenhaire en vòga Barthélémy Gautier (1846-1893) per illustrat sas istòrias. Gautier comença de se far un nom de dessenhaire dins la premsa parisiana : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amusant, La Vie parisienne, emai tanben Le Gaulois. Dins La Cadichounne  son inseridas, a la fin de cada numèro, de publicitats (en occitan) pels contes de Chapelot. N’i a pas nada tralha coneguda d’una collaboracion oficiala entre Chapelot o Gautier e Druilhet-Lafargue, autorizant aqueste-aquí a reciclar las illustracions dels Contes balzatois. Lo dessenhaire n’es d’alhors citat a nat moment dins La Cadichounne coma estant autor de las gravaduras. Una simpla frasa, au bas de las publicitats, precisa que que lous imatges de La Cadichounne soun tirats d’aquets countes. Aquò’s dificile de dire se Druilhet aviá de verai l’autorizacion de reütilizar aquelas òbras. Dins tots los cas, aquò permet a La Cadichounne de s’ofrir per sas colomnas una “puntura” de la caricatura de premsa del temps.

Qu’es aquò qu’a poscut motivar Druilhet-Lafargue, reialista e catolic intransigent, a reciclar las illustracions dels contes de Chapelot, republican moderat e probable franc-maçon ? Rès ne nos permet pas d’o afirmar, mas probable la sola necessitat d’aver d’urgéncia d’illustracions de qualitat per son jornal en desborsicant lo mens possible, e pas rès se possible. 

Eugène Druilhet-Lafargue : « le petit lutteur courageux » (P.-L. Berthaud)

Eugène Druilhet-Lafargue es un personatge mal conegut. Proprietari, rentièr, Drulhet-Lafargue èra un publicista, un poligraf, amator esclairat a façon del sègle XIX, membre de mantas societats sabentas, publicant brocaduras e monografias sus de subjèctes autanplan dispariats coma la botanica, la biologia, la paleontologia, l’agronomia, la zoologia, la filosofia o encara l’arqueologia. Èra tanben musicaire, tocaire d’armonium en renomada. Sos quites adversaris saludan la siá “distinccion” e la siá elegància. Catolic militant, de sensibilitat orleanista, pròche de l’Òrdre Moral, Druilhet s’es mai d’un còp atacat al positivisme e al scientisme del sieu temps e sembla s’èsser afogat per la question de la conciliacion de las sciéncias e de la religion. Druilhet foguèt tanben un òme politic, puèi que foguèt candidat malurós a las eleccions legislativas a Bordèu de cap a Léon Gambetta en persona. Foguèt tanben un efemèr president de la comission municipala de Cauderan, exerçant per decret presidencial la fonccion de conse de la comuna.

Membre de mantas societats sapientas, en Gironda e enlà, Druilhet-Lafargue a poscut costejar al dintre de l’Academia de las Sciéncias, Bèlas-Letras e Arts de Bordèu qualques personalitats localas estacadas a l’occitan, coma l’abat Hyppolite Cauderan, l’abat Arnaud Ferrand, Achille Luchaire, Jules Delpit, Joan-Francés Bladèr o encara Léo Drouyn… Tanplan membre correspondent de la Societat de las Letras, Sciéncias e Arts d’Avairon, Druilhet i podiá rescontrar de personalitats estacadas a la causa de l’occitan, demest losquaus l’abat Justin Bessou (1845-1918), una figura pionièra del felibrige en Avairon.

Un jornal bordalés e panoccitan

Dins La Cadichounne, lo causit de l’occitan es justificat per un discors lingüistic que poiriam quasi qualificar de militant que s’ataca als enriquesits franchimands e desdenhan la lenga del parçan per fin de s’elevar en aparéncia sus l’escala sociala. Fornís tanben de donadas chifradas - fantasistas mas l’intencion es aquí - e de prepaus que renvian en granda partida a la tenguda, en octobre de 1861, de la vint-ochena sesilha del Congrès scientific de França, que los seus actes foguèron estampats a cò dels estampaires associats Coderc-Dégreteau-Poujol en 1864. Cabon notadament lo Mémoire sur les idiomes du Midi de la France en général, et sur celui du centre de la Guienne en particulier, de l’inspector de la Societat Francesa d’Arqueologia, Auguste du Peyrat, que sembla aver marca los esperits bordalés. Veirèm que lo contèxte bordalés, emai las relacions e los camps d’activitat de Druilhet-Lafargue explican aquela portada teorica e revendicativa. S’ajostan a aquò qu’existissiá alavetz al dintre de l’Academia de Bordèu mantas personalitats interessadas per l’estudi e la valorizacion de çò que començavan desjà de sonar la “lenga d’òc”, que las òbras completas de Verdié venián d’èsser tornadas estampar, apareis que Druilhet-Lafargue banhava dins un climat sensibilizat a l’occitan. Existissiá clarament dins lo Bordèu d’aquel temps un interès de certans intellectuals locals per l’occitan, malgrat que ne formèsson pas un “front” unificat. Druilhet, quora s’amusarà a atacar de jornals republicans bordaleses, recebrà d’alhors d’unes d’entre eles responsas mai o mens aimablas en occitan. Notèm pasmens qu’un (o una) dels cronicaires (-ras) del jornal signa “Clémence-Isaure”, del nom de la fondatritz mitica del Consistòri del Gai Saber de Tolosa.

Aquel element explica que, sol de tot lo paisatge de la premsa bordalesa, Druilhet-Lafargue fasca mòstra dins lo seu jornal d’una apròcha reflexica sus l’occitan, o pr’èsser exact, qu’utilize un discors tendent a valorizar l’occitan coma argument contra sos detractors.

Per tant qu’a la lenga, aquò’s plan d’occitan bordalés qu’es emplegat. Druilhet n’es pas particulariament atentiu a la qualitat de la siá lenga, aquò lo mens que poscan dire: gallicismes, barbarismes e marganhas de sintaxi malhan un occitan que l’òm ressentís pasmens coma autentic. Grumilheja per alhors d’expressions idiomaticas e de localismes. Unes cronicaires - que s’agisca de Druilhet el-meteis o non - revendican una quita apartenença locala, l’emplec del parlar “pishadèir”, aquò’s a dire lo del barri Sant-Miquèl. I a dens La Cadichounne o avem dich una dimenson engatjada, que’n fa non solament lo primièr jornal politic de lenga occitana, mas lo primièr jornal d’aquela mena a portar un discors revendicatiu sus l’occitan. A partir del n°3 (22 de setembre), pareis de mai dins cada numèro de La Cadichounne un extrach de l’Essai grammatical sur le gascon de Bordeaux. Guillaoumet debingut grammérien (Bordèu, Coderc-Dégreteau-Poujol, 1867) de Guilhaume Dador. Aquela preséncia se pòt analizar de mai d’una faiçon: besonh d’enriquesir lo contengut del jornal, viste a cort d’’informacions a mesura que las escasenças per lasqualas èra nascut passan; pairinatge d’un autor d’expression occitan plan conegut a Bordèu dins los mitans catolics, mas taben benlèu interès simplament pedagogic, per una grammatica “del pòble”, accessibla malgrat sos defauts. La Cadichounne se malha donc d’una dimension suplementària, a pretencion pedagogica : òm i pòt trobar un quite cors d’occitan en fulheton.

Amb lo temps e la necessitat de variar lo contengut per ne pas alassar lo public, vesèm aparéisser de contribucions dins d’autras variantas de l’occitan : en parlar de Vasadés, puèi de Libornés primièr. Puèi, dins los darnièrs numèros, rescontrèm de tèxtes de l’abat Léon Maumen (1803-1888) d’Aira, figura del partit catolic dins Landas, e un quite poèma nimés, extrach de  L’Embarras de la fieiro de Beaucaire celèbre tèxte de 1657, per Jan Michel (1603-1689), dins la siá edicion de 1700, que Druilhet a probable tirat de sas coneissenças filologicas occitanas. De vèrsa la meteissa epòca, Druilhet combla de voides de mai en mai badants dins las colomnas de La Cadichounne en i fasent paréisser de largs extraches dels Usages et chansons populaires de l'ancien Bazadais: Baptêmes, noces, moissons, enterrements de Lamarque de Plaisance (Bordèu, Balarac, 1845). Lo jornal, malgrat que siasque sul descreis, revestís donc en pareissença una dimension panoccitana inatenduda. Mas ben de verai, totes aqueles artifcis ne servisson pas qu’a amagar una realitat que n’es que visibla de tròp : l’occitan recula, al profièch d’articles en francés, e ne se redusís lèu qu’a un o dos tèxtes, una cançon, al mièg d’un jornal quasiment francofòn.

La Cadichounne presenta aital dins la sias colomnas, dins lo corrent del mes de setembre de 1877, un roman-fulheton, qu’es lo segond en lenga occitana conegut. Aquò’s un roman d’inspiracion realista e de l’atmosfèra sorna, que n’es pas sens rapelar los estíles de Ponson du Terrail o d’Eugène Sue :  Lou Curt daous praoubes, signat Suzanne Blanc dicha Mayan. Los tres primièrs fulhetons tan solament foguèren publicats dins las colomnas de La Cadichounne, daissant l’obratge inacabat. Aquel roman seguís de sèt ans l’òbra del cronicaire bordalés republican (1840-1880) qui, en 1871, aviá fach paréisser dins La Gironde du Dimanche lo primièr roman-fulheton en lenga d’òc jamai repertoriat, Caoufrès, roman de guèrra tanben inacabat aprèp onze liurasons.

Per la rèsta, las receptas de La Cadichounne non diferisson pas briga de las dels autres jornals satirics del temps: atacas frontalas, ton richonièr, grinçant e cinic. Los candidats republicans son escarnits sus lors fisics, lors traches de caractèr, lors defauts (quequejadís, manca d’eloquéncia, irritabilitat), lors religions o lors engatjaments ideologics. De cançons, a còps d’origina, a còps destornadas d’aires coneguts, malhan lo jornal que venen esgaiar las gravaduras de Barthélémy Gautier. Aquelas cançons son impietadosas, tanben coma los articles que las acompanhan. Trobèm mai d’un còp lo tòpos obligat de la scèna dels dos pageses, l’un - estupide -  que vòl votar pel candidat republican e l’autre - intelligent e cultivat - qui l’incita a l’encontra a balhar la siá votz al candidat conservador. Lo ròtle del bon sens e de la clarvesença es de còps que i a atribuît a la pròpra esposa del pèc, que fa votar son marit pel camp “de que cal” jos la menaça de son escoba.

Una fin rapida fauta de combatants

Druilhet/Mayan reïtèra a cada fin de numèro que ne farà pas cap de crida de fons, que se’n sortirà tot sol, que La Cadichounne ne se balharà pas a degun, eca. Segur, es de bon avisar l’afanament dels ressòrts comics, del prepaus emai de la vèrbia, mai que mai aprèp lo n°8 (dijaus 20 d’octobre), qui pareis a l’endeman de la victòria escrasenta dels republicans en Gironda, tanlèu lo primièr torn (n’i n’aurà pas besonh d’un segond), e lo  n°11 (10 de novembre), a l’endeman de las eleccions departamentalas e d’arrondiment, que confirman la victòria republicana. Lo “Père Mayan” ne se’n relevarà pas nimai lo son jornal. Lo 30 d’abriu de 1878 pareis lo darnièr numèro de La Cadichounne. Lo jornal acaba la siá segonda seria, entamenada en genièr. Dos meses de silenci desseparan donc las doas serias de La Cadichounne, mas en realitat tot las dessepara. Lo jornal entègrament redigit en lenga d’òc, a daissat la plaça a un jornal satiric en francés, on aicí e alà se venon ajostar un article gascon. La Cadichounne èra estada creada per un afrontament: aqueste-aicí passat e perdut, n’a pas mai de rason d’existir. Eugène Druilhet-Lafargue el tanben desapareis totalament dels ecrans en seguida de la mòrt de La Cadichounne. Jà misteriós, lo personatge ven una enigma. Lo son nom desapareis de las societats sabentas que frequenava. Lo retrobèm qualques annadas mai tard en Bretanha, onte fai fonccion d’editor. Lo luòc emai la data de son decès son desconeguts.

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