Second livre de prose d'Yves Rouquette, mais d'édition antérieure au premier La Paciéncia, Lo poèta es una vaca est un récit d'inspiration autobiographique ayant pour cadre Le Pont (Pont de Camarès), lieu d'origine de l'auteur. Ce sont les souvenirs d'enfance d'Yves Rouquette contés à travers une amitié avec un paysan de l'endroit, Estòqui – le premier qui s'adressa à lui en occitan – qui va devenir son modèle. C'est donc un livre initiatique, articulé autour de ces rencontres ou des rencontres manquées entre l'enfant et le vieil homme, du premier séjour, au temps de la guerre, au retour de l'auteur quelques années après.
Lo poèta es una vaca est l'un des textes qui décrit le mieux l'enracinement d'Yves Rouquette dans ce Rogièr du sud de l'Aveyron, dans ces paysages peints méticuleusement qu'il choisira ensuite pour y finir sa vie. C'est sa fascination pour le travail de la terre, l'âpreté et la difficulté de l'existence dites sans complaisance dans une langue tout en finesse, incisive et rude à la fois, d'une expressivité puissante. C'est aussi l'amour douloureux plein de tendresse pour un monde semblable au grand tronc d'arbre d’Estòqui, géant tombé au milieu du chemin, un temps d'enfance qui s'enfuit. Enfin, c'est une introspection sur le travail d'écriture qui installe complètement l’auteur et pour toujours, porte-parole autoproclamé, "écrivain public", poète-vache au milieu d'un peuple qu'il aime avec passion.
Le titre, quelque peu curieux, vient d'un emprunt à un poète hollandais Geritt Achterberg à qui – avec Jean Boudou – est dédié l'ouvrage.
Le poème traduit par Frédéric Jacques Temple est donné à l'intérieur du livre, mais c'est Marie Rouanet qui nous en livre la clé en quatrième de couverture : "Dans ses yeux (la vache), il y a le paysage creux en attente et dans sa bouche, l’herbe des champs de tout à l'heure, d'une heure plus jeune. Ils ont la grande patience des glaciers. Yves Rouquette, vache ou poète. Il fait revivre les morts et les vivants."
Dans une interview avec Domenja Blanchard, Yves Rouquette disait : "Je n'estime pas nécessaire de connaître la vie d'un écrivain pour expliquer son oeuvre, l'oeuvre est à prendre comme elle est."
Il se fit aussi promoteur d'une écriture occitane extraite de la ruralité. Ce serait donc légitime de s'interroger sur ce qui peut s'apparenter, à travers ce livre, à un reniement, une trahison. C'est Robert Lafont qui nous éclaire en parlant de « souvenirs d’enfance, se situant sur le tracé d’une prose roergate où il nie Mouly et rencontre Boudou. […] il récuse l’embellissement suspect, la complaisance régionaliste. » Yves Rouquette fuit aussi la construction classique d'un roman autobiographique, le lecteur échappe aux « premières fois » et au roman parental, à une chronologie pesante, pour suivre l'auteur seulement où il a choisi de le mener, c’est à dire : « hanter les hauts plateaux de ces mémoires d'hommes qui savent tout sans avoir rien lu d'autre que le livre du temps qu'il fait ».
Lo poèta es una vaca fut salué à sa parution en 1967, dans le premier bulletin du Pen-Club, dans un article non signé mais que nous devons – selon Yves – à Max Rouquette comme « un grand petit livre », un livre de mémoires transfigurées nourries d'enfance, un événement, une consécration de son auteur, « le poète par qui l’ineffable passe à travers le langage » .
Sources principales :
C’est le sixième livre d’Auger Gaillard.
Ce livre est surtout un recueil de requêtes adressées à Catherine de Navarre.
Ernest Nègre suppose qu’il a été imprimé à Pau où Gaillard était censé se trouver à cette époque, mais rien ne permet d’étayer cette hypothèse.
Le document est disponible sur Gallica, Bibliothèque numérique de la BnF
Ladrecht (en occitan, l’adrech est le versant nord d’une montagne) désigne un gisement de charbon au nord d’Alès, dont le principal puits s’appelait Destival. Au moment où cette vidéo est tournée, les charbonnages de France ont décidé la fin de l’exploitation du gisement auquel Destival permettait d’accéder, provoquant une lutte qui a un énorme impact régional. Le film montre ici une marche régionale organisée par la CGT à Alès. C’est l’un des épisodes de cette mobilisation qui sera documentée notamment grâce à l’ouvrage de Claude Mazauric et Jacques Dartigue, Ladrecht (Éditions sociales, 1982). Cet ouvrage revient sur l’histoire du bassin et des luttes ouvrières qui l’ont marqué jusqu’en 1981. Il rappelle en écho les luttes de Decazeville (décembre 1961- février 1962). Justement, l’un des animateurs de la grève de Decazeville, Francis Iffernet, est également engagé dans la lutte de Ladrecht.
Les occitanistes y prennent une part active, notamment lors de l’Université Occitane d’Été de 1980, qui comprend un déplacement à Ladrecht, ou par l’acte symbolique de Robert Lafont posant au fond de la mine le drapeau occitan à côté du drapeau français. La date d’écriture du livre de Mazauric et Dartigue ne leur permet pas de rendre compte de la fin malheureuse qui se produira fin 1984 : après le bassin minier de Decazeville, l’exploitation du charbon cessera en Cévennes comme ailleurs. Et les quelques tentatives de reconversion industrielle n’auront pas empêché le désastre économique et démographique qui a touché toute une région.
Revenons-en à la mobilisation autour de Ladrecht. Mazauric et Dartigue écrivent que, « treize mois durant [du 5 mai 1980 au 11 juin 1981], du fond du puits de Destival, à Alès, des mineurs soutenus par toute une région vont tenir tête à la direction alors giscardienne des Charbonnages de France et au gouvernement dont elle était l’exécutante, se battre pour obtenir la mise en exploitation du gisement de Ladrecht. » L’ouvrage donne également la chronologie des événements. En voici les grandes lignes :
1979
Décembre : création de Radio-Castagne par la CGT d’Alès
29 décembre– 2 janvier 1980 : première occupation du puits de Destival
30 décembre : refus des Charbonnages de France de la proposition CGT d’exploitation de Ladrecht
1980
janvier-mars : débats au Conseil Régional, vote d’un crédit de 11 millions de francs
21/02 : le Comité Régional du PCF décide un rassemblement de masse pour le 10 mai
10/05 : marche « Viure » sur Montpellier
19/07 : rassemblement sur le carreau de Destival à l’appel du PCF, participation des animateurs du manifeste Mon País escorjat, double baptême du mur de Ladrecht par un drapeau français et un drapeau occitan
24/10 : grève nationale dans les mines, marche sur Paris à l’appel de la CGT, marche sur la Préfecture de Nîmes
29/11 : marche régionale CGT sur Alès. C’est cette marche que montre la vidéo, avec un gros plan sur la banderole de tête « Vivre, travailler et décider au Pays », sur des visages d’élus, dont Émile Jourdan, maire communiste de Nîmes.
1981
13/03 : rassemblement CGT à Montpellier, grève générale
22/05 – 11/06 : une négociation CGT/charbonnages de France se conclut par un protocole d’accord qui marque la victoire
13/06 : immense fête à Ladrecht avec un spectacle pyrotechnique offert par la CGT devant la fresque réalisée par des artistes locaux affichant « Parlez de nous ».
1984 : fin de l’exploitation minière des Cévennes.