Auteur | Clément, Anne. Auteur, interprète Benichou, Julien. Compositeur Benichou, Daphné. Interprète Alranq, Perrine. Interprète Vidal, Alain. Interprète Zinner, Lucas. Interprète Huang, Edda. Interprète | |
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Editeur | CIRDÒC-Mediatèca occitana Cie Gargamèla | |
Date d'édition | 2009 | |
Sujet | Feuilletons radiophoniques | |
Type de document | Sound Document sonore | |
Langue | oci eng | |
Format | audio/mpeg son dématérialisé | |
Extent | 00:10:55 | |
Droits | © Cie Gargamèla © CIRDOC | |
Réutilisation | Creative commons = BY - NC - ND | |
Permalien | http://occitanica.eu/omeka/items/show/437 | |
Mise à jour de la notice | 2017-06-13 Marion Ficat | |
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Texte de l'épisode 10 :
La nuit fut courte et le réveil plus que difficile avec le décalage horaire. La pauvre Jeanne buvait son thé sans savoir où elle était : heureusement elle voyait de l'autre côté de la rue,dans le jardin où se promenaient les écureuils, un drapeau planté qui n'était pas un drapeaufrançais, ni un drapeau occitan mais celui du plus grand pays du monde occidental, les Etats-Unis d'Amérique.
- « Bon dieu, c'est étrange, est-ce qu'ici ils plantent les drapeaux dans les jardins parce qu'ils font des fruits ? »
- « Non, c'est un moyen de dire de quel côté on est : les républicains avec le drapeau US ont une pancarte où on peut lire « Support our troups » et, si tu regarde dans l'autre jardin, tu peux voir qu'ils sont démocrates parce qu'ils ont une pancarte où il y a écrit : « War is not an answer », « Obama president ».
- « Comme ça chacun sait ce que vote vote son voisin ! C'est plus simple, pas d'embrouille ! »
- « Jeanne, nous aurons le temps de discuter dans la voiture, va t'habiller. Dépêche-toi. Je commence à 11 heures : c'est une leçon sur la trobairitz La comtessa de Dia ».
On était encore dans la chaleur de l'été, j'avais mis une robe jaune et rouge. on partit et je me retournai : Mathilde avait mis sa tête à la fenêtre, mais je ne pense pas qu'elle me voyait.
Elle semblait être ailleurs. C'était la première fois que je la laissais pour une journée entière. Je lui avais laissé 100 dollars, si elle voulait s'acheter quelque chose, on ne sait jamais !
Rémy était heureux ; il sifflait le « Se Canta ».
- « Madame est vêtue comme un drapeau occitan, pour un cours de langue romane c'est une bonne idée : ça fait folklorique. Il y en a qui ont le drapeau dans le jardin et d'autres qui le mettent sur eux ! »
- « Toi, tu es habillé comme un professeur : à chacun son métier. »
Rémy me prit la main :
- « Ça me fait plaisir d'être avec toi! »
- « Moi aussi mais je suis inquiète d'avoir laissé Mathilde seule ! »
- « Mathilde est majeure, elle peut vivre sans une mère à ses côtés. »
Nous étions sur une autoroute, puis nous avons tourné vers UMBC c'est à dire : University of Maryland Baltimore County. Une université publique.
Moi qui avais passé toute ma vie dans la poste de mon village, je me sentais comme une enfant à côté de ces grands buildings avec des étudiants qui courraient partout, de toutes les couleurs et surtout qui ne parlaient que l'anglais. Pas tous : j'entendais parler espagnol aussi. A chaque fois que Rémy rencontrait quelqu'un qu'il connaissait il me présentait : « Jeanne Belcaire, une amie d'enfance venue du midi de la France et qui parle la langue occitane que j'enseigne dans mes cours. »
Je ne comprenais pas tout mais j'essayais de faire celle qui... en faisant beaucoup de sourires et de Hello !
Peut-être que dans peu de temps j'oserai dire : How are you ?
Nous étions enfin arrivés dans la classe où les étudiants de Rémy nous attendaient.
- « Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Jeanne does not understand a word of English. She came especially from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her. »
Tout le monde commença à rire. C'était trop difficile pour eux de maîtriser la langue occitane. Donc Rémy fit les traductions de l'anglais à l'occitan et de l'occitan à l'anglais. Mais il y en avait qui essayaient de me comprendre et disaient que c'était plus simple que le français parce que c'était proche de l'espagnol.
Les questions tournaient autour de la langue, du vin, des taureaux :
-« Do people still speak occitan in the street ? »
-« Do you drink wine every day ? »
- « Do you like to see bullfights ? »
Puis Rémy me demanda de chanter une chanson : je choisis la chansin de Claire d'Anduze « en greu esmai ». Peut-être qu'une chanson de « Moussu T e lei Jovents » comme « Lo gabian » aurait été plus belle pour ces jeunes, mais je ne connaissais pas les paroles.
Après le repas il y avait encore un cours.
Je me régalais : Mathilde était loin. J'étais tellement heureuse d'être avec tous ces jeunes et Rémy semblait se régaler aussi.
En rentrant à la maison il me dit :
- « C'est la première fois que je fais ça et c'est un plaisir. Dommage que la retraite est si proche.... nous aurions pu faire tant de choses ensemble ».
- « Quand t'arrêtera-tu ? »
- « L'année prochaine et je ne sais pas ce que je vais faire... Allons au supermarché près de la maison : Giant. »
- « Je veux du poisson, de la salade verte, du roquefort et du sorbet. C'est moi qui régale aujourd'hui ! »
- « Ma Dame, c'est comme vous voulez ! »
Quand je payais avec la carte Visa la caissière me demanda :
- « Cash ? »
- « Que veut-elle dire ? »
- « Le supermarché est comme une banque. Si tu veux cette dame peut te donner de l'argent. »
- « No, thank you ! »
- « Hourra ! Tu commence à parler ! »
Nous arrivâmes à la maison, c'était le soir mais la maison était complètement obscure, pas une lumière.
- « Que se passe-t'il, Mathilde n'est pas rentrée ? »
- « Ne te fais pas de mauvais sang : elle est allée se promener, s'il s'était passé quoi que ce soit elle m'aurait appelé sur mon portable ! »
Rémy ouvrit la porte d'entrée, nous avons porté les courses dans la cuisine. Sur la table il y avait une lettre.
Je commençai à frissonner : la tête de Mathilde à la fenêtre ce matin si lointaine !
Je m'assis, maintenant c'était le moment de lire :
« Jeanne,
Je sais que tu pleureras ce soir, mais tu ne seras pas seule : Rémy sera à côté de toi. Merci pour tout. Je n'ai pas voulu te le dire mais j'ai rencontré un amoureux par Internet, et il est venu me chercher depuis Philadelphie. Si tout se passe bien avec lui je te rapellerai et quand nous viendrons en France ce sera chez toi. Je veux être libre de choisir ma vie et être indépendante. Il y avait trop d'amour entre nous : tout l'amour que tu n'as pas eu dans ta vie sans mari et sans enfant, tout l'amour que je n'ai jamais eu avec ma famille. Ça me faisait peur.
Adieu et peut être à un jour, je ne sais pas quand.
Ta fille qui t'aime
Mathilde
P.S. : Merci à Rémy pour son hospitalité »
C'était la fin d'un rêve. Tout tournait autour de moi.
Je pleurai et nous avons parlé toute la nuit avec Rémy : quand on est vieux, un avenir est-il possible ? Quand on est jeune peut-on être heureux tout seul ?
Et maintenant que faire : rester, rentrer à la maison... ou changer complètement de vie ?
FIN