Sommaire
La course camarguaise est un sport dans lequel les participants tentent d'attraper des attributs primés fixés à la base des cornes d'un taureau Camargue appelé cocardier ou biòu (bœuf en provençal). La course camarguaise est pratiqué dans le Gard (30), l'Hérault (34), une large partie des Bouches-du-Rhône (13), ainsi que dans quelques communes du Vaucluse (84). Une grande partie de son vocabulaire est issu de l'occitan provençal. Bien qu'activité tauromachique, la course camarguaise est bien distincte de la course landaise ou des différentes formes de corridas. En effet, contrairement à ces dernières, aucune mise à mort n'est pratiquée.
1/ La pratique de la course camarguaise aujourd'hui
Déroulement de la course
La course commence par une capelado (salue en provençal) où les participants à la course, les raseteurs saluent le public puis la présidence. Le défilé a lieu sur l'air d'ouverture de Carmen de Georges Bizet.
S'en suit alors l'arrivée du taureau dans l'arène annoncée par une sonnerie de trompette jouant L'èr di biòu (l'air des taureaux).
L'arène doit être de forme circulaire et entourée de barrières au-dessus desquelles le raseteur doit pouvoir bondir afin d'échapper à l’éventuelle poursuite du taureau, et d'une contre-piste permettant au taureau de pouvoir revenir au centre de l'arène s'il saute à son tour au dessus des barrières.
Après avoir laissé une minute de reconnaissance au cocardier pour s'habituer à l'arène, une seconde sonnerie retentit pour indiquer aux raseteurs le début de la course.
Puis, pour une durée d'un quart d'heure maximum des groupes de raseteurs, vêtus de blanc et aidés par des tourneurs, dont le rôle est de placer le taureau dans une position idéale, vont tenter de décrocher les attributs fixés à la base des cornes et sur le front de l'animal.
Ces attributs sont la cocarde, les glands et les ficelles qui doivent être décrochés dans cet ordre.
Le nombre de protagonistes varie d'une course à l'autre, selon la grandeur de la piste.
Dès sa sortie du toril, lieu où l'animal est enfermé avant la course, le taureau doit être capable de prendre position contre la barricade pour surveiller ses adversaires.
Lorsque ceux-ci courent vers lui les bras tendus vers sa tête pour essayer de décrocher un attribut au moyen de leur crochet, le taureau les repousse vers l'extérieur de l'arène.
Les attributs rapportent des points permettant de déterminer le meilleur des raseteurs dans les différentes manifestations de chaque catégorie, comme celles que l'on trouve dans les divisions au football : trophée de l'Avenir, trophée des Raseteurs, trophée des As.
Le barème est très précis : la coupe de la cocarde vaut 1 point, l'enlèvement de la cocarde et des glands 2 points par attribut, l'enlèvement de chaque ficelle 3 ou 4 points selon la catégorie de la course.
Après la course, le taureau regagne ou est ramené vers ses prés où il retrouve le reste du troupeau.
En marge de la course il convient de signaler quelques événements. L'abrivado (arrivée en provençal) précède la course, c'est l'arrivée dans les arènes des taureaux en provenance des prés, accompagnés à cheval par les gardians de la manade.
Leur retour aux prés après la course dans les mêmes conditions est appelé la bandido (retour en provençal). Le but des gardians, chevaux et taureaux est de rester groupé. Ils sont souvent suivis par des attrapaires (attrapeurs en provençal) qui cherchent à immobiliser les taureaux, parfois pour les faire échapper dans les rues.
L'aire de pratique
La course camarguaise se déroule dans une arène de forme circulaire et entourée de barrières. Derrière ces barrières se trouvent une contre-piste permettant au taureau de pouvoir revenir au centre de l'arène s'il saute au dessus des barrières.
Le terrain est généralement dur et légèrement ensablé.
L'arène et sa contre-piste peuvent parfois être entourées de gradins fixes ou mobiles (on parle alors de plan de théâtre) permettant aux spectateurs de pouvoir assister à la course.
Le matériel
Les raseteurs doivent utiliser un crochet en fer servant à décrocher les attributs, il doit comporter quatre branches de 8 cm de longueur, dotées chacune de quatre dents qui doivent, notamment la dent supérieure, être incurvées vers l'intérieur. Une barrette transversale est permise à condition qu'elle soit dépourvue de dent. Les raseteurs et les tourneurs sont toujours vêtus de blanc.
À la base des cornes et sur le front du taureau sont placés trois types d'éléments. La cocarde, ruban de couleur rouge d'une dimension de cinq à sept centimètres de longueur et de un centimètre de largeur. Elle est attachée à l'aide d'une ficelle sur le haut de front du taureau et au centre. Deux glands, des pompons de laine blanche, accrochés par un élastique à la base de chaque corne. La ficelle qui est le dernier attribut à enlever est enroulée autour de la corne avec un nombre de tours variable et déterminé par le classement du taureau.
2/ Apprentissage et transmission
La pratique du raset est enseignée dans des écoles de raseteurs qui dispensent un enseignement à la fois technique, sportif et théorique.
Les entraînements se font principalement dans les arènes (sauts, technique du geste du raset...) et parfois chez les manadiers (éleveurs). L'apprentissage dure environ 1 ou 2 ans en école de raseteurs. Les enseignements prodigués par les écoles de raseteurs peuvent être répartis comme suit :
- Apprentissage culturel et théorique : l’appréciation du comportement du taureau en piste nécessite d’aller à sa rencontre, le voir évoluer dans son milieu naturel. Ceci amène donc à des visites fréquentes chez les manadiers.
- Entraînement physique : à l'aide d’un « frontal » (cornes fixées sur un chariot manipulé par un aide) ainsi qu'un enseignement technique spécifique du geste et du saut pour s’échapper de la piste.
La transmission de la pratique se fait par l’intermédiaire des éducateurs, presque toujours anciens raseteurs ayant 10 ans de pratique. Ils doivent posséder une bonne approche pédagogique et un enseignement très dirigé vers le rapport à entretenir avec le taureau.
On note également une dimension de transmission orale par les « anciens ». Ils prodiguent alors des conseils sur le placement, l'adaptation du raset et l'appréciation du comportement du taureau.
3/ Historique
La course camarguaise s’inscrit dans le prolongement du culte du taureau. Le plus ancien témoignage sur son origine remonte en 1402 dans la ville d’Arles : une course avait été donnée en l’honneur de Louis II, Comte de Provence.
Vers la fin du 19ème siècle, on fixe des attributs sur les cornes du taureau (fleurs, foulards), destinés à être enlevés par les jeunes amateurs. C’est dans les années 1890 que les éleveurs de taureaux prennent conscience de l’importance de la race de taureau "Camargue" , race « di biòu » qui, grâce à sa morphologie et à sa combativité, le prédispose à la course.
Ainsi dès le début du siècle, dans de petites arènes de fortune (les plans), on voit s’affronter des taureaux de grande qualité et des hommes passés maîtres dans l’art du raset. On commence alors à fixer une cocarde sur le front du biòu, et des primes sont attribuées à celui qui ira "décrocher l’attribut", c’est le début de la « course libre » baptisée plus tard course camargaise.
4/ Sauvegarde
Parmi les mesures contemporaines pour la sauvegarde la course camargaise on note :
- Actions de formation envers les écoles de raseteurs et création du Label Masters mis en place par la Région.
- Le Pays Vidourle Camargue, syndicat mixte (51 communes), met en valeur, grâce au dispositif européen LEADER, les cultures liées à la présence du taureau sur son territoire.
Mais aussi des mesures culturelles : - En 1992, la protection par La DRAC du Languedoc Roussillon, au titre des monuments historiques, de cinq arènes et deux plans de théâtre (terrains où sont déployées des arènes temporaires lors de courses camarguaises dans certaines villes). Ainsi que l'agrément pour l’intervention en milieu scolaire sur la pratique de la course camargaise.
- La valorisation de la pratique par les musées régionaux comme à Nîmes, Arles et Avignon.
- La région Languedoc Roussillon s’engage à poursuivre son soutien aux compétitions Masters qui récompensent tout particulièrement la qualité du geste du raset en piste.
- Poursuite de la rénovation de certaines arènes pour la sécurité des raseteurs.
- Réédition des Salons du Toro à Arles et l'espace Camargue à Nîmes
- Mise en valeur des prestigieux trophées taurins et des championnats de ligue pour encourager la venue aux arènes d’un plus large public.
- Mise en place d'un livre généalogique sur les taureaux.
- Création d’une banque génétique afin de préserver la race camargue.
- Aménagement des contrepistes des arènes pour la sécurité des taureaux.
- Développement d'une charte de qualité pour l’accueil du public par le Parc Régional de Camargue en partenariat avec les manadiers: découverte des modes de conduite des troupeaux.
- Diffusion avant la course et dans les offices du tourisme de plaquettes explicatives, multilingues, pour sensibiliser le public de passage. Initiation qui permet de décrypter les actions, parfois complexes des hommes et des biòu, qui se déroulent en piste.
- En 2011, adhésion de nouvelles communes à la charte de sécurité et de qualité, relative aux manifestations liées aux biòu.
- En 2011, politique de communication de la Fédération renforcée auprès des médias, relais majeurs : TV, radios, presse écrite ( La Fé di Biou, Arènes, Vent Sud, ..), l’APQR (Midi Libre, Gazette,..) et sites internet où est évoquée régulièrement la course camarguaise www.ffcc.info)
- Edition du calendrier des courses camargaises
- Diffusion internationale du documentaire : « Lou Biou - The Feast of the Fabulous Bull » d'une durée de cinquante minutes
- Expositions thématiques et mallette pédagogique destinée aux enfants par le Musée de la Camargue.
- Mise en application de la charte de la Nacioun Gardiano pour le respect de l’harnachement des chevaux Camargue et du port des costumes traditionnels, lors des fêtes votives et des manifestations de représentation hors Camargue.
Avec plus 900 courses camarguaises par an, du mois de mars à novembre, le dynamisme de cette pratique est spéctaculaire, car elle fait partie du paysage identitaire de la Camargue.
Le monde de la bouvine a donc saisi dans son ensemble, l’importance de l’ouverture de ce sport régional et des mesures conservatoires à respecter, principes même de continuité de la pratique. Sources et références
- FREDERIC SAUMADE, « Des sauvages en Occident , Les cultures tauromachiques en Camargue et en Andalousie » , 1994, Maison des sciences de l’homme.
- FREDERIC SAUMADE, « Les Tauromachies européennes. La forme et l’histoire, une approche anthropologique », 1998, Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris.
- CARLE NAUDOT : « Camargue et Gardians », Arles, Parc Régional de Camargue, 1978.
- CARLE NAUDOT : « Le Seden », Arles, Parc Régional de Camargue, 1978. - JEAN NOEL PELEN et CLAUDE MARTEL : « L’Homme et le taureau en Provence et Languedoc. Histoires vécues, représentations », Grenoble, Glénat, 1990.
- ANNE-LYSE CHEVALIER : « Les Gardians de Camargue », Courrier du Parc n° 56.
- BERNARD PICON : « L’Espace et le temps en Camargue », Arles, Actes Sud, 2009. - Clair de terre : « L'homme et le taureau en Provence et Languedoc : histoire, vécus, représentations », Grenoble, Glénat, 1990