Henri Irénée Marrou (1904-1977), éminent historien du christianisme primitif et de l’antiquité tardive, fut aussi, on le sait, non seulement musicologue, mais, sous le pseudonyme de Davenson, auteur d’un ouvrage sur les troubadours qui reste l’une des meilleures initiations au sujet. Ce que l’on ignorait jusqu’ici, c’est que lui-même, poète en langue occitane, avait puisé aux sources de sa Provence natale les pages d’un recueil dont il avait préparé l’édition sous le titre Lou Libre de Jouventu (1920-1931) et conservé discrètement l’unique exemplaire – témoin d’un amour de jeunesse longtemps mal cicatrisé.
Nul, mieux qu’un universitaire spécialiste de la littérature occitane classique et contemporaine comme l’écrivain Philippe Gardy, ne pouvait éditer ces vers pleins de sensibilité et replacer dans la mouvance culturelle foisonnante du premier XXe siècle le jeune Provençal qui, oscillant du Marseille des Félibres au Toulouse des Jeux floraux, fut un moment tenté de suivre la haute tradition des troubadours et, tout au long de sa carrière savante, fit de ce souvenir en quelque sorte “son trésor secret”.