Maurice Andrieu : pionnier de l'occitan à la télévision [Article biographique]
Maurice Andrieu (1933-2011) est natif du Rouergue, en Aveyron. Débutant sa carrière comme médecin anesthésiste à Paris, il décide rapidement de se consacrer à « réaliser cette envie qu’[il] avait dans la peau », comme il le dit dans une interview donnée à la revue Tecimeoc à l’hiver 1980. Cette prise de conscience de la nécessité de s’engager sur la voie du théâtre est parallèle à celle de sa culture occitane. Il indique :
« Car si, grâce à ma grand-mère qui m’a élevé intégralement, je peux dire que l’occitan est ma véritable langue maternelle, comme à tous les enfants de ce pays qui ont fait quelques études, on m’a appris à renier ce « patois » infâmant qui est pourtant une des grandes langues de civilisation, comme on le sait, et qui est notre langue. Et je crois qu’on ne peut pas s’exprimer au mieux en dehors de sa langue, de sa langue véritable. Voilà comment je suis devenu comédien et occitaniste. »
Les débuts à la radio
Installé à Toulouse dès 1973, juste après la parenthèse parisienne de son début de carrière, il est engagé par l’Académie des Jeux Floraux pour écrire le scénario d’un feuilleton de 26 minutes, qui sera diffusée par la Maison de la Radio de Toulouse. Puis, au moment de l’éclatement de l’ORTF en 1975, il est pressenti pour animer en langue d’oc l’émission L’Heure occitane sur Radio Toulouse. La portée de cette dernière s’avère bien plus large que les frontières de la Ville rose, puisque, étant diffusée sur ondes moyennes, elle est entendue jusqu’en Catalogne Sud et aux Baléares. Très vite, les auditeurs écrivent d’un peu partout : Provence, Limousin, Gascogne et Languedoc.
Parallèlement, Maurice Andrieu rencontre la chanteuse Jacmelina, pour laquelle il écrit de nombreux textes de chansons. Viendra ensuite une collaboration fructueuse avec Rosina de Pèira.
L’homme de théâtre
Mais c’est sur les planches que Maurice Andrieu s’épanouit réellement, de par le rapport direct qui se crée avec le public. Pour lui, là où la télévision et le cinéma sont affaire de technique, le théâtre porte un enjeu artistique autrement plus fort. Il fonde ainsi en mars 1978 la Comèdia Occitana Tolzana, avec le musicien Eric Fraj, la productrice Noëlle Veriac et la comédienne Maria-Elèna Gellis. Cette troupe, composée d’une quinzaine de comédiens professionnels, est la première à se vouer au théâtre intégralement en langue occitane. Elle se donne aussi pour but de former de jeunes comédiens d’expression occitane. De son côté, Maurice Andrieu n’hésite pas à traduire Molière en occitan languedocien, considérant qu’il n’existe malheureusement pas à ce jour de grand auteur de théâtre occitan : ce sera Lo Mètge per Fòrça (Le Médecin malgré lui).
Présence à la télévision
Pour autant, la télévision fait aussi largement appel à lui. En tant qu’acteur, il participe à des productions télévisées nationales et réalise de nombreuses voix-off pour différents programmes. Mais les places sont chères :
« Il faut voir, et c’est un problème très vaste, que les comédiens « de province » sont utilisés comme des appoints. Alors en général, le rôle importe peu : ce sont des rôles de bouche-trou, plus ou moins exploités financièrement… Encore que la télévision paie beaucoup plus correctement que la radio. Je m’excuse de parler de finances, mais c’est ce qui permet de vivre ! Nos problèmes, notre lutte, se passent aussi sur le plan matériel. [...] Ce qu’il faut dire, c’est que les comédiens, les réalisateurs d’ici ont très peu droit à la parole. Pourtant il faut continuer à se battre, être présent, se perfectionner sans cesse dans son travail. »
Cet engagement pour une télévision telle qu’il la rêve, des programmes de qualité en langue occitane, trouvera son aboutissement lorsque, en 1981, en application des promesses électorales de François Mitterrand pour une représentation des langues régionales à la télévision publique, la chaîne FR3 aménage ses grilles de programmation.
C’est à lui qu’on fait appel pour présenter le tout premier programme télévisé en langue d’oc : Per Jòia Recomençar, diffusé le 25 septembre 1981. Produite par Maurice Andrieu lui-même et réalisée par Jean Fléchet, cette émission propose de découvrir l'originalité d'une culture à travers le regard qu'une jeune femme, une certaine Jacmelina, porte sur les pays occitans et catalans.
Un mois plus tard est diffusé L’erba d’agram (« le chiendent », en français) où il met en scène, avec le comédien Claude Alranq, la confrontation entre un professeur de l’école républicaine avec un ancien élève, puis avec un viticulteur.
S’ensuit, juste après ces deux productions de type « docufiction », le lancement du tout premier magazine hebdomadaire occitan, Viure al Pais, qu’il présentera pendant dix-sept années, jusqu’à sa retraite en 1998. Initialement programmé le samedi et durant un peu plus d’une demi-heure, il atteindra les 40 minutes d’antenne dans les années 1990 avant d’être ramené à 26 minutes à la fin de la décennie. Avec près de quarante années d'existence, c'est à ce jour le plus ancien programme télévisuel en langue occitane qui soit toujours à l'antenne. Il en inspirera de nombreux autres.