En 2012, le retrait de la présidente Cristina Kirchner pour raisons médicales, conduisait le vice-président Amado Boudou aux plus hautes fonctions de l'État argentin. Comme son patronyme le laisse supposer, l'homonyme du célèbre auteur occitan Jean Boudou possède bien des racines aveyronnaises. Il est l’un des descendants des colons de Pigüé, ville fondée par des migrants aveyronnais en 1884.
L’identité pigüense, aujourd'hui argentine mais encore fortement matinée de culture aveyronnaise (expressions et toponymie occitane, gastronomie, culture, etc.) nous rappelle que l’Occitanie fut autant terre d’immigration que d’émigration au cours de son histoire. De ces migrations d’occitanes demeure une diaspora qui conserve une part de son occitanité, ici en Argentine ou là en Calabre.
Au XIXe siècle, les problèmes que connaît la viticulture aveyronnaise conduit de nombreux habitants à rechercher des cieux plus cléments en France, en Europe ou à l'étranger. L'Argentine et ses grands espaces constituent une terre d'élection pour les migrants, dont l'installation est d'ailleurs favorisée par le tout jeune État.
Ancien militaire français ayant participé à des campagnes en Argentine, l'aveyronnais Clément Cabanettes fait partie des pionniers de la colonisation. Fondateur de la première compagnie téléphonique du pays, ce natif de Lassouts fait l'achat de terrains au lieu-dit Pigüe, en plein cœur de la pampa argentine. Des terres qui aux alentours de 1880, sont encore à l'état sauvage, et qu'il lui faut dès lors valoriser.
Faisant la traversée jusqu'à son pays natal, il convainc sur place plusieurs dizaines de familles de quitter un quotidien particulièrement difficile pour tenter l'aventure de l'Eldorado argentin. Après trois mois de voyage, une quarantaine de familles aveyronnaises s'installent ainsi le 4 décembre 1884 à Pigüé.
La jeune colonie prend place dans une zone semi-désertique, ancienne terre des Indiens mapuches à l'origine de son nom. C'est donc dans un espace vierge de l'influence espagnole que les premiers colons aveyronnais fondent leur cité nouvelle. Les débuts s’avèrent particulièrement difficiles. Les colons découvrent des conditions climatiques et de culture très différentes de celles qu'ils connaissaient en Aveyron. Mais ces obstacles ne freinent pas l'arrivée continue de nouveaux migrants attirés par les promesses du Nouveau Monde, et la population croît de façon exponentielle. La situation des habitants de Pigüé va par ailleurs s'améliorer dès les débuts du XXe siècle.
Les premières décennies de Pigüé sont marquées par une forte endogamie au sein de la communauté aveyronnaise. Celle-ci favorise d'autant la transmission de la culture et de la langue occitanes, encore confortée par le flux constant de nouveaux migrants aveyronnais jusqu'au début du XXe siècle. Les veillées, cérémonies et réunions de famille sont autant d'occasion de se remémorer le pays quitté, à travers récits et chansons en occitan, au rythme de la bourrée. La présence d'une paroisse et d'une institutrice françaises dès les premiers temps de la fondation puis, la création d'associations viennent conforter la permanence de cette langue et, dans une moindre mesure, celle de l'occitan.
La langue d'oc est en effet la première victime de l'assimilation progressive à la société argentine des colons aveyronnais, tout particulièrement celle des seconde et troisième générations. Une acculturation favorisée par de nombreux facteurs : politique assimilatrice de l'État argentin sous la présidence Sarniento, proximité linguistique, mais également, ici comme ailleurs, rejet plus ou moins conscient des jeunes générations d'un « patois domestique » jugé incompatible avec la progression sociale dont bénéficient peu à peu la plupart des Pigüenses.
Avant même la rupture provoquée par la première guerre mondiale entre colons de Pigüe et leurs familles demeurées en France – la réussite affichée par les cousins argentins mais surtout la démobilisation lors du conflit sont alors sources d'amertume - l'occitan va progressivement être abandonné par les Rouergats au profit d'abord du français puis du castillan. Ainsi, si la langue perdure quelques années encore dans la sphère publique, apparaissant çà et là dans la presse locale qui publie ponctuellement mais de plus en plus rarement des textes en occitan (cf. El Independentie du 13 octobre 1901, « Fraire Bourtoumiéu de Louiset »), elle est progressivement reléguée aux grands temps de la vie familiale et fêtes traditionnelles, sans disparaître complètement.
Dans les années 1970, une équipe de chercheurs toulousains se rend à Pigüé pour se pencher sur l'histoire et l'évolution de cette ancienne enclave aveyronnaise en Argentine. L'ancienne colonie est depuis devenue une ville et compte alors près de 12 000 habitants, dont 30 à 40% attestent des origines aveyronnaises. Surtout, près de 90 ans après sa fondation, une grande part de la population de Pigüé parle encore l'occitan (12% - une tranche uniquement composée d'individus de plus de soixante ans) et beaucoup la comprennent (70%).(cf. Les Aveyronnais dans la pampa, fondation, développement et vie de la colonie aveyronnaise de Pigüé de 1884 à 1992, Éditions Privat, Toulouse, 1977, p.265).
Pigüé n'est plus aujourd'hui à proprement parler une enclave occitane ou même française. Les liens entre la France et ses « cousins » d'Amérique, demeurent malgré tout étroits, en dépit de la parenthèse de l'entre-deux-guerres. En 1984, un groupe d'Aveyronnais se rend ainsi à Pigüé pour célébrer les cent ans de sa création par ces colons originaires de leur département, et dont le rôle est aujourd'hui encore inscrit dans la pierre, sur les plaques de rue comme celle de la « C. de Rodez ».
Si les exemples de migrants de pays d'oc installés en Argentine sont légions, Béarnais et Mazamétains notamment, Pigüé demeure un exemple rare d'une colonie occitane organisée au cœur de la pampa.
La Baìo est le rite festif le plus emblématique et important des vallées occitanes d'Italie. La commune de Castelmagno a également sa Baìo. De nombreuses informations sur le site castelmagno-oc.com : http://www.castelmagno-oc.com/eventi/baia_storia.htm
Votre question : Quelle est la signification du mot « Paratge » ?
Le terme d'ancien occitan « paratge » est relativement fréquent dans la poésie des troubadours où il revêt tour à tour le sens premier de « noblesse de sang » et le sens plus original de « noblesse de cœur » ou « de mérite ». Il est surtout connu par son emploi dans la Canso de la Crozada (ou « Chanson de la Croisade contre les Albigeois », XIIIe siècle), dont il représente la valeur centrale et qui continue de fasciner de nombreux auteurs contemporains pour son sens « patriotique ». La redécouverte du texte de la Canso au XIXe siècle – dans le contexte de l'éveil des nationalités en Europe et des premiers mouvements renaissantistes occitans – et surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, a rendu le terme paratge très courant dans les discours occitanistes et chez les écrivains et artistes d'expression occitane.
Le terme est réputé « intraduisible »1. Il donne lieu à des interprétations qui en ont fait évoluer le sens2. Paratge n'aurait donc pas d'équivalent dans d'autres langues : soit parce que le concept incarne les valeurs spécifiques à la civilisation occitane du Moyen Âge (définition idéologique), soit parce qu'il s'agit d'une invention littéraire liée à une œuvre en particulier (définition historique).
Si le terme échappe à une définition claire – ou du moins unique – c'est qu'il connaît une évolution dans son emploi. En partant des sources littéraires, le terme occitan est, à l'origine, assez proche du français « parage »3 avec lequel il partage l'étymologie latine par- (= pair, égal). Mais son emploi littéraire par les troubadours occitans fait évoluer le paratge occitan de façon originale : de qualité de naissance, le terme évolue dans sa signification pour désigner une vertu morale, celle de « noblesse d'âme » pourrait-on dire.
Enfin, une œuvre particulière – tardive sur le plan de la littérature courtoise occitane et à bien des égards exceptionnelle dans l'histoire de la littérature occitane du Moyen Âge –, la Canso de la Crozada (deuxième partie du texte, dite de l'Anonyme ou du Continuateur) utilise le terme paratge à une fréquence extraordinaire dans le poème. S'il désigne la qualité morale essentiellement attachée au jeune comte de Toulouse, paratge est également utilisé comme allégorie de la ville et de ses habitants, voire en valeur universelle. De façon surprenante, le poème du XIIIe siècle revêt une connotation patriotique pour ses lecteurs du XIXe et XXe siècle. Dans la Canso, le comte de Toulouse, son allié le roi d'Aragon, la chevalerie languedocienne en général, puis la population tout entière semblent se battre pour paratge érigé en valeur suprême et partagée.
Plus qu'un concept moral qu'il serait difficile de définir tant son emploi varie dans le poème, le terme devient davantage une forme « d'étendard ». La redécouverte et les interprétations patriotiques, voire identitaires, du poème de la Canso eurent une grande influence sur l'ensemble des mouvements de renaissance culturelle ou de revendication occitans (Félibrige, occitanisme d'après-guerre ou contemporain). Il est aujourd'hui courant dans le discours des promoteurs de la langue occitane au même titre que convivencia ou larguesa qui connaissent toutefois des origines et des significations distinctes mais font écho aux thèmes de vivre-ensemble, de laïcité, de tolérance.
François-Just-Marie RAYNOUARD, Lexique roman : ou dictionnaire de la langue des troubadours..., à Paris, chez Silvestre, tome quatrième, 1842 :
« PARATGE, s. m., parage, extraction, rang, qualité. »
Paul FABRE, Petit dictionnaire de la littérature occitane du Moyen-Age : auteurs, œuvres, lexique, Montpellier, Centre d'études occitanes, 2006, Lo Gat Ros :
« En ancien occitan, ce mot signifie 'noblesse, haute naissance' ; il désigne aussi l'ensemble des nobles. Dans la langue des troubadours, il a pris également le sens de 'noblesse de cœur' ».
Charles ROSTAING, « Le vocabulaire courtois dans la deuxième partie de la « Chanson de la Croisade des Albigeois », dans Mélanges de linguistique, de philologie et de littérature offerts à Monsieur Albert Henry, Strasbourg, 1970 :
« Le sens de paratge est donc très clair : de l'idée de 'famille noble' on est passé à celle de 'noblesse', d'abord la noblesse de la naissance, puis celle de l'esprit ou de l'âme : c'est dans cette dernière acception que le mot est pris dans la Chanson. »
Linda PATERSON, Le Monde des troubadours : la société médiévale occitane de 1100 à 1300, Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999 :
« Paratge constitue évidemment l'éthique dominante du poème, et il y a fort peu d'exemple d'ailleurs que le concept de chevalerie transcende son aspect purement fonctionnel et militaire ; au contraire, ici la chevalerie semble prendre une valeur éthique. La meilleure définition de Paratge est peut-être ici le droit à son propre héritage : un droit qui n'est pas seulement celui d'un lignage noble, mais aussi de toute une société. L'éthique consiste à lutter pour ses droits propres et ceux de ses alliés, une différence notable avec l'éthique du vasselage dans les sources françaises de Flori. »
Robert LAFONT, La geste de Roland, tome 2 : Espaces, textes, pouvoirs, Paris, l'Harmattan, 1991 :
« Étymologiquement paratge est formé sur par 'égal'. Il marque l'entente d'hommes qui se reconnaissent égaux entre eux. Le terme est d'origine aristocratique : il est apparu entre personnes 'de haut parage'. Il désigne la noblesse de sang et par suite d'âme. Mais il n'est pas généralement une qualité morale spécifique qui envahit la société, l'organise, lui donne un sens. Ce qu'il devient dans la seconde partie de la Chanson de la Croisade. »
Robert LAFONT, Prémices de l'Europe, Arles, Sulliver, 2007, Coll. Archéologie de la modernité :
« C'est donc une valeur d'abord aristocratique, mais si elle signifie une égalité de rang en une classe, c'est dans la mesure où l'âme mérite la naissance. On reconnaît là l'idéal de la chevalerie dans sa pureté conquise, accessible à tout homme qui consacre sa vie à le servir. »
Miquèla STENTA, Larguesa : un art du don dans l'Occitanie médiévale, Montpellier, CRDP de l'Académie de Montpellier, 2011.
« Paratge, c'est la noblesse de rang et d'esprit qui, dans ce cas, n'exclut pas la reconnaissance par le mérite, comme pairs, d'hommes d'origine humble. »
Miquèla STENTA, Les valeurs de la société de Cortesia : en pays d'Oc aux XIIe et XIIIe siècles, Meuzac, lo Chamin de Sent-Jaume, 2011. (à propos du concept de paratge dans le poème de la Canso)
« Si paratge est cette noblesse de cœur, il est aussi un sentiment patriotique-national. (…) On se bat pour le défendre ou le rétablir ; il représente toute une civilisation. Il faut sauver paratge comme une patrie. »
Eliza MIRUNA GHIL, L’Âge de Parage : essai sur le poétique et le politique en Occitanie au XIIIe siècle, New York-Bern-Frankfurt am Main-Paris, Peter Lang, 1989.
« Le terme de 'paratge' appartient à l'origine au vocabulaire du droit vassalique et nomme l'institution féodale qui règle l'héritage et le morcellement des fiefs. Il s'emploie, par exemple, pour préciser les obligations du fils aîné dans la famille noble à l'égard de son seigneur et de ses frères cadets. Dans la poésie courtoise le terme prend des connotations plus générales de valeur personnelle – par exemple, lorsqu'il est employé pour décrire la dame aimée dans la canso d'amour, qui est alors 'de gran paratge', 'd'aut paratge' ou lorsqu'il est employé par référence au sujet lyrique, dans le cas d'une trobairitz ('mos paratges', dit la comtesse de Dia). Il peut s'appliquer aussi, dans le sirventes, aux membres de la société courtoise qui partagent les valeurs morales chères aux troubadours et qui reçoivent l'appellation de 'om de paratge'. Cette qualité n'est pourtant pas considérée comme essentielle, car c'est la noblesse de cœur (surtout amoureux) qui fait la valeur de l'individu et non pas celle de naissance. La fin'amor promeut ainsi, aux yeux d'une société différenciée hiérarchiquement, la possibilité morale d'une 'méritocratie'. »
Qu'elles soient réellement fantasmées par les auteurs ou pensées dans l'idée légitime de bâtir une culture occitane contemporaine à partir de son héritage littéraire, les définitions que nous appelons par commodité « idéologiques » - sans jugement de valeur - affirment l'existence du concept de « paratge » au sein d'une partie de la société contemporaine, le terme fonctionnant comme un lieu de mémoire. Le terme est à ce titre fréquent dans la création artistique (littéraire, musicale, etc.). Parmi cette production idéologique, on peut signaler le texte célèbre de la philosophe Simone Weil : « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » publiée en 19434.
Émile NOVIS (pseudonyme de Simone WEIL), « L'agonie d'une civilisation », dans Le Génie d'oc et l'homme méditerranéen : études et poèmes, les Cahiers du Sud, 1943 :
« Le poète de Toulouse [l'auteur anonyme de la deuxième partie de la Canso] sent très vivement la valeur spirituelle de la civilisation attaquée ; il l'évoque continuellement ; mais il semble impuissant à l'exprimer, et emploie toujours les mêmes mots, Prix et Parage, parfois Parage et Merci. Ces mots, sans équivalents aujourd'hui, désignent des valeurs chevaleresques. Et pourtant, c'est une cité, c'est Toulouse qui vit dans le poème, et elle y palpite tout entière, sans aucune distinction de classes. Le comte ne fait rien sans consulter toute la cité, 'li cavalier el borgez e la cuminaltatz', et il ne lui donne pas d'ordres, il lui demande son appui ; cet appui, tous l'accordent, artisans, marchands, chevaliers, avec le même dévouement joyeux et complet. C'est un membre du Capitole qui harangue devant Muret l'armée opposée aux croisés ; et ce que ces artisans, ces marchands, ces citoyens d'une ville – on ne saurait leur appliquer le terme de bourgeois – voulaient sauver au prix de leur vie, c'était Joie et parage, c'était une civilisation chevaleresque. »
Fernand Niel, Albigeois et cathares, Paris, Presses universitaires de France, 1955, Que sais-je ?
« Paratge (signifie) honneur, droiture, égalité, négation du droit du plus fort, respect de la personne humaine pour soi et pour les autres. Le paratge s'applique dans tous les domaines, politique, religieux, sentimental. Il ne s'adresse pas seulement à une nation ou à une catégorie sociale, mais à tous les hommes, quelles que soient leur condition et leurs idées. »
Paul OURLIAC, « Réalité ou imaginaire : la féodalité toulousaine », dans Religion, société et politique : mélanges en l'honneur de Jacques Ethel, Paris, Presses universitaires de France, 1983 :
« L'unité du Languedoc existe par sa langue mais plus encore dans cette communauté d'idéal qu'exprime le « Paratge » : un idéal qui est fait de loyauté, d'équité, de fidélité, de respect du droit, tout ce qui oppose le Midi aux chevaliers croisés. »
Yves DOSSAT, « La croisade vue par les chroniqueurs », dans Paix de Dieu et Guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle, Toulouse, Privat, Cahiers de Fanjeaux, n° 4, 1969.
« L'auteur de la seconde partie de la Chanson est un adversaire résolu de la croisade et pour tout dire un partisan. Bien qu'il ne l'exprime pas ouvertement, il n'est certainement pas loin d'admettre que les croisés sont des suppôts de Satan. Pour traduire sa pensée, le continuateur introduit dans la Chanson des allégories qui représentent les qualités et les vertus des uns, les vices et les tares des autres.
D'un côté se trouvent Paratge, la noblesse d'âme, le sentiment de l'honneur, les vertus d'un cœur généreux, inséparable de Pretz, le mérite personnel, qu'accompagnent le bon droit, Dreitz, la justice de la cause, Dreitura, la loyauté, Lialtatz. De l'autre l'orgueil, Orgolhs, l'esprit de démesure, Desmesura, la fourberie, Engans, la mauvaise foi, Falhimens. »
Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.
« En face [de l'Historia albigensis de Pierre des Vaux-de-Cenay], il y a la Chanson de la croisade, tout aussi engagée, surtout dans sa seconde partie, rédigée en occitan vers 1228 et qui est en fait un appel aux sujets du comte de Toulouse, au moment du dernier grand choc avec les croisés de Louis VIII. Ici encore, il serait vain d'attendre de notre auteur trop de nuances : les croisés sont des imposteurs et des usurpateurs, à l'ambition démesurée. Les seigneurs occitans, et notamment le jeune comte Raimond VII, représentent les valeurs courtoises – l'intraduisible Paratge par exemple – valeurs proposées à toute une population en guide d'idéologie « nationale » : l'état des liens féodo-vassaliques en pays d'oc ne permettant pas au poète-popagandiste de jouer uniquement de cette corde ('Nous suivons le comte parce qu'il est notre seigneur'), il faut compléter : 'Nous le suivons parce qu'il respecte les usages et valeurs du pays, et que ceux d'en face ne les suivent pas.' »
La Concordance de l'Occitan médiéval5 permet d'effectuer des recherches lexicales dans l'ensemble du corpus des textes littéraires en ancien occitan (corpus des Troubadours, corpus des textes narratifs en vers). La COM relève plus de 200 occurrences du terme paratge dans le corpus littéraire en ancien occitan (par comparaison « prètz » a plus de 2'300 occurrences sur le même corpus, larguesa ou dreitura, une centaine). À noter que le terme paratge apparaît 48 fois dans la seule Canso de la Crozada.
Assez fréquent chez le troubadours sans représenter pour autant une valeur centrale, l'expression « de (bon) paratge » désigne la qualité de naissance de la dame noble du poème au même titre que « de bon aire » ou « de bon linhatge ». Il s'applique de même pour qualifier la noblesse d'un chevalier, et par extension, la famille noble, la noblesse. Il prend également chez certains troubadours le sens de noblesse de cœur et de mérite. Il est surtout le concept essentiel de la Canso de la Crozada ou il peut désigner le comte de Toulouse et ses alliés, être une allégorie de la ville de Toulouse, résumer l'ensemble des valeurs morales positives à défendre et « à restaurer » face aux croisés.
Comtesse de Dia
Valer mi deu mos prètz e mos paratges
E ma beutatz, e plus mos fis coratges
« Mon mérite, ma haute naissance, ma beauté et plus encore mon cœur fidèle doivent me faire valoir. »
Girard de Roussillon
N'a baron chevaler de nul parage
N'i aie perdut home de son lignage
« Il n'y a pas de noble chevalier d'aucune famille qui n'ait perdu [dans la bataille] homme de sa parenté »
Guiraut de Bornelh
Mot era dous e plazens
lo temps gay cant fon eslitz
paraties, et establitz ;
que.ls drechuriers conoissens
lials, francx, de ric coraties
plazens, larcx, de bona fe
vertadiers, de gran merce
establi hom de paratie
per cui fo servir trobatz
cortz e domneis e donars
amors et totz benestars
d'onor e gran drechura
« Il était doux et plaisant le temps joyeux où la noblesse fut choisie et créée ; car paratge fut conféré à ceux qui étaient justes et sages, loyaux, francs, au cœur noble, plaisants, généreux, de bonne foi, sincères, compatissants. C'est grâce à de tels hommes qu'on été inventés le service courtois, le domnei, la largesse, l'amour et toutes les coutumes agréables, selon l'honneur et le droit. »
Dans l'Ensenhamen d'Arnaut de Mareuil
Li borzes eissamens
An pretz diversamens ;
Li un son de paratge
E fan faitz d'agradatge
« Les bourgeois, de même, ont du prix diversement, les uns sont de grande famille, et agissent de manière agréable. »
La Vida de Peire Cardenal
Peire Cardinal si fo de Veillac, de la siutat del Puei Nostra Domna ; e fo d'onradas gens de paratge, e fo filz de cavallier e de domna...
« Pierre Cardenal était du Velay, de la cité du Puy-Notre-Dame ; il était d'une honorable famille de la noblesse, fils d'un chevalier et d'une dame... »
Canso de la Crozada : discours par lequel le troubadour Gui de Cavalhon accueille le jeune comte de Toulouse sur le chemin d'Avignon (laisse 154, vv.6-17)
Mons Guis de Cavalhon desobr'un caval ros
A dig al comte jove : « Òimais es la sasos
Que a grands òbs Paratges que siatz mals e bos, Car lo coms de Montfòrt que destrui los baros
E la Glèisa de Roma e la predicacios
Fa estar tot Paratge aunit e vergonhós,
Qu'enaissí es Paratges tornats de sus en jos
Que si per vos no.s lèva per tostemps es rescos.
E si Prèsts e Paratges no.s restaura per vos,
Doncs es lo mòrts Paratges e tots lo mons en vos,
E pòs de tot Paratge ètz vera sospeiços,
O tots Paratges mòria o vos que siats pros ! »
« Messire Gui de Cavalhon, monté sur un cheval roux, / a dit au comte jeune : « Voici le moment / où Paratge a besoin que vous soyez belliqueux et brave, / car le comte de Montfort qui détruit les barons / et l'Eglise de Rome et ses prédicateurs / couvrent Paratge de honte et d'ignominie / au point que Paratge est tellement tombé à la renverse / que s'il ne se redresse pas grâce à vous, il disparaîtra pour toujours. / Et si vous ne restaurez pas Mérite et Paratge / alors, par votre faute, sont morts Paratge et tout l'univers ; / et puisque de tout Paratge vous êtes la véritable espérance, / il faut que tout Paratge meure ou que vous soyez vaillant »
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1. Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme. ↑
2. Sur l'évolution de l'interprétation de la Canso de la Crozada au XIXe et au XXe siècle, voir Philippe MARTEL, op. cit. : « Pour Mary-Lafon et Peyrat, les valeurs de la civilisation occitane médiévale existaient d'abord par leur caractère démocratique et progressiste : elles annonçaient celles qui triomphent en France après la Révolution. Chez nos auteurs du XXe, ce caractère démocratique est second. Joi et Paratge définissent une éthique abstraite, pas un comportement social. Et surtout, ces valeurs sont immanentes, ancrées presque biologiquement dans l'homme d'oc, et échappent donc à l'histoire. »↑
3. « Qualité, extraction, haute naissance. » (TLFI) ; la parage est également un concept de droit féodal réglant les partages entre aînés et puînés.↑
4. « La civilisation qui constitue le sujet du poème n'a pas laissé d'autres traces que ce poème même, quelques chants de troubadours, de rares textes concernant les cathares, et quelques merveilleuses églises. Le reste a disparu ; nous pouvons seulement tenter de deviner ce que fut cette civilisation que les armes ont tuées, dont les armes ont détruit les œuvres. Avec si peu de données, on ne peut espérer qu'en retrouver l'esprit ; c'est pourquoi, si le poème en donne un tableau embelli, il n'en est pas par là un moins bon guide ; car c'est l'esprit même d'une civilisation qui s'exprime dans les tableaux qu'en donnent ses poètes. (...) Chaque civilisation, comme chaque homme, a la totalité des notions morales à sa disposition, et choisit. (...) Si l'intolérance l'emporta, c'est seulement parce que les épées de ceux qui avaient choisi l'intolérance furent victorieuses (...) L’Europe n'a plus jamais retrouvé au même degré la liberté spirituelle perdue par l'effet de cette guerre. »↑
5. Peter T. RICKETTS (éd.), Concordance de l'Occitan médiéval : Les troubadours. Les textes narratifs en vers [CD ROM], Brepols.↑
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Gaston III, comte de Fois, vescomte de Bearn, dintrèt dins la legenda jol nom e la grafia occitana de Fèbus.
Dins lo contèxte tumultuós de la Guèrra de Cent Ans (1337-1453), qu'opausa reialmes de França e d'Anglatèrra, marca l'epòca per son sens agut de la politica e son amor de las arts e de las letras. Se son demoradas mai que mai las accions militàrias màgers d'aquel estratèg militari, lo fast de sa cort e los desbòrdaments de son caractèr, Fébus aguèt tanben un ròtle de granda importància sus lo desvolopament de la lenga e de la cultura occitanas al sègle XIV.
Bon coneisseire de l'occitan dins sa varianta bearnesa tant coma l'occitan literari dels trobadors, fa de se lenga mairala un otís politic que li permet d'aumentar son poder sus l'ensems de la populacion de sos territòris. Es tanben un actor del desvolopament cultural en particulièr per lo domeni scientific.
« Calandreta » [kalɑ̃'dretɔ] es lo nom balhat per sos fondadors a la primièra escòla associativa e immersiva occitana qu’obrís a Pau lo 5 de genièr de 1980. Dins lo meteis temps, un projècte similar menat a Besièrs, sens ges de concertacion amb lo primièr, se complís amb la creacion d’una autra escòla en setembre de la meteissa annada. Lo tèrme « Calandreta » es adoptat a Besièrs, çò que federa los dos establiments : atal espelisson la Calandreta Paulina e la Calandreta l’Ametlièr.1
Emplegat dins l’espaci occitan mediterranèu tot, d’Alps a Pirenèus, lo tèrme « calandra » o « calandreta » (que n’es la fòrma diminutiva) designa en occitan una espécia particulara d’alausa : la Melanocorypha calandra (en francés « alouette calandre ») e la Calandrella brachydactyla (« calandrelle »). Per extension, lo tèrme pòt tanben, d’un biais generic, designar tota alausa.
Lo mot « calandre », en mai del mascle de la calandra, designa tanplan un aprendís.2
Coma o ensenha l’emplec del sufixe diminutiu “-on” (al femenin “-ona”), que se retròba per exemple dins « pichon », lo calandron es un aucelon, lo pichon de la calandra ; en mai d’un escolan de Calandreta, lo tèrme es tanben utilizat per designar un toston.3
Lo calandrin es, el, una alausa jove. Es tanben lo nom balhat als regents a venir per lor annada de formacion a l’establiment d’ensenhament superior occitan Aprene.
Dins un domeni tot autre, lo calandrin es en mai lo nom occitan del caladrius o caladre en francés, una creatura legendària descricha dins mantun bestiari medieval amb la semblança d’un aucèl, sovent blanc, del cant melodiós e dels poders medicinals e devinadors. Aprenèm atal dins Aiso son las naturas d'alcus auzels e d'alcunas bestias, imitacion anonima del sègle XIII, en occitan, del Bestiaire d’amour de Richard de Fournival :
« S’òm pòrta un calandrin davant un òme qu’es malaut et qu’òm lo gete sus son lièch, se lo Calandrin agacha l’òme a la fàcia, aquò’s signe qu’es per garir mas se virala coa, aquò’s s senhal de mòrt. »4
1. cf. BACCOU, Patrice. L'aventure des Calandretas. In Confederacion occitana de las escòlas laicas Calandretas. Calandreta : 30 ans de creacions pedagogicas. Montpelhièr : La Poesia : Confederacion occitana de las escòlas laïcas Calandretas, 2010. 366p. ISBN : 978-2-914243-14-8. pp.358-362↑
2. MISTRAL, Frédéric, Lou tresor dóu Felibrige, ou Dictionnaire provençal-français embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne. Aix-en-Provence : J. Remondet-Aubin ; Avignon : Roumanille ; Paris : H. Champion, [1878-1886]. 2 vol. (1196, 1165 p.). ISBN : 2-86673-113-1.↑
3. Ibid.↑
4. Cançonièr dich La Vallière. BnF, ms français 22543. Transcripcion e revirada francesa : Ives Roqueta per la mòstra De la natura de quauquas bèstias illustrada per d'òbras originalas de Pierre François (colleccions CIRDÒC).↑
5. Lou Cèu de Pau, Lous Mandragòts, LABARRÈRE, André. Chants du Béarn. Pau : Lou Cèu de Pau, 1984. 137 p.↑
La jornada « Numerizar, transmetre : la numerizacion del patrimòni per la transmission de las lengas de França » foguèt organizada amb lo sosten del Ministèri de la Cultura e de la Comunicacion - « Apèl a projèctes nacional patrimòni escrich », de la Region Lengadòc e Rosselhon, de Lengadòc e Rosselhon Libre e Lectura e de l’ensemble dels partenaris del portal interregional www.occitanica.eu.