Chant gascon
Paroles et traduction de la chanson (transcription fidèle du texte de la pochette du disque édité ; peut contenir des erreurs) :
Quan Gargantua | Quand Gargantua |
Tornè de l'armada | Revint de l'armée |
Dithò en entrant | Il dit en entrant |
Qu'éra mort de hami | Qu'il était mort de faim |
Refrain | Repic |
Ah! b'éri jo malauda | Ah! Que j'étais malade |
Oc, mlauda éri jo ! | Oui, malade j'étais ! |
S'a minjat un pòrc | Il a mangé un porc |
En ua gresilhada | Le temps d'une averse de grésil |
S'a minjat un buòu | Il a mangé un boeuf |
En ua poderada | Le temps de le tailler |
S'a minjat lo pan | Il a mangé le pain |
De dotze hornadas | De douze fournées |
Que s'a but lo vin | Il a bu le vin |
De quatorze annadas | De quatorze années |
Quan esto sadoth | Quand il fut repus |
Demanda ajada | Il demande à s'étendre |
Que l'an hèit un lheit | On lui fit un lit |
De sèt cars de palha | De sept chars de paille |
Quan esto cothat | Quand il fut couché |
Demmandè sa hemna | Il demanda à sa femme |
L'a volò tocar | Il a voulu la toucher |
S'es esbitcherrada | Elle s'est mise à bêler |
Chanson recueillie dans la région de Nice en dialecte Nissart.
Paroles de la chanson (transcription fidèle du texte de la pochette ; peut contenir des erreurs) :
Calant de Vilafranca | Descendant de Villefranche |
Per me crompar un capeu | Pour m'acheter un chapeau |
Me sìeu trompat de pòrta | Je me suis trompé de porte |
Dintreri au bordeu | Je suis rentré au bordel |
Repic | Refrain |
Tralala tralala | Tralala tralala |
Li gandaulas que se marìdon | Les putes qui se marient |
Tralala tralala | Tralala tralala |
Li gandaulas son marìdas | Les putes sont mariées |
Vai que l'amor ti passarà | L'amour te passera bien |
Fai larireta, fai larireta | Chante, chante |
Vai que l'amor ti passarà | Fai larireta, fai larira |
La femna dau bordeu | La mère maquerelle |
Diguèt "a que sies beu !" | dit "Ah que tu es beau !" |
M'a fach calar li bralhas | Elle m'a fait descendre les pantalons |
Per me chucar l'auceu | Pour me sucer l'oiseau |
I avia una gandaula | Il y avait une pute |
Amb de gros botelhs | Avec de gros mollets |
Lo cuiou coma una tìna | Le cul comme une tine |
L'i ai fotut lo pinseu | J'y ai mis le pinceau |
N'i aviá una pichina | Il y avait une petite |
Amb de belas tetinas | Avec de gros seins |
L'i ai pesugat li possas | Je lui ai pincé les tétons |
M'a pesugat l'auceu | Elle m'a pincé l'oiseau |
Paroles de la chanson (transcription fidèle du texte de la pochette ; peut contenir des erreurs) :
C'était en Janvier la noce à Aimée
Avec Désiré son jeun' fiancé
Au son du violon et de l'accordéon
Aimée Désiré se sont mariés
Mais la pauvre Aimée, la bouche de côté
Ne pouvait parler qu'en parlant du nez
Quant à Désiré le pauvre garçon
Il avait l'menton comme un potiron
La tata Emma avait mal au bras
Tonton Marius était pleinde puces
La demoiselle d'honneur avait mal au coeur
Et son cavalier avait mal aux pieds
Les petit' cousines en rob' de mousseline
Et les ptits cousins s'tenaient par la main
Et les vieux parents suivaient en boîtant
Et versaient des pleurs qui faisaient mal au coeur.
Chanson traditionnelle Provençale
Paroles (transcription fidèle du texte de la pochette ; peut contenir des erreurs) et traduction :
E ieu tanben vòli me maridar amb la Marion qu'es tan polida. Mai as pas de lotjament, ai pas de cantaire, ai pas d'argent.
Alara, monsurs, dams, consi me cal faire ?
Et moi aussi je veux me marier avec Marion qui est si jolie. Mais je n'ai pas de logement, je n'ai pas de chanteur, je n'ai pas d'argent.
Alors messieurs-dames, comment dois-je faire ?
Parpalhon mon bon amic | Papillon mon bon ami |
Parpalhon marida ti ! | Papillon marie-toi donc ! |
Dels ancians seguent l'usatge | Des anciens suivant l'usage |
Pens'a te metr'en menatge | Pense à te mettre en ménage |
Parpalhon mon bon amic | Papillon mon bon ami |
Parpalhon marida ti ! | Papillon marie-toi donc ! |
Coma me maridarai | Et comment me marier |
Que ges de lotjament n'ai | Je ne sais où me loger |
Li responde la limaça | Moi, lui répond la limace |
Leu te cedarai ma plaça ! | Je te céderai ma place papillon ! |
Coma me maridarai | Et comment me marier |
Que ges de lençòl ieu n'ai | Puisque je n'ai pas de draps ? |
Va, lui répond l'araignée, | |
Ieu te filarai l'escanha ! | Je te filerai la toile ! |
Coma me maridarai | Et comment me marier |
Que de pan per aquò n'ai | Puisque je n'ai pas de pain ? |
En serva garde l'espiga | La fourmi répond - je garde |
Li responde la formiga | Plus d'un épi en réserve ! |
Coma me maridarai | Et comment me marier |
Que de cantaire non ai | Puisque je n'ai pas de chanteur |
Li responde la cigala | La cigale lui répond |
De mon cuou farai timbala | Mon cul fera timbale |
Coma me maridarai | Et comment me marier |
Que d'argent per aquò n'ai | Puisque je n'ai pas d'argent |
Oui, lui répondit la vieille | |
J'te don'erai de l'oseille | |
Parpalhon, mon bon amic | Papillon mon bon ami |
Parpalhon marida ti ! | Papillon marie-toi donc ! |
Dels ancians seguent l'usatge | Des anciens suivant l'usage |
Pens'a te metr'en menatge | Pense à te mettre en ménage |
Parpalhon, mon bon amic | Papillon mon bon ami |
Parpalhon marida ti ! | Papillon marie-toi donc ! |
Premier extrait musical de la pièce, L'Air du Guet fait partie de la tradition carnavalesque d'Aix-en-Provence.
L'Antoni, est, elle, une chanson présente en Languedoc et Provence.
Paroles de l'Antoni : (transcription fidèle du texte de la pochette ; peut contenir des erreurs)
Ma filha te vòls maridar |
Ma fille, tu veux te marier |
Avem ges d'argent per te donar | Nous n'avons pas d'argent à te donner |
Qu'es aquò d'argent ? | Qu'est-ce que c'est l'argent ? |
Qu'apelatz d'argent ? | Qu'appelez-vous l'argent ? |
Empruntaren nòstres parents | Nous emprunterons à nos parents |
REPIC | REFRAIN |
L'Antoni, lo vòli | L'Antoine je le veux |
Maridatz-me per aquest'an | Mariez-moi cette année |
Ièu podi plus esperar tan ! | Je ne peux attendre plus ! |
Ma filha te vòls maridar | Ma fille tu veux te marier |
Avem ges de pan per te donar | Nous n'avons pas de pain à te donner |
Qu'es aquò de pan ? | Qu'est-ce que le pain ? |
Qu'apelatz de pan ? | Qu'appelez-vous du pain ? |
Los bolangièrs coion tot l'an | Les boulangers cuisent toute l'année |
Ma filha te vòls maridar | Ma fille tu veux te marier |
Avem ges d'abit per te donar | Nous n'avons pas d'habits à te donner |
Qu'es aquò d'abit ? | Qu'est-ce que c'est des habits ? |
Qu'apelatz d'abit ? | Qu'appelez-vous des habits ? |
Empruntarem nòstres amics | Nous en emprunterons à nos amis |
Ma filha te vòls maridar | Ma fille tu veux te marier |
Avem ges de crotz per te donar | Nous n'avons pas de croix à te donner |
Qu'es aquò de crotz ? | Qu'est ce que c'est une croix ? |
Qu'apelatz de crotz ? | Qu'appelez-vous une croix ? |
S'embrassarem ben totes dos | On s'embrassera bien tous les deux |
Ma filha te vòls maridar | Ma fille tu veux te marier |
Avem ges de lièch per te donar | Nous n'avons pas de lit à te donner |
Qu'es aquò de lièch? | Qu'est ce qu'un lit ? |
Qu'apelatz de lièch ? | Qu'appelez-vous un lit ? |
Cocharem long dels escaliers | Nous coucherons le long des escaliers |
Enregistrement traité dans le cadre du programme Patrimoine Oral du Massif Central.
Entretien avec plusieurs chanteuses qui récitent ou chantent tour à tour plusieurs chansons de leur enfance, aussi bien en occitan qu'en français.
Texte de l'épisode 10 :
La nuit fut courte et le réveil plus que difficile avec le décalage horaire. La pauvre Jeanne buvait son thé sans savoir où elle était : heureusement elle voyait de l'autre côté de la rue,dans le jardin où se promenaient les écureuils, un drapeau planté qui n'était pas un drapeaufrançais, ni un drapeau occitan mais celui du plus grand pays du monde occidental, les Etats-Unis d'Amérique.
- « Bon dieu, c'est étrange, est-ce qu'ici ils plantent les drapeaux dans les jardins parce qu'ils font des fruits ? »
- « Non, c'est un moyen de dire de quel côté on est : les républicains avec le drapeau US ont une pancarte où on peut lire « Support our troups » et, si tu regarde dans l'autre jardin, tu peux voir qu'ils sont démocrates parce qu'ils ont une pancarte où il y a écrit : « War is not an answer », « Obama president ».
- « Comme ça chacun sait ce que vote vote son voisin ! C'est plus simple, pas d'embrouille ! »
- « Jeanne, nous aurons le temps de discuter dans la voiture, va t'habiller. Dépêche-toi. Je commence à 11 heures : c'est une leçon sur la trobairitz La comtessa de Dia ».
On était encore dans la chaleur de l'été, j'avais mis une robe jaune et rouge. on partit et je me retournai : Mathilde avait mis sa tête à la fenêtre, mais je ne pense pas qu'elle me voyait.
Elle semblait être ailleurs. C'était la première fois que je la laissais pour une journée entière. Je lui avais laissé 100 dollars, si elle voulait s'acheter quelque chose, on ne sait jamais !
Rémy était heureux ; il sifflait le « Se Canta ».
- « Madame est vêtue comme un drapeau occitan, pour un cours de langue romane c'est une bonne idée : ça fait folklorique. Il y en a qui ont le drapeau dans le jardin et d'autres qui le mettent sur eux ! »
- « Toi, tu es habillé comme un professeur : à chacun son métier. »
Rémy me prit la main :
- « Ça me fait plaisir d'être avec toi! »
- « Moi aussi mais je suis inquiète d'avoir laissé Mathilde seule ! »
- « Mathilde est majeure, elle peut vivre sans une mère à ses côtés. »
Nous étions sur une autoroute, puis nous avons tourné vers UMBC c'est à dire : University of Maryland Baltimore County. Une université publique.
Moi qui avais passé toute ma vie dans la poste de mon village, je me sentais comme une enfant à côté de ces grands buildings avec des étudiants qui courraient partout, de toutes les couleurs et surtout qui ne parlaient que l'anglais. Pas tous : j'entendais parler espagnol aussi. A chaque fois que Rémy rencontrait quelqu'un qu'il connaissait il me présentait : « Jeanne Belcaire, une amie d'enfance venue du midi de la France et qui parle la langue occitane que j'enseigne dans mes cours. »
Je ne comprenais pas tout mais j'essayais de faire celle qui... en faisant beaucoup de sourires et de Hello !
Peut-être que dans peu de temps j'oserai dire : How are you ?
Nous étions enfin arrivés dans la classe où les étudiants de Rémy nous attendaient.
- « Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Jeanne does not understand a word of English. She came especially from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her. »
Tout le monde commença à rire. C'était trop difficile pour eux de maîtriser la langue occitane. Donc Rémy fit les traductions de l'anglais à l'occitan et de l'occitan à l'anglais. Mais il y en avait qui essayaient de me comprendre et disaient que c'était plus simple que le français parce que c'était proche de l'espagnol.
Les questions tournaient autour de la langue, du vin, des taureaux :
-« Do people still speak occitan in the street ? »
-« Do you drink wine every day ? »
- « Do you like to see bullfights ? »
Puis Rémy me demanda de chanter une chanson : je choisis la chansin de Claire d'Anduze « en greu esmai ». Peut-être qu'une chanson de « Moussu T e lei Jovents » comme « Lo gabian » aurait été plus belle pour ces jeunes, mais je ne connaissais pas les paroles.
Après le repas il y avait encore un cours.
Je me régalais : Mathilde était loin. J'étais tellement heureuse d'être avec tous ces jeunes et Rémy semblait se régaler aussi.
En rentrant à la maison il me dit :
- « C'est la première fois que je fais ça et c'est un plaisir. Dommage que la retraite est si proche.... nous aurions pu faire tant de choses ensemble ».
- « Quand t'arrêtera-tu ? »
- « L'année prochaine et je ne sais pas ce que je vais faire... Allons au supermarché près de la maison : Giant. »
- « Je veux du poisson, de la salade verte, du roquefort et du sorbet. C'est moi qui régale aujourd'hui ! »
- « Ma Dame, c'est comme vous voulez ! »
Quand je payais avec la carte Visa la caissière me demanda :
- « Cash ? »
- « Que veut-elle dire ? »
- « Le supermarché est comme une banque. Si tu veux cette dame peut te donner de l'argent. »
- « No, thank you ! »
- « Hourra ! Tu commence à parler ! »
Nous arrivâmes à la maison, c'était le soir mais la maison était complètement obscure, pas une lumière.
- « Que se passe-t'il, Mathilde n'est pas rentrée ? »
- « Ne te fais pas de mauvais sang : elle est allée se promener, s'il s'était passé quoi que ce soit elle m'aurait appelé sur mon portable ! »
Rémy ouvrit la porte d'entrée, nous avons porté les courses dans la cuisine. Sur la table il y avait une lettre.
Je commençai à frissonner : la tête de Mathilde à la fenêtre ce matin si lointaine !
Je m'assis, maintenant c'était le moment de lire :
« Jeanne,
Je sais que tu pleureras ce soir, mais tu ne seras pas seule : Rémy sera à côté de toi. Merci pour tout. Je n'ai pas voulu te le dire mais j'ai rencontré un amoureux par Internet, et il est venu me chercher depuis Philadelphie. Si tout se passe bien avec lui je te rapellerai et quand nous viendrons en France ce sera chez toi. Je veux être libre de choisir ma vie et être indépendante. Il y avait trop d'amour entre nous : tout l'amour que tu n'as pas eu dans ta vie sans mari et sans enfant, tout l'amour que je n'ai jamais eu avec ma famille. Ça me faisait peur.
Adieu et peut être à un jour, je ne sais pas quand.
Ta fille qui t'aime
Mathilde
P.S. : Merci à Rémy pour son hospitalité »
C'était la fin d'un rêve. Tout tournait autour de moi.
Je pleurai et nous avons parlé toute la nuit avec Rémy : quand on est vieux, un avenir est-il possible ? Quand on est jeune peut-on être heureux tout seul ?
Et maintenant que faire : rester, rentrer à la maison... ou changer complètement de vie ?
FIN
Texte de l'épisode 9 :
Après l'autoroute, nous sommes entrés dans la ville. Rémy était heureux de faire le guide. Pour commencer le quartier de la mer avec le gigantesque aquarium.
Baltimore au bord de la baie du Cheasepeake, est un peu le pendant de Marseille sur le bord de la mer Méditerranée : deux villes qui étaient à une époque deux grands ports.
Évidemment, il y en a une avec ses gratte-ciels américains qui est plus grande que l'autre avec la Bonne Mère. En se promenant sur l'ancien port de Baltimore Fellspoint, on pense au vieux port de Marseille ! Mais ici pas de bouillabaisse : que des crabes : c'est l'animal totémique de la ville !
Nous avons fait un petit tour dans le centre ville avec ses très grandes avenues et les sirènes des voitures de police qui n'arrêtaient pas de hurler. Et Rémy dit :
« J'ai besoin d'aller dans une épicerie italienne si je veux vous faire un peu de bonne cuisine. On y trouvera tout ce qu'il faut. »
« Mais c'est trop tard ! Les boutiques doivent être fermées, il est onze heures du soir ! »
« Tu n'es plus en France, petite, ici tu peux trouver tout ce que tu veux quand tu le veux ! »
« The new world ! »
Nous avons garé la voiture et sommes entrés dans la « Sicilienne ».
Mathilde était ébahie de voir tout ce qu'il y avait sur les rayonnages de la boutique : olives, tomates, huile d'olive, pâtes, parmesan, comme dans un village de Toscane.
Tout d'un coup Rémy cria :
« Attention ! Tout le monde au fond de la boutique».Un bruit de fusillade dans la rue où il n'y avait plus de voitures. On entendit des cris, une balle transperça la vitrine, on vit deux hommes qui courraient. Dans la boutique pas un mot. Puis le silence dehors et pour finir la sirène des voitures de police.
Mathilde pleurait :
« Mais que se passe-t-il ? C'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur. C'est un mauvais rêve : je veux rentrer à Montpellier. Jeanne partons ! Ce new world ne me plaît pas ! »
Elle ressemblait à une enfant et j'avais envie de rire à m'exploser les côtes : c'était mieux qu'au cinéma ! Rémy était sérieux et pas très content de cette aventure. Sa voix était celle d'un professeur :
« Baltimore est une ville où les fusils sont rois : 300 personnes sont tuées chaque année par balles. Ne te fais pas de mauvais sang petite, nous allons à Catonsville, c'est une ville calme. Ça fait trente cinq ans que je vis dans ce pays et c'est la première fois que je me trouve au milieu d'une telle affaire ! »
« Il nous faut terminer les courses ! Mathilde, quand on racontera ça au village, personne ne nous croira ! »
« J'aimerais goûter une pizza américaine ! »
C'était un peu comme un bizutage ! Quelle chance !
Nous sommes arrivés à Catonsville : il était minuit passé.
Une jolie maison avec un étage, au milieu d'un jardin, toute en bois:
« Elle est ancienne, elle a été bâtie en 1920 ».
Nous sommes entrés dans la maison :
« Allez poser vos valises. En haut de l'escalier à droite Mathilde et de l'autre côté Jeanne ! Je commence à préparer le dîner. »
« Je peux prendre une douche ? »
« Bien sûr petite ! Tant que tu veux ! ».
Je montai dans la chambre. Elle était petite mais jolie : un lit, une table, une armoire. Je me sentais timide et un peu nigaude. J'essayai de me faire jolie, pecaire, qu'à mon âge ce n'est pas simple.
Rémy était dans la cuisine : une cuisine américaine moderne qui n'avait rien à voir avec la mienne au village.
Je ne savais pas que faire pour l'aider.
« Je suis heureuse d'être ici, merci de nous recevoir. »
« C'est un plaisir pour moi. Depuis la mort de Lise je me sens seul comme un vieux. Heureusement qu'il y a l'université et les collègues. »
« Est-ce que tu rentreras quand tu seras à la retraite ? »
« Pour quoi faire ? Je ne connais plus personne au pays et je pense que changer de mode de vie doit être difficile à mon âge ! »
« Mais peut-être que tu pourrais venir plus souvent : il y a toujours la maison de ta mère ? »
« C'est ma soeur qui l'a prise pour sa retraite. »
« Maintenant j'ai deux maisons. J'ai fait un bel héritage ! »
« Un héritage ? Comment ? Tu te moques de moi ?! Ta famille n'avait pas un sou ! »
« Mon oncle Vincent m'a tout laissé. C'est pour ça que je suis ici : j'ai de l'argent ! »
« Et cette Mathilde, où l'as tu trouvée ? Jeanne aurait eu une fille sans rien dire à personne ? Tu me feras toujours rire ! »
« Si je te racontais comment ça s'est passé tu me croirais pas ! »
« Essaie, on verra bien ! »
« Le jour de la mort de l'oncle Vincent, quelqu'un a sonné à ma porte et... c'était Mathilde ! Depuis elle est restée avec moi et je suis heureuse. Je n'ai pas pu résister à son sourire et au plaisir d'avoir enfin une fille, mon vieux rêve... »
« Il faudra lui trouver un travail... »
« Non... une école de diététique... je paierai pour elle ! »
« J'ai faim ! Est-ce que nous pouvons manger ? »
« Ne t'en fais pas ma fille, pour commencer nous allons boire un peu de vin de l'Hérault, un Faugères ! Et demain vous viendrez avec moi au cours de langue romane... »
« Vous ferez comme vous voudrez, mais demain, je veux rester seule à la maison pour dormir et découvrir Catonsville. »
« Quelle idée ! Comme tu veux ! Tu es grande et tu sais ce que tu fais ! Mais ça ne me plaît pas trop te laisser seule, même si Catonsville n'est pas Baltimore ! »
« Hourra ! Santé ! ».
Enregistrement inédit de Bernard Manciet lisant l'incipit du Gojat de Noveme, réalisé chez l'auteur, à Trensacq dans les Landes, par Serge Javaloyès, directeur de la revue et des éditions Reclams.
Ce roman, paru la première fois en 1964 (Toulouse, Institut d'estudis occitans) et plusieurs fois réédité (Reclams, 1995 et 2003), est une des œuvres majeures de la littérature occitane du XXe siècle.
"Lo gojat de noveme est le nom que donne Bernard, le narrateur à cet étranger qui vient chaque année au Barrail pour quelques jours puis reprend son chemin vers on ne sait quel destin. Une année, il ne réapparaît pas. Commence alors une longue attente d'une famille écrasée par la misère et l'isolement. Il reviendra pourtant, le jeune homme de novembre, mais rien ne sera plus comme avant. Bernard devra continuer à vivre dans ce monde à l'agonie malgré la tuberculose qui l'étouffe ; vivre jusqu'au bout du souffle, pour dire le secret qui déchire son âme d'homme." Présentation de l'éditeur, Lo Gojat de Noveme, Editions Reclams, Collection "Obras", 2003.
Bernard Manciet, Bernat Manciet en occitan (Sabres, 1923 – Mont-de-Marsan, 2005), écrivain d'expression gasconne et française, est une figure majeure de la littérature occitane du XXe siècle.
Traduction française de l'incipit de Lo gojat de noveme (Edicions Reclams, Pau, 2003).
"Une fois que le marchand de sangsues était revenu de l'étang d'Aureilhan, passaient encore les gens de Labrit de retour de la foire de septembre, avec leurs bâches blanches. Puis c'étaient les palombes, et nous criions: "Ohé...uu..." sur la lande. Et puis le mauvais temps. Au bourg, quand s'étaient éteintes les lampes à acétylène des baraques, les soirs de Saint-Martin, et éteint le fromage rond du poste d'essence - on entendait quelques temps encore le marchant d'appeaux, la nuit, sur notre chemin -, nous étions dans l'hiver. Les gitans faisaient du feu, un soir, deux soirs, quand ils se trouvaient à passer. Quant aux autres pauvres diables, les gens du Cirque ou les colporteurs de la montagne, ceux-là ne viendraient se chauffer chez nous qu'un moment : depuis le chemin on voyait rougeoyer notre foyer."