Depuis quelques années, Iris Kaufmann se balade entre le sud du Massif central et la Provence pour étudier l’usage des cloches et sonnailles dans l’élevage agropastoral transhumant. Une conférence drôle et sonnante pour découvrir autrement ces paysages, revisités par une artiste sonore qui cultive l’art savoureux du récit ethnographique.
La transhumance pédestre est entourée d’un ensemble d’usages, de savoir-faire, contribuant à l’élaboration de paysages sonores et visuels tout à fait singuliers et rassembleurs. L’une des caractéristiques majeures de ces transhumances est peut-être l’amoncellement acoustique provoqué par l’usage de cloches et sonnailles placés au cou des bêtes par leurs éleveurs. Questionner la fonction paramusicale de ces objets, ce qui fonde les critères de choix (techniques, acoustiques,interprétatifs) fait apparaître un degré d’implication des éleveurs, bergers, et de leurs sonnaillers dans une recherche sonore, que l’on pourrait rapprocher de la démarche de composition musicale. Véritables « faiseurs de paysages », compositeurs et interprètes parcourent le pays, l’habillant de leur mouvement, de leurs tintements, cris, appels, qui prendront une résonance particulière au fil de la traversée : ils façonnent ainsi une culture commune de l’écoute, par leur étroite association dans l’art de la marche, l’interprétation et le déploiement de la partition dans une spatialisation où les milieux apportent une singularité acoustique à la composition.
La conférence-performance Beau bruit est issue de Faiseurs de paysages, un projet de recherche et de restitutions socio-artistiques autour des phénomènes sonores liés à l’agropastoralisme transhumant, porté par la Compagnie FeM. Elle mêle approche scientifique et artistique de ces phénomènes sonores. À la croisée de la recherche, du récit ethnographique, et de la performance musicale, Beau Bruit donne à entendre à la fois des compositions sonores élaborées par des éleveurs-bergers, mais aussi des pièces composées à partir des enregistrements collectés. Tour à tour, l’artiste dialogue avec les entretiens – issus de la collecte des Faiseurs de Paysages ; présente les typologies de sonnailles à travers un théâtre d’objets s’appuyant sur des recherches scientifiques, pour une expérience entre radiophonie, immersion sonore et visuelle, et partage de savoirs. Elle donne ainsi la parole à ceux que l’on entend peu ou pas : éleveurs, bergers, vendeurs, fabricants, accompagnateurs de transhumance.