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Trobairitz en Gevaudan
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

L'Occitanie accueille au XIIe et XIIIe siècles, un renouveau littéraire initié par le duc d'Aquitaine et premier troubadour, Guillaume IX de Poitiers. Cet art du trobar, acquiert progressivement, et en langue d'oc, ses lettres de noblesse. Trobadors et trobairitz, leurs consœurs, chantent durant ces deux siècles qui constituent l'âge d'or de cette lyrique, fin'amor, joi et joven (amour raffiné, joie d'amour et jeunesse).

 

I/ Lozère, terre de Trobar

Le souvenir de ces poètes médiévaux est parvenu jusqu'à nous grâce à un ensemble de textes, appelés chansonniers, dont les principaux intitulés H et W sont respectivement conservés au Vatican (Rome) et à la Bibliothèque nationale de France (Paris). On conserve également des Vidas e Razòs, courts textes biographiques accompagnant les poésies et qui donnent quelques éclaircissements sur l'origine et l'existence de leurs auteurs. Ces écrits dressent la liste de pas moins de 2500 troubadours et d'une vingtaine de trobairitz.

Terre occitane, le Gévaudan est également terre de troubadours et de trobairitz. Ces mêmes sources évoquent pour ce seul territoire - dont les contours dépassent aujourd'hui le département administratif de la Lozère en débordant également sur l'Ardèche ou le Gard -, un ensemble d'au moins quatorze troubadours dont quatre femmes, se répartissant autour de 1180, en deux fécondes générations d'écrivains. Garin le Brun, Guillem Gasmar, Grimoart Gausmar, Garin d'Apcher ou Torcafol, débutent leur création alors que e courant ouvert par le poitevin Guillaume IX, duc d'Aquitaine, est déjà bien établi. Leur production témoigne de l'accomplissement rencontré par cette littérature.

Au regard de l'abondante œuvre laissée par leurs confrères masculins, les quelques chansons écrites par des trobairitz gévaudanaises semblent un bien maigre ensemble. Elles n'en demeurent pas moins un témoignage d'exception quant à la place des femmes de ce temps et de cette aire, l'Occitanie. Notons d'ailleurs l'importance, comparativement à l'ensemble d'une vingtaine de noms connus seulement pour tout le monde occitan, des trobairitz du Gévaudan, au nombre de quatre.

 

II/ Voix de femmes en Occitanie

Contrairement à la prose des troubadours, celle des trobairitz, quantitativement moindre il est vrai face à un ensemble de plus de deux mille voix, fut longtemps reléguée au second plan. Le tournant des années 1970, à la faveur des différents mouvements féministes, puis les analystes contemporains ont permis de revenir sur ce pan de la lyrique troubadouresque, d'en étudier les particularités, l'origine de leurs auteurs... définir dans les faits s'il existe une voix féminine du trobar différente d'une langue que l'on pourrait dire "masculine".

Le portrait général des femmes que dressent les biographies des Vidas, est assez succinct. Rédigés bien souvent de façon postérieure à la mort de leurs sujets, ils sont dans le cas des trobairitz limités à quelques lignes, quand ces dames ne figurent pas uniquement dans la Vida oula Razò d'un troubadour qui fut l'un de leurs proches ou avec lequel elles dialoguèrent. A travers les vingt portraits de femmes connus, un portrait-type, que des sources nouvelles pourraient conduire à modifier, semble se dégager. Les femmes prenant la plume, furent principalement de noble extraction. En dépit d'une situation relativement privilégiées en Occitanie, espace qui leur accorde un certain nombre de droits, tel celui d'hériter, il est à noter que ces poétesses s'expriment en un temps, le Haut Moyen Âge, qui demeure peu favorable à la gent féminine. Avoir la possibilité de coucher sur le papier leurs idées et leurs « amours », puisque tel est le principal sujet de débat, demeure le fait d'une poignée de femmes socialement favorisées. Les thèmes qu'elles abordent sont communs à leurs homologues masculins : fin'amorjoi et joven y trouvent ainsi une place de choix, avec peut-être un regard et surtout, une posture dans l'échange amoureux, quelque peu différents.

 

III/ Voix de femmes en Lozère

  • Voix de femmes en Lozère

     

Hasard des sources ou véritable symbole d'une situation particulière à cet espace, le Gévaudan accueillit un quart des trobairitz répertoriées à ce jour, la plupart d'entre elles appartenant par ailleurs à la seconde génération des troubadours gévaudanais. La prudence demeure de mise face à cette production vieille de plusieurs siècles, et pour cela soumise aux aléas du temps et de la destruction. Ces trobairitz gévaudanaises sont donc au nombre de quatre : Almucs de Castelnou ou Almoïs de Châteauneuf (selon les commentateurs), Iseut de Chapieu ou Iseu de Captio, Azalaïs d'Altier et Na Castelloza, cette dernière s'installant en Gévaudan après son mariage.

Moins connues que leurs homologues masculins, dont Perdigon, auteur originaire de Lespéron, aux environs de Langogne (aujourd'hui administrativement située en Ardèche), ou Garin d'Apchier ; nous savons en définitive peu de choses des trobairitz de cette zone, dont peu de pièces et de maigres biographies constituent les uniques traces. Laissons de côté Azalaïs d'Altier, demoiselle issue de la noble famille du même nom et connue par son salut à Clara d'Anduze, pour étudier plus en détails ses trois comparses, très vraisemblablement contemporaines comme le suggèrent leurs écrits.

 

  • Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu

Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu sont principalement connues du fait des échanges épistolaires qu'elles entretinrent. Toutes deux sont originaires d'une région voisine.

Almoïs de Châteauneuf serait en effet issue de la famille de Châteauneuf-Randon, résidant dans le captium du même nom à quelques kilomètres de Langogne sur la route en direction de Mende, un château rendu célèbre par le chevalier Du-Guesclin mort à cet endroit. Nous la connaissons principalement par une courte biographie présentée dans le chansonnier H conservé au Vatican à Rome. Un acte d'hommage datant de 1219 et relatif au seigneur de Châteauneuf, le dénommé Guillaume, indique que la mère de celui-ci portait le nom d'Almoïs. Clovis Brunel et avec lui d'autres historiens, on fait depuis le rapprochement entre la trobairitz et la noble dame. (cf. TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982. Pp.67-70, et BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916).

Iseut de Chapiu ou Iseu de Captio. Les commentateurs voient en elle une dame de Chapieu, du nom d'un château situé alors sur le Causse de Mende et aujourd'hui en ruines. Trobairitz de la seconde génération également, elle aurait produit ses pièces entre 1187 et 1250 environ.

Dans le cadre de la tenson qui les réunit ( tenson = dialogue poétique), Iseut de Chapieu endosse le rôle de médiatrice entre Almoïs et son amant, dénommé Guigue de Torna ou de Tournel en fonction des commentateurs et qui fut peut-être, un parent de la demoiselle de Chapieu. Les seigneurs de Tournel portèrent en effet successivement les titres de Villaforti (de Villefort), de Capione (de Chapieu), leur préférant à compter du XIIIe siècle celui de Tornello (Tournel). (cf. Clovis Brunel, ibid.).

Le dialogue ouvert par Iseut se compose d'une seule cobla (couplet), précédée d'une Razò, fragments épars d'une œuvre possiblement plus vaste mais désormais perdue. Iseut prend la défense du sieur Guigue, accusé par sa maîtresse de trahison. Les échanges par leur tonalité suggèrent une proximité entre les deux femmes qui dépasse le simple échange épistolaire. Le langage s'y fait plus direct, le ton et le style en sont quoi qu'il en soit riches et soutenus.

Toute question demandant réponse, Almoïs prend à son tour sa plume afin de justifier sa position face à cet amant rejeté. Son couplet nous révèle un peu plus l'histoire amoureuse qui se trame derrière ces quelques lignes. Elle y engage son amant à demander pardon d'une faute, la tromperie, particulièrement mal perçue par la société occitane de l'époque. Nous ne possédons de cette dame qu'une œuvre unique, insuffisante pour connaître la finalité de cette médiation.



  • Na Castelloza

La vie et l’œuvre de Na Castelloza, originaire d'Auvergne, est dans les faits liée au Gévaudan et à ses poétesses qui furent ses contemporaines et ses interlocutrices. Dans « Ja de chantar non degr'aver talan », elle entame ainsi un dialogue avec une « Dompna N'Almueis », qui ne serait autre que la dame de Châteauneuf.

Mariée à Turc de Mairona, de Meyronne en Gévaudan (Haute-Loire), Na Castelloza a laissé à la postérité au moins trois écrits. Contrairement à la position de la Domna, dominatrice et indépendante, adoptée notamment par Almoïs de Châteauneuf, elle laisse pour sa part le portrait d'une dame soumise et implorante vis-à-vis de son amant. 

La littérature médiévale en Gévaudan fut comme ailleurs en Occitanie, particulièrement florissante durant l'âge d'or du Trobar. De ces troubadours demeurent quelques images, chansons et des noms, liés aux domaines de ces seigneurs et poètes.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Petite anthologie des écrivains lozériens de langue d'oc. [Mende] : s.n., impr.1982.

ANATOLE, Christian, "Las trobairitz" in Lo Gai Saber n°394, avril 1979.

BEC, Pierre, Chants d'amour des femmes-troubadours. Paris, Stock, 1995.

BOGIN, Meg. Les femmes troubadours. Paris, Denoël/Gonthier, 1978.

BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916.

GIRAUDON , Liliane, ROUBAUD, Jacques. Les Trobairitz. Les femmes dans la lyrique occitane. Paris,Action poétique, 1978.

LAFONT, Robert ; ANATOLE, Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, P.U.F. 1970.

NELLI, René, Ecrivains anticonformistes du moyen-âge occitan. La femme et l'Amour. Anthologie bilingue, Paris, Phébus, 1977.

REMIZE, Félix. Biographies lozériennes : les noms célébres du pays de Gévaudan. Le Coteau-Roanne, Horvath, 1989.

SOUTOU, A. « L'enracinement des troubadours : Bertran de Marseille et le terroir de Ste-Enimie (Lozère » in Annales de l'Institut d'études occitanes 0180-4200 ; N° 18, 1954. Pp. 29-33.

TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982.

VASCHALDE, Henry. Histoire des troubadours du Vivarais et du Gévaudan. Paris, Maisonneuve et Ch. Leclerc, 1889.

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Gargantua
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Gargantua es aqueste eròi gigantàs e legendari, que percorreguèt França al fial de las cronicas e que Rabelais se n'inspirèt per crear lo personatge de sos recits literaris (La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme, 1534).

1/ La legenda conta que...

Aqueste personatge mitic a de caracteristicas que lo rendon aisidament identificable, e que se sarran de las d'una autra figura « d'òme salvatge », Joan de l'ors. Aquestes gigants an un brave apetís e una barba druda. Gargantua se fa tanben remarcar per sa maladreça e son caractèr barrutlaire. La legenda vòl qu'aja percorregut lo campèstre, transformant lo païsatge sus son passatge al fial de sos repaisses (e de sas dejeccions), de sòbras laissadas per sas bòtas, de calhaus escampats per jòc... Li arriba quitament d'agotar de ribièras quand a set ! Aquel apetís insadolable illustrariá l'apetís que marca lo periòde seguent las dificultats de la pèsta e de la guèrra de Cent Ans (fin del sègle XV, debuta del sègle XVI). Malbiaissut, mas pas jamai marrit intencionalament, Gargantua es un eròi popular, un golarut que sas aventuras, de còps escatologicas, fan rire lo grand public de l'epòca. Los recits legendaris sus sa naissença dison que seriá nascut de personas de talha inferiora a la mejana e que, al contrari, el, auriá conegut un creis plan important. Per çò qu'es de Rabelais, afortís que son personatge de Gargantua seriá nascut un tres de febrièr (e d'autres autors o pensan tanben) en sortissent de l'aurelha esquèrra de sa maire. Aquesta data de naissença e son caractèr absurde lo sarran de l'esperit carnavalesc que los recits ne son embugats e que ne partejan ja la foncion catartica.

2/ Istoric de las practicas, fòcus sus Langonha.

Se la vila s'atribuís Gargantua coma eròi fondator, en se basant segurament suls prepausses de Felix Viallet, aquò's degut en part a un episòdi legendari que s'i seriá debanat. Fach pro rar, lo sang de Gargantua i auriá rajat, en seguida d'una nafradura al det, colorant aital las tèrras a l'entorn. Mas cal pas doblidar que Langonha, a la fin del sègle XV, es una vila situada a la crosada dels camins de comèrci, amb una fièra famosa e atractiva. Aital, recep aquesta literatura de còlportatge que Gargantua n'es un dels « best-sellers ». Cal pasmens esperar lo sègle XIX per veire aparéisser lo cap gigant de Gargantua que las cartas postalas ancianas de Langonha ne perpetuan lo sovenir. Aqueste es mostrat dins l'encastre del cortègi de carris florits que desfilan per la ciutat. Un cap monumental, que mesura mai o mens tres mètres cinquanta. Amai, es articulat, sos uèlhs e sa boca semblan prene vida e convidar los estajants a la fèsta. Mas doblidem pas que Gargantua es pas l'eròi d'una region en particular, tant los recits de còlportatge li fan percórrer e transformar los païsatges de França.

3/ Las practicas actualas a l'entorn de Gargantua.

Amai siá eissida d'una literatura en màger part orala, la legenda de Gargantua contunha de viure encara a l'ora d'ara. Aquò's lo cas, per exemple, en Losera, dins la vila de Langonha (« Lo país de Gargantua ») que i festejan lo gigant dempuèi 1884. E se las sortidas de « Gargantua » del 1èr d'agost s'arrestèron a l'entorn de 1978, son cap tornèt sortir un primièr còp en 2000, e dempuèi, torna participar als passa-carrièras de carris carnavalescs. Se remarca tanben a Langonha la creacion recenta de la confrariá del Manouls Langonais de Gargantua, que met en lum aquesta especialitat culinària de tombadas de moton e de vedèl (los manols) mas tanben la confisariá sonada « La Gargantille ». E dempuèi lo 7 d'abril de 2000, Langonha ten lo recòrd del mond de la salsissa la mai longa : 23 160 m tot bèl just. Un còp de mai en omenatge a Gargantua.

4/ La transmission d'ièr e d'uèi.

Los primièrs recits de literatura orala sus la figura de Gargantua e dels gigants en general espelisson en França a partir de l'Edat Mejana, per conéisser fin finala una capitada bèla al sègle XVI. Creis lo nombre de cronicas oralas, tan coma aquel dels obratges escriches, a la seguida de Rabelais. En 1675, pareisson aital Les Chroniques du Roy Gargantua, cousin du très redouté Gallimassue e en 1715, es publicada la Vie du fameux Gargantua, fils de Briarée et de Gargantine. D'uèi, la legenda de Gargantua se transmet d'un biais diferent, en acòrd amb las modalitats actualas de partatge de las coneissenças. Se trapan aital de sites internet que li son dedicats, e existís quitament sus Facebook un #Gargantua.

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Lo Polin de Pesenàs
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

Es amb los gigants del nòrd que lo Polin de Pesenàs foguèt classat a l'UNÈSCO en 2005. Pasmens, es de constatar la frequéncia e l'abondància d'aquestes animals totemics dins lo sud de França en general e dins lo Bas-Lengadòc en particulièr.

1/ Lo Polin, caval de fusta e de tela

Lo Polin de Pesenàs, caval de fusta e de tela

L'estructura del polin de Pesenàs es similara a tantes autres exemples de cavals de fusta. Era a l'origina faita de fusta, probablament de castanhièr, cobèrta d'una ampla tela blava que portava d'emblèmas que cambièron en foncion de las evolucions politicas.

La tela blava del Polin afica aital en alternància las colors de la reialtat, de la Republica o las abelhas imperialas. Lo Polin recampant darrièr el la comunautat picenesa (los piceneses son los estatjants de Pesenàs), suscitant a l'encòp paur e atraccion sus la populacion, foguèt d'alhors victima de sa foncion simbolica al moment de la Revolucion Francesa. Alara assimilat a la reialtat (sa legenda lo restacava en efècte a aqueste regim) lo polin foguèt aital cremat en 1789.

L'estructura ela-meteissa a tanben evoluit dins lo temps. A comptar de 1989, l'alumini mai leugièr, remplaça l'armadura de fusta pesuga. Lo polin pren alara lo camin d'Índia al costat d'autras figuras totemicas entre las qualas la Tarasca de Tarascon, per tal de representar las tradicions francesas a Bombay e New Delhi dins l'encastre de l'annada de França en Índia.

Una figura emblematica

Lo Polin figura dempuèi 2005 al classament del patrimòni oral e immaterial de l'umanitat de l'UNÈSCO, dins l'encastre d'una reconeissença comuna a la França e a la Belgica, de lors gigants e figuras totemicas.

Chivalets, chivaus-frus, caval dragon, trèva-caval... son de fait tantas manifestacions de fusta e de tela qu'acompanhan las manifestacions e rituals de lor ciutat, recampant a l'entorn d'eles la comunautat, e que constituisson a aqueste títol un element del patrimòni cultural immaterial.

Ligats a una legenda o a un fach istoric local, l'estacament dels estatjants a aqueles animals de tela remonta de còps la luènh dins lo temps, e subreviu al temps que passa. Aquelas bèstias de tela son aital pauc a cha pauc vengudas emblematicas d'una vila. Demòran lo simbòl dels ligams estreches e sovent complèxes que l'òme entreten amb l'esperit dels Luòcs e sa pròpria Natura. Sens èsser unicament cantonats a las fèstas carnavalescas, aqueles animals-jupons s'intègran frequentament dins aquestas festivitats.

Dins la longa tièra dels animals totemics d'Erau, lo Polin de Pesenàs coneis coma lo Camèl de Besièrs o lo Drac de Bèucaire, una plaça particulara. « Los Polins » coneisson en país picenés un succès real. A l'ainat de la ciutat reala, s'apondèron progressivament aqueles d'Adiçan, d'Alinhan del Vent, Florençac, Montblanc, Sant Tibèri, Viàs... Pasmens, aquel de Pesenàs, possedís una plaça particulara. Constituís a priòri una de las fòrmas mai ancianas conegudas dins la region, que sa legenda lo fariá remontar als temps epics de la Crosada contra los Albigeses.

 

2/ Las originas miticas del Polin

Lo Polin de Pesenàs auriá per mite original, la venguda en 1226 del rei de França Loís VIII a l'escasença de la Crosada contra los Albigeses. La cavala mai aimada del monarca seriá alara tombada malauta. Confiada a d'unes cònsols de la vila, luènh de defuntar d'una malautiá quina que siá, la cavala polina. En descobrir lo jove polin a son retorn a Pesenàs, lo rei demanda la construccion d'un equivalent de fusta per tal de commemorar l'eveniment. Aqueste modèl de tela e de fusta acompanha dempuèi las fèstas de la ciutat, fèstas religiosas e fèstas calendàrias, coma lo Carnaval.

La legenda coneis una segonda etapa « reala » en 1622, al passatge del rei Loís XIII. Lo marescal de Bassompierre que deviá traversar la Peyne sus son caval, e que crosèt una païsana en dificultat, al faguèt montar amb el, totes dos passèron ensem lo riu. L'anecdòta menèt a la fabricacion de dos manequins de fusta, Estieinon e Estieineta, que se pòdon totjorn veire sus l'esquina de l'animal.

Es tanben a aquesta data e malgrat una legenda que lo voldriá mai ancian, que lo Polin es pel primièr còp mençonat dins los archius de la vila çò que fa d'el un dels mai ancians animals de tela del departament (s'es pas lo mai vièlh). Per çò de sa legenda ela-meteissa, foguèt raportada un primièr còp en 1702 per Le Mercure Galant e aprèp enriquesida pel cronicaire picenés Pierre Poncet. Aquela de Bassompierre seriá estada fargada tardivament, mai o mens al sègle XIX, per Albert-Paul Alliès sus la basa de la venguda dins vila del monarca Loís XIII mentre que d'autres comentators, coma Claude Achard, veson dins aqueste parelh un rampèl de Grandgousier e Gargamelle, los parents de Gargantua que segon la legenda, faguèron tanben un passatge per la ciutat picenesa.

La mencion d'aqueste parelh rampèla que que n'advenga la proximitat entre l'animal totemic e la fèsta de Carnaval, a l'escasença de la que lo Polin se passeja per carrièras, al son dels autbòis e del pifre, e convida la populacion a dançar.

3/ Carnaval de Pesenàs, quand lo Polin se'n va dançar... 

Lo calivari de la Sant Blasi

Sant Blasi, protector dels cardaires (artesans del teissut) devenguèt tanben sant patron de la vila que foguèt tre l'Edat Mejana un centre drapièr important. Son culte es celebrat a Pesenàs al mens dempuèi 1299, aprèp la mobilizacion de las corporacions drapièras de la vila. Fèsta patronala la Sant Blasi dobrís tanben a Pesenàs las festivitats de Carnaval, pendent las que apareis guidat pel menaire, lo Polin emblematic.

La dança del polin

La sortida del Polin a Pesenàs correspond a un ritual plan precís que mescla dança e musica. Al son dels autbòis e dels tamborins, instruments tradicionals en Lengadòc, lo menaire vestit de roge e de blanc fa sa dança frenetica, lançant lo calivari subrexcitat de l'animal.

Dissimulats jos al pesuga tela blava, los nòu portaires animan l'esqueleta de fusta, li fasent percórrer las carrièras al rencontre de la populacion. Reguitnadas e virolets atisan la curiositat, mas tanben l'afolament de la populacion. Aquestes moviments brusques altèrnan amb los clacaments de la maissa articulada, la nhaca, que se dobrís pontualament per engolir l'obòl dels passants. Lo caminar del polin lo mena successivament, e segon un percors immudable, dins lo centre ancian de la vila : Cors Jean-Jaurès, plaça de la Republica, carrièra Anatole-France, baloard Sarrazin, rota de Besièrs, plaça del Quatorze-Juillet, carrièra François Oustrin, plaça Gambetta, carrièra Alfred-Sabatier, carrièra Emile-Zola.

La dança de las trelhas

Parallèlament al Polin, figura al patrimòni cultural immaterial de la vila la dança de las trelhas. Aquesta es menada pel cap de jovent. Tradicionalament, los joves, filhas e dròlles, se recampan e tenon dos per dos un arc de fusta ornat de pampa e de fuèlhs : la trelha. La dança s'articula en un desenat de figuras e un final. Si la musica es comuna a l'ensem de las vilas e dels vilatges del departament que practican aquesta dança, se pòt que las paraulas de cançon cambièsson. Es lo cas de Pesenàs. Lo menaire i pòrta lo nom d'Ortolan, e aquí la cançon entonada per incitar los parelhs a passar jos als trelhas :
"E Ortola, passo se bos passa – E passo jhoust les treios. E Ortola – passo se bos passa – E passo de dela;" (version donada per A.-P. Alliès. Une ville d'états : Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles, Molière à Pézenas . Montpellier, Éd. des Arceaux, 1951).

Las trelhas semblan d'èsser estadas dançadas pel primièr còp a Pesenàs en 1564, a l'escasença del sejorn del rei Carles IX dins la vila. Foguèron aprèp associadas a la fèsta de las Caritats, que perdurèt dins la vila fins a la fin del sègle XIX.

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Molière e lo teatre d'òc
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

« Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas ». Marcel Pagnol.

Molière était déjà Molière (il adopte le pseudonyme dès 1644) quand l'échec de sa première compagnie parisienne l'entraîne sur les routes de France aux côtés de la compagnie de Charles Dufresne. Ses pas le conduisent bientôt à Pézenas en Languedoc, ville des Montmorency, grande famille de France et gouverneurs du Languedoc qui l'ont élue pour capitale. 

Par ailleurs ville d'États (les États généraux s'y regroupent à diverses occasions sous l'Ancien Régime), Pézenas connaît alors un véritable renouveau. Après le coup d'arrêt impulsé par l'exécution d'Henri II de Montmorency, cette ville traditionnellement active et riche (elle est ville de foires drapières depuis le Moyen Âge) retrouve en effet un second souffle avec l'installation en ses murs d'Armand de Bourbon-Condé, héritier du comté de Pézenas.

 

 

I/ De Poquelin à Molière en passant par Pézenas

  • Molière à la cour du Prince de Conti

De son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, Molière grandit dans le milieu bourgeois d'une famille de tapissiers parisiens. Le jeune homme se détourne toutefois de la vocation paternelle et fait le choix des arts, rejoignant dès 1653 la troupe de l'"Illustre Théâtre" où il rencontre les Béjart, notamment Madeleine. L'échec de cette première compagnie pousse le jeune Molière et ses compagnons à prendre le chemin de la province en compagnie de la troupe de Charles Dufresne. C'est le début de treize années passées sur les routes de France, loin de la capitale. Ses pérégrinations le conduisent en Languedoc, auprès du Prince de Conti.

Descendant des Montmorency par sa mère, Charlotte-Marie, sœur d'Henri II de Montmorency, le jeune prince de sang (les Condé sont une branche cadette des Bourbons) a trouvé refuge sur les terres familiales à la suite de la Fronde des princes (1650-1653). Le Prince de Conti, devenu gouverneur du Languedoc en 1661 à la mort de Gaston d'Orléans, a installé sa cour à la Grange des Prés à Pézenas, et recherche pour celle-ci des divertissements. En 1653, Molière et sa troupe obtiennent faveur et pension du prince au détriment de la troupe de Courtier. Le jeune comédien qui en est encore aux balbutiements de sa carrière, a déjà effectué à cette date plusieurs séjours dans la région entre le 24 octobre 1650 et le 14 janvier 1651, et reviendra encore dans cette ville quelques années plus tard entre 1655 et 1656. La date de 1653, et le soutien affiché du gouverneur du Languedoc, constitue toutefois un tournant pour ceux devenus les « Comédiens des États de Languedoc et de S.A.R. (Son Altesse Royale) Le Prince de Conty ». Cet illustre patronage facilite dès lors le travail des comédiens qui obtiennent plus facilement l'autorisation des consuls de la Région pour réaliser dans leur ville des représentations théâtrales, art et profession décriés.

La troupe enchaîne alors les représentations chez le Prince, les nobles piscénois et dans les villes de la région, se mêlant parfois à la population locale. La tradition prête ainsi à Molière des habitudes dans le salon de coiffure du barbier de Pézenas, le dénommé Géli, dont la maison se dresse toujours place de l'ancien hôtel de ville. Là, l'auteur en résidence se serait assis sur un grand fauteuil de bois aujourd'hui présenté dans les collections du musée de la ville, le musée Vulliod-Saint-Germain, tirant son inspiration des petites scènes du quotidien qui s'y jouaient.

Le soutien princier perdure jusqu'en 1655, date à laquelle l'ancien libertin que fut Conti opère une conversion radicale, rejetant les plaisirs et mœurs de sa jeunesse pour une vie plus austère et conforme aux principes de la religion. Dès lors le Prince, empreint de remords, se détourne du théâtre ; pire, il en devient l'ennemi déclaré. Du jour au lendemain, Molière se trouve alors sans appointements ni protecteur, dans une région où le théâtre n'est plus en odeur de sainteté. Après un vraisemblable dernier passage dans la ville en 1657, le comédien s'éloigne de cette province. Elle demeure toutefois étroitement liée à son œuvre.

  

  • La naissance d'un mythe, Molière et Pézenas au XIXe siècle

Les années d'errances du comédien hors de la capitale, demeurent aujourd'hui encore sources de réflexions pour les historiens, faute d'une historiographie et de sources conséquentes en ce domaine. Le passage de Molière à Pézenas, comme ailleurs, fait l'objet d'interrogations et s'accompagne de nombreuses historiettes à l'authenticité plus ou moins avérée.

Après des dizaines d'années de quasi oubli, la fin du XVIIIe siècle et surtout le XIXe siècle se révèlent "moliéristes", tout particulièrement à Pézenas s'appuyant sur les années du comédien à la cour du Prince de Conti. De passage dans la ville en 1750, l'auteur dramatique puis académicien Cailhava, enregistre le premier les récits autour de la présence de Molière à Pézenas, notant l'importance du Languedoc dans l'œuvre du comédien. (publication en 1802 des Études sur Molière, Paris, Éd. Debray). Emmanuel Raymond (Galibert) reprend par la suite la foule d'anecdotes recueillies par Cailhava mais jamais publiées, prenant pour cadre la boutique du perruquier et les échoppes voisines.

Le comédien y apparaît dans toute sa gloire, et sa figure, quasiment érigée au rang de mythe, fait l'objet de commémorations et hommages divers. Le sculpteur biterrois et occitaniste Antonin Injalbert se voit confier la réalisation du buste de l'écrivain. Son œuvre est érigée en 1897 grâce à une souscription publique sur la promenade du Pré. Parallèlement, le mouvement moliériste piscénois animé par Albert-Paul Alliès attire le regard des élites parisiennes sur la ville. Celui-ci encourage la venue dans la cité des comédiens français, opérant pour l'occasion un semblant de pèlerinage autour des lieux et des reliques du comédien.

Indubitablement, Molière marque l'histoire de Pézenas. La cité languedocienne le lui rend d'ailleurs bien. Ville de Molière, elle propose durant toute l'année un ensemble de visites guidées sur les pas de l'auteur, scénovision voire festival (le festival Molière dans tous ses éclats se déroule depuis trois ans au mois de juin). Réciproquement, il semble que Pézenas, le Languedoc et la langue d'oc, ait également influencés le jeune comédien et dramaturge.

 

II/ Molière et le théâtre d'Oc

Jeune comédien quand il prend les chemins de l'errance loin de la capitale, Molière compose une importante production durant ses années languedociennes. La province est le cadre de la première représentation de nombre de ses pièces : l'Étourdile Dépit amoureux (1656, Béziers), la Jalousie du Barbouillé, ébauche de Georges Dandin, ou le Médecin volant, prélude au Médecin malgré lui, présenté une première fois en novembre 1655, au n°32 de la rue de Conti, Hôtel d'Alfonce. Ces quelques pièces ne sont qu'une infime partie des réalisations de Molière à cette époque, comptant au moins six autres farces, à la chronologie imprécise : Le Maître d'école ou Gros René petit enfant (1659), le Docteur Pédant (1660), Gorgibus dans le sac (1659, ébauche des fourberies de Scapin), la Casaque (23 décembre 1660). Les trois Docteurs rivaux (1661) et le Docteur amoureuxJoguenet ou Les Vieillards dupés, le Fagotier, et selon Grimarest, Les Précieuses ridicules.

Cadre d'une importante production, le Languedoc est également sujet et inspiration du contenu même de ces œuvres, qui témoignent pour la plupart de l'influence de la langue et de culture d'oc.

 

  • Molière et les Caritats/ Caritachs

Jeune comédien de passage dans la région, Molière s'est probablement rendu à Béziers au temps des Caritats. Les fêtes de Caritats sont dans le Bas-Languedoc une institution, notamment à Béziers où elles perdurent aujourd'hui. Pézenas à l'époque de Molière célébrait également les Caritats, une pratique qui se perpétua jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Les Caritats, c'est le temps des corporations, du rassemblement des différents corps de métiers à l'occasion d'un défilé mêlant dans un même temps de fête, toutes les communautés de la ville. Ces différentes confréries font intervenir des personnages symboliques particuliers au cours de processions durant lesquelles elles prennent possession de la ville. Animaux totémiques, Camel (chameau de Béziers) et Polin (Poulain de Pézenas), danses des treilles et processions rythment la semaine de l'Ascension. Ces commémorations semblent trouver leurs origines au Moyen Âge. Les consuls des villes du Languedoc distribuaient alors aux pauvres les revenus des biens administrés par les établissements de charité (d'où le nom de Caritats) à l'occasion de l'Ascension. (Cf. ALLIÈS, Albert-Paul. Une ville d'états : Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles, Molière à Pézenas. Montpellier, Éd. des Arceaux, 1951. P.235).

Au XVIIe siècle, les Caritats biterroises et leurs défilés sont l'occasion de représentations théâtrales en français et en occitan. Berceau d'une tradition théâtrales en oc ce théâtre dit de Béziers, dépasse les frontières de la cité révélant tout à la fois des auteurs locaux et servant de sources d'inspiration et d'émulation pour leurs contemporains.

Le théâtre des Caritats de Béziers est un théâtre majoritairement en occitan, langue maternelle pour bien des habitants à cette époque. Pourtant, et ce dès les années 1615-1620, le français s'insère progressivement dans la trame de ces réalisations. Les langues se partagent alors les rôles en fonction des fonctions de chacun. La mégère, le soldat français et la Paix sont ainsi en français dans les pièces de Béziers de cette période, tandis que Pépézuc et le Soldat Gascon sont occitans. Les auteurs biterrois, dont François Bonnet, circulent hors de l'aire purement locale. Bonnet se rend ainsi à Toulouse, pour y rechercher une plus large consécration. Le public assistant aux représentations est également bien plus cosmopolite que la seule population locale.

Parmi les visiteurs célèbres figure selon toute vraisemblance le jeune Molière. Les spécialistes ayant analysé les pièces recueillies du théâtre de Béziers et un ensemble de pièces de l'auteur parisien, notent ainsi un grand nombre de ressemblances entre des personnages et des situations déjà développées par des auteurs biterrois. Ainsi " la répugnante dégustation d'urine à laquelle se livre Sganarelle dans le Médecin volant [...] ne va ni plus loin ni plus bas, en ce genre de comique dégoûtant, que les licences ordinaires du Théâtre de Béziers" très certainement issue de la pièce La Pastorale du berger Célidor et de Florimonde sa bergère, de 1629. (cf. ALBERGE Claude, Les voyages de Molière en Languedoc. Montpellier : Presses du Languedoc, 1988). Auguste Baluffe voit de même dans "un monologue de 1635", la Boutade de la Mode (recueil de 1644) tel ou tel passage de l'École des Maris.

 

  • Monsieur de Pourceaugnac
Des traits qualifiés de méridionaux par différents spécialistes, ainsi qu'une palette de personnages de Molière, comme Don Juan (double littéraire du Prince de Conti), semblent témoigner d'une influence de l'époque languedocienne sur l’œuvre de Molière, sans que celle-ci ne doive être exagérée.

Peu de sources en effet concernant la vie de Molière à cette période permettent de définir nettement l'empreinte du Midi, de sa culture et de sa langue – l'occitan – sur le jeune auteur. Parmi tous les exemples que nous pourrions donner, citons la pièce Monsieur de Pourceaugnac (créée en 1669), qui esquisse quelques souvenirs potentiels du passé méridional de l'auteur. Le personnage principal est un Limousin portraituré par Molière sous les traits du "parfait" provincial, source de ridicule et de comique. L'auteur y adopte les lieux communs de son époque sur l'opposition Paris/ province, que ses séjours dans le sud de la France ne semblent pas avoir nuancés.

La particularité de cette pièce, réside en fait dans l'intervention de la jeune Lucette, demoiselle originaire de Pézenas (Luceta est d'ailleurs un prénom fréquent dans cette zone). La jeune femme s'exprime dans un bon "languedocien", émaillé ici et là de gallicismes, certainement destinés à rendre les interventions de Lucette plus accessibles à un public parisien francophone. Celles-ci sont transcrites dans le texte en graphie phonétisante qui semble témoigner de la bonne connaissance orale de l'occitan par Molière, qui reproduit sans trop d'erreurs une langue entendue près de dix ans plus tôt au cours de ses séjours en Languedoc (cf. à ce sujet : MARTY, Jacqueline. « Quelques emprunts de Molière au Théâtre de Béziers : le canevas de Monsieur de Pourceaugnac » in Revue des Langues Romanes, LXXXI, I, 1975, Pp.43-66.).

Extrait de texte: Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, scène VII. (Paris, 1669).

"MONSIEUR DE POURCEAUGNAC 
Qu'est-ce que veut cette femme-là ? 
LUCETTE 
Que te boli, infame ! Tu fas semblan de nou me pas connouysse, et nou rougisses pas, impudent que tu sios, tu ne rougisses pas de me beyre ? Nou sabi pas, Moussur, saquos bous dont m'an dit que bouillo espousa la fillo ; may yeu bous declari que yeu soun sa fenno, et que y a set ans, Moussur, qu'en passan à Pezenas el auguet l'adresse dambé sas mignardisos, commo sap tapla fayre, de me gaigna lou cor, et m'oubligel praquel mouyen à ly douna la man per l'espousa. "

 

III/ Théâtre d'oc et patrimoine vivant de la cité

Ville où s'illustra Molière, Pézenas est ville de théâtre. La tradition théâtrale est ici à la fois ancienne et récente, quoi qu'il en soit bien réelle en ce début du XXIe siècle, et ouverte à bien des expérimentations qui dépassent la seule commémoration d'un passé moliéresque.

 

  • Une tradition théâtrale d'importance en Piscénois

Au XIXsiècle, Pézenas outre le souvenir laissé par le passage de l'auteur du Tartuffe, prolonge et enrichit la tradition théâtrale qui est la sienne en ouvrant dans les murs de l'ancienne chapelle des Pénitents Noirs (fin XVIe siècle-1789) un théâtre dont la salle peut accueillir 500 personnes. Fermé en 1947, il accueillit en son temps les acteurs de la « Comédie Française » et bénéficie aujourd’hui d'une restauration.

En 1959, André Cros inaugure à Pézenas un Centre Culturel du Languedoc, et souhaite utiliser la ville comme décor de son Fuente Ovejuna. Quelques années plus tard naissent la Compagnie de L'Illustre Théâtre, proposant des visites nocturnes théâtralisées de la vieille ville, ou le Théâtre des Treize-Vents. Boby Lapointe, le comique et ami de Georges Brassens, est également piscénois. Les muses sinon grecques du moins occitanes, semblent inspirer ici les auteurs et comédiens de tous horizons.

 

  • Renouveau du théâtre d'oc à Pézenas

Le théâtre occitan est paradoxalement tout à la fois riche et méconnu, victime d'impressions trop rares ou depuis longtemps disparues. Il est pourtant le fruit d'auteurs variés, y imprimant leur style dans une représentation du quotidien de leurs contemporains riche en couleur, et une démonstration de la langue en action, trésor inestimable pour ceux qui souhaitent découvrir ou interroger ce patrimoine vivant.

Pézenas, ville dans lesquelles traditions et coutumes demeurent particulièrement actives, proposent parallèlement une importante création théâtrale occitane contemporaine. Parmi les figures locales d'importance en ce domaine, notons bien sûr celle de Claude Alranq, acteur, auteur et spécialiste dans le domaine de l'ethno-sociologie, piscénois d'origine. Il investit l'ancienne Gare du Nord de la ville, cadre de ses recherches et créations théâtrales, puisant dans la langue et la culture d'oc, une inspiration depuis jamais démentie.

 

  • Claude Alranq et le Teatre de la Carrièra

Claude Alranq s'inscrit dans le renouveau théâtral occitan des années 1970. Le piscénois parcourt les routes du Languedoc pour présenter aux côtés d'autres jeunes acteurs occitans, leur jeune création, Mòrt e resureccion d'Occitania. De passage à Valros durant l'été 1971, Claude Marti assiste à l'une des représentations publiques de la pièce.

« Il y a là, sur la place, un camion asthmatique, beaucoup de décors en cartons, beaucoup de pancartes, et des gens qui s'agitent, se préparent au milieu de ce matériel pour le moins sommaire. Il fait beau, tout le village est là, les enfants, les femmes, les hommes, dans une atmosphère de petite fête.

Et la pièce commence. Incantatoire. Sous un linceul rouge marqué du drapeau occitan, il y a un mort. C'est M. Occitania, un petit viticulteur. Un tribunal est là qui disserte sur les causes de sa mort. Une sorcière apparaît : "Cessez vos trucs et manigances ! Occitania, je vais te ressusciter. Tu auras trois jours pour trouver les causes de ta mort. Si au bout de trois jours tu n'as pas trouvé, tu disparaîtras à tout jamais." C'était la pièce Mort et Résurrection de M. Occitania.

Et tout le monde est saisi, époustouflé, on n'avait jamais vu ça. On était devant un théâtre réellement populaire, qui touchait profondément les gens tout en étant très pédagogique. On voit des personnages que tout le monde reconnaît : Parloplan, le notable, Digeraplan, le banquier ; les gens se reconnaissent dans M. Occitania, ils rient, ils applaudissent, ils prennent parti ; un passage est en occitan, un autre est en français, comme dans la réalité vécue... ». Extrait de l'ouvrage Homme d'oc. Claude Martí, Michel Le Bris. Stock, Paris, 1975.

L'impact de Mòrt e ressuccion d'Occitania est réel, sur le public et la création théâtrale occitane elle-même, qui se renouvelle au contact d'une production qui bouleverse les codes et pratiques d'alors. La pièce conduit à la création de la compagnie Lo Teatre de la Carrièra, poursuivant et approfondissant les bases nouvelles posées par cette pièce fondatrice.

 

  • Vers un théâtre de civilisation

 

Depuis le tournant des années 1970, le théâtre contemporain occitan n'a eu de cesse de se développer, de se diversifier, mais également d'évoluer, prenant en compte les particularités de chaque époque traversée (place des femmes dans la société, rapport à l'Histoire et à la Mémoire...).

La fin des années 1970 s'accompagne ainsi d'une mutation d'un théâtre militant en un théâtre de civilisation. La production théâtrale s'accompagne dès lors d'un devoir de mémoire qui n'exclut pas la réactivation, la réappropriation et la recréation, et la recherche historique vient accompagner la démarche créative, proposant des pistes nouvelles quant aux sujets abordés, mais également la scénographie, les costumes et les décors.

 

Pézenas, cité dans laquelle la mémoire et l'actualité du patrimoine culturel immatériel est extrêmement vive, a vu fleurir une nouvelle génération d'auteurs et d'acteurs occitans, proposant une création puisant dans l'héritage de la ville, notamment ses traditions carnavalesques. Le Théâtre des Origines, compagnie née dans les rangs de la licence Acteurs Sud fondée par Claude Alranq, propose depuis près d'une dizaine d'année des créations où se mêlent traditions carnavalesques et arts de la rue, réinvestissant au cours de moments clés, telles la Saint Jean ou la Sant Blasi, les rues de la ville invitant la population à participer au renouveau de ses traditions en un rituel festif.

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Mélanges sur les langues, dialectes et patois / publ. par E. Coquebert de Montbret et J. Labouderie
Coquebert de Montbret, Eugène
Labouderie, Jean de (1776-1849)
Ce volume rassemble une partie de la documentation recueillie par Charles-Etienne et Eugène Coquebert de Montbret dans le cadre de l'Enquête impériale sur les patois (1807-1812), première grande enquête officielle, conduite par le Ministère de l'Intérieur sur les langues parlées en France. La méthode de l'enquête prévoyait d'obtenir, via l'administration départementale, les traductions en "idiome local" de la Parabole de l'enfant prodigue

>> Accéder au document sur le site de la Bibliothèque nationale d'Autriche
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Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Notes et documents sur les patois de la France
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Histoire du fonds

Ces cinq volumes de manuscrits sont liés à l’Enquête impériale sur les patois conduite de 1807 à 1812 par Charles-Etienne Coquebert de Montbret et son fils Eugène dans le cadre des activités du bureau de la Statistique du ministère de l’Intérieur. Interrompue en 1812, la documentation rassemblée par l’Enquête impériale est dispersée entre plusieurs fonds et établissements documentaires. La majeure partie se trouve à la Bibliothèque de Rouen (fonds Coquebert de Montbret), dans la section de linguistique de la Collection Coquebert de Montbret de la Bibliothèque nationale de France (NAF 20080-20081), et aux Archives nationales (F17 1209).

Voir tous les fonds de l’Enquête impériale sur la patois : corpus “Enquêtes linguistiques sur l’occitan”

Description du fonds

Les cinq volumes réunis sous le titre de « Notes et documents sur les patois de la France, recueillis par les préfets des différents départements de l'Empire, vers 1811 et 1812 » (BnF - NAF 5910-5914) contiennent les envois de plusieurs départements au ministère de l’Intérieur en réponse à l’Enquête impériale sur les patois, en particulier la traduction en « idiome local » de la Parabole de l’enfant prodigue conformément aux directives de Charles-Etienne Coquebert de Montbret. Seul le premier volume (Ain, Eure) ne concerne pas la langue occitane. Les volumes II (Gard), III (Haute-Vienne), IV (cartes dialectologiques) présentent un intérêt pour la sociolinguistique de l’occitan. Le volume V concerne la littérature languedocienne à l’époque moderne.

Contenu :

- NAF 5910 - vol. I : Ain, Eure.
- NAF 5911 - vol. II : Gard, Nord.
- NAF 5912 - vol. III : Oise, Haute-Vienne.
- NAF 5913 - vol. IV : Cartes des dialectes.
- NAF 5914 - vol. V : « Recueil de poésies languedociennes, tant anciennes que modernes, en patois de Montpellier. — 1812 ».

Importance matérielle :

5 vol., (388, 374, 359, 46 f., 105 p.)

Pour le consulter :

Identifiant du fonds :

NAF 5910-5914

Instruments de recherche disponibles :

BnF - Archives et manuscrits (catalogue en ligne : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/)
Accéder directement à l’inventaire du dossier “Notes et documents sur les patois de la France...” [Enquête impériale sur les patois] (NAF 5910-5914) : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000040922
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Flous d'amour : Libre 1er / Joseph Chauvet
Chauvet, Joseph (1794-1875)
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Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois / par l'abbé Grégoire (1794)
Grégoire, Henri (1750-1831)
France. Convention nationale. Comité d'instruction publique
Rapport de l'abbé Henri Grégoire présenté à la Convention nationale le 16 prairial an II (4 juin 1794). Le Rapport de l'abbé Grégoire a été préparé par la première grande enquête nationale sur la situation sociolinguistique de la France. Il marque le début d'une politique d'uniformisation linguistique.
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Enquêtes linguistiques sur l'occitan en France de 1790 à nos jours

Cet article "Corpus" propose une synthèse historique sur les grandes enquêtes linguistiques intéressant la langue occitane menées depuis la Révolution française jusqu’à nos jours. Il décrit et signale également la documentation et les archives liées aux différentes enquêtes et vous donne accès à la documentation disponible en ligne. 

1/ « L’Enquête sur les patois » ou « Enquête de Grégoire » (1790-1794)


Source : http://www.bib-port-royal.com/gregoire.htmlL'enquête menée de 1790 à 1794 par l'abbé Henri Grégoire (1750-1831), député de l'Assemblée constituante puis de la Convention nationale n'est pas une enquête administrative de statistique officielle, même si elle est soutenue par les institutions révolutionnaires. L’abbé Grégoire mène un projet à visée politique et dont le but est clairement un « inventaire avant disparition » (Merle, 2010). Le questionnement sur les « patois » s'accompagnait d'ailleurs de nombreuses demandes relatives aux mœurs et à la moralité du peuple. Pour autant, l’entreprise de l’abbé Grégoire est bien la première enquête s’intéressant à la sociologie linguistique de la France, avec un questionnaire comportant quarante-trois rubriques. L'enquête Grégoire sollicitait les sociétés patriotiques des Amis de la Constitution et non les administrations.
Elle donna lieu au Rapport sur la nécessité d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, présenté par l’abbé Grégoire au nom du Comité d’Instruction publique devant la Convention nationale le 16 prairial an II.

> Sources et fonds documentaires :

Les matériaux et documents produits pour l’enquête (réponses à la circulaire de l’abbé Grégoire, envoi d’imprimés en langues de France) sont répartis entre deux fonds documentaires :

- Bibliothèque de la Société de Port-Royal - Fonds de l’abbé Henri Grégoire >> fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, NAF 2798 >> fiche de fonds

> Documentation en ligne sur Occitanica :

Voir tous les documents sur l’enquête Grégoire disponibles sur occitanica

> Bibliographie :

Voir tous les documents ayant pour sujet l’enquête Grégoire dans le Trobador, catalogue collectif de la documentation occitane.


2/ Enquête impériale sur les patois, aussi appelée « Enquête de Coquebert de Montbret » (1807-1812)

 

Source : Page de titre des Mélanges sur les langues, dialectes et patois (coll. CIRDÒC-CAC 7763) L'Enquête impériale sur les patois, menée entre 1807 et 1812, est la première enquête de linguistique officielle, organisée par le bureau de la Statistique du ministère de l'Intérieur. Elle a été conduite par le savant Charles-Etienne Coquebert de Montbret et son fils Eugène, grands érudits et spécialistes des langues. La méthode de l'enquête est très différente de celle de l'enquête de l’abbé Henri Grégoire qui poursuivait un but politique plus que sociolinguistique ou scientifique, celui de prouver « la nécessité » et de trouver « les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française ». L’enquête impériale met en place une méthode proche de la dialectologie moderne en demandant, commune par commune via l’administration départementale, la traduction systématique d’un même texte, la Parabole de l'enfant prodigue. Interrompue en 1812, elle est resté inachevée.

Une partie des traductions de la Parabole de l’enfant prodigue en langues de France recueillies au cours de l’Enquête impériale a été publiée par Eugène Coquebert de Montbret dans les Mélanges sur les langues, dialectes et patois  : renfermant, entre autres, une collection de versions de la Parabole de l'enfant prodigue en cent idiomes ou patois différens, presque tous de France… Paris : Delaunay, 1831.

Les archives de l’enquête ont été dispersées, une partie semble perdue. La documentation sauvegardée se trouve pour une bonne partie au sein du fonds Charles-Etienne et Eugène Coquebert de Montbret à la Bibliothèque municipale de Rouen, à la Bibliothèque nationale de France, aux Archives nationales et dans plusieurs Archives départementales.

> Sources et fonds documentaires

- Bibliothèque Municipale de Rouen, Fonds Coquebert de Montbret … >> fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, «  Notes et documents sur les patois de la France » : NAF 5910-5914 >> Fiche de fonds

- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Collection Coquebert de Montbret (volumes « Linguistique ») : NAF 20080-20081 >> Fiche de fonds

- Archives Nationales, F/17/1209 :  “Enquête sur les patois”

> Documentation en ligne sur Occitanica :

Voir tous les documents sur l’Enquête impériale sur les patois disponibles sur occitanica

> Bibliographie :

Voir tous les documents ayant pour sujet l’Enquête impériale sur les patois dans le Trobador, catalogue collectif de la documentation occitane.


3/ Enquête du Ministère de l'Instruction publique, dite « Enquête de Victor Duruy »


Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique sous le Second Empire de 1863 à 1869, lance en 1864 une enquête statistique destinée à mieux connaître la situation de l’enseignement primaire en France. L’enquête de 1864 se démarque des enquêtes précédentes par le degré de précision du questionnaire, destiné à dresser un tableau très précis de la situation de l’enseignement primaire en France. Par la circulaire du 28 mai 1864, le ministre Duruy adresse aux préfets un questionnaire qui devait être renseigné par les inspecteurs primaires, les inspecteurs d’académie et les recteurs, devant y ajouter un rapport d’ensemble concernant leurs circonscriptions scolaires.

Pour la première et la seule fois dans l’histoire de la statistique scolaire en France, le questionnaire comprend une rubrique sur les “idiomes et patois en usage” :

“ Existe-t-il des écoles où l’enseignement est encore donné en patois exclusivement ou en partie ? Nombre des écoles où l’enseignement est donné en totalité en patois ? En partie seulement ? Combien d’enfants savent le parler sans pouvoir l’écrire ? Quelles sont les causes qui s’opposent à une prompte réforme de cet état de choses ? Quels sont les moyens à employer pour le faire cesser. Joindre au rapport un fragment du patois ou de l’idiome avec la traduction littérale.” (circulaire du 28 mai 1864, publiée dans : Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, nouvelle série, t. I, Paris, 1864).

Les directives données en font une enquête statistique particulièrement précise et développée et surtout, en intégrant dans un questionnaire précis sur les usages linguistiques dans les écoles et parmi les enfants, l’enquête Duruy produit jusqu’à l’enquête INSEE “Étude de l’histoire familiale” de 1999, la seule matière documentaire permettant une connaissance statistique assez précise de la situation sociolinguistique à l’échelle de la France.

> Sources et fonds documentaires :

Archives Nationales F/17/3160 : Instruction publique : “Statistique. États divers.” Ce dossier donne le résumé par département des réponses données à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864. Les réponses à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864 semblent ne pas avoir été conservées.


4/ La mission Tourtoulon-Bringuier (1873-1875)


En 1873, Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier, deux philologues félibres de l’école de Montpellier entreprennent une mission pour la Société pour l'étude des langues romanes, soutenue par le ministère de l’Instruction publique (arrêtés ministériels du 2 mai et du 11 juin 1873) en vue de déterminer la limite entre la langue française et la langue occitane ou domaine d’oïl et domaine d’oc. La mission Tourtoulon-Bringuier est la première grande enquête linguistique nationale fondée sur une enquête de terrain armée d’une méthodologie scientifique : les études sont menées sur les lieux mêmes, par les mêmes personnes, afin que le même esprit préside à l'ensemble des recherches, et aussi pour que les nuances phonétiques, si difficiles à noter exactement, le soient par les mêmes personnes. Ils mettent au point un alphabet phonétique et des critères linguistiques déterminés par avance.

L’Enquête Tourtoulon-Bringuier est menée au cours de deux missions : la première de l’embouchure de la Gironde jusqu’en Creuse, puis une seconde de la Creuse jusqu’en Allier. Seule la documentation de la première enquête est connue et accessible. Elle concerne 150 communes d’enquête et environ 500 personnes interrogées.

Les résultats de l’enquête Tourtoulon-Bringuier, publiés en 1876 dans un rapport au Ministre de l’Instruction publique intitulé “Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl” amèneront à repenser la conception des frontières linguistiques de façon non linéaires mais forcément approximatives.

L’école philologique de Paris dirigée par Gaston Paris et Paul Meyer lancent une contre-enquête dans le département de la Creuse, menée par Antoine Thomas (40 communes du sud de la Creuse).

La mission Tourtoulon-Bringuier, menée sous l’égide de la Société pour l’étude des langues romanes, qui s’oppose à l’école philologique de Paris, et dont les membres étaient proches, voire actifs dans la renaissance occitane félibréenne, se démarque également dans ses motivations idéologiques, comme l’a noté Guylaine Brun-Trigaud : “Son but officiel consistant à déterminer la limite oc-oïl pour toute la France, mais on peut penser qu’il s’agissait par ce biais d’évaluer le territoire que pourraient légitimement revendiquer les félibres, qui, depuis 1854, prônaient un retour de la langue et de la culture occitanes, autour de la personnalité de Mistral” (“Les enquêtes dialectologiques sur les parlers du Croissant : corpus et témoins”, Langue française. Vol. 93, n°1, 1992. En ligne)

> Documentation publiée :

Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl Premier rapport à M. le Ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts. Extrait des Archives des Missions scientifiques et littéraires, troisième série - tome troisième, Paris, Imprimerie Nationale, 1876. >> En ligne

> Sources et fonds documentaires :

Archives nationales F/17/2943 : Ministère de l’Instruction publique : Octavien Bringuier - Dossier sur la mission en France ayant pour but d’étudier la limite entre les parlers d’oc et les parlers d’oïl.

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Frontières et imaginaire(s)
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)
"L'affrontement binaire supposé par l'existence de la frontière ne doit donc pas masquer la difficulté à penser cette limite qui, toujours entre deux, devient alors une source d'imaginaire et de mythes." J.Duclos, 2004.

"Les frontières n'ont de sens que pour les populations qui croient en leur existence ou encore pour les populations qui ont appris à y croire. Henri Velasco, 2004.


Les Corbières furent durant des siècles la frontière entre deux royaumes fréquemment en guerre durant le Moyen Âge et à l'époque moderne et qui se firent face de part et d'autre, au moyen de leurs forteresses respectives.

 

I/ Naissance de la frontière : figuration et conception, entre opposition et échanges

Une des caractéristiques premières de la frontière établie à Corbeil est de cristalliser les revendications et les antagonismes sur une barrière naturelle, le relief collinaire escarpé des Corbières. Historiquement, des limites ethniques et culturelles se profilent d'ailleurs déjà à cet endroit dès la proto-histoire. C'est une zone de marche, c'est-à-dire de transition, qui sera confirmée par les peuplements et l'histoire antique et médiévale de ce territoire.

Marche Hispanica du temps de Charlemagne et zone d'invasion et d'implantation temporaire des troupes d'Al-Andalus, l'espace des Corbières et du Fenouillèdes, demeura toujours une zone de passage quelques furent les contraintes naturelles.

Plus que ligne de rupture, les Corbières, tout particulièrement aux yeux de leurs propres habitants, ne furent-elles pas plutôt une zone frontière, dont les limites floues n'empêchèrent pas au fond et de tous temps les échanges et les rencontres, bien sûr amoindris par la situation politique de cette époque ?

L'existence de différents vestiges anciens, tels le Pech de Maho, du côté de Sigean, à la fois structure défensive et espace d'échanges commerciaux (le Pech de Maho est également un emporium, un centre de commerce) conduisent de nombreux historiens contemporains à souligner la nature de carrefour et de tampon de cet espace des Corbières. Ils minimisent ainsi l'idée d'une frontière imperméable entre deux espaces et deux civilisations, par ailleurs culturellement et linguistiquement proches.

Une enquête de 1300 ap. J.-C. menée sur ordre de l'Archevêque de Narbonne et du Seigneur de Leucates suite à des plaintes manifestées vis-à-vis des voisins espagnols, permet ainsi de mieux connaître la situation réelle de cet espace. Les conclusions tirées de celles-ci par les historiens relativisent l'importance matérielle de la frontière. Elles confirment l'idée d'une frontière floue et discrète sur le terrain, ne représentant pas dans les faits une muraille rompant définitivement les échanges culturels comme commerciaux. Le statut nouveau des Corbières, entrées de plein-pied dans les stratégies géopolitiques des deux royaumes limitrophes, conduit malgré tout à une perception nouvelle de cet espace, notamment pour ses habitants. Elle se charge dès lors de sens et d'interprétations idéologiques nouveaux se manifestant sous formes de contes et de légendes, de toponymes particuliers, qui s'inscrivent et se transmettent via la mémoire orale locale.


II/ Zone de marche : entre mythe et réalité (cultures, monde sauvage/civilisé...)

A/ Les Corbières, limites entre deux pays, limites entre deux mondes

Les Corbières, zone escarpée au faible peuplement avant même l'établissement de la frontière sur la ligne de crête du massif, constituent tout naturellement une zone de marge, la transition entre le monde civilisé et le monde sauvage. Elles sont ainsi un espace de limites susceptibles d'accueillir tout ce que le nouvel ordre social rejette. Les Corbières sont ainsi suspectées d'être le refuge de brigands et d'accueillir des manifestations surnaturelles et magiques : sorciers, démons, fées et autres esprits de la nature.

Les bornes, tours et autres forteresses implantées dans le paysage pour définir la limite entre les deux pays vont ainsi organiser l'espace et protéger du danger représenté à la fois par l'ennemi lointain que par le proche monde sauvage. Ces monuments s'accompagnent dès lors de multiples histoires, légendes et superstitions construites autour de ces symboles du contrôle de l'homme sur son territoire.

 

B/ Légendes d'un territoire à la marge

Les Corbières outres les bornes, la Roque d'en Talou en est l'une des plus célèbres, présentent également de nombreux dolmens. À Fontjoncouse, la zone compte ainsi pas moins de quatre pierres levées. Autour de celles-ci demeurent de nombreuses légendes d'ailleurs rappellées par la toponymie elle-même.
Les nombreuses mentions et histoires de Maures témoignent de cette conception de l'espace et du monde. Elles sont le souvenir de la lointaine et fugace occupation musulmane en terre audoise. La légende de Roland de Roncevaux, neveu de Charlemagne tué au cours d'une attaque dans les Pyrénées figure d'ailleurs parmi les histoires bien connues de ce territoire.

Le complexe folklorique autour de ces géants arpenteurs, qui auraient participé au modelage du paysage sont très fréquentes dans cette région. Le toponyme du Sol d'Astine, de "las tinas" en occitan, évoquent ainsi les empreintes de géants, tout comme les toponymes Gigant, ou Caramentra, qui renvoient à la pure tradition carnavalesque. Les correspondances entre le corps et le paysage, et les analogies scatalogiques fréquentes dans ces mêmes cérémonies carnavalesques sont d'ailleurs particulièrement fréquentes : Le Trau de Madama, l'Estront de la Vièilha... comme autant d'appropriation et de dédramatisation de l'espace par une civilisation médiévale à la fois fascinée et terrifiée par cette notion d'entre-deux, particulirement exacerbée en cette zone de marche-frontière. Les Corbières sont riches de ces histoires et légendes qui forment le socle d'une mémoire orale partagée avec le reste de l'Occitanie, adaptée ici aux spécificités de ce territoire à la marge.


C/Les Corbières, espace de retraite spirituelle

Désert au sens religieux du terme également, les Corbières furent très tôt une terre de retraite spirituelle privilégiée, tant pour les cathares fuyant les exactions que pour les chrétiens "orthodoxes" eux-mêmes.

Dès le VIIe ou VIIIe siècles environ, les gorges et grottes des environs de Saint-Paul-de-Fenouillet attirent les ermites qui s'installent dans ces abris naturels coupés du monde. Ceux-ci se placent sous la protection de Saint-Antoine, saint patron des ermites et premier d'entre eux, au moins dès le XVe siècle, date pour laquelle nous possédons les plus anciens témoignages écrits de l'existence d'un ermitage, qui perdura dans ses fonctions jusqu'au début du XXe siècle. Prochainement transformé en lieu d'exposition et de mémoire, il devrait permettre au public de découvrir l'autre facette des Corbières, depuis toujours frontière naturelle entre le monde civilisé et le monde sauvage, terrestre et spirituel.


CONCLUSION

La notion de frontière est pour l'époque qui nous concerne et durant laquelle les Corbières jouèrent ce rôle, quelque peu différente de celle qu'on lui connait de nos jours. Toutefois, elle va prendre progressivement au XIIIe siècle une connotation plus nettement militaire.
L'identité des territoires se construit alors, dans un rapport qui se fait toujours plus frontal à mesure que la symbolique circulaire s'amenuise (l'opposition entre un centre sacré et une périphérie plus sauvage, dominait ainsi jusqu'à présent). La frontière devient progressivement et pour reprendre le mot de Robert Lafont, "une cicatrice de l'histoire".


BIBLIOGRAPHIE

CRASTRE, Victor (1903-1983), Catalogne : des Corbières à L'Ebre, Paris : Horizons de France, 1959.

FABRE, Daniel. La tradition orale du conte occitan : les Pyrénées audoises. Presses universitaires de France, 1973-1974 (30-Nîmes) : impr. Barnier) Publications de l'Institut d'études occitanes.

PALA, Marc. L' ancienne frontière : entre mythe et histoire, un espace de l'entre-deux, Narbonne : Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, impr. 2008.

VILLEFRANQUE, Josette. Imagerie des Corbières : légendaire des plantes, des pierres et des bêtes, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1987.
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