Convoquant le registre de l’autofiction, sorte de documentaire sous forme de confession, Adishatz/Adieu met en évidence l’itinéraire d’un personnage entre vie réelle et vie fantasmée ou rêvée. La pièce est écrite à partir de chansons, de conversations, qui évoquent comme des carnets intimes, les racines ou la famille.
Les chansons sont un des modes d’expression de ce garçon, elles interviennent d’abord comme une structure musicale et rythmique puis au fil du temps révèlent ses obsessions, ses émotions et une certaine nostalgie qui gagne peu à peu le public. Chantées a capella, elles font naître d’emblée une certaine vulnérabilité du personnage, son authenticité. L’absence de musique fait entendre plus clairement les paroles, qui résonnent comme un langage à part entière. Certaines chansons sont traduites de l’anglais au français et font l’objet de traitements divers : détournements, répétitions ou décalages, accompagnement musical chanté ou registres qui s’entremêlent (de Madonna à Cabrel).
Adishatz/Adieu est construit à partir de la technique de l’imitation souvent utilisée pour divertir. Ici elle est détournée avec une force autrement plus trouble. Il est important de multiplier les contrastes, de composer avec différents modes d’expression de la voix, pour signifier des identités diverses, brouiller les pistes, en jouant avec l’humour et la gravité, entre autres, comme force de distanciation.
Il est intéressant de rendre visible le chemin parcouru dans cette tentative de s’approprier « un autre » ainsi que les outils mis en œuvre pour atteindre une certaine justesse ou même échouer. Et cela vaut aussi bien pour les personnes “connues” que pour celles de l’entourage proche, famille et amis. Il s’agit aussi physiquement d’emprunter les postures des clips vidéos et de s’approprier les codes de la pop tout cela dans un souci de véracité. Le corps en mouvement se dissocie parfois de la parole et laisse entendre les voix d’autres personnages issus du souvenir.
A un moment donné un choeur d’hommes apparait. En choisissant d’interpréter avec eux des chants traditionnels, le personnage met l’accent sur des stéréotypes populaires du Sud-Ouest, tout en évoquant les racines et la tradition. La culture pop, Tarbaise (de Tarbes), ainsi que celle de la boîte de nuit font partie de ses obsessions, de son histoire aussi. C’est ce curieux mélange, entre culture locale et culture internationale qu’il explore tout au long de la pièce. Le personnage est traversé par de multiples attitudes, qui évoquent notamment la fragilité, l’adolescence ou la virilité. Figure ambivalente, il vacille entre grâce et grossièreté. Le recours au travestissement permet d’accentuer l’idée d’une certaine solitude, tout en évoquant quelque chose de délicat et sensible. Le travestissement est commun à l’homme et la femme et peut-être utilisé pour les deux sexes. Une étrangeté, un trouble qui permettent tous les retournements ou détournements. La solitude est perceptible : elle est triste et mélancolique mais jamais tragique.
Avec cette pièce, j’ai travaillé sur la nostalgie des choses, pour convoquer cette mémoire fondatrice de l’identité : l’enfance ou l’adolescence, la nostalgie de ces tubes d’hier qui ont marqué mon vécu et qui résonnent encore aujourd’hui…