Créée en 1981, l’Association internationale d’études occitanes (AIEO) rassemble les chercheuses, chercheurs et personnalités actives dans la recherche scientifique en domaine occitan. Couvrant l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales, l’AIEO structure un réseau d’acteurs scientifiques dispersés dans les universités et organismes de recherche de plus de 25 pays. Elle se donne pour objectif de favoriser et coordonner les recherches en domaine occitan.
La recherche internationale en domaine occitan a déjà une longue histoire quand est créée l’AIEO en 1981 et trouve ses racines dans le développement des études romanes (romanistique ou philologie romane) dès le début du XIXe siècle en Allemagne, puis en France autour des travaux et publications de François Raynouard dans les années 1820-1830, puis à partir des années 1870 avec Gaston Paris et Paul Meyer autour d’une école de philologie romane parisienne et bien sûr, en Occitanie, avec la Société des langues romanes de Montpellier et la Revue des langues romanes. [imatge id=21052]
À la fin du XIXe siècle les études romanes, au sein desquelles la langue et la littérature occitanes du Moyen Âge constituent un passage obligé, sont un domaine d’étude universitaire largement international qui se développe dans tous les pays européens.
[imatge id=21626]Le développement de la philologie romane comme champ de recherche international contribua fortement à la reconnaissance du mouvement de renaissance occitane de la seconde moitié du XIXe et début du XXe siècle, autour du Félibrige notamment, en participant à la reconnaissance de l’occitan comme langue, auréolée d’un prestigieux passé littéraire et en fournissant des connaissances et matériaux linguistiques et culturels utiles pour sa revitalisation contemporaine. Pour autant, le mouvement savant d’un côté et le mouvement littéraire et militant renaissantiste de l’autre, restent relativement étanches.
Dans les années 1950, les chercheuses et chercheurs qui partout dans le monde travaillent sur la matière occitane prennent l’habitude de se réunir tous les trois ans dans une ville de l’espace occitan (Avignon, Aix, Bordeaux, Nice, Montpellier, Montélimar, etc.) dans le cadre de « Congrès de Langue et littérature d’oc et d’études francoprovençales ».
En 1981, ce Congrès se tient en Belgique, à Liège, et il est décidé de créer une association ayant pour objectif la promotion des études occitanes dans l’ensemble des disciplines des sciences sociales et humaines, et réunissant d’une part les universitaires travaillant dans ces disciplines, d’autre part des non-universitaires ayant fait preuve de leur compétence.
L’AIEO va accueillir à sa création une partie importante des intellectuels et chercheurs issus du mouvement occitan, mis en minorité de l’Institut d’estudis occitans, qui rompt ainsi en 1980 (Assemblée générale d’Aurillac) avec son activité de production et diffusion de la recherche pour se consacrer aux enjeux de socialisation par l’action militante.
Signe de la disparition d’un organisme occitan d’échange savant et de diffusion des connaissances, une section française de l’AIEO est jugée nécessaire et créée en 1988. [imatge id=21627]
L’AIEO réunit ainsi au sein d’une seule organisation intégralement dédiée à la recherche scientifique et la diffusion des savoirs universitaires les acteurs de la recherche internationale issue de la romanistique et des sciences humaines et sociales et les acteurs directement impliqués dans les mouvements de pensée et d’action occitanistes, faisant ainsi converger deux branches historiques du mouvement de renaissance occitane initié au XIXe siècle.
[imatge id=21628]1981-1990 : Peter Ricketts (Royaume-Uni)
1990-1993 : Q.I.M. Mok, (Pays-Bas)
1993-2005 : Georg Kremnitz (Autriche)
2005-2014 : Walter Meliga (Italie)
Depuis 2014 l’AIEO est présidée par Rosa Maria Medina Granda (Université d’Oviedo, Espagne).
Fidèle à ses missions originelles l’AIEO organise tous les trois ans un grand congrès international qui permet d’établir un panorama de la recherche et des savoirs actuels en domaine occitan, et en publie les actes. Elle organise également des congrès et colloques intermédiaires sur des thèmes et problématiques ciblés. [imatge id=21629]
En 2011 l’Association déclarait 435 membres répartis dans 22 pays et 5 continents.
L’AIEO permet un échange permanent d'informations sur l’actualité de la recherche et des publications scientifiques en domaine occitan et promeut la « matière occitane » comme champ de recherche scientifique concernant de nombreuses disciplines.
La mise en relation de chercheuses et chercheurs spécialistes, souvent isolés au sein de leurs universités ou groupes de recherche par leur spécialité en domaine occitan, a également permis de faire émerger, en dehors de l’association, de grands projets collaboratifs pour l’étude du domaine occitan, particulièrement dans le domaine de l’informatisation des données et outils de recherche : Concordance de l’occitan médiéval (COM), Grop d'Iniciativa per un Diccionari Informatizat de la Lenga Occitana (GIDILOC), ou encore le projet d’informatisation du Corpus textuel des troubadours.
L’association est aujourd’hui particulièrement engagée pour la promotion de la recherche en domaine occitan auprès de jeunes chercheuses et chercheurs afin d’en renouveler le dynamisme : création des prix de master (Pèire Bèc) et de thèse (Peter Ricketts), soutien à la constitution et aux activités d’une association des Joves Cercaires en Domeni Occitan (JCDO).
Les Jeux floraux sont un concours de poésie en langue occitane instauré en 1324 par le Consistòri del Gai Saber, qu’on peut sans doute considérer comme la plus ancienne académie littéraire au monde. La création d’un concours poétique en langue occitane au début du XIVe siècle est une tentative de restauration de la langue occitane comme grande langue de création poétique après la fin de l’âge d’or des troubadours occitans (XIIe et XIIIe siècle).
Le Consistoire et ses Jeux floraux ont évolué au fil des siècles, jusqu’à abandonner l’usage de la langue occitane au XVIIe siècle lorsque Louis XIV transforme le Consistoire en Académie. En 1895, dans le contexte du mouvement de renaissance d’oc qui s’intensifie dans le dernier quart du XIXe siècle auréolé de la popularité de Frédéric Mistral et du développement du Félibrige, l’occitan est rétabli dans les concours au côté du français. Des Jeux floraux avaient été restaurés quelques années avant à Barcelone et Valence.
[imatge id=21651]Aux XIIe et XIIIe siècles, les troubadours occitans sont à l’origine d’une révolution esthétique, linguistique et idéologique qui va marquer pour longtemps la culture européenne. La renommée et la puissance de leur poésie chantée en langue « vulgaire », dépasse les frontières de l’Occitanie médiévale. Alors que l’art du trobar décline dans le courant du XIIIe siècle sous les coups de la Croisade contre les albigeois qui voit s'effondrer le monde seigneurial et se mettre en place un nouvel ordre moral, c’est à l’étranger, particulièrement en Italie et en Catalogne, que l’on compose les outils de la sauvegarde de l’art poétique troubadouresque : grammaires de la langue occitane associées à des traités d’art poétique et compilation de la poésie des troubadours dans des recueils manuscrits, les cançonièrs (chansonniers).
Ce mouvement de sauvegarde et volonté de restauration de l’art poétique troubadouresque, qui associe conception poétique, morale (l’amour) et usage de la langue occitane comme langue de la poésie et du fin’amor, a également lieu dans l’espace occitan au tout début du XIVe siècle.
Conscients de l’éclat de l’héritage littéraire et linguistique des troubadours - les derniers troubadours sont morts à la fin du XIIIe siècle - les élites toulousaines de la génération suivante lancent un mouvement de renaissance de la poésie et de la langue occitanes à travers une institution, peut-être la plus ancienne société littéraire au monde, la « sobregaya Companhia dels VII trobadors de Tolosa », « Compagnie du gai savoir » ou « Consistoire de la Gaie-Science ». Pour ce faire il rédigent une « loi » poétique, les Leis d’amor (lois d’amour), qui, à l’image de ce qui a été fait en Catalogne ou en Italie (« Razos » et autres « Doctrinas » du trobar occitan), associent norme de la langue et norme de l’art poétique. Enfin, sur la base du Consistoire et de sa loi, un concours de poésie est organisé dans l’ambition de (re)faire de Toulouse une capitale de l’art poétique.
Le concours littéraire, les Jeux floraux de Toulouse, distinguent les lauréats en les faisant « troubadours », même si leur style et la qualité de leurs productions demeurent au final assez éloignés de ceux de leurs prestigieux prédécesseurs. Surveillés par l’Inquisition, les poètes d’expression occitane du XIVe siècle privilégient notamment les odes à la Vierge Marie aux poèmes d’amour.
En 1393 Barcelone instaure également ses Jeux Floraux.
Les Leis d’amor, sont rédigées bien après la constitution de la Compagnie. Face au déclin des compétences poétiques d’expression occitane, les « mainteneurs » ont dû juger bon de doter la Compagnie et son concours poétique d’un outil leur permettant de juger au mieux de la qualité des pièces qui leurs sont proposées. Ils commandent à l’avocat toulousain Guilhem Molinier un traité de grammaire et de rhétorique occitanes. Il leur est livré en 1356 et s’intitule les Leis d’amor. Il constitue un témoignage précieux de l’état de la langue occitane au XIVe siècle et son intérêt est tout autant littéraire que linguistique. En effet, il y est autant question de l’état de la langue tant au niveau dialectal que grammatical, mais aussi de la bonne manière de rédiger des compositions littéraires. Ce traité est aussi un livre-monument pour la cité toulousaine, offrant à sa langue un statut symbolique si ce n’est officiel et assoit la position de Toulouse comme capitale de l’expression en langue d’oc au moment où la couronne de France vient d’annexer l’ancien comté et voit en la cité la ville-capitale de sa nouvelle province « de Languedoc ».[imatge id=21652]
Propriété de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, toujours en activité sept siècles après sa fondation, le manuscrit des Leis d’amor est conservé à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de la Ville de Toulouse qui l’a numérisé et mis en ligne sur sa bibliothèque numérique Rosalis.
Consulter le manuscrit des Leis d’amor : https://occitanica.eu/items/show/10655