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Scènes languedociennes : Le Chevalet
Vernazobres, Célestin-Zacharie-Marie (1853-1919). Auteur.
Partition de la Danse du Chevalet (suite pour orchestre) transcrite pour piano par C.Z. Vernazobres en hommage aux Mézois et Montpelliérains.
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Chansons des Treilles, à l'occasion de l'exposition et de l'inauguration du Titan / Junior Sans
Sans, Junior
Chanson des Treilles composée par Junior Sans en avril 1892, pour l'inauguration de la statue du Titan d'Antonin Injalbert au Plateau des poètes à Béziers.

Dans un manuscrit autographe (CIRDOC Mi B-4 TJS-III p.257-263) Junior Sans présente ainsi cette chanson :
« Chanson faite à la grange de Peitavi-Saint-Julien en avril 1892.
La semaine dernière, je trouvais, en fouillant mes vieux papiers une autre Chanson des Treilles que mon pauvre père avait composé et fait imprimer en 1825, à l'occasion du sacre de Charles X, qui fut sacré à Reims, le 29 mai. Une autre Chanson des Treilles, par un vieux troubadour, qui n'était autre que Bourguet le médecin, et pour la même occasion du Sacre.
Ce Bourguet mourut en 1835, le lendemain [du jour] où je venais de faire une chanson sur le choléra. J'étais loin de penser que la chanson achevée, il allait mourir du choléra le lendemain. Cela est la pure vérité ». 

Il précise que pour cette inauguration :
« la Musico royale de Barcelonne (sic) vint rendre sa visite à notre musique la Lyre Biterroise qui était allée à Barcelonne (sic) quelques mois auparavant ».

Il ajoute :
« Ces deux vieilles Chansons des Treilles, après les avoir lues, je les portai chez mon ami et confrère en félibrige Frédéric Donnadieu, qui a de nombreux manuscrits du Docteur Bourguet et qui se propose d'écrire sur ses travaux phonétiques. Moi, je l'ai bien connu car c'était mon médecin quand j'étais tout jeune, et puis, entre chansonniers, ils se connaissaient avec mon père Julien ». 

« Cansou facho à la granjó de Peitavi-Sant-Julian, avril 1892.
La semano passado trouvèri en fourfoulhant mous vièlhs papiés uno autro Cansou de la Trelhos que moun paure paire avio coumposado e facho emprima en 1825, a l'oucasion del sacre de Charles X, que sièguet sacrat à Rheims, lou 29 de mai - Uno autro Cansou de las Treilhos, per un vièlh troubadou, que n'èro autre que Bourguet lou medeci, e per la mème oucasieu del Sacre.
Aquel Bourguet mouriguèt en 1835, lou lendema que venió de faire uno Cansou sul Coulera. Ero lènt de pensa que la Cansou acabado, mouririó del Colera lou lendema. Acò's la puro veritat ».

« Aquelos dos vielhos Cansos de las Treilhos, après las aveire legidos, las pourteri acò de moun amic e counfraire en felibrige Frederic Donnadieu, qu'a fosso manuscrits del douctou Bourguet e que se prepauso d'escrieure sus sous trabalhs fonétics.
Ieu l'ai pla counescut, car èro moun medeci quand èri jouvenet, et pèi, entre cansouniès se couneissiòu ambé moun paire Julian ».
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Le Chameau de Béziers
Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana

Le Camel (ou chameau), est l'animal totémique de la ville de Béziers. Il défile dans les rues de la ville à deux occasions : pour les fêtes de la Saint-Aphrodise le 28 avril et les fêtes des Caritats se tenant le jour de l'Ascension. 

1/ La pratique aujourd’hui

Pour perpétuer le souvenir du chameau, et les actes de charité qui entourent cette légende, un chameau en bois fut construit et défile dans les rues de Béziers tous les ans à la même date pour les célébrations de la Saint-Aphrodise. Le chameau, énorme machine de bois se meut grâce à quatre personnes abritées dans ses flancs. Il est recouvert de grandes tentures et de toiles peintes sur lesquelles figurent plusieurs inscriptions : « Ex antiquitate renascor » et « Sem Fosso ». La première expression en latin signifie « je renais de l'Antiquité » et fait référence au caractère séculaire de cette manifestation. L'inscription « Sen Fosso » est, elle, une expression en occitan languedocien signifiant « nous sommes nombreux », intégrant une notion de cohésion par la force du nombre. Cette machine détient également de grandes machoires en fer, les « Gnico-Gnaco » qui claquent tout le long du défilé. Le Camel est guidé à travers la ville par le Papari, son gardien, suivi de toutes les corporations de métiers de la ville. L'arrêt est obligatoire devant la maison du potier, où une offrande, la cibado, est remise au Camel. La parade fait également un arrêt devant la statue de Pépézuc, autre personnage légendaire de Béziers, rue Française. Le défilé est composé du chameau mené par le Papari, son gardien, suivis de personnes déguisées en « sauvages » dont la tête est couverte de branches vertes de sureau et surmontées d'un pain. Participent également au Passa-Carrièra les membres des différentes confréries et corporations de métiers mais aussi des danseurs qui s'arrêtent à de nombreuses reprises au cours du défilé pour interpréter des danses traditionnelles. Il est de coutume de danser la danse des treilles et la danse des pâtres au cours du défilé.

Le Camel de Béziers est aussi de sortie lors des fêtes de Caritats, le jour de l'Ascension, où des petits pains, les coques, étaient distribués à travers la ville aux plus pauvres. Cette fête était aussi un moment de liesse où toute la population locale défilait dans les rues en distribuant bonbons et douceurs. Aujourd'hui, un concours vient récompenser l'artisan qui a fait la meilleure coque. A l'issue du concours, des parts sont distribuées à la population.

2/ Historique

Origines

La légende raconte que Saint-Aphrodise, premier évêque de Béziers serait arrivé d'Egypte avec son chameau pour évangéliser la Gaule. Il aurait été condamné à mort par le gouverneur romain en raison de sa trop grande activité. Décapité rue Saint-Jacques, il ramassa sa tête et retourna dans la grotte dans laquelle il vivait, aujourd'hui église Saint-Aphrodise. Sur son chemin, des habitants jetèrent des escargots à son passage mais le saint se contentait de les effleurer, sans les écraser. On raconte également que des tailleurs de pierre traitèrent de fou Aphrodise et furent immédiatement transformés en pierre. On pouvait voir leurs visages pétrifiés sur la façade de l'ancienne Abbaye du Saint-Esprit, rue des Têtes.  Après la mort d'Aphrodise, une famille de potiers de Béziers recueillit son chameau et lui fournit le gîte et le couvert. Lorsque Aphrodise fut reconnu comme saint, la municipalité de Béziers décida de prendre à sa charge l'entretien du chameau. Un fief destiné à l'entretien du chameau fut créé. A la mort du chameau, le fief fut affecté à la charité publique et servait à financer la fabrication de petits pains donnés aux pauvres après avoir été bénis par l'évêque de Béziers.  

Histoire et légendes autour de la pratique au fil du temps

Si le Camel de Béziers est bien inscrit dans les coutumes locales et semble avoir des origines ancestrales, il fut détruit et interdit à de nombreuses reprises.

L'effigie du chameau fut brulée durant les guerres de religion puis rapidement reconstruite. En 1793, avec la Révolution Française, elle fut également détruite en place publique avec tous les titres féodaux et son fief fut supprimé. En 1848, le camel fraîchement construit fut de nouveau démoli et tout aussi rapidement reconstruit par la population locale, très attachée à son animal totémique. 

La tête du Camel qui défile aujourd'hui dans les rues de Béziers semble dater du XVII° siècle et la structure de son corps est, elle, beaucoup plus récente mais inspirée des anciennes représentations de l'effigie du Camel. Traditionnellement doté d'une seule bosse, l'armature du Camel se vit en rajouter une deuxième lors de sa réfection dans les années 1970. Face au mécontentement des Biterrois, la seconde bosse fut retirée afin de rendre à l'animal son apparence légendaire.

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Buffatièira, la danse des soufflets
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Le carnaval constituait autrefois un événement très populaire, notamment dans les villages de l'Hérault. Les divertissement organisés lors de ces réjouissances étaient variés, proposant défilés de chars, fanfares, concours et diverses danses.

Parmi celles-ci, figure le branle des Soufflets (Bofets de la plaine de l'Hérault), parfois aussi connu sous le nom de buffatière (Montagne Noire), ou Bufali (Carcassès). Elle est le plus souvent dansée le Mercredi des Cendres, jour de la dissolution des corps selon l'Evangile, ce qui explique la présence de farine, cendres, ou confettis dans de nombreuses interprétations de la Danse des soufflets. (cf. La fête en Languedoc de Daniel Fabre et Charles Camberoque. Privat, 1977).

Les danseurs, vêtus de chemises et de bonnets de nuit féminins, sont armés de soufflets de cuisine, tandis qu'en tête de cortège, le meneur de la danse, parfois juché sur un âne, porte la plupart du temps un soufflet de forgeron, plus imposant.

Débutant par des farandoles le long des rues, le branle des Soufflets se pratique généralement sur une place, au son du tambourin et du hautbois. Le corps plié en deux, les participants soufflent de leur instrument le bas du dos de leur prédécesseur. Ils se redressent alors et placent leur soufflet de leur main droite, à hauteur de visage, avant se placer l'un à la suite de l'autre de façon à former un rang. Ils entament alors la chanson des soufflets. (cf. Les danses Populaires, les Farandoles, les Rondes, les Jeux Chorégraphiques et les Ballets du Languedoc Méditerranéen de Jean Baumel. Toulouse, 1958).

Nous vous proposons ici les paroles et les pas rapportées par Jean BAUMEL dans son ouvrage (op.cit. P.98-106.) D'une région à l'autre et selon les versions, ce modèle est susceptible d'évoluer. Nous reproduisons ici le texte tel qu'il a été proposé par l'auteur ainsi que sa traduction en français. Vous trouverez également ci-après en gras, une version proposant une orthographe corrigée du texte original.

« E, Jan dansaba san culota/ E, Janetoun san coutilloun »

« Et Jean dansait sans culotte/ et Jeannette sans cotillon (jupon) ».

E Joan dançava sens culòta/ E Joaneton sens cotilhon.

 

Se penchant alternativement de droite à gauche, et de gauche à droite, ils interprètent alors le refrain :

«  E bufa ie au cuou/ Que n'a bien besoun »

«  Et soufflez-lui au derrière/ Il en a bien besoin ».

E bufa li al cuol/ Que n'a ben de besonh.

 

La danse est ensuite complétée par des pas français en avant et en arrière ou des pas de polka selon les versions, sur le refrain suivant :

« Jamaï, gagnan bimboya/ Tant que faren autan./A toutas aquellas fillas/ Ie cau un galan/ Lou pe, lou pe, lou pe. (bis)

« Jamais, ils ne feront fortune/ S'ils continuent à agir ainsi./ A toutes ces filles/ Il leur faut un galant/ Le pied, le pied, le pied. »(les danseurs tapent du pied).

Jamai ganhan « bimboya »/ Tant que faràn aital/ A totas aquelas filhas/ Los cal un galant/ lo pè, lo pè, lo pè. (bis).

« La man, la man, la man ».

« La main, la main, la main ».

La man, la man, la man.

 

Les danseurs élèvent le soufflet de bas en haut :

« A toutas aquellas fillas/ Ie cau un galan ».

«  A toutes ces filles/ Il leur faut un galant. »

A totas aquelas filhas/ Los cal un galant.

 

Les participants font ensuite une ronde avant de se remettre en ligne :

« Toujours me parloun de mas caousses/ Jamaï me las petassoun ».

« Toujours ils me parlent de mes chausses/ Mais jamais, ils ne me les réparent. »

Totjorn me parlan de mas cauças/ Jamai me las pedaçan.

 

Les jeunes hommes terminent leur danse face à face, le corps penché :

«  E bufa ie au cuou/ Que n'a bien besoun »

«  Et soufflez-lui au derrière/ Il en a bien besoin ».

E bufa li al cuol/ Que n'a ben de besonh.

 

Avant de quitter la place, le dos penché, remuant les genoux de l'intérieur vers l'extérieur, en jouant du soufflet.

 

François Dezeuze, dans son ouvrage Saveurs et Gaïtés du Terroir Montpelliérain (Montpellier, 1935, p235.) précise que la danse reprenait parfois après le repas, faisant intervenir pour moitié des porteurs de bougies allumées, pour l'autre des danseurs munis de soufflets, cherchant durant le branle à éteindre ces flammes.

Notons qu'il existe en fait de nombreuses variantes de cette danse, n'ayant le plus souvent en commun que le seul costume (blanc) et l'intérêt pour le séant des partenaires. Ainsi à Portiragnes, les soufflets étaient préalablement remplis de farine, tandis qu'à Bessan, la danse était réalisée par des enfants. (Baumel, op.cit.). Toutes visent également à purifier les des corps avant l'entrée dans la période du Carême.  

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Historio de las caritats de Bezies

Pièce de théâtre d'un auteur anonyme présentée dans l'ouvrage Seconde partie du triomphe de Beziers au jour de l'Ascension contenant la Colere ou furieuse indignation de Pepesuc & le discours funebre de son ambassadeur sur la discontinuation des ancienes coustumes ou sont adjoustées les plus rares pieces qui ont esté representées au susdit jour jusques à present imprimé par Jean Martel en 1644.

Le jour de l'Ascension, fête des Caritats à Béziers, donnait lieu à de nombreuses réjouissances dont faisait partie la représentation de pièces de théâtres écrites par des auteurs locaux, la pièce présentée dans ce document a été rédigée et jouée pour cette occasion.

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Saint-Aphrodise et le chameau
Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers
Article sur la légende de Saint-Aphrodise et de son chameau paru initialement en 1874 dans le Bulletin de la Société archéologique de Béziers.
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Airs traditionnels joués à l'accordéon par Yves Arnaud / Jacques Bouët
Bouët, Jacques (Collecteur)
Arnaud, Yves (Accordéoniste)
Enregistrement traité dans le cadre du programme Patrimoine Oral du Massif Central .
L'accordéoniste Yves Arnaud joue successivement plusieurs airs traditionnels à l'accordéon et accompagne ses interprétations de quelques explications.

00:00:00 à 00:00:40 Buffatièra
00:00:40 à 00:02:07 Air à danser
00:02:07 à 00:03:31 Buffatièra
00:03:31 à 00:05:20 La Manivelle
00:05:20 à 00:06:06 Tric Trac
00:06:06 à 00:07:08 Montava la marmita
00:07:08 à 00:07:47 Lo curarèm l'esclop
00:07:47 à 00:10:33 Scottish
00:10:33 à 00:11:02 La valse brune
00:11:02 à 00:13:26 Quand lo merle sauta al prat
00:13:26 à 00:14:52 Discussion autour de la bourrée
00:14:52 à 00:17:08 Linette Polka
00:17:08 à 00:19:56 Air à danser
00:19:56 à 00:20:18 Lo virolet
00:20:18 à 00:20:49 Polka
00:20:49 à 00:22:29 Polka
00:22:29 à 00:24:24 Très vieil air
00:24:24 à 00:26:01 Lo revelhon
00:26:01 à 00:27:36 Air à danser
00:27:36 à 00:29:52 Blanche de Castille


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Bonnefoux, Pierre-Marie-Joseph de (Bon) (1782-1855)
Jobbé-Duval, Émile (1851-1931)
Récit des fêtes des Caritats à Béziers par le Baron de Bonnefoux (1782-1855), capitaine de vaisseau dans la Marine et originaire de Béziers, extrait de son autobiographie : "Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de Vaisseau, 1782-1855, Publiés avec une préface et des notes par Emile Jobbé-Duval", Paris : Plon-Nourrit, 1900.
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Bouët, Jacques (enquêteur)
Vidal, Rose (informateur)
Moudier, Madame (informateur)
Une femme chante deux chants traditionnels.

00:00:00 à 00:01:32 Mon paire m'a maridada
00:01:32 à 00:02:13 L'informatrice tente de se rappeler des paroles d'une chanson
00:02:13 à 00:02:36 Se Canta
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Troubadours au féminin, femmes et auteures en un temps peu favorables à la reconnaissance de leurs droits, les « trobairitz » n'ont pas échappé depuis au double écueil des préjugés ou tout au contraire du mythe. Pourtant, tour à tour louées ou condamnées, leurs productions n'en demeurent pas moins quasiment méconnues. Qui étaient les « trobairitz » ? Quelle fut leur production ? Leur voix et les thèmes qu'elles abordèrent, sont-ils différents de ceux de leurs homologues masculins ?

 

I. Les Trobairitz, femmes troubadours

L'art du Trobar

 Les XIIème et XIIIème siècles voient apparaître un nouveau mouvement poétique dans la partie sud de ce qui constitue aujourd'hui la France. En langue qu'ils appellent eux-même « romane » (cf. RAYNOUARD, François, Choix des poésies originales des troubadours, Genève, Paris. 1982. T.I. Introduction, p. 5-32) et que l'on désigne aujourd'hui sous le nom d'occitan, ces poètes et musiciens développent l'art du trobar et chantent la fin'amor, joi et joven (amour raffiné, joie d'amour et jeunesse).

Mouvement poétique majoritairement constitué d'hommes, l'art du trobar vit également émerger une production féminine entre 1150 et 1250. Ces femmes troubadours, également connues sous le nom de trobairitz (forme occitane classique du féminin des mots suffixés en « or »), furent, au regard des sources conservées actuellement, une vingtaine. (Meg Bogin, Les femmes troubadours, Paris, Denoël/Gonthier, 1978, p. 15) 

Leurs noms et leurs productions nous sont principalement parvenues grâce à des manuscrits qui sont également nos sources d'informations majeures pour les troubadours. (cf. P. Bec, Chant d'amour des femmes troubadours, Stock, 1995, p. 17).

 

Les sources

 

Les vidas e razós (courts textes biographiques expliquant les raisons pour lesquelles les poèmes ont été écrits), constituent les principales sources permettant de connaître la biographie de certains troubadours et trobairitz. Vingt-huit chansonniers sur les quatre-vingt-quinze parvenus jusqu'à nous, présentent des textes, complets mais aussi parfois partiels, faisant intervenir une voix féminine (P.BEC, op.cit.Pp.17). 

 

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 Deux de ces manuscrits sont particulièrement riches :

  • Le manuscrit H (Rome, Vatican, Lat.3207), copié en Italie au XIVème siècle. Outre de nombreux textes de trobairitz regroupés sous une même rubrique, ce manuscrit a la particularité de proposer huit enluminures de femmes-troubadours.

  • Le manuscrit W (Paris, Bibliohtèque nationale. Fr 844. Olim Mazarin 96) appelé aussi "Manuscrit du roi". Contenant différentes chansons françaises mais aussi occitanes, il présente notamment la chanson de la Comtessa de Dia, "A chantar m'er de so que no volria", unique chanson de trobairitz dont nous possédions la musique (pour plus d'informations sur le sujet, consulter l'ouvrage d'Ismaël Fernandez de la Cuesta, Las cançons dels trobadors. IEO, 1979).

 

Ces différentes sources ont permis d'identifier une vingtaine de femmes troubadours, entre 1150 et 1250, et d'obtenir pour certaines d'entre elles, des éléments d'identification Il faut noter toutefois que les vidas des trobairitz, rédigées près d'un siècle après la mort de ces auteurs, se résument la plupart du temps à quelques lignes. Par ailleurs, la plupart des trobairitz sont principalement connues par une razó ou la vida d'un troubadour proche ou avec lequel elles partagèrent une « tenson ».

 

 

En dépit de sources limitées, les chercheurs ont pu dresser le portrait de ces poètes féminines. Il semble que ces femmes aient principalement été issues de milieux favorisés, ce qui explique qu'elles aient eu la possibilité de composer en un temps pourtant peu favorable au « sexe faible ». Elles fréquentaient d'ailleurs les mêmes cours que leurs homologues masculins. Les plus connues d'entre elles furent Almuc de Castelnòu, Iseut de Capion, Azalais de Porcairague, Na Castelloza, la comtesse de Die, Na Lombarda, Marie de Ventadorn, Na Tibors (soeur de Raimbaut d'Orange). (cf. à ce sujet l'ouvrage de Meg Bogin. op.cit. p. 15).

 

 II. La réception des trobairitz au cours des siècles

 

La redécouverte du XIX° siècle

 

Au XVIIIe siècle, le travail mené conjointement par Dom Vaissette et Dom Vic lors de l'élaboration de leur Histoire du Languedoc, ouvre la voie d'un retour aux sources et au textes du Moyen Âge. Le regain d'intérêt pour la littérature des troubadours ouvre alors également la voie à une (re)découverte de la production de leurs homologues féminines. Différents érudits français tels que Jean-Pierre Papon (Histoire générale de la Provence, 1778) ou Rochegude (Parnasse occitanien, 1819) mentionnent quelques exemples de trobairitz au cœur de leurs ouvrages.

Les courants romantiques français puis allemand s'intéressent à leur tour à la question et en 1888 paraît Die provenzalischen Dichterinnen de O. Schultz-Gora, monographie allemande d'une quarantaine de pages qui sera pour longtemps l'ouvrage de référence sur la question, et surtout, la seule étude globale. (cf. Pierre Bec, op.cit. p. 60).

Toutefois, le jugement moral porté sur la production de ces poètes au féminin, est alors très dévalorisant comme en témoigne la citation suivante d'Alfred Jeanroy, illustre érudit français du XIXème : “ Je croirais volontiers que nos trobairitz, esclaves de la tradition, incapables d'un effort d'analyse, se bornaient à exploiter des thèmes existants, à se servir de clichés qui avaient cours, intervertissant seulement les rôles. Nous serions alors en présence de purs exercices littéraires, qui ne sont d'ailleurs pas dépourvus de mérites”. (cf ; A. Jeanroy, Mélanges. In :Action Poétique. Les trobairitz. Les femmes dans la lyrique occitane. Paris, 1978, p. 5). Ce jugement dévalorisant, repose sur des conditions morales.

Le tournant des années 1970

Il faut attendre les années 1970-80 pour que, à la faveur du mouvement de libération de la femme qui traverse alors les sociétés occidentales, paraissent de nouvelles études sur le sujet. En 1976, l'ouvrage de l'américaine Meg Bogin, Les femmes troubadours, apporte une vision nouvelle et positive de la voix féminine dans l'art du trobar. L'ouvrage, qui eut le mérite en son temps de proposer de nouvelles pistes de réflexion quant au contexte de rédaction des pièces des trobairitz, a toutefois le défaut de ses qualités. Le propos de l'auteure souffre ainsi de son engagement pour la cause féminine, lui demandant un effort pour prendre le recul nécessaire à tout travail de recherche.

L'analyse contemporaine

Alors que la production des trobairitz avait souffert jusque-là d'une ré-utilisation parfois politique bien loin du propos original de ses auteurs, la fin des années 1980 voit paraître de nombreuses études plus objectives à ce sujet. Nous devons ainsi à Pierre Bec un ouvrage sur la lyrique féminine ayant fait le point sur la question et ouvrant la voie à de plus larges réflexions (Chants d'amour des femmes-troubadours. Stock, 2005). Avant lui, Robert Lafont dans sa Nouvelle Histoire de la littérature française (P.U.F. 1970), mais aussi René Nelli (Ecrivains anticonformistes du moyen-âge occitan. La femme et l'Amour. Anthologie bilingue, Paris, 1977) avaient également permis de faire avancer la connaissance sur le sujet, tout comme plus récemment G. Zuchetto (Terre des troubadours : XIIe-XIIIe siècles : anthologie commentée, Paris : 1996).

Toutes ces analyses ont pour point de départ la recherche du côté de la production de ces œuvres: qui fut l'auteur de telle ou telle pièce, s'agissait-il réellement d'une œuvre d'une trobairitz ou d'un troubadour, qui était cette femme et quelle était son origine ? Des recherches préalables, tirant partie d'un mince mais riche corpus d'une trentaine de textes.

III. L'écriture des trobairitz

La femme du Haut Moyen-Âge et la culture

La production des trobairitz, qui renvoie au-delà de la seule analyse littéraire, à la question de la place de la femme durant le Haut Moyen-Âge, divise aujourd'hui encore les chercheurs. Quelques auteurs soulignent le statut particulier de ces femmes qui, dans une société principalement conçue et dirigée par des hommes, eurent la possibilité de s'exprimer par la voie des lettres et des arts  (Meg Bogin. op.cit). D'autres, plus nombreux, tiennent à nuancer ce propos.

S'il est vrai que la femme occitane bénéficia d'un certain nombre de droits, notamment le droit d'hériter à l'instar des hommes, mais aussi l'accès à l'éducation, ces spécialistes nous mettent en garde contre la tentation de faire des trobairitz le symbole d'une condition féminine exemplaire dans le monde occitan du Moyen-Âge. Plus que tout autre facteur, il semble que ce soit au contraire le statut social privilégié de ces femmes, principalement issues de l'aristocratie, qui leur ait ouvert la voie de l'écriture.

Surtout, l'existence d'une voix féminine dans l'art du trobar signifie-t-elle l'existence d'une écriture spécifiquement féminine, proposant ses propres règles et ses propres codes ?

La production des trobairitz

Le faible nombre de pièces parvenues jusqu'à nous, une trentaine environ pour les trobairitz quand dans le même temps les écrits des troubadours s'élèvent à près de 2500, témoigne du faible nombre de femmes ayant composé à cette époque. Une impression à traiter avec circonspection toutefois, le temps ayant pu conduire à la disparition ou à la destruction de nombreuses pièces au cours des neuf siècles qui nous séparent de leurs auteurs.

 

La poésie des trobairitz telle que ces sources nous la donnent à voir, traite de thématiques communes à celles développées par les troubadours : la fin'amor, joi e joven. Quant à la forme, il semble qu'elles aient également adopté la plupart des genres poétiques propres à leurs homologues masculins, que ce soit les tensons (dialogue), voire, mais plus rarement, les sirventès (à caractère plus socio-politique) (cf. au sujet de leur production, l'ouvrage de Pierre Bec, op.cit p.2 ; ainsi que The Voice of the Trobairitz. Perspectives on the Women Troubadours ensemble de textes rassemblés par William D. Paden.

Six trobairitz sont auteures de chansons :

  • Azalaïs de Porcaraiga (vers 1173): 1 chanson conservée.

  • La comtessa de Dia (autour de 1200): 4 chansons conservées.

  • Clara d'Andusa : 1 chanson conservée.

  • Gormonda de Montpelhièr : 1 chanson conservée.

  • Castelhoza (environ 1210) : 4 chansons conservées.

  • Beiris de Roman : 1 chanson conservée.

Huit autres trobairitz ont écrit dans une tenson (Chanson à deux ou trois poètes qui se répondent de couplet en couplet. Voir Zuchetto p.31) :

Tensons entre trobairitz :

  • Almuc de Castelnou/ Iseut de Capion (Lubéron).

  • Alaizina Iselda/ Na Carensa.

     

Tensons entre trobairitz et troubadours :

  • Alamanda/ Guiraut de Bornelh

  • Maria de Ventadorn (1180-1215)/ Gui d'Ussel

  • Isabéla/ Ilias Cairel.

  • Na Lombarda/ Bernat Arnaut d'Armanhac.

  • Guilhelma de Rosers/ Lonfranc Cigala (troubadour italien).

  • Gansizda de Forcalquier/ écrivain anonyme.

     

Chantant à leur tour la fin'amor, renversant les rôles traditionnellement dévolus à l'homme et à la femme, la production des trobairitz présente un style qui peut sembler plus direct, moins formel que chez les troubadours ; sans que leurs écrits y perdent en valeur, comme nous le confirment ces quelques vers issus de la chanson "Estat ai en grèu cossirièr" de la Comtesse de Die :

Ben volria mon cavalièr

Tener un ser en mos bratz nut

Qu'el se'n tengra per ereubut

Sol qu'a lui fezés cosselhièr,

Car plus m'en sui abelida

No fetz Floris de Blanchaflor :

Eu l'autrei mon còr e m'amor,

Mon sen, mos uèlhs e ma vida.

 

Je voudrais bien tenir mon chevalier,

Un soir, nu, entre mes bras ;

Et qu'il s'estime comblé

Pourvu qu'il ait mon corps pour coussin

Car j'en suis plus amoureuse

Que ne fut Flore de Blanche-fleur

Je lui donne mon cœur et mon amour,

Mon esprit, mes yeux et ma vie.

(cf. Nouvelle histoire de la littérature occitane de Robert Lafont. Tome I. p.70.).

Nous ne savons pas si ces œuvres, au caractère parfois très intime, confinant même à la confession, furent interprétées en public. De nombreuses questions demeurent d'ailleurs en ce qui concerne la production des trobairitz, notamment concernant le fait que les tensons constituent le genre le plus fréquemment adopté par ces poètes. Il ne s'agit d'ailleurs là que d'une question parmi de nombreuses autres pouvant être formulées sur une production aujourd'hui connue, et tout à la fois méconnue.

 

Pour en savoir plus :

Ouvrages sur la question et la retranscription de chansons de trobairitz : 

  • ANATOLE, Christian, Las trobairitz in : Lo Gai Saber n.394, avril 1979. (Cote CIRDOC : CBB 420-27)
  • BEC, Pierre, Chants d'amour des femmes-troubadours, Stock, 1995. (Cote CIRDOC : CAC 6198)
  • BOGIN, Meg, Les femmes troubadours, Paris, Denoël/Gonthier, 1978. (Cote CIRDOC : 841.8 BOG)
  • GIRAUDON , Liliane, ROUBAUD, Jacques, Les Trobairitz. Les femmes dans la lyrique occitane. Paris, Action poétique, 1978. (Cote CIRDOC : 841.8)
  • LAFONT, Robert, ANATOLE, Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, 1970. (Cote CIRDOC : 849.2 LAF)
  • NELLI, René, Ecrivains anticonformistes du moyen-âge occitan. La femme et l'Amour. Anthologie bilingue, Paris : 1977. (Cote CIRDOC : 841.8)
  • PADEN , William, The Voice of the Trobairitz, Perspectives on the Women Troubadours, Philadelphia, 1998. (Cote CIRDOC : 841 PAD)
  • ZUCHETTO, Gérard, Terre des troubadours : XIIe-XIIIe siècles : anthologie commentée, Paris, 1996. (Cote CIRDOC : 841.8)
Interprétations de quelques chansons des trobairitz :
  • AGUILERA, Delfina, Chants occitan féminins (CD), 2000. (Cote CIRDOC : 3.092 CHAN)
  • AGUILERA, Delfina, Fin amor, 2011 (Cote CIRDOC 3.092 FINA)
  • TROUBADOUR ART ENSEMBLE, Anthologie chantée des troubadours. XIIeme et XIIIeme siècles. Volume 3. (Cote CIRDOC : 3.092 TROB V3)

 

 

 

 

 

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