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Versions occitanes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Escarpit, David
Assié, Benjamin
[imatge id=20512] La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est sans doute le texte le plus célèbre de la Révolution française. Il s’agissait, pour la toute nouvelle Assemblée constituante, de rédiger la liste des droits fondamentaux à partir desquels serait établie la Constitution.
La Déclaration fut adoptée le 26 août 1789 et donna lieu, par sa portée universelle, à de nombreuses traductions, et aussi adaptations, pastiches ou versions, comme la célèbre « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » rédigée et publiée par Olympe de Gouges en 1791.
Dès son adoption, dans un contexte politique favorable à la traduction des textes officiels en langues de France - les historiens ont pu parler de « politique des traductions » pour la première période révolutionnaire marquée par le Décret du 14 janvier 1790 prévoyant que « le pouvoir exécutif fera traduire dans tous les idiomes de la France les décrets de l'Assemblée nationale » - on recense plusieurs traductions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet article dresse l’inventaire les différentes traductions et versions occitanes de la Déclaration des droits de l’homme depuis la Révolution jusqu’aux versions et traductions contemporaines. 

Les traductions de l’époque révolutionnaire

Une grande partie des traductions occitanes des textes officiels, répondant au Décret du 14 janvier 1790 a malheureusement disparu.
Le tarnais Dugas et ses collaborateurs avaient notamment, aux côtés d’autres traducteurs plus occasionnels, produit une centaine de volumes de traduction en occitan de décrets et actes constitutionnels. Seule une partie de ce corpus est conservée aux Archives nationales (AA 32, dossier 963 : traductions des textes et décrets de l’Assemblée nationale en occitan et autres langues de France pendant la Révolution).
La plupart des traductions de la Déclaration des droits de l’homme qui sont parvenues jusqu’à nous s’inscrivent dans ce contexte de la politique des traductions. Cependant, la version la plus célèbre, celle de l’avocat bordelais Bernadau, a été recueillie dans le cadre de l’enquête de l’abbé Grégoire qui prépara son fameux Rapport et qui marquera un tournant de la politique linguistique révolutionnaire à partir de 1793-1794.

La traduction bordelaise de Pierre Bernadau

L’auteur

Pierre Bernadau (1762-1852) est un avocat bordelais, par ailleurs historien de Bordeaux, érudit passionné de biographie et occasionnellement poète d’expression occitane. C’est en tant que membre de la Société des Amis de la Constitution qu’il répond au questionnaire envoyé par l’abbé Grégoire, tout en lui signalant - ironiquement ? - qu’il n’a « saisi qu’imparfaitement le sens des questions [posées] aux patriotes ». Dans sa réponse, Bernadau a le souci de donner à Grégoire un aperçu aussi complet que possible de la réalité de l’occitan parlé à Bordeaux et dans sa région. Il prend l’initiative de joindre à son envoi une traduction de la « sainte Déclaration des droits de l’homme ». Bernadau explique avoir réalisé cette traduction ainsi que celle des « lois municipales » (création des communes le 14 décembre 1789) dans « la langue mitoyenne entre tous les jargons » en usage dans les campagnes autour de Bordeaux. Bernadau dit avoir fait ces premières traductions avec des annotations pour être « très-utiles aux paysans » du Bordelais. La traduction de Bernadau s’inscrit donc dans l’esprit de la période de la « politique des traductions ». L’idée était de rendre intelligible au peuple non francophone les progrès et droits octroyés par la Révolution.

Le document

Il s'agit d'un manuscrit de 11 pages daté de 1790 et contenant la traduction occitane avec le texte français donné en interligne. Il est relié au sein d’un recueil de documents envoyés à l’abbé Grégoire dans le cadre de son enquête sur les « patois » et conservé dans le fonds de l’abbé Grégoire à la Bibliothèque de la Société de Port-Royal (cote : ms. REV 222).

Le texte

« La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Réponse de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, éditée par Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dans : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en ligne sur Gallica

Comme pour de nombreux traducteurs de la période, Bernadau fait d’abord un choix linguistique, cherchant à traduire dans une forme et un niveau de langue occitane compréhensible assez largement par-delà les variations locales. Il choisit l’occitan tel qu'il est parlé à Bordeaux, « langue mitoyenne entre tous les jargons » nous dit-il.
Par sa situation de port et de carrefour, en particulier entre les domaines géolinguistiques gascon et languedocien, l’occitan parlé sur les quais de Bordeaux, où Bernadau a d’ailleurs passé sa vie, est une sorte d’occitan « unifié » de la vallée de la Garonne (c’est l’occitan populaire de Bordeaux que le chansonnier Ulysse Despaux, un siècle après Bernadau, appelle le « pishadèir ») : les Toulousains, Périgourdins, Agenais, Landais, Béarnais, Auvergnats qui se croisaient et se rencontraient sur le port de Bordeaux pouvaient tous comprendre le pishadèir. On y trouve mêlées des formes appartenant aux deux grandes variantes du territoire, comme les démonstratifs aqueth (gascon) et aquel (languedocien). Bernadau utilise les deux indifféremment dans sa traduction.
La traduction de Bernadau est réputée peu fidèle au texte original. L’historien Jacques Godechot en particulier signala que la traduction de Bernadau ne se base pas complètement sur le texte de la Déclaration des droits de l'homme telle qu'elle fut adoptée en 1789, mais sur une paraphrase plus ou moins fidèle de celle-ci. Il est possible que Bernadau, contrairement au provençal Bouche, chercha à rendre intelligible la Déclaration non seulement en la traduisant dans la langue du peuple, mais aussi en reformulant des tournures qu’il jugeait sans doute trop techniques.

Pour le consulter

Consulter le manuscrit original (Bibliothèque de la Société de Port-Royal, ms REV 222) : https://occitanica.eu/items/show/20274

Augustin Gazier (1844-1922), qui dirigeait la bibliothèque de la Société de Port-Royal, a publié dans la Revue des langues romanes de 1874 à 1879 l’intégralité de la réponse de Bernadau à Grégoire, incluant la traductionde la Déclaration des droits de l'homme.
Consulter l’édition d’Augustin Dazier dans la Revue des langues romanes : https://occitanica.eu/items/show/5126
Consulter la version manuscrite de l’édition d'Augustin Dazier : https://occitanica.eu/items/show/19881

Autres traductions révolutionnaires

Pour être la plus célèbre, la traduction de Bernadau n’est pas la seule réalisée à l’époque révolutionnaire pour le domaine occitan.

La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche (1792)

[imatge id=20312] Charles-François Bouche (1737-1795), homme politique aixois très actif pendant la période révolutionnaire, député du Tiers aux États généraux puis à l'Assemblée nationale, fait imprimer  en 1792 sur les presses de l’Imprimerie nationale La constitution française traduite conformément aux décrets de l'Assemblée-nationale-constituante en langue provençale et présentée à l'Assemblée-nationale-législative. On y trouve en préambule une traduction en provençal de la déclaration.
Comme Bernadau, Bouche cherche une forme d'occitan provençal de large communication. En revanche, à la différence de l'avocat bordelais, sa traduction de la Déclaration des droits de l'homme est jugée de piètre qualité sur le plan de la langue employée. Sans doute par respect excessif pour la « sacralité » du texte français original et aussi peut-être par la difficulté de traduire des notions et tournures très techniques pour un locuteur et érudit provençal de la fin du XVIIIe siècle, le texte de Bouche est davantage une sorte de provençalisation du texte français plutôt qu'une réelle traduction. 

En savoir plus sur La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche.  

Traductions perdues 

L’existence d’autres versions de la Déclaration des droits de l'homme en occitan est attestée bien que les documents soient aujourd'hui introuvables ou définitivement perdus. La sociolinguiste Brigit Schlieben Lange, spécialiste de l'occitan pendant la période révolutionnaire, mentionne dans un article de la revue Lengas la version d’un certain Larrouy en parler du Béarn et datée de 1790. Il est probable que cette version soit conservée dans le fonds AA32 des Archives nationales.
De même le Dictionnaire des usages socio-politiques : 1770-1815, fas. 5 : Langue, occitan, usages (Paris : Klincksieck, 1991) cite une traduction occitane de la Déclaration attestée à Saint-Nicolas-de-la-Grave, non loin de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) via un document témoignant qu'elle avait été lue et commentée en langue vulgaire avec la Constitution afin de les rendre intelligibles à tous les citoyens.
À Gap, un certain Farnaud écrit aux administrateurs du Département des Hautes-Alpes pour leur signaler sa traduction de  la Déclaration et de la Constitution en « langage vulgaire ou patois de ce pays. » Il peut s'agir de Pierre-Antoine Farnaud (1766-1842) qui fut secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes sous l'Empire. Il est connu pour être l’auteur d’un « Noël patois » composé pour le préfet Ladoucette, célébrant Napoléon, et chanté lors de la messe de minuit 1806, ou plutôt de son père Joseph-Antoine Farnaud (1731-1817), qui a été décrit comme amateur de langues. En effet, dans la lettre, Farnaud dit avoir traduit la constitution aussi en latin, espagnol, portugais et italien. La texte de la traduction de Faraud n'est malheureusement pas conservé avec la lettre aux Archives départementales des Hautes-Alpes (L 417).
Enfin, René Merle, dans sa thèse sur l'Écriture du provençal de 1775 à 1840 (Béziers : CIDO, 1990) cite la demande d'une traduction en provençal à Aix le 7 novembre 1790 : « on réclame la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme en langue provençale. La proposition est mise aux voix et adoptée. » En dépit de virulentes oppositions, nous dit René Merle, une traduction fut réalisée en provençal à la demande des citoyens aixois. Il est possible qu’il s’agisse de celle de Charles-François Bouche, qu'il fit imprimer en 1792.

Adaptations littéraires

La Déclaration versifiée en provençal par Félix Gras (1896)

[imatge id=20513] L'écrivain Félix Gras (1844-1901), le « le félibre rouge », propose une version de la Déclaration des droits de l'homme en provençal dans son roman historique Li Rouge dóu Miejour (= Les Rouges du Midi, Avignoun : J. Roumanille, 1896).  ll s’agit en réalité d’un court extrait qui, dans le récit, est porté en pancarte et déclamé par un fédéré de Marseille en route pour Paris. Seul le premier vers est, en réalité, inspiré de la Déclaration : Lis ome naisson libre e soun tóutis egau. La suite est un texte patriotique qui reprend les principes de la Révolution.

Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !

Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion ! 

Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé : éditions des régionalismes, 2016.
Consulter le texte dans l'édition originale sur Gallica.

La version théâtrale d'André Benedetto (1976)

André Benedetto (1934-2009), comédien, auteur et metteur en scène a inséré un fragment de la Déclaration des droits de l'homme traduite en occitan dans sa pièce Les Drapiers jacobins (Nouvelle compagnie du théâtre des Carmes d'Avignon, création en 1976 pour le festival de Montauban).
Les Drapiers jacobins est une réflexion très influencée par Félix Castan sur la question de l'unité nationale pendant la Révolution et une critique de la construction de la « nation jacobine », bourgeoise et destructrice des cultures populaires en raison du contenu de classe. 
Il attribue au personnage du révolutionnaire montalbanais Gautier-Sauzin, dont il fait un fervent robespierriste, une traduction occitane de la Déclaration des droits de l'homme. Si Antoine Gautier-Sauzin a bien existé, on ne sait en réalité pas grand-chose. Il est l'auteur d'une pétition conservée aux Archives nationales contenant un véritable programme d'instruction publique en occitan intitulé « Réflexions sur le genre d’instruction publique qui conviendrait à nos campagnes méridionales »  Le caractère exceptionnel de cette pétition en a fait le point de départ de la pièce de Benedetto. Cependant la traduction de la Déclaration des droits de l'homme est une pure invention théâtrale.  André Benedetto donne d'ailleurs le nom de la traductrice, Marie-Charlotte Chamoux. Il reprend également à la tirade suivante la version versifiée de Félix Gras. 

Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :
«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat.
Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »

André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dans Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.

Traductions contemporaines

La Déclaration de 1789 a été à plusieurs reprises réécrite et complétée (1792, 1795, 1848…) avant d’être considérée comme un texte constitutionnel français de plein droit. Son inspiration est patente dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies le 10 décembre 1948. La portée universelle de cette dernière impliquant qu’elle soit traduite dans toutes les langues du monde, officielles ou non, plusieurs traductions occitanes furent réalisées en 1998 :

La Déclaration universelle des droits de l’homme en occitan (languedocien, graphie classique) 

Consulter en ligne sur le du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1

Sur le même site on trouve aussi une traduction en auvergnat (graphie dite Bonneau) :  https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1

La traduction des élèves du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique 

Publiée dans le n° 35 de la revue pédagogique Lenga e país d’òc, cette traduction en occitan languedocien a été réalisée par la classe de 4e bilingue du collège Jean-Jaurès de Saint-Affrique (Aveyron) dans le cadre d’un travail d’éducation civique.
Consulter le texte : https://occitanica.eu/items/show/20514

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La Constitution française par Charles-François Bouche (1792) : une traduction provençale de la Constitution de 1791
Assié, Benjamin
Cet imprimé révolutionnaire en occitan, bien que sorti des presses de l’Imprimerie nationale en 1792, n’est pas exactement un imprimé officiel. Si elle répond au décret du 14 janvier 1790 prévoyant la traduction des lois et décrets « dans tous les idiomes qu’on parle dans les différentes parties de la France... », cette traduction de la Constitution de 1791 en occitan provençal reste une initiative personnelle du député aixois Charles-François Bouche qui obtient cependant, cas rare si ce n’est unique pour ce type de document, qu’il soit imprimé par l’Imprimerie nationale. En effet, la très grande majorité des traductions des actes officiels répondant au décret de 1790 est restée à l’état de manuscrits, et pour une grande partie, semble perdue. [imatge id=20315]

Le document

Référence

La counstitucién francézo, traducho, counfourmamén eis Décrèts dé l’Assémblado naciounalo counstituanto, én lénguo prouvénçalo, é préséntado à l’Assémblado naciounalo législativo / par Charlé-Francés Bouche… Dins Paris : dé l’imprimarié naciounalo. 1792 = La constitution française, traduite, conformément aux Décrets de l’Assemblée nationale constituante, en langue provençale, et présentée à l’Assemblée nationale législative / par Charles François Bouche… A Paris : de l’imprimerie nationale. 1792.

Description physique

XV - 271 p., in-16 (15 cm).

Exemplaires connus

On connaît moins de dix exemplaires conservés de la Counstitucién francézo, ce qui révèle sans doute un assez faible tirage. L’inventaire du texte occitan de la période révolutionnaire de François Pic recense neuf exemplaires connus :

  • Archives nationales : AD/I/45
Exemplaire contenant une note manuscrite. Pas de description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Bibliothèque nationale de France : 8-LE3-291
Description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Bibliothèque interuniversitaire de La Sorbonne : HFR6-43
Description en ligne. Consultable en ligne. 

  • Bibliothèque de Marseille : 7227
Description en ligne. Non consultable en ligne. 

  • Aix-en-Provence, Musée Arbaud Aix-en-Provence : R.41
Pas de description en ligne. Non consultable en ligne.

  • Chicago, Newberry Library : coll. Bonaparte 4239
Description en ligne. Non consultable en ligne. 

  • Collections privées : Les trois autres exemplaires mentionnés sont dans des collections privées.

Documentation complémentaire 

Lettre de Charles-François Bouche à la municipalité d’Aix, Paris, le 8 juillet 1792. Archives municipales d’Aix-en-Provence, LL 314.
Cette lettre accompagne l’envoi de sa traduction imprimée à la municipalité. Il y donne des informations intéressantes sur la difficulté de réalisation : « Vous trouverez beaucoup d’imperfections dans cette traduction. Quelques-unes viennent de moi, sans doute ; mais beaucoup s’y sont glissées par la faute du compositeur qui ne savait pas bien lire et prononcer. Ce compositeur, c’est un Italien, le seul ouvrier qu’après trois mois de recherches, j’aie pu trouver dans cette ville, capable, jusqu’à un certain point, de ce genre de travail. »

L’auteur et l’œuvre

Charles-François Bouche

[imatge id=20312] Député d’Aix, Charles-François Bouche (1737-1795) est originaire des Alpes-de-Haute-Provence (Allemagne-en-Provence). Il est élu député du Tiers-État à Aix pour les États Généraux de 1789. Il devient maire d’Aix en 1790. Il était membre de l’Assemblée lors de l’adoption de la Constitution le 3 septembre 1791. Il meurt en 1795 à Paris. Ardent partisan de la Révolution dès 1789, il s’illustre en particulier pour le rattachement du Comtat venaissin à la France et la défense de la ville d’Aix face à Marseille dans le nouveau découpage départemental.
Petit-neveu d’Honoré Bouche (1599-1671), historien de la Provence, il est lui-même l’auteur d’un Essai sur l’histoire de la Provence (Marseille : Jean Mossy père et fils, 2 vol., 1785) et de plusieurs articles dans le Dictionnaire des hommes illustres de Provence de Claude-François Achard (1751-1809), auteur d’un Vocabulaire français-provençal. Bouche est donc un érudit provençal bénéficiant d'une certain culture linguistique voire philologique. 

Le contexte : la « politique des traductions (1790-1793) »

On connaît assez bien les intentions et le contexte de production de la Counstitucién francézo grâce à la lettre-préface que C.-F. Bouche publie en provençal en introduction de sa traduction : « Eis habitans deis déspartaméns deis Bouquous-daou-Rhôné, daou Var é deis Bassos-Alpos » [Lettre-préface de C.-F. Bouche]
Bouche inscrit son travail dans le sillage du décret de 1790 et donne un bon témoignage de ce que fut la réalité de ce que certains historiens à la suite de Ferdinand Brunot ont appelé « la politique des traductions » pour caractériser une période de débats et de positions relativement libérales sur la question de la pluralité linguistique possible dans la communication officielle qui a marqué les débuts de la Révolution. Ce moment s’achève en 1793-1794 avec la mise en place de la politique linguistique « d’éradication des patois » autour du Rapport de l’abbé Grégoire.
Comme chez l’avocat bordelais Bernadau qui traduit la « sainte » Déclaration des droits de l’homme, Bouche n’hésite pas à sacraliser l’Assemblée nationale et ses décrets, parlant dans son adresse aux Provençaux de « vouëstro benfactrisso é l’évangélisto daou moundé... ». Parmi l’œuvre bienfaitrice de ce nouveau régime : l’intention d’instruire le peuple non francophone et de contrer les fausses informations et mauvaises traductions censées être véhiculées par les adversaires de l’Assemblée.
Il met également à jour les difficultés de mise en œuvre qui ruinèrent au moins autant que les oppositions politiques la politique dite « des traductions » : il se décide à traduire et faire publier lui-même une traduction de la Constitution en constatant que personne d’autre n’en prend l’initiative. Dans sa Lettre à la municipalité d’Aix, Paris du 8 juillet 1792 (Archives municipales d’Aix-en-Provence, voir ci-dessus) il dit tout le mal qu'il a eu à trouver un compositeur compétent pour préparer l’impression du texte et les nombreuses erreurs qui en découlent.
Enfin, comme d’autres traducteurs, Bernadau en particulier, il fait preuve d'une réflexion sur la langue à employer dans sa traduction, recherchant une forme « unifiée » qui puisse être comprise par une population assez large, en dépit des parlers et variations locales : « dins aquesto traduccién, n’ai pas trabailla per leis habitans d’un cantoun, puleou qué d’un aoutré. Ai agu én visto touteis leis prouvénçaoux, é, én counséquansso, me siou sarvi daou léngagi lou pu généralamén réspéndu, aquo és-à-diré, d’aquéou qué l’o coumprén partou...»

Le contenu : une traduction jugée médiocre 

L’ouvrage de Charles-François Bouche s’ouvre par une lettre-préface en provençal, dans laquelle le député s'adresse à ses concitoyens et expose ses intentions. Il donne ensuite la traduction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, texte original français en page de gauche gauche, traduction provençale à droite. Il fait de même pour le texte de la Constitution de 1791. Ces actes officiels sont suivis de plusieurs documents que Charles-François Bouche rajoute : La lettre du Roi acceptant la Constitution, datée du 13 septembre 1791, le procès-verbal de la séance de l'Assemblée nationale du 14 septembre 1791, la réponse du Président de l’Assemblée au Roi.
La traduction de la Déclaration et de la Constitution a souvent été jugée médiocre. On a pu évoquer le problème de la technicité du lexique des actes constitutionnels et du formalisme du style, comme difficulté pour un Provençal du XVIIIe siècle, bon connaisseur de l’histoire et de la littérature provençales, mais maniant une langue peu maîtrisée dans sa syntaxe et sa lexicographie pour restituer une traduction qui ne soit pas une simple provençalisation du texte français. En bon Patriote sacralisant ces textes (Déclaration et Constitution), il a aussi pu faire preuve de prudence et vouloir respecter à l’excès le texte original français (à l’inverse de Bernadau pour la version bordelaise qui prend de grandes libertés par rapport à l'original). Bouche avoue lui-même dans sa lettre-préface avoir cherché à transposer aussi littéralement que possible. En revanche, dans sa traduction des lettres du Roi et du Président de l’Assemblée, dont les textes sont moins techniques, le député aixois montre sa connaissance et ses capacités à traduire dans un provençal plus riche et plus naturel.

Éditions et études

La Counstitucién francézo n’a jamais fait l’objet d’édition intégrale.
La plus importante se trouve dans :
  • Claude MAURON, EMMANUELLI François-Xavier (dir.), Textes politiques de l’époque révolutionnaire en langue provençale, I, Textes en prose (Discours - Adresses - Traductions), Saint-Rémy de Provence : Centre de recherches et d’études méridionales, 1986.