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Lou Mayrau medouquin
CIRDOC - Institut occitan de cultura

Lou Mayrau medouquin, texte médocain anonyme pour l’enrôlement dans les armées de Louis XIV

Le document intitulé Vers composés par M..., sur le départ de François Baudouin et ses compagnons médoquins allant à l'Armée, souvent désigné Lou Mayrau medouquin, est une brochure anonyme, sans date ni mention d’imprimeur, connue par un seul exemplaire découvert tardivement dans les collections de la Bibliothèque municipale de Nantes.
Si le texte pourrait être contemporain des faits historiques qu’il décrit, c’est à dire du dernier tiers du XVIIe siècle, sa diffusion sous la forme d’un texte imprimé est dans doute postérieure de près d’un siècle. Au-delà de la rareté de l’ouvrage - on n’en connaît qu’un seul exemplaire - son sujet - la guerre de Hollande - et sa provenance - la région bordelaise - le rendent exceptionnel dans le corpus de l’écrit occitan de l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle).
Le texte est couramment intitulé par son premier vers, Lou Mayrau medouquin (Le vacher médoquin), qui désigne le personnage principal, un certain François Baudouin, laboureur propriétaire dans les environs de Lesparre dans la partie landaise du Médoc (actuelle Gironde). Lassé de sa vie de paysan, Baudouin raconte, dans ce récit en vers à la première personne, comment il répond favorablement à la sollicitation d'un officier recruteur, M. de Rouchon, venu lui proposer de s'engager dans les armées royales. Après avoir mis ses affaires en ordre auprès du notaire de Lesparre, Baudouin se lance dans le recrutement d’une troupe de compagnons prêts à le suivre à la guerre. Il se met à leur tête, avec entrain mais non sans une certaine gravité, le spectre de la mort au combat planant en permanence. Le texte s'arrête au moment où ils se mettent en route pour les Pays-Bas et Maastricht qu’il s’agit de reprendre à l’ennemi.

Une œuvre unique dans le corpus de l’écrit littéraire occitan

C’est Pierre-Louis Berthaud qui découvre en 1938 ce texte par sa seconde édition (Lesparre : Barbouteau, 1851 ; tout aussi rare que l’édition originale). L’édition originale restant introuvable, Lou Mayrau Medouquin fut même parfois considéré comme une supercherie littéraire du XIXe siècle. Il faut attendre les années 1980 pour que François Pic localise enfin l’édition originale du texte dans les collections de la Bibliothèque de Nantes. Si François Pic confirme les conclusions de Pierre-Louis Berthaud sur l'authenticité du texte - et non une fabrication du XIXe siècle - l’étude de l’édition originale, en particulier ses caractères matériels et iconographiques, semble orienter vers une impression bordelaise de la seconde moitié du XVIIIe siècle. François Pic a identifié les motifs utilisés par l’imprimeur ainsi que la gravure placée en frontispice. Ses recherches ont démontré qu’il s’agissait de motifs en usage chez de nombreux imprimeurs de Bordeaux et de Toulouse au XVIIIe siècle. Alain Viaut, spécialiste de l’occitan gascon, a publié une édition critique du texte en 1990 dans la revue Garona. Selon lui, les marqueurs chronologiques nombreux et précis qui émaillent le texte semblent indiquer qu’il s’agit bien d’un texte composé et diffusé au moment de la guerre de Hollande, même s’il ne fut imprimé que bien plus tard.

Le caractère exceptionnel de ce texte vient également de sa provenance. La région bordelaise n’a pas connu l’abondance de  production imprimée occitane que connaissent d’autres foyers, de la Renaissance à la Révolution. Pour le Médoc, il s’agit du seul texte littéraire occitan connu pour la période.

Un texte de propagande dans le contexte de la guerre de Hollande ?

Lou Mayrau medouquin a tout l’air d’un texte de propagande pour l’enrôlement des paysans médocains dans l’armée de Louis XIV, alors en guerre contre une bonne partie de l’Europe. Le texte fait en effet de nombreuses références directes à la guerre de Hollande qui, de 1672 à 1678, opposa le royaume de France et son allié anglais à l’Espagne, au Saint-Empire romain germanique et aux Provinces-Unies (actuels Pays-Bas).

Baudoin parle d’aller à la guerre contre l’Amperure d’Allemagne (l’empereur d’Allemagne), lou Flamand (le Flamand), qui a mis sourdats en campagne (des soldats en campagne) pour tourna (faire revenir) dans Mestriq (Maastricht) le prince d’Orange. Une fois dans la place, ledit prince d’Orange se verra encauga (emprisonner) dans la ville. Toutes ces indications pourraient faire référence à un épisode précis de la guerre de Hollande : le siège de Maastricht par les armées du prince d’Orange et des Pays-Bas espagnols pour reprendre la cité aux Français en 1676. L’action se passerait donc en 1676, et non en 1672 comme l'indique une mention sur la page de titre .

Guerre coûteuse, la guerre de Hollande fit l’objet d’une intense propagande hostile au royaume de France à travers l’Europe. En outre, des tentatives de séditions contre Louis XIV, encouragées par les Habsbourg dans le royaume de France, se firent jour, particulièrement en Normandie et dans les provinces méridionales (Guyenne, Languedoc, Provence, Dauphiné). Dans ce contexte politique et militaire compliqué pour le roi de France, la création et la diffusion de textes de propagande en langue du peuple comme Lou Mayrau medouquin semble tout à fait plausible même si le plus grand mystère demeure sur l’auteur et ses motivations réelles. Il est à signaler qu’en 1672, la seigneurie de Lesparre appartenait à la grande famille gasconne de Gramont dont un membre, Antoine IV (1641-1720), s’est illustré justement comme général pendant la guerre de Hollande. En d’autres termes, il n’est pas impossible que le texte émane directement de l’entourage de cette puissante famille gasconne, une des plus puissantes du royaume et d’Europe. Le Mayrau medouquin vu sous cet angle, peut faire penser à une levée d’ost seigneurial (le droit du seigneur de lever des troupes) de la maison Gramont sur ses terres médoquines. Mais rien ne permet toutefois d’étayer cette hypothèse.

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Versions occitanes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Escarpit, David
Assié, Benjamin
[imatge id=20512] La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est sans doute le texte le plus célèbre de la Révolution française. Il s’agissait, pour la toute nouvelle Assemblée constituante, de rédiger la liste des droits fondamentaux à partir desquels serait établie la Constitution.
La Déclaration fut adoptée le 26 août 1789 et donna lieu, par sa portée universelle, à de nombreuses traductions, et aussi adaptations, pastiches ou versions, comme la célèbre « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » rédigée et publiée par Olympe de Gouges en 1791.
Dès son adoption, dans un contexte politique favorable à la traduction des textes officiels en langues de France - les historiens ont pu parler de « politique des traductions » pour la première période révolutionnaire marquée par le Décret du 14 janvier 1790 prévoyant que « le pouvoir exécutif fera traduire dans tous les idiomes de la France les décrets de l'Assemblée nationale » - on recense plusieurs traductions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet article dresse l’inventaire les différentes traductions et versions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme depuis la Révolution jusqu’aux versions et traductions contemporaines. 

Les traductions de l’époque révolutionnaire

Une grande partie des traductions occitanes des textes officiels, répondant au Décret du 14 janvier 1790 a malheureusement disparu.
Le tarnais Dugas et ses collaborateurs avaient notamment, aux côtés d’autres traducteurs plus occasionnels, produit une centaine de volumes de traduction en occitan de décrets et actes constitutionnels. Seule une partie de ce corpus est conservée aux Archives nationales (AA 32, dossier 963 : traductions des textes et décrets de l’Assemblée nationale en occitan et autres langues de France pendant la Révolution).
La plupart des traductions de la Déclaration des droits de l’homme qui sont parvenues jusqu’à nous s’inscrivent dans ce contexte de la politique des traductions. Cependant, la version la plus célèbre, celle de l’avocat bordelais Bernadau, a été recueillie dans le cadre de l’enquête de l’abbé Grégoire qui prépara son fameux Rapport et qui marquera un tournant de la politique linguistique révolutionnaire à partir de 1793-1794.

La traduction bordelaise de Pierre Bernadau

L’auteur

Pierre Bernadau (1762-1852) est un avocat bordelais, par ailleurs historien de Bordeaux, érudit passionné de biographie et occasionnellement poète d’expression occitane. C’est en tant que membre de la Société des Amis de la Constitution qu’il répond au questionnaire envoyé par l’abbé Grégoire, tout en lui signalant - ironiquement ? - qu’il n’a « saisi qu’imparfaitement le sens des questions [posées] aux patriotes ». Dans sa réponse, Bernadau a le souci de donner à Grégoire un aperçu aussi complet que possible de la réalité de l’occitan parlé à Bordeaux et dans sa région. Il prend l’initiative de joindre à son envoi une traduction de la « sainte Déclaration des droits de l’homme ». Bernadau explique avoir réalisé cette traduction ainsi que celle des « lois municipales » (création des communes le 14 décembre 1789) dans « la langue mitoyenne entre tous les jargons » en usage dans les campagnes autour de Bordeaux. Bernadau dit avoir fait ces premières traductions avec des annotations pour être « très-utiles aux paysans » du Bordelais. La traduction de Bernadau s’inscrit donc dans l’esprit de la période de la « politique des traductions ». L’idée était de rendre intelligible au peuple non francophone les progrès et droits octroyés par la Révolution.

Le document

Il s'agit d'un manuscrit de 11 pages daté de 1790 et contenant la traduction occitane avec le texte français donné en interligne. Il est relié au sein d’un recueil de documents envoyés à l’abbé Grégoire dans le cadre de son enquête sur les « patois » et conservé dans le fonds de l’abbé Grégoire à la Bibliothèque de la Société de Port-Royal (cote : ms. REV 222).

Le texte

« La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Réponse de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, éditée par Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dans : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en ligne sur Gallica

Comme pour de nombreux traducteurs de la période, Bernadau fait d’abord un choix linguistique, cherchant à traduire dans une forme et un niveau de langue occitane compréhensible assez largement par-delà les variations locales. Il choisit l’occitan tel qu'il est parlé à Bordeaux, « langue mitoyenne entre tous les jargons » nous dit-il.
Par sa situation de port et de carrefour, en particulier entre les domaines géolinguistiques gascon et languedocien, l’occitan parlé sur les quais de Bordeaux, où Bernadau a d’ailleurs passé sa vie, est une sorte d’occitan « unifié » de la vallée de la Garonne (c’est l’occitan populaire de Bordeaux que le chansonnier Ulysse Despaux, un siècle après Bernadau, appelle le « pishadèir ») : les Toulousains, Périgourdins, Agenais, Landais, Béarnais, Auvergnats qui se croisaient et se rencontraient sur le port de Bordeaux pouvaient tous comprendre le pishadèir. On y trouve mêlées des formes appartenant aux deux grandes variantes du territoire, comme les démonstratifs aqueth (gascon) et aquel (languedocien). Bernadau utilise les deux indifféremment dans sa traduction.
La traduction de Bernadau est réputée peu fidèle au texte original. L’historien Jacques Godechot en particulier signala que la traduction de Bernadau ne se base pas complètement sur le texte de la Déclaration des droits de l'homme telle qu'elle fut adoptée en 1789, mais sur une paraphrase plus ou moins fidèle de celle-ci. Il est possible que Bernadau, contrairement au provençal Bouche, chercha à rendre intelligible la Déclaration non seulement en la traduisant dans la langue du peuple, mais aussi en reformulant des tournures qu’il jugeait sans doute trop techniques.

Pour le consulter

Consulter le manuscrit original (Bibliothèque de la Société de Port-Royal, ms REV 222) : https://occitanica.eu/items/show/20274

Augustin Gazier (1844-1922), qui dirigeait la bibliothèque de la Société de Port-Royal, a publié dans la Revue des langues romanes de 1874 à 1879 l’intégralité de la réponse de Bernadau à Grégoire, incluant la traductionde la Déclaration des droits de l'homme.
Consulter l’édition d’Augustin Dazier dans la Revue des langues romanes : https://occitanica.eu/items/show/5126
Consulter la version manuscrite de l’édition d'Augustin Dazier : https://occitanica.eu/items/show/19881

Autres traductions révolutionnaires

Pour être la plus célèbre, la traduction de Bernadau n’est pas la seule réalisée à l’époque révolutionnaire pour le domaine occitan.

La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche (1792)

[imatge id=20312] Charles-François Bouche (1737-1795), homme politique aixois très actif pendant la période révolutionnaire, député du Tiers aux États généraux puis à l'Assemblée nationale, fait imprimer  en 1792 sur les presses de l’Imprimerie nationale La constitution française traduite conformément aux décrets de l'Assemblée-nationale-constituante en langue provençale et présentée à l'Assemblée-nationale-législative. On y trouve en préambule une traduction en provençal de la déclaration.
Comme Bernadau, Bouche cherche une forme d'occitan provençal de large communication. En revanche, à la différence de l'avocat bordelais, sa traduction de la Déclaration des droits de l'homme est jugée de piètre qualité sur le plan de la langue employée. Sans doute par respect excessif pour la « sacralité » du texte français original et aussi peut-être par la difficulté de traduire des notions et tournures très techniques pour un locuteur et érudit provençal de la fin du XVIIIe siècle, le texte de Bouche est davantage une sorte de provençalisation du texte français plutôt qu'une réelle traduction. 

En savoir plus sur La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche.  

Traductions perdues 

L’existence d’autres versions de la Déclaration des droits de l'homme en occitan est attestée bien que les documents soient aujourd'hui introuvables ou définitivement perdus. La sociolinguiste Brigit Schlieben Lange, spécialiste de l'occitan pendant la période révolutionnaire, mentionne dans un article de la revue Lengas la version d’un certain Larrouy en parler du Béarn et datée de 1790. Il est probable que cette version soit conservée dans le fonds AA32 des Archives nationales.
De même le Dictionnaire des usages socio-politiques : 1770-1815, fas. 5 : Langue, occitan, usages (Paris : Klincksieck, 1991) cite une traduction occitane de la Déclaration attestée à Saint-Nicolas-de-la-Grave, non loin de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) via un document témoignant qu'elle avait été lue et commentée en langue vulgaire avec la Constitution afin de les rendre intelligibles à tous les citoyens.
À Gap, un certain Farnaud écrit aux administrateurs du Département des Hautes-Alpes pour leur signaler sa traduction de  la Déclaration et de la Constitution en « langage vulgaire ou patois de ce pays. » Il peut s'agir de Pierre-Antoine Farnaud (1766-1842) qui fut secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes sous l'Empire. Il est connu pour être l’auteur d’un « Noël patois » composé pour le préfet Ladoucette, célébrant Napoléon, et chanté lors de la messe de minuit 1806, ou plutôt de son père Joseph-Antoine Farnaud (1731-1817), qui a été décrit comme amateur de langues. En effet, dans la lettre, Farnaud dit avoir traduit la constitution aussi en latin, espagnol, portugais et italien. La texte de la traduction de Faraud n'est malheureusement pas conservé avec la lettre aux Archives départementales des Hautes-Alpes (L 417).
Enfin, René Merle, dans sa thèse sur l'Écriture du provençal de 1775 à 1840 (Béziers : CIDO, 1990) cite la demande d'une traduction en provençal à Aix le 7 novembre 1790 : « on réclame la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme en langue provençale. La proposition est mise aux voix et adoptée. » En dépit de virulentes oppositions, nous dit René Merle, une traduction fut réalisée en provençal à la demande des citoyens aixois. Il est possible qu’il s’agisse de celle de Charles-François Bouche, qu'il fit imprimer en 1792.

Adaptations littéraires

La Déclaration versifiée en provençal par Félix Gras (1896)

[imatge id=20513] L'écrivain Félix Gras (1844-1901), le « le félibre rouge », propose une version de la Déclaration des droits de l'homme en provençal dans son roman historique Li Rouge dóu Miejour (= Les Rouges du Midi, Avignoun : J. Roumanille, 1896).  ll s’agit en réalité d’un court extrait qui, dans le récit, est porté en pancarte et déclamé par un fédéré de Marseille en route pour Paris. Seul le premier vers est, en réalité, inspiré de la Déclaration : Lis ome naisson libre e soun tóutis egau. La suite est un texte patriotique qui reprend les principes de la Révolution.

Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !

Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion ! 

Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé : éditions des régionalismes, 2016.
Consulter le texte dans l'édition originale sur Gallica.

La version théâtrale d'André Benedetto (1976)

André Benedetto (1934-2009), comédien, auteur et metteur en scène a inséré un fragment de la Déclaration des droits de l'homme traduite en occitan dans sa pièce Les Drapiers jacobins (Nouvelle compagnie du théâtre des Carmes d'Avignon, création en 1976 pour le festival de Montauban).
Les Drapiers jacobins est une réflexion très influencée par Félix Castan sur la question de l'unité nationale pendant la Révolution et une critique de la construction de la « nation jacobine », bourgeoise et destructrice des cultures populaires en raison du contenu de classe. 
Il attribue au personnage du révolutionnaire montalbanais Gautier-Sauzin, dont il fait un fervent robespierriste, une traduction occitane de la Déclaration des droits de l'homme. Si Antoine Gautier-Sauzin a bien existé, on ne sait en réalité pas grand-chose. Il est l'auteur d'une pétition conservée aux Archives nationales contenant un véritable programme d'instruction publique en occitan intitulé « Réflexions sur le genre d’instruction publique qui conviendrait à nos campagnes méridionales »  Le caractère exceptionnel de cette pétition en a fait le point de départ de la pièce de Benedetto. Cependant la traduction de la Déclaration des droits de l'homme est une pure invention théâtrale.  André Benedetto donne d'ailleurs le nom de la traductrice, Marie-Charlotte Chamoux. Il reprend également à la tirade suivante la version versifiée de Félix Gras. 

Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :
«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat.
Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »

André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dans Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.

Traductions contemporaines

La Déclaration de 1789 a été à plusieurs reprises réécrite et complétée (1792, 1795, 1848…) avant d’être considérée comme un texte constitutionnel français de plein droit. Son inspiration est patente dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies le 10 décembre 1948. La portée universelle de cette dernière impliquant qu’elle soit traduite dans toutes les langues du monde, officielles ou non, plusieurs traductions occitanes furent réalisées en 1998 :

La Déclaration universelle des droits de l’homme en occitan (languedocien, graphie classique) 

Consulter en ligne sur le du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1

Sur le même site on trouve aussi une traduction en auvergnat (graphie dite Bonneau) :  https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1

La traduction des élèves du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique 

Publiée dans le n° 35 de la revue pédagogique Lenga e país d’òc, cette traduction en occitan languedocien a été réalisée par la classe de 4e bilingue du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique (Aveyron) dans le cadre d’un travail d’éducation civique.
Consulter le texte : https://occitanica.eu/items/show/20514

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La Constitution française par Charles-François Bouche (1792) : une traduction provençale de la Constitution de 1791
Assié, Benjamin
Cet imprimé révolutionnaire en occitan, bien que sorti des presses de l’Imprimerie nationale en 1792, n’est pas exactement un imprimé officiel. Si elle répond au décret du 14 janvier 1790 prévoyant la traduction des lois et décrets « dans tous les idiomes qu’on parle dans les différentes parties de la France... », cette traduction de la Constitution de 1791 en occitan provençal reste une initiative personnelle du député aixois Charles-François Bouche qui obtient cependant, cas rare si ce n’est unique pour ce type de document, qu’il soit imprimé par l’Imprimerie nationale. En effet, la très grande majorité des traductions des actes officiels répondant au décret de 1790 est restée à l’état de manuscrits, et pour une grande partie, semble perdue. [imatge id=20315]

Le document

Référence

La counstitucién francézo, traducho, counfourmamén eis Décrèts dé l’Assémblado naciounalo counstituanto, én lénguo prouvénçalo, é préséntado à l’Assémblado naciounalo législativo / par Charlé-Francés Bouche… Dins Paris : dé l’imprimarié naciounalo. 1792 = La constitution française, traduite, conformément aux Décrets de l’Assemblée nationale constituante, en langue provençale, et présentée à l’Assemblée nationale législative / par Charles François Bouche… A Paris : de l’imprimerie nationale. 1792.

Description physique

XV - 271 p., in-16 (15 cm).

Exemplaires connus

On connaît moins de dix exemplaires conservés de la Counstitucién francézo, ce qui révèle sans doute un assez faible tirage. L’inventaire du texte occitan de la période révolutionnaire de François Pic recense neuf exemplaires connus :

  • Archives nationales : AD/I/45
Exemplaire contenant une note manuscrite. Pas de description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Bibliothèque nationale de France : 8-LE3-291
Description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Bibliothèque interuniversitaire de La Sorbonne : HFR6-43
Description en ligne. Consultable en ligne. 

  • Bibliothèque de Marseille : 7227
Description en ligne. Non consultable en ligne. 

  • Aix-en-Provence, Musée Arbaud Aix-en-Provence : R.41
Pas de description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Chicago, Newberry Library : coll. Bonaparte 4239
Description en ligne. Non consultable en ligne. 

  • Collections privées : Les trois autres exemplaires mentionnés sont dans des collections privées.

Documentation complémentaire 

Lettre de Charles-François Bouche à la municipalité d’Aix, Paris, le 8 juillet 1792. Archives municipales d’Aix-en-Provence, LL 314.
Cette lettre accompagne l’envoi de sa traduction imprimée à la municipalité. Il y donne des informations intéressantes sur la difficulté de réalisation : « Vous trouverez beaucoup d’imperfections dans cette traduction. Quelques-unes viennent de moi, sans doute ; mais beaucoup s’y sont glissées par la faute du compositeur qui ne savait pas bien lire et prononcer. Ce compositeur, c’est un Italien, le seul ouvrier qu’après trois mois de recherches, j’aie pu trouver dans cette ville, capable, jusqu’à un certain point, de ce genre de travail. »

L’auteur et l’œuvre

Charles-François Bouche

[imatge id=20312] Député d’Aix, Charles-François Bouche (1737-1795) est originaire des Alpes-de-Haute-Provence (Allemagne-en-Provence). Il est élu député du Tiers-État à Aix pour les États Généraux de 1789. Il devient maire d’Aix en 1790. Il était membre de l’Assemblée lors de l’adoption de la Constitution le 3 septembre 1791. Il meurt en 1795 à Paris. Ardent partisan de la Révolution dès 1789, il s’illustre en particulier pour le rattachement du Comtat venaissin à la France et la défense de la ville d’Aix face à Marseille dans le nouveau découpage départemental.
Petit-neveu d’Honoré Bouche (1599-1671), historien de la Provence, il est lui-même l’auteur d’un Essai sur l’histoire de la Provence (Marseille : Jean Mossy père et fils, 2 vol., 1785) et de plusieurs articles dans le Dictionnaire des hommes illustres de Provence de Claude-François Achard (1751-1809), auteur d’un Vocabulaire français-provençal. Bouche est donc un érudit provençal bénéficiant d'une certain culture linguistique voire philologique. 

Le contexte : la « politique des traductions (1790-1793) »

On connaît assez bien les intentions et le contexte de production de la Counstitucién francézo grâce à la lettre-préface que C.-F. Bouche publie en provençal en introduction de sa traduction : « Eis habitans deis déspartaméns deis Bouquous-daou-Rhôné, daou Var é deis Bassos-Alpos » [Lettre-préface de C.-F. Bouche]
Bouche inscrit son travail dans le sillage du décret de 1790 et donne un bon témoignage de ce que fut la réalité de ce que certains historiens à la suite de Ferdinand Brunot ont appelé « la politique des traductions » pour caractériser une période de débats et de positions relativement libérales sur la question de la pluralité linguistique possible dans la communication officielle qui a marqué les débuts de la Révolution. Ce moment s’achève en 1793-1794 avec la mise en place de la politique linguistique « d’éradication des patois » autour du Rapport de l’abbé Grégoire.
Comme chez l’avocat bordelais Bernadau qui traduit la « sainte » Déclaration des droits de l’homme, Bouche n’hésite pas à sacraliser l’Assemblée nationale et ses décrets, parlant dans son adresse aux Provençaux de « vouëstro benfactrisso é l’évangélisto daou moundé... ». Parmi l’œuvre bienfaitrice de ce nouveau régime : l’intention d’instruire le peuple non francophone et de contrer les fausses informations et mauvaises traductions censées être véhiculées par les adversaires de l’Assemblée.
Il met également à jour les difficultés de mise en œuvre qui ruinèrent au moins autant que les oppositions politiques la politique dite « des traductions » : il se décide à traduire et faire publier lui-même une traduction de la Constitution en constatant que personne d’autre n’en prend l’initiative. Dans sa Lettre à la municipalité d’Aix, Paris du 8 juillet 1792 (Archives municipales d’Aix-en-Provence, voir ci-dessus) il dit tout le mal qu'il a eu à trouver un compositeur compétent pour préparer l’impression du texte et les nombreuses erreurs qui en découlent.
Enfin, comme d’autres traducteurs, Bernadau en particulier, il fait preuve d'une réflexion sur la langue à employer dans sa traduction, recherchant une forme « unifiée » qui puisse être comprise par une population assez large, en dépit des parlers et variations locales : « dins aquesto traduccién, n’ai pas trabailla per leis habitans d’un cantoun, puleou qué d’un aoutré. Ai agu én visto touteis leis prouvénçaoux, é, én counséquansso, me siou sarvi daou léngagi lou pu généralamén réspéndu, aquo és-à-diré, d’aquéou qué l’o coumprén partou...»

Le contenu : une traduction jugée médiocre 

L’ouvrage de Charles-François Bouche s’ouvre par une lettre-préface en provençal, dans laquelle le député s'adresse à ses concitoyens et expose ses intentions. Il donne ensuite la traduction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte original français en page de gauche gauche, traduction provençale à droite. Il fait de même pour le texte de la Constitution de 1791. Ces actes officiels sont suivis de plusieurs documents que Charles-François Bouche rajoute : La lettre du Roi acceptant la Constitution, datée du 13 septembre 1791, le procès-verbal de la séance de l'Assemblée nationale du 14 septembre 1791, la réponse du Président de l’Assemblée au Roi.
La traduction de la Déclaration et de la Constitution a souvent été jugée médiocre. On a pu évoquer le problème de la technicité du lexique des actes constitutionnels et du formalisme du style, comme difficulté pour un Provençal du XVIIIe siècle, bon connaisseur de l’histoire et de la littérature provençales, mais maniant une langue peu maîtrisée dans sa syntaxe et sa lexicographie pour restituer une traduction qui ne soit pas une simple provençalisation du texte français. En bon Patriote sacralisant ces textes (Déclaration et Constitution), il a aussi pu faire preuve de prudence et vouloir respecter à l’excès le texte original français (à l’inverse de Bernadau pour la version bordelaise qui prend de grandes libertés par rapport à l'original). Bouche avoue lui-même dans sa lettre-préface avoir cherché à transposer aussi littéralement que possible. En revanche, dans sa traduction des lettres du Roi et du Président de l’Assemblée, dont les textes sont moins techniques, le député aixois montre sa connaissance et ses capacités à traduire dans un provençal plus riche et plus naturel.

Éditions et études

La Counstitucién francézo n’a jamais fait l’objet d’édition intégrale.
La plus importante se trouve dans :
  • Claude MAURON, EMMANUELLI François-Xavier (dir.), Textes politiques de l’époque révolutionnaire en langue provençale, I, Textes en prose (Discours - Adresses - Traductions), Saint-Rémy de Provence : Centre de recherches et d’études méridionales, 1986.
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La Canso de San Gili : l'introuvable chanson des Toulousains à la Première croisade
Assié, Benjamin
La Canso de San Gili - Chanson de Raimond de Saint-Gilles en français - fait référence à un fragment de texte en ancien occitan publié par Alexandre Du Mège (1780-1862), érudit toulousain dans son édition de l’Histoire générale du Languedoc des bénédictins Devic et Vaissète (Toulouse : J.-B. Paya, 1840-1846).
[imatge id=20515] L’œuvre est connue par les seuls extraits et mentions donnés par Du Mège, soit un fragment de quinze vers racontant un épisode de la prise de Jérusalem, la reddition de la Tour de David à Raimond IV, et quelques autres informations données de façon indirecte (traduction d’une strophe sur la bataille de Dorylée, une liste de noms de chevaliers). C’est Du Mège qui donne le nom de Canso de San Gili à ce qu’il présente comme une chanson de geste en occitan racontant les hauts-faits du comte de Toulouse Raimond IV - ou Raimond de Saint-Gilles - lors de la Première Croisade.
L’œuvre n’a jamais été mentionnée autrement que par référence au texte d’Alexandre Du Mège et le manuscrit dont elle serait tirée, que l’érudit toulousain dit avoir en main, est resté totalement introuvable jusqu'à nos jours au point d’avoir animé depuis le milieu du XIXe siècle un long débat sur l’existence même de cette œuvre et sa vraie nature : s'agirait-il d'un fragment de la fameuse Canso d’Antioca, seule chanson de geste sur la Première croisade connue en occitan ? le témoin d'une toute autre œuvre épique occitane inconnue et égarée ? un faux fabriqué à la fin du Moyen Âge ? ou inventé par Du Mège lui-même ? 

Appellations de l'œuvre 

Titre uniforme ou conventionnel :

Canso de San Gili

Autres appellations :

< aucune autre appellation connue

Description physique ou exemplaires conservés :

Nous ne connaissons l’œuvre que par les quelques indications données par Alexandre Du Mège à trois reprises de les notes et additions de son édition de l’Histoire générale du Languedoc.
Il donne des extraits et quelques notes de contenu à partir d'une copie qui daterait selon lui de 1779, qui aurait été faite sur un manuscrit de la fin du XIIIe siècle. Sans que l’on sache s’il fait référence au manuscrit d'origine ou à sa copie moderne, Du Mège indique qu’il provient de la Bibliothèque des Cordeliers de Toulouse.
Du Mège indique également que la Canso de San Gili comportait 72 strophes mais qu’il en manque un certain nombre. Il ne donne le texte complet que d’une seule laisse de quinze vers, qu’il dit être la 38e

En dehors de Du Mège qui mentionne ce manuscrit en 1843-1844 dans l'Histoire générale du Languedoc, le manuscrit ou tout autre support d’une Canso de San Gili n’ont jamais été identifiés ni mentionnés, ce qui vaut de nombreux soupçons à l’existence même du manuscrit que l'érudit toulousain - réputé peu fiable - dit avoir en sa possession.

Contenu et postérité de l'œuvre :

Tout ce que l'on connaît de la Canso de San Gili : Alexandre Du Mège, 1841-1844

La découverte vers 1840 d’une chanson de geste occitane sur la Première croisade, vingt ans avant les premières mentions du fragment de la Chanson d’Antioche occitane (la Canso d’Antioca, Madrid, Biblioteca de la Real Academia de la Historia, codex 117) aurait dû être considéré comme un événement majeur de l’histoire de la littérature médiévale. Pourtant Alexandre Du Mège l’évoque de façon très marginale dans ses notes et additions à l’Histoire générale du Languedoc et ne donne qu’une infime partie, soit une laisse de 15 vers (HGL, t. VI, ad., p. 39) contant la reddition de la Tour de David, et quelques autres éléments de contenus (HGL, t. III, ad., p. 108 et 110) de façon indirecte : la traduction d'une laisse sur la bataille de Dorylée et le sommaine d'une autre contenant de nombreux noms de chevaliers. L’édition de la laisse de 15 vers (HGL IV, ad., p. 39), est reprise avec quelques variantes et une traduction dans le tome VI de la description des Galeries historiques du palais de Versailles (partie 2, p. 11). 

Notons que Du Mège est loin d'être expert en langue ou littérature occitane du Moyen Âge et que toute son œuvre d’érudit, d’archéologue et d’historien Gareste considérée comme celle d’un non spécialiste, relativement autodidacte, aux approximations et erreurs nombreuses. 
Le court passage où Du Mège cite de nombreux noms de chevaliers occitans, c'est-à-dire de l'entourage du comte Raimond donne une prmeière existence de la Canso de San Gili, citée comme source dans plusieurs nobiliaires, en particulier le Nobiliaire toulousain d'Alphonse Brémond (Toulouse : Bonnal et Gibrac, 1863) ou encore La Noblesse de France aux Croisades de Paul-André Roger (Paris : Derache, 1845). 

Les premiers soupçons : Camille Chabaneau, 1883

Le dossier de la Canso de San Gili, pris sans réserve comme authentique par le Nobiliaire toulousain par exemple, est rouvert par Camille Chabaneau (1831-1908), beaucoup plus expert en langue et littérature occitane du Moyen Âge. Dans un article consacré 
manuscrits occitans « perdus ou égarés » publié dans la Revue des langues romanes,
  Camille Chabaneau reprend le texte donné par Du Mège en exprimant toute sa méfiance sur l'authenticité voire l'existence même de cette œuvre, indiquant que Du Mège pourrait très bien l’avoir inventé « comme il a inventé tant d’autres choses. » Cependant Camille Chabaneau ne donne aucun argument et ne se livre à aucune étude de la langue, du style ou du contenu du texte. 

Sur la piste de la Canso d’Antioca : Paul Meyer, 1884.

Au même moment le philologue Paul Meyer (1840-1917), qui avait simplement signalé la Canso de San Gili sans se poser davantage la question de son authenticité dans l'introduction à son édition de la Canso de la Crozada (La Chanson de la Croisade contre les Albigeois, Paris : Renouard, 1875), décide de lancer plus sérieusement l'enquête à l'occasion d'un article consacré à la découverte récente du fragment de la Canso d’Antioca, chanson de geste du cycle de la Croisade en occitan conservé à Madrid. 
Si come Chabaneau il exprime toutes ses réticences à faire confiance à Du Mège, il commence par indiquer qu'il lui « paraît certain que le manuscrit des Cordeliers a réellement existé », notamment parce que selon lui « ni Du Mège ni aucun de ses contemporains n’eût été capable de le fabriquer. » 
Connaissant désormais le fragment de la Canso d'Antioca, Paul Meyer va plus loin en proposant une parenté entre les deux textes qui pourraient même être deux fragments d'une même œuvre. 
Notons qu'à la toute fin de l’article Paul Meyer fait volte-face et insère une dernière note qui invite au final à la plus grande prudence sur l'authenticité du texte mentionné par Du Mège : « Ayant essayé, en revoyant une dernière péreuve, de remettre en bon provençal [ancien occitan] les vers de la Canso de San Gili cités par Du Mège, je n’ai pu me défendre de concevoir de graves soupçons sur l’authenticité de ce morceau », finissant sont post-scriptum en listant plusieurs incohérences syntaxiques dans la strophe de la Tour de David. 

Éclairages récents : Carol Sweetenham et Linda M. Paterson, 2003 ; Philippe Wolff, 1978.

En 2003 paraît l’édition critique de la Canso d’Antioca sous la direction de Carol Sweetenham et Linda M. Paterson. Les deux auteurs, grands spécialistes de la littérature occitane du Moyen Âge, rouvrent à cette occasion le dossier de la Canso de San Gili au tout début de leur étude. En reprenant tous les arguments et toutes les pistes données par Paul Meyer plus d’un siècle auparavant, les deux spécialistes de la littérature occitane du Moyen Âge ne parviennent pas à trancher entre l’hypothèse d’une œuvre inventée ou d’une œuvre ayant pu exister et égarée.
En revanche, elles écartent définitivement l’hypothèse d’un fragment complémentaire au fragment de la Canso d’Antioca de Madrid tout en reconnaissant que le fragment mentionné par Du Mège peut très bien avoir existé : « nous ne croyons pas que ladite Canso de San Gili ait fait partie de la version de la Canso d'Antioca à laquelle appartenait le fragment de Madrid. Mais il a un intérêt possible dans le cadre de la plus large tradition de la croisade occitane. » (traduit de l'anglais)
Si l’étude linguistique et littéraire n’a pas permis de résoudre le mystère de la Canso de San Gili, l’historien spécialiste de l’Occitanie médiévale qu'est Philippe Wolff donne cependant un éclairage intéressant qui semble être passé inaperçu des spécialistes de littérature. Pour Philippe Wolff, l’examen des noms des Croisés cités par le document de Du Mège portent en réalité les noms de familles capitulaires toulousaines de la fin du Moyen Âge ce qui l’amène à conclure que « La Canso de San Gili aurait donc été interpolée ou fabriquée au XVe siècle, en vue de fournir à plusieurs familles des preuves de noblesse ancienne et militaire. » 

Conclusion 

Malgré tous les reproches faits à Alexandre Du Mège comme érudit peu fiable, il paraît donc assez peu probables qu'il ait été capable ou même quelqu'un de sa génération, de créer un tel faux de 15 vers, certes corrompus syntaxiquement, mais en ancien occitan et qui, à la première lecture, ne les rendent pas tout à fait improbables à des spécialistes de la langue et de la littérature occitane du Moyen Âge. 
Il y a donc de fortes chances pour qu'un manuscrit, sans doute moderne, a bien existé et que Du Mège a pu le consulter pour en extraire ses quelques passages. L'éclairage de l'historien Philippe Wolff semblerait pencher pour une œuvre fabriquée bien plus tard que le XIIe-XIIIe siècle, pouvant expliquer sa piètre qualité syntaxique. La Canso de San Gili pourrait donc être une forme de supercherie littéraire, pastiche d'une littérature épique occitane antérieure, afin d'illustrer quelques familles notables du Toulouse de la fin du Moyen Âge en recherche d'ascendance glorieuse. 
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Le Dictionnaire de rimes languedociennes de Henri-Pascal de Rochegude
Bertrand, Aurélien

Résumé

Le Dictionnaire de rimes languedociennes est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) rédigé vers la fin du XVIIIe siècle.
Riche de plus 13.000 mots, il permet de connaître la prononciation de l’occitan albigeois du temps de Rochegude. Il a probablement été rédigé parallèlement au Recueil de chansons et poésies modernes qui compile des chansons sélectionnées par Rochegude.
Le manuscrit est prêt pour être imprimé mais demeure à ce jour inédit.

Manuscrit du <i> Parnasse occitanien </i> (Roch ms 1), bibliothèque Pierre Amalric (Albi)

Ressources numériques


Documents conservés par la Médiathèque Pierre Amalric (Albi) et présentés individuellements :

 

- Le manuscrit définitif du Dictionnaire de rimes languedociennes

- Dictionnaire de rimes languedociennes (Roch Ms 24)

- Le brouillon manuscrit du Dictionnaire de rimes languedociennes

- Brouillon du Dictionnaire de rimes languedociennes (Roch Ms 23)

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Le Recueil de chansons de Henri-Pascal de Rochegude
Bertrand, Aurélien

Résumé

Le Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) copié vers la fin du XVIIIe siècle. Il contient 210 chansons et 12 pièces en vers d'inspiration, de formes, de tailles et de thématiques très diverses. À quelques exceptions près, toutes les chansons sont rédigées en occitan.

Manuscrit du <i> Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale </i> (Roch ms 9), bibliothèque Pierre Amalric (Albi)

Présentation du contenu

Le Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale est un manuscrit de Henri Pascal de Rochegude (1741-1834) copié vers la fin du XVIIIe siècle. Il contient 210 chansons et 12 pièces en vers d'inspiration, de formes, de tailles et de thématiques très diverses. À quelques exceptions près, toutes les chansons sont rédigées en occitan.
On peut classer les chansons de la manière suivante :

- 157 chansons d'amour, 
- 25 chants religieux, principalement des chants de noël, 
- 9 chansons de table ou à boire
- 11 chansons d'inspiration burlesque 
- 6 chansons au caractère politique (en relation avec les temps révolutionnaires).

L'ensemble des pièces est classé par ordre alphabétique des premiers vers et numéroté chronologiquement dans cet ordre. Pour certaines, une précision sur l'auteur ou la personne qui a inspiré la chanson est indiquée. Quelques titres de chants figurent sans aucun texte : dans ce cas, ils ne sont pas numérotés. Sur plusieurs chants figure la mention "notée", sans qu’aucune partition ne vienne toutefois les compléter.  

Les chansons d'amour 

Sur les 158 chansons d'amour répertoriées, les deux tiers mettent en scène les difficultés des rapports amoureux entre bergers et bergères, souvent sur le thème d'un amour non partagé, pas toujours très sincère mais consciencieusement dramatisé.
Dans certaines d'entre elles, une vingtaine, l'amour est partagé et consommé. La chanson devient allusive et coquine.
Ces chansons sont très caractéristiques de la seconde moitié du XVIIIe où le motif de la pastorale demeure très populaire parmi les nobles et les bourgeois « éclairés » qui y voient une résurgence des amours paysans antiques ainsi que de l’esprit libertin.
Cette sélection délibérée témoigne peut-être du goût personnel de Rochegude.  

Les chants religieux 

Les chants religieux sont majoritairement des « nadalets », chants de Noël. 14 sont du curé de Busque (village de la région de Graulhet), 2 de M. Plomet, prêtre de Montpellier, un du curé de Fresigne, un de Massol dit « le prébendier », 5 d'auteurs non mentionnés.
Deux autres chants sont des « stabat mater », chant sur la Passion. Enfin, une dernière chanson relate le mécontentement d'un curé censuré.  

Les chansons à boire et les chansons burlesques

Ces chansons célèbrent généralement le plaisir du délassement bucolique entre gens de bonne compagnie. 
On retrouve également une algarade entre une femme et son mari ivrogne, deux boutades contre les mouches, une contre les puces, des moqueries contre les uns ou les autres, des chants d’où il est question d'oiseaux et un chant sur la vieillesse et la mort qui bénéficie de références à la culture antique ainsi qu’à la mythologie.  

Les chansons politiques

Ces chansons demeurent difficile à appréhender en l’absence de leur contexte de composition. On y retrouve toutefois :

- un chant évoquant la prolifération des loups en France qui semble s’accélérer depuis la Terreur
- une chanson sur l'opportunisme politique bâtie autour de la figure de la girouette suivant le sens du vent, qu’il soit royal ou républicain 
- une chanson sur les regrets d’habitants de la paroisse de Castres dont le curé, réfractaire, est chassé
- une chanson sur la fidélité à l’église catholique
- une chanson d’amour dédié à une figure difficile à identifier, peut-être Henri IV. 

Les pièces diverses 

Certaines pièces peuvent être classées à part, n’étant pas des chansons. Parmi celles-ci

- Requista del P. Filip Cleric als juges de Besièrs en 1740, sur la saleté des rues de Béziers
- Dins Besièrs de tots temps se veirà de falords, où des prêtres se voient dérober leur déjeuners au cours d’une partie de pêche
- Los gorraus de Pechelicon, sur les figues - los pelegrins d'Emmaüs, traduction de l’Évangile de Luc n°24
- lo conte ditz qu'una cigala, traduction de la fables de la Fontaine « La cigale et la fourmi »
- S'aimatz lo lengatge "patois", un texte humoristique sur les qualitées attribuées à la langue d’oc.

Ressources numériques


Documents conservés par la Médiathèque Pierre Amalric (Albi) et présentés individuellement :

 

- Les manuscrits du Recueil de chansons et autres pièces en langue méridionale

- Recueil de chansons et poésies modernes (Roch Ms 9 a)

- Tables incomplètes du manuscrit 9 a (Roch Ms 9 b)
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Le Glossaire occitanien
Bertrand, Aurélien

Résumé

L’Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (ou Glossaire occitanien) est un lexique occitan médiéval-français, publié de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Parnasse occitanien. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle.

Autres versions du titre

Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (forme complète du titre dans l'édition de 1819)

Manuscrit du <i> Glossaire occitanien </i> (Roch ms 1 bis), bibliothèque Pierre Amalric (Albi)

Présentation du contenu

Pensé comme une aide à la compréhension de la langue d’oc des XIe, XIIe et XIIIe siècles, l'Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours (ou Glossaire occitanien) puise dans les textes littéraires emblématiques de ces époques : la Chanson de la Croisade contre les albigeois, le Bréviaire d’amour, le roman de Gérard de Roussillon, le roman Jaufré, le Traité des vertus et des vices, la Vie de Saint-Honoré de Lérins ainsi qu’un Nouveau Testament.
Il puise également dans les divers dictionnaires en sa possession comme ceux de Pierre Borel (1620?-1671), Gilles Ménage (1613-1692), du Cange (1610-1688), sans en être totalement satisfait, et celui de Boissier de Sauvages (1710-1795) qui lui est le plus utile.

Dans la préface de 18 pages qui ouvre le recueil Rochegude expose sa théorie sur l’origine et l’évolution de la langue d’oc, théorie très proche de celle retenue par la majorité des linguistes contemporains.
Il y affirme que l’occitan n’est pas la langue mère des autres langues romanes et que chaque langue s’est probablement construite en puisant dans le lexique de l’une ou l’autre de ses voisines. Il décrit aussi les phénomènes de diglossie et de substitution linguistique qui expriment l’idée que les langues se substituent les unes aux autres en fonction des rapports de puissance politiques ou économiques qui les lient   

Les manuscrits

La version publiée de l’Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours ne représente qu’une partie du travail effectué par Rochegude. Les manuscrits et versions préparatoires du glossaire sont accessibles ci-dessous.


Ressources numériques


Documents conservés par la Médiathèque Pierre Amalric (Albi) et présentés individuellement :


- Le manuscrit définitif de l'Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours

- Second tome du parnasse occitanien de Henri de Pascal de Rochegude qui contient la version définitive du Glossaire occitanien à partir du feuillet 363 (Roch Ms 1 bis)


- Le manuscrit de la version préparatoire du Glossaire occitaninen

- Glossaire occitanien pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours et des autres ouvrages écrits en cet idiome (Roch ms 17) 


- Les manuscrits des additions et corrections au Glossaire occitaninen

Additions et corrections au glossaire occitanien : aditions et corrections (Roch Ms 18 a)

Additions et corrections au glossaire occitanien : mots à ajouter (Roch Ms 18 b)

Additions et corrections au glossaire occitanien : mots du glossaire occitanien apppuyés, éclairés et confirmés par un ou plusieurs exemples (Roch Ms 18 c)

Additions et corrections au glossaire occitanien : exemples qui sont dans le dictionnaire languedocien de Sauvages (Roch Ms 18 d)



- Les manuscrits des sources littéraires du Glossaire occitanien

- Recueil de textes romans du Nord et du Midi (Roch Ms 2)
-
Recueil des divers ouvrages des XIIIe et XIVe siècles (Roch Ms 4)



- Les manuscrits des listes de mots extraits de sources littéraires et philologiques du Glossaire occitanien

Mots extraits de Beda, partie 1 (Roch Ms 19 a)

- Mots extraits de Beda, partie 2 (Roch Ms 19 b)

Mots tirés du dictionnaire de Sauvages (Roch Ms 19 c)

Mots tirés du Nouveau testament (Roch Ms 19 d)

Mots tirés d'Honorat de Lerins (Roch Ms 19 e)

Glossaire non identifié (Roch Ms 19 f)

Mots provençaux de l'histoire des albigeois, en vers, par de Tudele (Roch Ms 19 g)

Glossaire des mots provençaux extraits des troubadours (Roch Ms 20 a)

Mots absents du dictionnaire languedocien et celui de Sauvages (Roch Ms 20 b)

Mots tirés du banquet d'Augié Gaillard (Roch Ms 20 c)

A la fin des fables causides de La Fontaine en bers gascouns (Roch Ms 20 d)


- Le manuscrit d'un dictionnaire annoté par Rochegude

Dictionnaire méridional annoté par H. de Rochegude (Roch Ms 21)


- Le manuscrit d'un glossaire des troubadours

- Glossaire des troubadours (Roch Ms 27)


Accéder aux versions imprimées du Glossaire occitanien disponibles sur Occitanica.eu

- Édition de 1819


Accéder à toutes les ressources à propos du Parnasse occitanien disponibles sur Occitanica.eu

- Voir la liste des résultats sous ce lien


Ressources bibliographiques

Éditions :

Toulouse : Benichet Cadet, 1819

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Le Parnasse occitanien
Bertrand, Aurélien

Résumé

Le Parnasse occitanien, ou Choix de poésies originales des troubadours, tirées des manuscrits nationaux (ou Parnasse occitanien) est une anthologie de textes de troubadours publiée de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours, paru la même année. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle.

Autres versions du titre

Le parnasse occitanien, ou Choix de poésies originales des troubadours, tirées des manuscrits nationaux (forme complète du titre dans l'édition de 1819)

Manuscrit du <i> Parnasse occitanien </i> (Roch ms 1), bibliothèque Pierre Amalric (Albi)

Présentation du contenu

Le Parnasse occitanien est une anthologie de textes de troubadours publiée de manière anonyme en 1819 par Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), parallèlement à son Essai d'un glossaire occitanien, pour servir à l'intelligence des poésies des troubadours, paru la même année. Il constitue une avancée fondamentale pour l’étude des textes et de la langue des troubadours au XIXe siècle, préfigurant le mouvement dit des « romanistes », appellation donnée aux savants qui étudieront ce sujet à partir du XIXe siècle. 
L’anthologie, prête dès 1797, ne sera publiée que 24 ans plus tard, probablement pour des raisons financières. La version manuscrite de l’anthologie comprend d’ailleurs des copies de textes de plus d’une cinquantaine de troubadours finalement absents de la version imprimée.

Les textes présents dans le Parnasse occitanien sont directement copiés depuis les chansonniers médiévaux ou depuis les copies du philologue Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (dit « Sainte-Palaye) (1697-1781) notamment. Ils sont précédés d’une préface de 18 pages, ainsi que, lorsque cela est possible, de la « vida » (biographie du troubadour) et de la « razo » (explication) du texte copié.  

La préface du Parnasse occitanien permet à Rochegude de présenter et de justifier son regard critique sur les textes qu’il édite ainsi que sur le travail de ces prédécesseurs (Sainte-Palaye et son éditeur l’abbé Millot au XVIIIe siècle mais aussi Jean de Nostredame au XVIe). 
Son travail, bien que salué par la critique en France et en Allemagne, l’autre pays des romanistes, ne connaîtra qu’une ampleur relative comparativement à celle de son correspondant le romaniste François Just Marie Raynouard (1761-1836), établi à Paris.   

Les manuscrits

La version publiée du Parnasse occitanien ne représente qu’une partie du travail d’anthologie. Les versions préparatoires et manuscrits du Parnasse, accompagnés de leur présentation individuelle, sont accessibles ci-dessous.


Ressources numériques


Documents conservés par la Médiathèque Pierre Amalric (Albi) et présentés individuellement :


- Les manuscrits définitifs du Parnasse occitanien

- Accéder au Premier tome du parnasse occitanien de Henri de Pascal de Rochegude (Roch Ms 1)

- Accéder au Second tome du parnasse occitanien de Henri de Pascal de Rochegude (Roch Ms 1 bis)



- Les manuscrits de travail du Parnasse occitanien

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°1 (Roch Ms 10 a)

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°2 (Roch Ms 10 b)

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°3 (Roch Ms 10 c)

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°4 (Roch Ms 10 d)

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°5 (Roch Ms 11)

- Accéder à Le parnasse occitanien, copie de travail n°6 (Roch Ms 12)

- Accéder à Le Parnasse occitanien, copie de travail n°7 (Roch Ms 13)


- Les manuscrits des sources du Parnasse occitanien tirées des collections du philologue Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781) (dit « Sainte-Palaye »)

- Accéder aux Pièces (occitaniennes) tirées des mss. de Ste Palaye (Roch Ms 14 a)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, seconde partie (Roch Ms 14 b)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, troisième partie (Roch Ms 14 c)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, quatrième partie (Roch Ms 14 d)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, cinquième partie (Roch Ms 14 e)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, sixième partie (Roch Ms 14 f)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, septième partie (Roch Ms 14 g)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, huitième partie (Roch Ms 14 h)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, neuvième partie (Roch Ms 14 i)

- Accéder aux Pièces tirées de Sainte-Palaye, dixième partie (Roch Ms 14 j)


- Le manuscrit de la source du Parnasse occitanien tirée des Rasós de trobar du troubadour catalan Ramon Vidal de Besalú

- Accéder à l'Extrait des Rasós de trobar (Roch Ms 15)


- Le manuscrit de la source musicale du Parnasse occitanien tirée du manuscrit dit « chansonnier d'Urfé »

- Accéder aux Airs notés du manuscrit d'Urfé (Roch Ms 16)


Accéder aux versions imprimées du Parnasse occitanien disponibles sur Occitanica.eu

- Édition de 1819


Accéder à toutes les ressources à propos du Parnasse occitanien disponibles sur Occitanica.eu

- Voir la liste des résultats sous ce lien


Ressources bibliographiques

Éditions :

Toulouse : Benichet Cadet, 1819

Genève : Slatkine reprints, 1977

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Lo fablièr occitan de Prosper Estieu, una illustracion de la « convivéncia » per las faulas
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Résumé

En 1930, Prosper Estieu publie un de ses derniers recueils originaux, Lo fablièr occitan qui regroupe des fables du monde entier, traduites en occitan. Bien qu’il n’ait pas été élaboré comme tel, il apparaît comme une émanation originale de l’idée de « convivéncia » dans la littérature occitane du début du XXe siècle.

Référence bibliographique du recueil

Prosper Estieu de face. Archives départementales de l'Aude, fonds Prosper Estieu, cote 120J19

ESTIEU, Prosper. Lo fablièr occitan. Castèlnòudari : Societat d'Edicions Occitanas, 1930, 168 p.

Note d’étude

Lo fablièr occitan est un recueil composé de 72 fables occitanes de 10 à 60 vers, parfois empruntées à Ésope (621-564 av. J.-C.), Phèdre (14-50 ap. J.-C.), au Coran ou au folklore occitan ancien. Il est composé de cinq Libres qui semblent classer les fables par grandes sources d’inspiration. Se côtoient ainsi pêle-mêle des morales et thématiques chrétiennes, musulmanes, païennes ou polythéistes (pour les fables inspirées par Ésope et Phèdre) sans nuire à la cohérence de l’ensemble.

On retrouve dans ces fables l’idée même de la « convivéncia » telle qu’elle est aujourd’hui définie par Alem Surre-Garcia :

« L’art de vivre ensemble dans le respect des différences en termes d’égalité »

La cohabitation d’une multiplicité de cultures n’est guère surprenant dans un tel recueil puisque le genre littéraire de la fable s’est construit sur la tradition de récupération de récits anciens, tout particulièrement avec les oeuvres d’Ésope et de Phèdre.

Au delà des importantes réinterprétations culturelles inhérentes au genre de la fable, Lo fablièr occitan se place également dans la ligne du mouvement Orientaliste alors en vogue en Europe occidentale tant dans le domaine de la littérature que de celui des arts plastiques. Prosper Estieu, sensible à ce mouvement littéraire et artistique s’est très largement inspiré de Victor Hugo, qui s’était lui aussi essayé au genre notamment dans son recueil de poèmes Les Orientales (1829). Prosper Estieu, accompagné de sa famille, devant sa presse d'imprimerie d'où sortent les numéros de la revue <i> Mont-Segur</i>. Archives départementales de l'Aude, fonds Prosper Estieu, cote 120J20


Lo fablièr occitan n’est toutefois pas la seule œuvre de Prosper Estieu à faire écho à la notion de « convivéncia ». En effet, ce dernier se penche sur le Moyen  Âge dès les premiers numéros de la revue Mont-Segur (1901-1904), - qu'il imprime depuis son propre domicile - dans lesquels il établit comme question centrale l’influence de la civilisation médiévale occitane, dont il tente de se rapprocher dans son oeuvre.  

Pour en savoir plus sur Prosper Estieu et son œuvre : http://vidas.occitanica.eu/items/show/2077

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À propos de la chanson de Védrines
CIRDÒC-Mediatèca occitana

En 1912, à l'occasion d'élections législatives extraordinaires dans la circonscription de Limoux, l'aviateur Jules Védrines inspire une chanson en occitan aujourd'hui encore connue et chantée.

Contexte historique et résumé des faits

Lors d’élections extraordinaires au poste de député de la circonscription de Limoux, suite à l’élection d’Étienne Dujardin-Beaumetz comme sénateur de l’Aude, l’aviateur Jules Védrines a été au coeur d’un scandale politique dont on parle encore aujourd’hui.

Collection particulière

En effet, Charles Toussaint Védrines dit Jules Védrines, né le 29 décembre 1881 à Saint-Denis dans le département de la Seine, arrive le 10 mars 1912 à Quillan à l’occasion d’une fête de l’aviation donnée dans cette ville sur invitation du maire Paulin Nicoleau.

À cette occasion, et après avoir rencontré Ernest Ferroul dans son bureau narbonnais, il décide de se présenter aux élections législatives qui doivent avoir lieu le 17 mars 1912 dans la circonscription de Limoux (en atteste sa lettre de dépôt de candidature validée, datée du 11 mars de la même année). C’est alors que commence dans la Haute Vallée de l’Aude une course électorale en avion.

Jules Védrines se présente face à Jean Bonnail, déjà élu depuis de nombreuses années à différents postes (maire et conseiller général). Quatre autres candidats se sont aussi déclarés mais n’ont obtenu que très peu de voix au final (Jean Vidal, Antoine Garrouste, Jacques Faure et Didier Cousturier). En une semaine Védrines parcourt donc toute la circonscription à l’aide de son avion, distribuant même sa profession de foi en la jetant par dessus bord depuis les airs. Dans chaque ville ou village où il atterrit sont organisées des réunions où un public nombreux l’attend pour écouter ses discours, l’atterrissage de son avion étant en soi un événement. Cette semaine de campagne électorale est donc enflammée : les articles de presse, nombreux et très divisés (en fonction du journal dans lequel ils paraissent), les affiches, les chants et les documents préfectoraux témoignent de la vivacité des échanges et de la ferveur que réussit à soulever Jules Védrines alors que Jean Bonnail était largement pressenti pour être élu. La bataille s’annonce donc serrée. Mais au soir du 17 mars 1912, c’est bien Jean Bonnail, candidat du parti radical socialiste et poulain d'Étienne Dujardin-Beaumetz qui est élu par 7691 voix contre 7002 pour Védrines. Le nombre de voix obtenu par chaque candidat est encore aujourd’hui sujet à caution puisque des chiffres différents apparaissent sur les documents officiels consultables.

Suite à l’annonce des résultats une partie de la population se soulève et s'ensuivent des nuits de débordements et d’agitations.

Ces résultats sont confirmés quelques mois après par la Chambre des députés.


Musique

La chanson dite “Chanson de Védrines” a été écrite sur l’air de la Valse Brune (musique de Georges Krier - partition disponible sur le site www.partitionsdechansons.com). Comme beaucoup d’autres chansons de l’époque les paroles étaient posées sur des musiques connues du plus grand nombre (airs d’opérettes, danses, hymne national etc.)

Paroles

Collection particulière

Plusieurs sources attestent de l’écriture des paroles de cette chanson au moment des faits en mars 1912. En effet, un article du Télégramme daté du 21 mars 1912 ainsi qu’un article de L’Éclair du 22 mars 1912 donnent les deux premiers couplets et les deux premiers refrains de la chanson.

Si la chanson dite “Chanson de Védrines” sur l’air de la Valse Brune est la plus connue, il en existe d’autres sur le même thème et écrites à la même époque. Dans les articles de presse de l’époque, il en est une, publiée dans le Télégramme du 17 mars 1912, qui n’apparaît pas dans le chansonnier prêté par M. Vives et qui avait été composée sur l’air du Se canta.

Le chansonnier prêté par M. Vives contient trente-et-une chansons dont cinq sont en occitan (y compris celle dont le texte est donné ci-dessous). Le chansonnier que nous avons pu récupérer et numériser chez M. Vives, héritier d’un cafetier limouxin, n’est quant à lui pas daté mais il n’est composé que de chansons en l’honneur de Jules Védrines. La version donnée dans celui-ci comprend un troisième couplet et un troisième refrain.

En voici sa transcription et sa traduction :

  Occitan : graphie de l'auteur Occitan : graphie classique Français
Titre Bédrino (aire de la Balso bruno) Védrines (aire de la Valse Brune) Védrines (air de la Valse Brune)
Couplet 1 Et qu’es aco que s’entends dins las brumos
Qu’es aquel bruch ?... Es un aousel sans plumo
Qué fa teuf-teuf… Qué rounflo… Qué fumo
Mounto descend et biro coumo bol.
Le cap lebat, nostré poplé frissouno
Serco d’aysels qué pot estre a quel fat
Mé coumo ben de debets Carcassouno
Cant à plein gargalhol
E qu’es aquò que s’entend dins las brumas
Qu’es aquel bruch?... Es un aucèl sens pluma
Que fa tuf-tuf... Que ronfla... Que fuma
Monta descend e vira coma vòl.
Le cap levat, nòstre pòble frissona
Cèrca dels uèlhs que pòt èsser aquel fat
Mas coma ven de devers Carcassona
Canta a plen gargalhòl
Qu’est ce qu’on entend dans les brumes
Quel est ce bruit ? C’est un oiseau sans plume
Qui fait tuf-tuf… Qui ronfle… Qui fume
Monte, descend et tourne comme il veut.
La tête levée notre peuple frissonne
Cherche des yeux qui peut être ce fou
Mais comme il vient de vers Carcassonne
Il chante à pleins poumons
Refrain 1 Ah ?... ço qué brounzino
Y lé courachous Bedrino
Qu’arribo sur sa machino
Coumou passérat,
Pareil à l’esclaïré
Aqui es a soun affaïre !
Quilhat amoun naut din l’aïré
Filo coumou rat.
Ah?... çò (Aquò) que bronzina
Es le coratjós Védrines
Qu'arriba sus sa maquina
Coma un passerat,
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire !
Quilhat amont naut dins l'aire
Fila coma un rat
Ce qui bourdonne
C’est le courageux Védrines
Qui arrive sur sa machine
Comme un moineau
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
Perché là-haut dans les airs
Il file comme un rat.
Couplet 2 Dins le cel bleu et lis coumouo glaco
Aïtats amis aquel punt dins l’espaco
Que paüc à paüc groussis et se desplaço
Qu’aïgidomen escalado tant naut
Es un utis faït de boues et de télos
Per le mena cal pas estre nigaut
Cresé qu’un joun crebara las estelos
Nostre soulel tant naut !
Dins le cèl blau e lis coma una glaça
Gaitats amics aquel punt dins l'espaci
Que pauc a pauc grossís e se desplaça
Qu'aisidament escalada tant naut
Es un utís fait de boès e de telas
Per le menar cal pas èsser nigaud
Cresi qu'un jorn crebarà las estèlas
Nòstre solelh tant naut !
Dans le ciel bleu et lisse comme la glace
Regardez amis ce point dans l’espace
Qui peu à peu grossit et se déplace
Qui habilement escalade si haut
C’est un outil fait de bois et de toile
Pour le conduire il ne faut pas être sot
Je crois qu’un jour il crèvera les étoiles
Notre soleil si haut !
Refrain 2 Le balent Bedrino
A chabal sur sa machino
Dins l’ether pur qué brounzino
Filo coumou rat.
Pareil à l’esclairé
Aqui est as soun affairé
Es quilhat se ten en l’airé
Coumou passerat
Le valent Védrines
A caval sus sa maquina
Dins l'etèr pur que bronzina
Fila coma un rat
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire
Es quilhat se ten en l'aire
Coma un passerat
Le vaillant Védrines
A cheval sur sa machine
Dans l’éther pur qui bourdonne
File comme un rat.
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
Il est perché, il se tient en l’air
Comme un moineau.
Couplet 3 Si les anciens que soun morts à la guerro
Ou dins le leit se lebaboun de terro
Elis can pas jamai saput ço quéro
Que de boula sariou al desespouer.
Lai mas sul cap d’aban pareil miraclé
Estabousit un frissoun dins lé quer
Samagaîrou en criden y lé diablé
Que descend dé l’infer.
Si les ancians que son mòrts a la guèrra
O dins lor lèit se levavan de tèrra
Eles qu'an pas jamai sauput çò qu'èra
Que de volar serián al desesper
Las mans sul cap davant parièr miracle
Estabosits un frisson dins le cuèr
S'amagarián en cridant es le diable
Que descend de l'infèrn.
Si les anciens qui sont morts à la guerre
Ou dans leurs lits se levaient de terre
Eux qui n’ont jamais su ce que c’était
De voler seraient au désespoir.
Les mains sur la tête devant pareil miracle
Stupéfaits, un frisson sur la peau
Se cacheraient en criant c’est le diable
Qui descend de l’enfer.
Refrain 3 Ah ?... ço que brounzino
Y le moutur de Bédrino
Qu’a chabal sur sa machino
Filo coumou rat
Pareil à l’esclaire
Aqui es a soun affaïré
Semblo que nado dins l’aïré
Coumou passerat.
Ah?... çò (Aquò) que bronzina
Es le motor de Védrines
Qu'a caval sus sa maquina
Fila coma un rat
Parièr a l'esclaire
Aquí es a son afaire
Sembla que nada dins l'aire
Coma un passerat.
Ce qui bourdonne
C’est le moteur de Védrines
Qui à cheval sur sa machine
File comme un rat.
Pareil à l’éclair
Là il est à son affaire
On dirait qu’il nage dans les airs
Comme un moineau.

Renseignements au sujet de la création de la chanson

Selon un article paru dans le Télégramme du 27 mars 1912 les paroles de cette chanson auraient été écrites par Gabriel Buche, félibre narbonnais, plusieurs fois récompensé pour ses poèmes, aux Jeux Floraux de Toulouse et de Béziers. Il était aussi le président de la Cigalo Narbouneso.

Néanmoins, d’un autre côté, selon le témoignage que nous avons pu obtenir de M. Louis Vives, détenteur du chansonnier manuscrit contenant la version donnée ci-dessus, il paraît impossible que cette chanson ait pu être écrite par une personne qui ne serait pas de Limoux.

Le mystère demeure donc sur l’identité de l’auteur de ces paroles. Pour le moment aucune preuve formelle n’a pu être découverte confirmant l’une ou l’autre des hypothèses.

Aujourd’hui

Un peu plus de cent ans après, la mémoire de ces événements reste très vive. Il n’est pas rare qu’une sortie du carnaval de Limoux s’en inspire par exemple ; il a par ailleurs été le sujet du spectacle présenté lors du festival limouxin Cuivrée spéciale de 2012 par des enfants des écoles de la communauté de communes. Des articles sont aussi parus dans la presse locale à l’occasion du centenaire de la venue de Védrines dans l’Aude. Un mémoire de recherche de master 2 sur ce sujet a aussi été soutenu en 2014 : "L'afaire Védrines" e autres.
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