Un spectacle avec Alain Larribet : un concert parlé sur la domination linguistique, la fabuleuse histoire des langues du monde, la transmission et la langue maternelle. Une interférence musicale en émoi, la dorne qui dalte sur un chant des tripes béarnaises. Un joyeux baroud d’honneur des minoritaires. Une jouissance langagière partagée sur un plateau frugal. Cette fois, Yannick Jaulin se fait plus politique. Dans Ma langue maternelle va mourir, l’artiste part de son enfance et de son parlange maternel des Deux-Sèvres pour dénouer les fils de la domination que cache, à peine, l’histoire des langues non nationales. Des langues estampillées minoritaires, des parlés méprisés, des oralités menacées de mort annoncée. Des langues en danger face aux langues dominantes qui, comme le soulignait Bourdieu, symbolisent un pouvoir qui ostracise l’autre. Quitte à réécrire l’histoire et nous faire croire que l’Amérique latine n’a jamais parlé qu’espagnol et la France que le français. Lui, Yannick Jaulin, chérit le génie de ces parlés, leur inventivité, leur plasticité... Cela devient une ode, parfois mélancolique, souvent pleine d’humour. A l’évidence un plaidoyer.
Pour le faire, il réveille ses souvenirs d’enfance. Devient conférencier consultant quelques notes sur un lutrin. Prend des allures de chroniqueur s’amusant des clins d’œil de l’actualité. Joue le « plouc », se transforme en peintre précis des chemins de campagne avant de lancer un pas de danse ou de laisser écouter la musique et les chants d’Alain Larribet. La voix de son compère, avec un grain nasal venu des hauteurs du Béarn, semblant être la complainte intemporelle de toutes les langues oubliées ou en danger.
Bien sûr, dans sa grande marmite, l’artiste met aussi ses légumes fétiches. Comme ces personnages et histoires ancrés dans sa terre natale serpentant des Deux-Sèvres à la Vendée. Ils cohabitent naturellement avec les grands mythes du monde décryptés pour les nuls ou les citations de quelques grands noms de la pensée et de la langue.
Finalement, ce mélange de légèreté et d’érudition, de rappels historiques et d’anecdotes souriantes, sonne comme un hymne à la diversité et à la différence. Pas étonnant qu’à la fin du spectacle, quand les spectateurs reprennent la parole, on entende des mots de roumain, de berbère ou de breton. Avec Ma langue maternelle va mourir, tous les mots et toutes les langues reprennent vie.