C’est Pierre-Louis Berthaud qui découvre en 1938 ce texte par sa seconde édition (Lesparre : Barbouteau, 1851 ; tout aussi rare que l’édition originale). L’édition originale restant introuvable, Lou Mayrau Medouquin fut même parfois considéré comme une supercherie littéraire du XIXe siècle. Il faut attendre les années 1980 pour que François Pic localise enfin l’édition originale du texte dans les collections de la Bibliothèque de Nantes. Si François Pic confirme les conclusions de Pierre-Louis Berthaud sur l'authenticité du texte - et non une fabrication du XIXe siècle - l’étude de l’édition originale, en particulier ses caractères matériels et iconographiques, semble orienter vers une impression bordelaise de la seconde moitié du XVIIIe siècle. François Pic a identifié les motifs utilisés par l’imprimeur ainsi que la gravure placée en frontispice. Ses recherches ont démontré qu’il s’agissait de motifs en usage chez de nombreux imprimeurs de Bordeaux et de Toulouse au XVIIIe siècle. Alain Viaut, spécialiste de l’occitan gascon, a publié une édition critique du texte en 1990 dans la revue Garona. Selon lui, les marqueurs chronologiques nombreux et précis qui émaillent le texte semblent indiquer qu’il s’agit bien d’un texte composé et diffusé au moment de la guerre de Hollande, même s’il ne fut imprimé que bien plus tard.
Le caractère exceptionnel de ce texte vient également de sa provenance. La région bordelaise n’a pas connu l’abondance de production imprimée occitane que connaissent d’autres foyers, de la Renaissance à la Révolution. Pour le Médoc, il s’agit du seul texte littéraire occitan connu pour la période.
Lou Mayrau medouquin a tout l’air d’un texte de propagande pour l’enrôlement des paysans médocains dans l’armée de Louis XIV, alors en guerre contre une bonne partie de l’Europe. Le texte fait en effet de nombreuses références directes à la guerre de Hollande qui, de 1672 à 1678, opposa le royaume de France et son allié anglais à l’Espagne, au Saint-Empire romain germanique et aux Provinces-Unies (actuels Pays-Bas).
Baudoin parle d’aller à la guerre contre l’Amperure d’Allemagne (l’empereur d’Allemagne), lou Flamand (le Flamand), qui a mis sourdats en campagne (des soldats en campagne) pour tourna (faire revenir) dans Mestriq (Maastricht) le prince d’Orange. Une fois dans la place, ledit prince d’Orange se verra encauga (emprisonner) dans la ville. Toutes ces indications pourraient faire référence à un épisode précis de la guerre de Hollande : le siège de Maastricht par les armées du prince d’Orange et des Pays-Bas espagnols pour reprendre la cité aux Français en 1676. L’action se passerait donc en 1676, et non en 1672 comme l'indique une mention sur la page de titre .
Guerre coûteuse, la guerre de Hollande fit l’objet d’une intense propagande hostile au royaume de France à travers l’Europe. En outre, des tentatives de séditions contre Louis XIV, encouragées par les Habsbourg dans le royaume de France, se firent jour, particulièrement en Normandie et dans les provinces méridionales (Guyenne, Languedoc, Provence, Dauphiné). Dans ce contexte politique et militaire compliqué pour le roi de France, la création et la diffusion de textes de propagande en langue du peuple comme Lou Mayrau medouquin semble tout à fait plausible même si le plus grand mystère demeure sur l’auteur et ses motivations réelles. Il est à signaler qu’en 1672, la seigneurie de Lesparre appartenait à la grande famille gasconne de Gramont dont un membre, Antoine IV (1641-1720), s’est illustré justement comme général pendant la guerre de Hollande. En d’autres termes, il n’est pas impossible que le texte émane directement de l’entourage de cette puissante famille gasconne, une des plus puissantes du royaume et d’Europe. Le Mayrau medouquin vu sous cet angle, peut faire penser à une levée d’ost seigneurial (le droit du seigneur de lever des troupes) de la maison Gramont sur ses terres médoquines. Mais rien ne permet toutefois d’étayer cette hypothèse.
« La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Réponse de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, éditée par Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dans : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en ligne sur Gallica.
Pour être la plus célèbre, la traduction de Bernadau n’est pas la seule réalisée à l’époque révolutionnaire pour le domaine occitan.
Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !
Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion !
Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé : éditions des régionalismes, 2016.
Consulter le texte dans l'édition originale sur Gallica.
Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat.Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »
André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dans Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.
Consulter en ligne sur le du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1
Sur le même site on trouve aussi une traduction en auvergnat (graphie dite Bonneau) : https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1
Publiée dans le n° 35 de la revue pédagogique Lenga e país d’òc, cette traduction en occitan languedocien a été réalisée par la classe de 4e bilingue du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique (Aveyron) dans le cadre d’un travail d’éducation civique.
Consulter le texte : https://occitanica.eu/items/show/20514
En dehors de Du Mège qui mentionne ce manuscrit en 1843-1844 dans l'Histoire générale du Languedoc, le manuscrit ou tout autre support d’une Canso de San Gili n’ont jamais été identifiés ni mentionnés, ce qui vaut de nombreux soupçons à l’existence même du manuscrit que l'érudit toulousain - réputé peu fiable - dit avoir en sa possession.
La découverte vers 1840 d’une chanson de geste occitane sur la Première croisade, vingt ans avant les premières mentions du fragment de la Chanson d’Antioche occitane (la Canso d’Antioca, Madrid, Biblioteca de la Real Academia de la Historia, codex 117) aurait dû être considéré comme un événement majeur de l’histoire de la littérature médiévale. Pourtant Alexandre Du Mège l’évoque de façon très marginale dans ses notes et additions à l’Histoire générale du Languedoc et ne donne qu’une infime partie, soit une laisse de 15 vers (HGL, t. VI, ad., p. 39) contant la reddition de la Tour de David, et quelques autres éléments de contenus (HGL, t. III, ad., p. 108 et 110) de façon indirecte : la traduction d'une laisse sur la bataille de Dorylée et le sommaine d'une autre contenant de nombreux noms de chevaliers. L’édition de la laisse de 15 vers (HGL IV, ad., p. 39), est reprise avec quelques variantes et une traduction dans le tome VI de la description des Galeries historiques du palais de Versailles (partie 2, p. 11).
Le Dictionnaire de rimes languedociennes est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) rédigé vers la fin du XVIIIe siècle.
Riche de plus 13.000 mots, il permet de connaître la prononciation de l’occitan albigeois du temps de Rochegude. Il a probablement été rédigé parallèlement au Recueil de chansons et poésies modernes qui compile des chansons sélectionnées par Rochegude.
Le manuscrit est prêt pour être imprimé mais demeure à ce jour inédit.
- Dictionnaire de rimes languedociennes (Roch Ms 24)
- Brouillon du Dictionnaire de rimes languedociennes (Roch Ms 23)
Le Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) copié vers la fin du XVIIIe siècle. Il contient 210 chansons et 12 pièces en vers d'inspiration, de formes, de tailles et de thématiques très diverses. À quelques exceptions près, toutes les chansons sont rédigées en occitan.
Le Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) copié vers la fin du XVIIIe siècle. Il contient 210 chansons et 12 pièces en vers d'inspiration, de formes, de tailles et de thématiques très diverses. À quelques exceptions près, toutes les chansons sont rédigées en occitan.
On peut classer les chansons de la manière suivante :
- 157 chansons d'amour,
- 25 chants religieux, principalement des chants de noël,
- 9 chansons de table ou à boire
- 11 chansons d'inspiration burlesque
- 6 chansons au caractère politique (en relation avec les temps révolutionnaires).
L'ensemble des pièces est classé par ordre alphabétique des premiers vers et numéroté chronologiquement dans cet ordre. Pour certaines, une précision sur l'auteur ou la personne qui a inspiré la chanson est indiquée. Quelques titres de chants figurent sans aucun texte : dans ce cas, ils ne sont pas numérotés. Sur plusieurs chants figure la mention "notée", sans qu’aucune partition ne vienne toutefois les compléter.
Sur les 158 chansons d'amour répertoriées, les deux tiers mettent en scène les difficultés des rapports amoureux entre bergers et bergères, souvent sur le thème d'un amour non partagé, pas toujours très sincère mais consciencieusement dramatisé.
Dans certaines d'entre elles, une vingtaine, l'amour est partagé et consommé. La chanson devient allusive et coquine.
Ces chansons sont très caractéristiques de la seconde moitié du XVIIIe où le motif de la pastorale demeure très populaire parmi les nobles et les bourgeois « éclairés » qui y voient une résurgence des amours paysans antiques ainsi que de l’esprit libertin.
Cette sélection délibérée témoigne peut-être du goût personnel de Rochegude.
Les chants religieux sont majoritairement des « nadalets », chants de Noël. 14 sont du curé de Busque (village de la région de Graulhet), 2 de M. Plomet, prêtre de Montpellier, un du curé de Fresigne, un de Massol dit « le prébendier », 5 d'auteurs non mentionnés.
Deux autres chants sont des « stabat mater », chant sur la Passion. Enfin, une dernière chanson relate le mécontentement d'un curé censuré.
Ces chansons célèbrent généralement le plaisir du délassement bucolique entre gens de bonne compagnie.
On retrouve également une algarade entre une femme et son mari ivrogne, deux boutades contre les mouches, une contre les puces, des moqueries contre les uns ou les autres, des chants d’où il est question d'oiseaux et un chant sur la vieillesse et la mort qui bénéficie de références à la culture antique ainsi qu’à la mythologie.
Ces chansons demeurent difficile à appréhender en l’absence de leur contexte de composition. On y retrouve toutefois :
- un chant évoquant la prolifération des loups en France qui semble s’accélérer depuis la Terreur
- une chanson sur l'opportunisme politique bâtie autour de la figure de la girouette suivant le sens du vent, qu’il soit royal ou républicain
- une chanson sur les regrets d’habitants de la paroisse de Castres dont le curé, réfractaire, est chassé
- une chanson sur la fidélité à l’église catholique
- une chanson d’amour dédié à une figure difficile à identifier, peut-être Henri IV.
Certaines pièces peuvent être classées à part, n’étant pas des chansons. Parmi celles-ci
- Requista del P. Filip Cleric als juges de Besièrs en 1740, sur la saleté des rues de Béziers
- Dins Besièrs de tots temps se veirà de falords, où des prêtres se voient dérober leur déjeuners au cours d’une partie de pêche
- Los gorraus de Pechelicon, sur les figues - los pelegrins d'Emmaüs, traduction de l’Évangile de Luc n°24
- lo conte ditz qu'una cigala, traduction de la fables de la Fontaine « La cigale et la fourmi »
- S'aimatz lo lengatge "patois", un texte humoristique sur les qualitées attribuées à la langue d’oc.
- Recueil de chansons et poésies modernes (Roch Ms 9 a)
- Tables incomplètes du manuscrit 9 a (Roch Ms 9 b)L’Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (ou Glossaire occitanien) est un lexique occitan médiéval-français, publié de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Parnasse occitanien. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle.
< Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (forme complète du titre dans l'édition de 1819)
Pensé comme une aide à la compréhension de la langue d’oc des XIe, XIIe et XIIIe siècles, l'Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (ou Glossaire occitanien) puise dans les textes littéraires emblématiques de ces époques : la Chanson de la Croisade contre les albigeois, le Bréviaire d’amour, le roman de Gérard de Roussillon, le roman Jaufré, le Traité des vertus et des vices, la Vie de Saint-Honoré de Lérins ainsi qu’un Nouveau Testament.
Il puise également dans les divers dictionnaires en sa possession comme ceux de Pierre Borel (1620?-1671), Gilles Ménage (1613-1692), du Cange (1610-1688), sans en être totalement satisfait, et celui de Boissier de Sauvages (1710-1795) qui lui est le plus utile.
Dans la préface de 18 pages qui ouvre le recueil Rochegude expose sa théorie sur l’origine et l’évolution de la langue d’oc, théorie très proche de celle retenue par la majorité des linguistes contemporains.
Il y affirme que l’occitan n’est pas la langue mère des autres langues romanes et que chaque langue s’est probablement construite en puisant dans le lexique de l’une ou l’autre de ses voisines. Il décrit aussi les phénomènes de diglossie et de substitution linguistique qui expriment l’idée que les langues se substituent les unes aux autres en fonction des rapports de puissance politiques ou économiques qui les lient
La version publiée de l’Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours ne représente qu’une partie du travail effectué par Rochegude. Les manuscrits et versions préparatoires du glossaire sont accessibles ci-dessous.
- Additions et corrections au glossaire occitanien : aditions et corrections (Roch Ms 18 a)
- Additions et corrections au glossaire occitanien : mots à ajouter (Roch Ms 18 b)
- Recueil de textes romans du Nord et du Midi (Roch Ms 2)
- Recueil des divers ouvrages des XIIIe et XIVe siècles (Roch Ms 4)
- Mots extraits de Beda, partie 1 (Roch Ms 19 a)
- Mots extraits de Beda, partie 2 (Roch Ms 19 b)
- Mots tirés du dictionnaire de Sauvages (Roch Ms 19 c)
- Mots tirés du Nouveau testament (Roch Ms 19 d)
- Mots tirés d'Honorat de Lerins (Roch Ms 19 e)
- Glossaire non identifié (Roch Ms 19 f)
- Mots provençaux de l'histoire des albigeois, en vers, par de Tudele (Roch Ms 19 g)
- Glossaire des mots provençaux extraits des troubadours (Roch Ms 20 a)
- Mots absents du dictionnaire languedocien et celui de Sauvages (Roch Ms 20 b)
- Mots tirés du banquet d'Augié Gaillard (Roch Ms 20 c)
- A la fin des fables causides de La Fontaine en bers gascouns (Roch Ms 20 d)
- Dictionnaire méridional annoté par H. de Rochegude (Roch Ms 21)
- Glossaire des troubadours (Roch Ms 27)
- Voir la liste des résultats sous ce lien
Éditions :
Toulouse : Benichet Cadet, 1819
Le Parnasse occitanien, ou Choix de poésies originales des troubadours, tirées des manuscrits nationaux (ou Parnasse occitanien) est une anthologie de textes de troubadours publiée de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours, paru la même année. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle.
< Le parnasse occitanien, ou Choix de poésies originales des troubadours, tirées des manuscrits nationaux (forme complète du titre dans l'édition de 1819)
Le Parnasse occitanien est une anthologie de textes de troubadours publiée de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours, paru la même année. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle.
L’anthologie, prête dès 1797, ne sera publiée que 24 ans plus tard, probablement pour des raisons financières. La version manuscrite de l’anthologie comprend d’ailleurs des copies de textes de plus d’une cinquantaine de troubadours finalement absents de la version imprimée.
Les textes présents dans le Parnasse occitanien sont directement copiés depuis les chansonniers médiévaux ou depuis les copies du philologue Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (dit « Sainte-Palaye) (1697-1781) notamment. Ils sont précédés d’une préface de 18 pages, ainsi que, lorsque cela est possible, de la « vida » (biographie du troubadour) et de la « razo » (explication) du texte copié.
La préface du Parnasse occitanien permet à Rochegude de présenter et de justifier son regard critique sur les textes qu’il édite ainsi que sur le travail de ces prédécesseurs (Sainte-Palaye et son éditeur l’abbé Millot au XVIIIe siècle mais aussi Jean de Nostredame au XVIe).
Son travail, bien que salué par la critique en France et en Allemagne, l’autre pays des romanistes, ne connaîtra qu’une ampleur relative comparativement à celle de son correspondant le romaniste François Just Marie Raynouard (1761-1836), établi à Paris.
La version publiée du Parnasse occitanien ne représente qu’une partie du travail d’anthologie. Les versions préparatoires et manuscrits du Parnasse, accompagnés de leur présentation individuelle, sont accessibles ci-dessous.
- Accéder au Premier tome du parnasse occitanien de Henri de Pascal de Rochegude (Roch Ms 1)
- Accéder au Second tome du parnasse occitanien de Henri de Pascal de Rochegude (Roch Ms 1 bis)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°1 (Roch Ms 10 a)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°2 (Roch Ms 10 b)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°3 (Roch Ms 10 c)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°4 (Roch Ms 10 d)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°5 (Roch Ms 11)
- Accéder à Le parnasse occitanien, copie de travail n°6 (Roch Ms 12)
- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°7 (Roch Ms 13)
- Accéder aux Pièces (occitaniennes) tirées des mss. de Ste Palaye (Roch Ms 14 a)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, seconde partie (Roch Ms 14 b)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, troisième partie (Roch Ms 14 c)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, quatrième partie (Roch Ms 14 d)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, cinquième partie (Roch Ms 14 e)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, sixième partie (Roch Ms 14 f)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, septième partie (Roch Ms 14 g)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, huitième partie (Roch Ms 14 h)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, neuvième partie (Roch Ms 14 i)
- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, dixième partie (Roch Ms 14 j)
- Accéder à l'Extrait des Rasós de trobar (Roch Ms 15)
- Accéder aux Airs notés du manuscrit d'Urfé (Roch Ms 16)
- Voir la liste des résultats sous ce lien
Éditions :
Toulouse : Benichet Cadet, 1819
Genève : Slatkine reprints, 1977
En 1930, Prosper Estieu publie un de ses derniers recueils originaux, Lo fablièr occitan qui regroupe des fables du monde entier, traduites en occitan. Bien qu’il n’ait pas été élaboré comme tel, il apparaît comme une émanation originale de l’idée de « convivéncia » dans la littérature occitane du début du XXe siècle.
ESTIEU, Prosper. Lo fablièr occitan. Castèlnòudari : Societat d'Edicions Occitanas, 1930, 168 p.
Lo fablièr occitan est un recueil composé de 72 fables occitanes de 10 à 60 vers, parfois empruntées à Ésope (621-564 av. J.-C.), Phèdre (14-50 ap. J.-C.), au Coran ou au folklore occitan ancien. Il est composé de cinq Libres qui semblent classer les fables par grandes sources d’inspiration. Se côtoient ainsi pêle-mêle des morales et thématiques chrétiennes, musulmanes, païennes ou polythéistes (pour les fables inspirées par Ésope et Phèdre) sans nuire à la cohérence de l’ensemble.
On retrouve dans ces fables l’idée même de la « convivéncia » telle qu’elle est aujourd’hui définie par Alem Surre-Garcia :
« L’art de vivre ensemble dans le respect des différences en termes d’égalité »
La cohabitation d’une multiplicité de cultures n’est guère surprenant dans un tel recueil puisque le genre littéraire de la fable s’est construit sur la tradition de récupération de récits anciens, tout particulièrement avec les oeuvres d’Ésope et de Phèdre.
Au delà des importantes réinterprétations culturelles inhérentes au genre de la fable, Lo fablièr occitan se place également dans la ligne du mouvement Orientaliste alors en vogue en Europe occidentale tant dans le domaine de la littérature que de celui des arts plastiques. Prosper Estieu, sensible à ce mouvement littéraire et artistique s’est très largement inspiré de Victor Hugo, qui s’était lui aussi essayé au genre notamment dans son recueil de poèmes Les Orientales (1829).
Lo fablièr occitan n’est toutefois pas la seule œuvre de Prosper Estieu à faire écho à la notion de « convivéncia ». En effet, ce dernier se penche sur le Moyen Âge dès les premiers numéros de la revue Mont-Segur (1901-1904), - qu'il imprime depuis son propre domicile - dans lesquels il établit comme question centrale l’influence de la civilisation médiévale occitane, dont il tente de se rapprocher dans son oeuvre.
Pour en savoir plus sur Prosper Estieu et son œuvre : http://vidas.occitanica.eu/items/show/2077
En 1912, à l'occasion d'élections législatives extraordinaires dans la circonscription de Limoux, l'aviateur Jules Védrines inspire une chanson en occitan aujourd'hui encore connue et chantée.
Lors d’élections extraordinaires au poste de député de la circonscription de Limoux, suite à l’élection d’Étienne Dujardin-Beaumetz comme sénateur de l’Aude, l’aviateur Jules Védrines a été au coeur d’un scandale politique dont on parle encore aujourd’hui.
En effet, Charles Toussaint Védrines dit Jules Védrines, né le 29 décembre 1881 à Saint-Denis dans le département de la Seine, arrive le 10 mars 1912 à Quillan à l’occasion d’une fête de l’aviation donnée dans cette ville sur invitation du maire Paulin Nicoleau.
À cette occasion, et après avoir rencontré Ernest Ferroul dans son bureau narbonnais, il décide de se présenter aux élections législatives qui doivent avoir lieu le 17 mars 1912 dans la circonscription de Limoux (en atteste sa lettre de dépôt de candidature validée, datée du 11 mars de la même année). C’est alors que commence dans la Haute Vallée de l’Aude une course électorale en avion.
Jules Védrines se présente face à Jean Bonnail, déjà élu depuis de nombreuses années à différents postes (maire et conseiller général). Quatre autres candidats se sont aussi déclarés mais n’ont obtenu que très peu de voix au final (Jean Vidal, Antoine Garrouste, Jacques Faure et Didier Cousturier). En une semaine Védrines parcourt donc toute la circonscription à l’aide de son avion, distribuant même sa profession de foi en la jetant par dessus bord depuis les airs. Dans chaque ville ou village où il atterrit sont organisées des réunions où un public nombreux l’attend pour écouter ses discours, l’atterrissage de son avion étant en soi un événement. Cette semaine de campagne électorale est donc enflammée : les articles de presse, nombreux et très divisés (en fonction du journal dans lequel ils paraissent), les affiches, les chants et les documents préfectoraux témoignent de la vivacité des échanges et de la ferveur que réussit à soulever Jules Védrines alors que Jean Bonnail était largement pressenti pour être élu. La bataille s’annonce donc serrée. Mais au soir du 17 mars 1912, c’est bien Jean Bonnail, candidat du parti radical socialiste et poulain d'Étienne Dujardin-Beaumetz qui est élu par 7691 voix contre 7002 pour Védrines. Le nombre de voix obtenu par chaque candidat est encore aujourd’hui sujet à caution puisque des chiffres différents apparaissent sur les documents officiels consultables.
Suite à l’annonce des résultats une partie de la population se soulève et s'ensuivent des nuits de débordements et d’agitations.
Ces résultats sont confirmés quelques mois après par la Chambre des députés.
Plusieurs sources attestent de l’écriture des paroles de cette chanson au moment des faits en mars 1912. En effet, un article du Télégramme daté du 21 mars 1912 ainsi qu’un article de L’Éclair du 22 mars 1912 donnent les deux premiers couplets et les deux premiers refrains de la chanson.
Si la chanson dite “Chanson de Védrines” sur l’air de la Valse Brune est la plus connue, il en existe d’autres sur le même thème et écrites à la même époque. Dans les articles de presse de l’époque, il en est une, publiée dans le Télégramme du 17 mars 1912, qui n’apparaît pas dans le chansonnier prêté par M. Vives et qui avait été composée sur l’air du Se canta.
Le chansonnier prêté par M. Vives contient trente-et-une chansons dont cinq sont en occitan (y compris celle dont le texte est donné ci-dessous). Le chansonnier que nous avons pu récupérer et numériser chez M. Vives, héritier d’un cafetier limouxin, n’est quant à lui pas daté mais il n’est composé que de chansons en l’honneur de Jules Védrines. La version donnée dans celui-ci comprend un troisième couplet et un troisième refrain.
En voici sa transcription et sa traduction :
Occitan : graphie de l'auteur | Occitan : graphie classique | Français | |
Titre | Bédrino (aire de la Balso bruno) | Védrines (aire de la Valse Brune) | Védrines (air de la Valse Brune) |
Couplet 1 | Et qu’es aco que s’entends dins las brumos Qu’es aquel bruch ?... Es un aousel sans plumo Qué fa teuf-teuf… Qué rounflo… Qué fumo Mounto descend et biro coumo bol. Le cap lebat, nostré poplé frissouno Serco d’aysels qué pot estre a quel fat Mé coumo ben de debets Carcassouno Cant à plein gargalhol |
E qu’es aquò que s’entend dins las brumas Qu’es aquel bruch?... Es un aucèl sens pluma Que fa tuf-tuf... Que ronfla... Que fuma Monta descend e vira coma vòl. Le cap levat, nòstre pòble frissona Cèrca dels uèlhs que pòt èsser aquel fat Mas coma ven de devers Carcassona Canta a plen gargalhòl |
Qu’est ce qu’on entend dans les brumes Quel est ce bruit ? C’est un oiseau sans plume Qui fait tuf-tuf… Qui ronfle… Qui fume Monte, descend et tourne comme il veut. La tête levée notre peuple frissonne Cherche des yeux qui peut être ce fou Mais comme il vient de vers Carcassonne Il chante à pleins poumons |
Refrain 1 | Ah ?... ço qué brounzino Y lé courachous Bedrino Qu’arribo sur sa machino Coumou passérat, Pareil à l’esclaïré Aqui es a soun affaïre ! Quilhat amoun naut din l’aïré Filo coumou rat. |
Ah?... çò (Aquò) que bronzina Es le coratjós Védrines Qu'arriba sus sa maquina Coma un passerat, Parièr a l'esclaire Aquí es a son afaire ! Quilhat amont naut dins l'aire Fila coma un rat |
Ce qui bourdonne C’est le courageux Védrines Qui arrive sur sa machine Comme un moineau Pareil à l’éclair Là il est à son affaire Perché là-haut dans les airs Il file comme un rat. |
Couplet 2 | Dins le cel bleu et lis coumouo glaco Aïtats amis aquel punt dins l’espaco Que paüc à paüc groussis et se desplaço Qu’aïgidomen escalado tant naut Es un utis faït de boues et de télos Per le mena cal pas estre nigaut Cresé qu’un joun crebara las estelos Nostre soulel tant naut ! |
Dins le cèl blau e lis coma una glaça Gaitats amics aquel punt dins l'espaci Que pauc a pauc grossís e se desplaça Qu'aisidament escalada tant naut Es un utís fait de boès e de telas Per le menar cal pas èsser nigaud Cresi qu'un jorn crebarà las estèlas Nòstre solelh tant naut ! |
Dans le ciel bleu et lisse comme la glace Regardez amis ce point dans l’espace Qui peu à peu grossit et se déplace Qui habilement escalade si haut C’est un outil fait de bois et de toile Pour le conduire il ne faut pas être sot Je crois qu’un jour il crèvera les étoiles Notre soleil si haut ! |
Refrain 2 | Le balent Bedrino A chabal sur sa machino Dins l’ether pur qué brounzino Filo coumou rat. Pareil à l’esclairé Aqui est as soun affairé Es quilhat se ten en l’airé Coumou passerat |
Le valent Védrines A caval sus sa maquina Dins l'etèr pur que bronzina Fila coma un rat Parièr a l'esclaire Aquí es a son afaire Es quilhat se ten en l'aire Coma un passerat |
Le vaillant Védrines A cheval sur sa machine Dans l’éther pur qui bourdonne File comme un rat. Pareil à l’éclair Là il est à son affaire Il est perché, il se tient en l’air Comme un moineau. |
Couplet 3 | Si les anciens que soun morts à la guerro Ou dins le leit se lebaboun de terro Elis can pas jamai saput ço quéro Que de boula sariou al desespouer. Lai mas sul cap d’aban pareil miraclé Estabousit un frissoun dins lé quer Samagaîrou en criden y lé diablé Que descend dé l’infer. |
Si les ancians que son mòrts a la guèrra O dins lor lèit se levavan de tèrra Eles qu'an pas jamai sauput çò qu'èra Que de volar serián al desesper Las mans sul cap davant parièr miracle Estabosits un frisson dins le cuèr S'amagarián en cridant es le diable Que descend de l'infèrn. |
Si les anciens qui sont morts à la guerre Ou dans leurs lits se levaient de terre Eux qui n’ont jamais su ce que c’était De voler seraient au désespoir. Les mains sur la tête devant pareil miracle Stupéfaits, un frisson sur la peau Se cacheraient en criant c’est le diable Qui descend de l’enfer. |
Refrain 3 | Ah ?... ço que brounzino Y le moutur de Bédrino Qu’a chabal sur sa machino Filo coumou rat Pareil à l’esclaire Aqui es a soun affaïré Semblo que nado dins l’aïré Coumou passerat. |
Ah?... çò (Aquò) que bronzina Es le motor de Védrines Qu'a caval sus sa maquina Fila coma un rat Parièr a l'esclaire Aquí es a son afaire Sembla que nada dins l'aire Coma un passerat. |
Ce qui bourdonne C’est le moteur de Védrines Qui à cheval sur sa machine File comme un rat. Pareil à l’éclair Là il est à son affaire On dirait qu’il nage dans les airs Comme un moineau. |