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Rapport sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl / par M. Ch de Tourtoulon et M. O. Bringuier
Tourtoulon, Charles de (1836-1913)
Bringuier, Octavien (1829-1875)
De 1873 à 1875, Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier, félibres et philologues de la Société pour l'étude des langues romanes (Montpellier), entreprennent la première étude linguistique menée en France à partir d'une vaste enquête de terrain. 
Les résultats de l'enquête Tourtoulon-Bringuier sont publiés en 1876 dans le cadre d'un rapport au Ministre de l'Instruction publique, publié dans la collection des Archives des missions scientifiques et littéraires : choix de rapports et instructions publié sous les auspices du Ministère de l'instruction publique et des cultes. Paris : Imprimerie nationale : E. Leroux. 
Le rapport renouvelle la conception de la frontières linguistiques et donnera lieu à une contre-enquête menée par les philologues parisiens (Gaston Paris et Paul Meyer). L'Enquête Tourtoulon-Bringuier est à l'origine de la création d'un espace linguistique intermédiaire entre domaine occitan et domaine français, que Jules Ronjat nommera le "Croissant" en 1913.

Lire le Rapport sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl sur Gallica : accès direct.
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Les enquêtes dialectologiques sur les parlers du Croissant : corpus et témoins / Guylaine Brun-Trigaud
Brun-Trigaud, Guylaine
Menée sous l'égide de la Société pour l'étude des langues romanes (Montpellier), l'enquête de Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier, philologues et félibres, sur les limites entre la langue d'oc et la langue d'oïl, fut la première vaste étude linguistique menée en France à partir d'enquêtes de terrain et d'une méthodologie scientifique. 
Elle fut à l'origine d'une nouvelle conception de la "frontière linguistique" et de la détermination d'une zone linguistique particulière car intermédiaire entre deux grands domaines linguistiques gallo-romans, le "Croissant" (terme forgé par Jules Ronjat en 1913). 
Guylaine Brun-Trigaud propose ici une synthèse de l'histoire des enquêtes linguistiques depuis l'Enquête impériale de 1807-1812 jusqu'aux Atlas régionaux de la deuxième moitié du XXe siècle à travers le cas très particulier du "Croissant", zone de parlers intermédiaires entre domaine d'oc et domaine d'oïl.  

Consulter l'article (dans Persée : portail de revues en sciences humaines et sociales) 
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La dialectologie : Aperçu historique et méthodes d'enquêtes linguistiques / Sever Pop
Pop, Sever (1901-1961)
Sever POP (1901-1961) est un linguistique roumain, spécialiste de la dialectologie et de la géographie linguistique.

En 1950, il publie cet ouvrage de synthèse qui demeure une des rares histoire générale et complète des enquêtes linguistiques et études dialectologiques.

Cet ouvrage fait une grande place aux enquêtes linguistiques et travaux dialectologiques en France de la Révolution jusqu'au XXe siècle et en particulier sur les travaux concernant la langue occitane. 

La Dialectologie : aperçu historique et méthodes d'enquêtes linguistiques représente un manuel accessible sur l'histoire de la dialectologie, l'évolution des méthodes d'enquête mais aussi sur les représentations des élites et des institutions concernant les langues minorisées en Europe. 

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Trobairitz in Gevaudant
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

L'Occitanie accueille au XIIe et XIIIe siècles, un renouveau littéraire initié par le duc d'Aquitaine et premier troubadour, Guillaume IX de Poitiers. Cet art du trobar, acquiert progressivement, et en langue d'oc, ses lettres de noblesse. Trobadors et trobairitz, leurs consœurs, chantent durant ces deux siècles qui constituent l'âge d'or de cette lyrique, fin'amor, joi et joven (amour raffiné, joie d'amour et jeunesse).

 

I/ Lozère, terre de Trobar

Le souvenir de ces poètes médiévaux est parvenu jusqu'à nous grâce à un ensemble de textes, appelés chansonniers, dont les principaux intitulés H et W sont respectivement conservés au Vatican (Rome) et à la Bibliothèque nationale de France (Paris). On conserve également des Vidas e Razòs, courts textes biographiques accompagnant les poésies et qui donnent quelques éclaircissements sur l'origine et l'existence de leurs auteurs. Ces écrits dressent la liste de pas moins de 2500 troubadours et d'une vingtaine de trobairitz.

Terre occitane, le Gévaudan est également terre de troubadours et de trobairitz. Ces mêmes sources évoquent pour ce seul territoire - dont les contours dépassent aujourd'hui le département administratif de la Lozère en débordant également sur l'Ardèche ou le Gard -, un ensemble d'au moins quatorze troubadours dont quatre femmes, se répartissant autour de 1180, en deux fécondes générations d'écrivains. Garin le Brun, Guillem Gasmar, Grimoart Gausmar, Garin d'Apcher ou Torcafol, débutent leur création alors que e courant ouvert par le poitevin Guillaume IX, duc d'Aquitaine, est déjà bien établi. Leur production témoigne de l'accomplissement rencontré par cette littérature.

Au regard de l'abondante œuvre laissée par leurs confrères masculins, les quelques chansons écrites par des trobairitz gévaudanaises semblent un bien maigre ensemble. Elles n'en demeurent pas moins un témoignage d'exception quant à la place des femmes de ce temps et de cette aire, l'Occitanie. Notons d'ailleurs l'importance, comparativement à l'ensemble d'une vingtaine de noms connus seulement pour tout le monde occitan, des trobairitz du Gévaudan, au nombre de quatre.

 

II/ Voix de femmes en Occitanie

Contrairement à la prose des troubadours, celle des trobairitz, quantitativement moindre il est vrai face à un ensemble de plus de deux mille voix, fut longtemps reléguée au second plan. Le tournant des années 1970, à la faveur des différents mouvements féministes, puis les analystes contemporains ont permis de revenir sur ce pan de la lyrique troubadouresque, d'en étudier les particularités, l'origine de leurs auteurs... définir dans les faits s'il existe une voix féminine du trobar différente d'une langue que l'on pourrait dire "masculine".

Le portrait général des femmes que dressent les biographies des Vidas, est assez succinct. Rédigés bien souvent de façon postérieure à la mort de leurs sujets, ils sont dans le cas des trobairitz limités à quelques lignes, quand ces dames ne figurent pas uniquement dans la Vida oula Razò d'un troubadour qui fut l'un de leurs proches ou avec lequel elles dialoguèrent. A travers les vingt portraits de femmes connus, un portrait-type, que des sources nouvelles pourraient conduire à modifier, semble se dégager. Les femmes prenant la plume, furent principalement de noble extraction. En dépit d'une situation relativement privilégiées en Occitanie, espace qui leur accorde un certain nombre de droits, tel celui d'hériter, il est à noter que ces poétesses s'expriment en un temps, le Haut Moyen Âge, qui demeure peu favorable à la gent féminine. Avoir la possibilité de coucher sur le papier leurs idées et leurs « amours », puisque tel est le principal sujet de débat, demeure le fait d'une poignée de femmes socialement favorisées. Les thèmes qu'elles abordent sont communs à leurs homologues masculins : fin'amorjoi et joven y trouvent ainsi une place de choix, avec peut-être un regard et surtout, une posture dans l'échange amoureux, quelque peu différents.

 

III/ Voix de femmes en Lozère

  • Voix de femmes en Lozère

     

Hasard des sources ou véritable symbole d'une situation particulière à cet espace, le Gévaudan accueillit un quart des trobairitz répertoriées à ce jour, la plupart d'entre elles appartenant par ailleurs à la seconde génération des troubadours gévaudanais. La prudence demeure de mise face à cette production vieille de plusieurs siècles, et pour cela soumise aux aléas du temps et de la destruction. Ces trobairitz gévaudanaises sont donc au nombre de quatre : Almucs de Castelnou ou Almoïs de Châteauneuf (selon les commentateurs), Iseut de Chapieu ou Iseu de Captio, Azalaïs d'Altier et Na Castelloza, cette dernière s'installant en Gévaudan après son mariage.

Moins connues que leurs homologues masculins, dont Perdigon, auteur originaire de Lespéron, aux environs de Langogne (aujourd'hui administrativement située en Ardèche), ou Garin d'Apchier ; nous savons en définitive peu de choses des trobairitz de cette zone, dont peu de pièces et de maigres biographies constituent les uniques traces. Laissons de côté Azalaïs d'Altier, demoiselle issue de la noble famille du même nom et connue par son salut à Clara d'Anduze, pour étudier plus en détails ses trois comparses, très vraisemblablement contemporaines comme le suggèrent leurs écrits.

 

  • Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu

Almoïs de Châteauneuf et Iseut de Chapieu sont principalement connues du fait des échanges épistolaires qu'elles entretinrent. Toutes deux sont originaires d'une région voisine.

Almoïs de Châteauneuf serait en effet issue de la famille de Châteauneuf-Randon, résidant dans le captium du même nom à quelques kilomètres de Langogne sur la route en direction de Mende, un château rendu célèbre par le chevalier Du-Guesclin mort à cet endroit. Nous la connaissons principalement par une courte biographie présentée dans le chansonnier H conservé au Vatican à Rome. Un acte d'hommage datant de 1219 et relatif au seigneur de Châteauneuf, le dénommé Guillaume, indique que la mère de celui-ci portait le nom d'Almoïs. Clovis Brunel et avec lui d'autres historiens, on fait depuis le rapprochement entre la trobairitz et la noble dame. (cf. TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982. Pp.67-70, et BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916).

Iseut de Chapiu ou Iseu de Captio. Les commentateurs voient en elle une dame de Chapieu, du nom d'un château situé alors sur le Causse de Mende et aujourd'hui en ruines. Trobairitz de la seconde génération également, elle aurait produit ses pièces entre 1187 et 1250 environ.

Dans le cadre de la tenson qui les réunit ( tenson = dialogue poétique), Iseut de Chapieu endosse le rôle de médiatrice entre Almoïs et son amant, dénommé Guigue de Torna ou de Tournel en fonction des commentateurs et qui fut peut-être, un parent de la demoiselle de Chapieu. Les seigneurs de Tournel portèrent en effet successivement les titres de Villaforti (de Villefort), de Capione (de Chapieu), leur préférant à compter du XIIIe siècle celui de Tornello (Tournel). (cf. Clovis Brunel, ibid.).

Le dialogue ouvert par Iseut se compose d'une seule cobla (couplet), précédée d'une Razò, fragments épars d'une œuvre possiblement plus vaste mais désormais perdue. Iseut prend la défense du sieur Guigue, accusé par sa maîtresse de trahison. Les échanges par leur tonalité suggèrent une proximité entre les deux femmes qui dépasse le simple échange épistolaire. Le langage s'y fait plus direct, le ton et le style en sont quoi qu'il en soit riches et soutenus.

Toute question demandant réponse, Almoïs prend à son tour sa plume afin de justifier sa position face à cet amant rejeté. Son couplet nous révèle un peu plus l'histoire amoureuse qui se trame derrière ces quelques lignes. Elle y engage son amant à demander pardon d'une faute, la tromperie, particulièrement mal perçue par la société occitane de l'époque. Nous ne possédons de cette dame qu'une œuvre unique, insuffisante pour connaître la finalité de cette médiation.



  • Na Castelloza

La vie et l’œuvre de Na Castelloza, originaire d'Auvergne, est dans les faits liée au Gévaudan et à ses poétesses qui furent ses contemporaines et ses interlocutrices. Dans « Ja de chantar non degr'aver talan », elle entame ainsi un dialogue avec une « Dompna N'Almueis », qui ne serait autre que la dame de Châteauneuf.

Mariée à Turc de Mairona, de Meyronne en Gévaudan (Haute-Loire), Na Castelloza a laissé à la postérité au moins trois écrits. Contrairement à la position de la Domna, dominatrice et indépendante, adoptée notamment par Almoïs de Châteauneuf, elle laisse pour sa part le portrait d'une dame soumise et implorante vis-à-vis de son amant. 

La littérature médiévale en Gévaudan fut comme ailleurs en Occitanie, particulièrement florissante durant l'âge d'or du Trobar. De ces troubadours demeurent quelques images, chansons et des noms, liés aux domaines de ces seigneurs et poètes.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Petite anthologie des écrivains lozériens de langue d'oc. [Mende] : s.n., impr.1982.

ANATOLE, Christian, "Las trobairitz" in Lo Gai Saber n°394, avril 1979.

BEC, Pierre, Chants d'amour des femmes-troubadours. Paris, Stock, 1995.

BOGIN, Meg. Les femmes troubadours. Paris, Denoël/Gonthier, 1978.

BRUNEL, Clovis. « Almois de Châteauneuf et Iseut de Chapieu », Extrait des Annales du Midi, t.XXVIII, Toulouse, 1916.

GIRAUDON , Liliane, ROUBAUD, Jacques. Les Trobairitz. Les femmes dans la lyrique occitane. Paris,Action poétique, 1978.

LAFONT, Robert ; ANATOLE, Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, P.U.F. 1970.

NELLI, René, Ecrivains anticonformistes du moyen-âge occitan. La femme et l'Amour. Anthologie bilingue, Paris, Phébus, 1977.

REMIZE, Félix. Biographies lozériennes : les noms célébres du pays de Gévaudan. Le Coteau-Roanne, Horvath, 1989.

SOUTOU, A. « L'enracinement des troubadours : Bertran de Marseille et le terroir de Ste-Enimie (Lozère » in Annales de l'Institut d'études occitanes 0180-4200 ; N° 18, 1954. Pp. 29-33.

TREMOLET DE VILLERS, Anne. Trobar en Gévaudan. Mende, Association du Festival de Mende, 1982.

VASCHALDE, Henry. Histoire des troubadours du Vivarais et du Gévaudan. Paris, Maisonneuve et Ch. Leclerc, 1889.

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Gargantua
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Gargantua est ce héros gigantesque et légendaire, parcourant la France au fil des chroniques, et dont s'inspira Rabelais pour créer le personnage de ses récits littéraires (La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence. Livre plein de Pantagruélisme, 1534).

1/ La légende raconte que...

Ce personnage mythique possède des caractéristiques le rendant facilement identifiable, et qui le rapprochent d’une autre figure « d’homme sauvage », Joan de l’Ors. Ces géants ont un appétit redoutable, et une barbe fournie. Gargantua se remarque également par sa maladresse et son tempérament nomade. La légende veut qu’il ait parcouru la campagne, transformant les paysages sur son passage, au gré de ses repas (et de ses déjections), de dépôts laissés par ses bottes, de cailloux lancés par jeu… Il lui arrive même de tarir des rivières lorsqu’il a soif ! Cet appétit incroyable illustrerait l'appétit de vivre marquant la période qui suit les difficultés de la peste et de la guerre de Cent Ans (fin du XVe siècle - début de XVIe siècle). Maladroit mais jamais intentionnellement méchant, Gargantua est un héros populaire, un ripailleur dont les aventures, parfois scatologiques, font rire le grand public de l'époque. Les récits légendaires sur sa naissance rapportent qu’il serait né de personnes de tailles inférieures à la moyenne, et qu’a contrario il aurait eu une très forte croissance. Rabelais quant à lui affirme que son personnage de Gargantua serait né un 3 février (et d’autres auteurs le pensent aussi), en sortant de l’oreille gauche de sa mère. Cette date de naissance, et son caractère absurde, le rapproche de carnaval dont les récits de Gargantua partagent déjà la fonction cathartique.

2/ Historique des pratiques, focus sur Langogne.

Si la ville s’attribue Gargantua comme héros fondateur, en s’appuyant certainement sur les propos de Felix Viallet, cela est dû en partie à un épisode légendaire qui s’y serait déroulé. Fait assez rare, le sang de Gargantua y aurait coulé, des suites d’une blessure au doigt, colorant ainsi les terres environnantes. Mais il ne faut pas oublier que la ville de Langogne, à la fin du XVe siècle est un carrefour commercial, possédant une foire réputée et attractive. Elle reçoit ainsi cette littérature de colportage dont Gargantua est l'un des « best-seller ». Il faut toutefois attendre le XIXe siècle pour voir apparaître la tête géante de Gargantua dont les cartes postales anciennes de Langogne perpétuent le souvenir. Celle-ci est exhibée dans le cadre du cortège de chars fleuris qui défilent dans la ville. Monumentale, elle mesure environ trois mètres cinquante. Elle est également articulée, ses yeux et sa bouche semblent s'animer et convier les habitants à la fête. Mais n’oublions pas que Gargantua n’est pas le héros d’une région en particulier, tant les récits de colportage lui font parcourir et transformer les paysages de France.

3/ Les pratiques actuelles autour de Gargantua.

Bien qu’elle soit issue d’une littérature principalement orale, la légende de Gargantua continue encore à vivre aujourd'hui. C’est par exemple le cas en Lozère, dans la ville de Langogne (« le pays de Gargantua »), où le géant est fêté depuis 1884. Et si les sorties de « Gargantua » du 1er août ont été suspendues aux alentours de 1978, sa tête est ressortie une première fois en l‘an 2000 et reprend depuis part aux processions des chars carnavalesques. On remarque aussi à Langogne la création récente de la confrérie du Manouls Langonais de Gargantua, qui met en lumière cette spécialité culinaire d'abats de mouton et de veau (les manouls), mais aussi la confiserie appelée « la Gargantille ». Et depuis le 7 avril 2000, Langogne détient le record du monde de la saucisse la plus longue : 23 160 m exactement, une nouvelle fois en hommage à Gargantua.

4/ La transmission d’hier et d’aujourd’hui.

Les premiers récits de littérature orale sur la figure de Gargantua et des géants en général se constituent en France à partir du Moyen- Âge, pour enfin connaître un vrai succès au XVIe siècle. Le nombre de chroniques orales augmente, ainsi que celui des ouvrages écrits, à la suite de Rabelais. En 1675, paraissent ainsi Les Chroniques du Roy Gargantua, cousin du très redouté Gallimassue et en 1715, est publiée la Vie du fameux Gargantua, fils de Briarée et de Gargantine. Aujourd’hui, la légende de Gargantua se perpétue différemment, en accord avec les modalités actuelles de partage des connaissances. On trouve ainsi des sites internet qui lui sont dédiés, et il existe même sur Facebook un #Gargantua.

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Le Poulain de Pézenas
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

C'est conjointement aux géants du Nord, que le Poulain de Pézenas fut classé à l'UNESCO en 2005. Toutefois, force est de constater la fréquence et l'abondance de ces animaux totémiques dans le Midi de la France en général et dans le Bas-Languedoc en particulier.

1/ Le Poulain, cheval de bois et de toile

Le Poulain de Pézenas, cheval de bois et de toile

La structure du poulain de Pézenas est similaire à bien d'autres exemples de chevaux de bois. Elle était à l'origine faite de bois, probablement de châtaignier, couverte d'une vaste toile bleue portant des emblèmes dont la nature changea au gré des évolutions politiques.
 
La toile bleue du Poulain affiche ainsi en alternance les couleurs de la royauté, de la République ou les abeilles impériales. Le Poulain rassemblant derrière lui la communauté piscénoise (les piscénois sont les habitants de Pézenas), suscitant tout à la fois peur et attraction sur la population, fut d'ailleurs victime de sa fonction symbolique lors de la Révolution française. Alors assimilé à la royauté (sa légende le rattache en effet à ce régime) le poulain fut ainsi brûlé en 1789.
 
La structure elle-même a également évolué avec le temps. À compter de 1989, l'aluminium plus léger, remplace la lourde armature de bois. Le poulain prend alors le chemin de l'Inde aux côtés d'autres figures totémiques dont la Tarasque de Tarascon, afin de représenter les traditions françaises à Bombay et New Delhi dans le cadre de l'année de la France en Inde.
 

Une figure emblématique

Le Poulain figure depuis 2005 au classement du patrimoine oral et immatériel de l'humanité de l'UNESCO, dans le cadre d'une reconnaissance commune à la France et à la Belgique, de leurs géants et figures totémiques.
 
Chivalets, chivaus-frus, chaval dragon, treva-chaval... sont en effet autant de manifestations de bois et de toile qui accompagnent les manifestations et rituels de leur cité, rassemblant autour d'eux la communauté, et constituant à ce titre un élèment du patrimoine culturel immatériel.
 
Liés à une légende ou à un fait d'histoire locale, l'attachement des habitants à ces animaux de toile remonte parfois loin dans le temps, et survit au temps qui passe. Ces bêtes de toile sont ainsi peu à peu devenues emblématiques d'une ville. Ils demeurent le symbole des liens étroits et souvent complexes que l'homme entretient avec l'esprit des Lieux et sa propre Nature. Sans être uniquement cantonné aux fêtes carnavalesques, ces animaux-jupons s'intègrent fréquemment dans ces festivités.
 
Dans la longue liste d'animaux totémiques de l'Hérault, le Poulain de Pézenas connaît comme Lo Camel de Besièrs ou le Drac de Beaucaire, une place particulière. "Los Polins" connaissent en pays piscénois un réel succès. A l'aîné de la cité royale, s'ajoutèrent progressivement ceux d'Adissan, d'Alignan-du-Vent, Florensac, Montblanc, Saint-Thibéry, Vias... Celui de Pézenas, possède toutefois une place à part. Il constitue a priori l'une des formes les plus anciennes connues dans la région, dont la légende, le ferait remonter aux temps épiques de la Croisade des Albigeois.

2/ Les origines mythiques du Poulain

Le poulain de Pézenas aurait pour mythe originel, la venue en 1226 du roi de France Louis VIII à l'occasion de la Croisade contre les Albigeois La jument préférée du monarque serait alors tombée malade. Confiée à des consuls de la ville, loin de décéder d'une quelconque maladie, la jument met finalement bas. Découvrant le jeune poulain à son retour à Pézenas, le roi demande la construction d'un équivalent de bois, afin de commémorer l'événement. Ce modèle de toile et de bois accompagnent depuis les fêtes de la cité, fêtes religieuses et fêtes calendaires, tel le Carnaval.
 
La légende connaît une seconde étape "royale" en 1622, lors du passage du roi Louis XIII. Le maréchal de Bassompierre devant traverser la Peyne sur son cheval, et croisant une paysanne en difficulté, la fait monter en selle avec lui, tous deux franchissant ensemble la rivière. L'anecdote conduisit à la construction de deux mannequins de bois, Estieinon et Estieineta, toujours visibles sur le dos de l'animal.
 
C'est également à cette date et en dépit d'une légende qui le voudrait plus ancien, que le Polin est pour la première fois mentionné dans les archives de la ville faisant de lui l'un des plus anciens animaux de toile du département (si ce n'est le plus vieux). Quant à sa légende elle-même, elle fut rapportée une première fois en 1702 par Le Mercure Galant et par la suite enrichie par le chroniqueur piscénois Pierre Poncet. Celle de Bassompierre aurait été forgée tardivement, aux alentours du XIXe siècle, par Albert-Paul Alliès sur la base de la venue dans la ville du monarque Louis XIII tandis que d'autres commentateurs, tel Claude Achard, voient en ce couple un rappel de Grandgousier et Gargamelle, les parents de Gargantua qui selon la légende, firent également un passage par la cité piscénoise.
 
La mention de ce couple rappelle quoi qu'il advienne la proximité entre l'animal totémique et la fête de Carnaval, à l'occasion de laquelle le Poulain parade dans les rues, au son des hautbois et du fifre, et invite la population à danser.

3/ Carnaval de Pézenas, quand le Poulain s'en va danser...

Le charivari de la Sant Blasi

Saint Blaise, ou Sant Blasi de son nom occitan, protecteur des cardeurs (artisans textile) devint également saint patron de la ville, qui fut dès le Moyen Âge un important centre drapier. Son culte est célébré à Pézenas au moins depuis 1299, suite à la mobilisation des corporations drapières de la ville. Fête patronale la Sant Blasi ouvre également à Pézenas les festivités de Carnaval, durant lesquelles apparaît guidé par lo menaire (le guide en occitan), le Poulain emblématique.

La danse du poulain

La sortie du Poulain à Pézenas correspond à un rituel bien précis mêlant danse et musique.Au son des hautbois et des tambourins, instruments traditionnels en Languedoc, lo menaire vêtu de rouge et de blanc effectue sa danse frénétique, lançant le charivari survolté de l'animal.

Dissimulés sous la lourde toile bleue, les neufs porteurs animent le squelette de bois, lui faisant parcourir les rues à la rencontre de la population. Ruades et pirouettes attisent la curiorité, mais aussi l'affolement de la population. Ces mouvements saccadés alternent avec les claquements de la mâchoire articulée, la nhaca, qui s'ouvre ponctuellement pour avaler l'obole des passants.
Le cheminement du poulain le mène successivement, et selon un parcours immuable, dans le centre ancien de la ville : Cours Jean-Jaurès, place de la République, rue Anatole-France, boulevard Sarrazin, route de Béziers, place du Quatorze-Juillet, rue François-Oustrin, place Gambetta, rue Alfred-Sabatier, rue Emile-Zola.

La danse des treilles

Parallèlement au Poulain, figure au patrimoine culturel immatériel de la ville la danse des treilles. Celle-ci est menée par le cap de joven ("chef de la jeunesse"). Traditionnellement, les jeunes, filles et garçons, se regroupent et tiennent deux par deux un arceau de bois orné de pampres et de feuillages : la trelha (la treille). La danse s'articule en une dizaine de figures et un final. Si la musique est commune pour l'ensemble des villes et villages du département qui pratiquent cette danse, il arrive que les paroles de la chanson diffèrent. Tel est le cas à Pézenas. Le meneur y porte le nom de Ortola, et voici la chanson entonnée pour inciter les couples à passer sous les treilles :
"E Ortola, passo se bos passa – E passo jhoust les treios. E Ortola – passo se bos passa – E passo de dela;" (version donnée par A.-P. AllièsUne ville d'états : Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles, Molière à Pézenas Montpellier, Éd. des Arceaux, 1951).
 
Les treilles semblent avoir été dansées pour la première fois à Pézenas en 1564, à l'occasion du séjour du roi Charles IX dans la ville. Elles furent par la suite associées à la fête des Caritats, qui perdura dans la ville jusqu'à la fin du XIXe siècle.
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Molière e lo teatre d'òc
Centre inter-régional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

« Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas ». Marcel Pagnol.

Molière était déjà Molière (il adopte le pseudonyme dès 1644) quand l'échec de sa première compagnie parisienne l'entraîne sur les routes de France aux côtés de la compagnie de Charles Dufresne. Ses pas le conduisent bientôt à Pézenas en Languedoc, ville des Montmorency, grande famille de France et gouverneurs du Languedoc qui l'ont élue pour capitale. 

Par ailleurs ville d'États (les États généraux s'y regroupent à diverses occasions sous l'Ancien Régime), Pézenas connaît alors un véritable renouveau. Après le coup d'arrêt impulsé par l'exécution d'Henri II de Montmorency, cette ville traditionnellement active et riche (elle est ville de foires drapières depuis le Moyen Âge) retrouve en effet un second souffle avec l'installation en ses murs d'Armand de Bourbon-Condé, héritier du comté de Pézenas.

 

 

I/ De Poquelin à Molière en passant par Pézenas

  • Molière à la cour du Prince de Conti

De son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, Molière grandit dans le milieu bourgeois d'une famille de tapissiers parisiens. Le jeune homme se détourne toutefois de la vocation paternelle et fait le choix des arts, rejoignant dès 1653 la troupe de l'"Illustre Théâtre" où il rencontre les Béjart, notamment Madeleine. L'échec de cette première compagnie pousse le jeune Molière et ses compagnons à prendre le chemin de la province en compagnie de la troupe de Charles Dufresne. C'est le début de treize années passées sur les routes de France, loin de la capitale. Ses pérégrinations le conduisent en Languedoc, auprès du Prince de Conti.

Descendant des Montmorency par sa mère, Charlotte-Marie, sœur d'Henri II de Montmorency, le jeune prince de sang (les Condé sont une branche cadette des Bourbons) a trouvé refuge sur les terres familiales à la suite de la Fronde des princes (1650-1653). Le Prince de Conti, devenu gouverneur du Languedoc en 1661 à la mort de Gaston d'Orléans, a installé sa cour à la Grange des Prés à Pézenas, et recherche pour celle-ci des divertissements. En 1653, Molière et sa troupe obtiennent faveur et pension du prince au détriment de la troupe de Courtier. Le jeune comédien qui en est encore aux balbutiements de sa carrière, a déjà effectué à cette date plusieurs séjours dans la région entre le 24 octobre 1650 et le 14 janvier 1651, et reviendra encore dans cette ville quelques années plus tard entre 1655 et 1656. La date de 1653, et le soutien affiché du gouverneur du Languedoc, constitue toutefois un tournant pour ceux devenus les « Comédiens des États de Languedoc et de S.A.R. (Son Altesse Royale) Le Prince de Conty ». Cet illustre patronage facilite dès lors le travail des comédiens qui obtiennent plus facilement l'autorisation des consuls de la Région pour réaliser dans leur ville des représentations théâtrales, art et profession décriés.

La troupe enchaîne alors les représentations chez le Prince, les nobles piscénois et dans les villes de la région, se mêlant parfois à la population locale. La tradition prête ainsi à Molière des habitudes dans le salon de coiffure du barbier de Pézenas, le dénommé Géli, dont la maison se dresse toujours place de l'ancien hôtel de ville. Là, l'auteur en résidence se serait assis sur un grand fauteuil de bois aujourd'hui présenté dans les collections du musée de la ville, le musée Vulliod-Saint-Germain, tirant son inspiration des petites scènes du quotidien qui s'y jouaient.

Le soutien princier perdure jusqu'en 1655, date à laquelle l'ancien libertin que fut Conti opère une conversion radicale, rejetant les plaisirs et mœurs de sa jeunesse pour une vie plus austère et conforme aux principes de la religion. Dès lors le Prince, empreint de remords, se détourne du théâtre ; pire, il en devient l'ennemi déclaré. Du jour au lendemain, Molière se trouve alors sans appointements ni protecteur, dans une région où le théâtre n'est plus en odeur de sainteté. Après un vraisemblable dernier passage dans la ville en 1657, le comédien s'éloigne de cette province. Elle demeure toutefois étroitement liée à son œuvre.

  

  • La naissance d'un mythe, Molière et Pézenas au XIXe siècle

Les années d'errances du comédien hors de la capitale, demeurent aujourd'hui encore sources de réflexions pour les historiens, faute d'une historiographie et de sources conséquentes en ce domaine. Le passage de Molière à Pézenas, comme ailleurs, fait l'objet d'interrogations et s'accompagne de nombreuses historiettes à l'authenticité plus ou moins avérée.

Après des dizaines d'années de quasi oubli, la fin du XVIIIe siècle et surtout le XIXe siècle se révèlent "moliéristes", tout particulièrement à Pézenas s'appuyant sur les années du comédien à la cour du Prince de Conti. De passage dans la ville en 1750, l'auteur dramatique puis académicien Cailhava, enregistre le premier les récits autour de la présence de Molière à Pézenas, notant l'importance du Languedoc dans l'œuvre du comédien. (publication en 1802 des Études sur Molière, Paris, Éd. Debray). Emmanuel Raymond (Galibert) reprend par la suite la foule d'anecdotes recueillies par Cailhava mais jamais publiées, prenant pour cadre la boutique du perruquier et les échoppes voisines.

Le comédien y apparaît dans toute sa gloire, et sa figure, quasiment érigée au rang de mythe, fait l'objet de commémorations et hommages divers. Le sculpteur biterrois et occitaniste Antonin Injalbert se voit confier la réalisation du buste de l'écrivain. Son œuvre est érigée en 1897 grâce à une souscription publique sur la promenade du Pré. Parallèlement, le mouvement moliériste piscénois animé par Albert-Paul Alliès attire le regard des élites parisiennes sur la ville. Celui-ci encourage la venue dans la cité des comédiens français, opérant pour l'occasion un semblant de pèlerinage autour des lieux et des reliques du comédien.

Indubitablement, Molière marque l'histoire de Pézenas. La cité languedocienne le lui rend d'ailleurs bien. Ville de Molière, elle propose durant toute l'année un ensemble de visites guidées sur les pas de l'auteur, scénovision voire festival (le festival Molière dans tous ses éclats se déroule depuis trois ans au mois de juin). Réciproquement, il semble que Pézenas, le Languedoc et la langue d'oc, ait également influencés le jeune comédien et dramaturge.

 

II/ Molière et le théâtre d'Oc

Jeune comédien quand il prend les chemins de l'errance loin de la capitale, Molière compose une importante production durant ses années languedociennes. La province est le cadre de la première représentation de nombre de ses pièces : l'Étourdi, le Dépit amoureux (1656, Béziers), la Jalousie du Barbouillé, ébauche de Georges Dandin, ou le Médecin volant, prélude au Médecin malgré lui, présenté une première fois en novembre 1655, au n°32 de la rue de Conti, Hôtel d'Alfonce. Ces quelques pièces ne sont qu'une infime partie des réalisations de Molière à cette époque, comptant au moins six autres farces, à la chronologie imprécise : Le Maître d'école ou Gros René petit enfant (1659), le Docteur Pédant (1660), Gorgibus dans le sac (1659, ébauche des fourberies de Scapin), la Casaque (23 décembre 1660). Les trois Docteurs rivaux (1661) et le Docteur amoureux. Joguenet ou Les Vieillards dupés, le Fagotier, et selon Grimarest, Les Précieuses ridicules.

Cadre d'une importante production, le Languedoc est également sujet et inspiration du contenu même de ces œuvres, qui témoignent pour la plupart de l'influence de la langue et de culture d'oc.

 

  • Molière et les Caritats/ Caritachs

Jeune comédien de passage dans la région, Molière s'est probablement rendu à Béziers au temps des Caritats. Les fêtes de Caritats sont dans le Bas-Languedoc une institution, notamment à Béziers où elles perdurent aujourd'hui. Pézenas à l'époque de Molière célébrait également les Caritats, une pratique qui se perpétua jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Les Caritats, c'est le temps des corporations, du rassemblement des différents corps de métiers à l'occasion d'un défilé mêlant dans un même temps de fête, toutes les communautés de la ville. Ces différentes confréries font intervenir des personnages symboliques particuliers au cours de processions durant lesquelles elles prennent possession de la ville. Animaux totémiques, Camel (chameau de Béziers) et Polin (Poulain de Pézenas), danses des treilles et processions rythment la semaine de l'Ascension. Ces commémorations semblent trouver leurs origines au Moyen Âge. Les consuls des villes du Languedoc distribuaient alors aux pauvres les revenus des biens administrés par les établissements de charité (d'où le nom de Caritats) à l'occasion de l'Ascension. (Cf. ALLIÈS, Albert-Paul. Une ville d'états : Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles, Molière à Pézenas. Montpellier, Éd. des Arceaux, 1951. P.235).

Au XVIIe siècle, les Caritats biterroises et leurs défilés sont l'occasion de représentations théâtrales en français et en occitan. Berceau d'une tradition théâtrales en oc ce théâtre dit de Béziers, dépasse les frontières de la cité révélant tout à la fois des auteurs locaux et servant de sources d'inspiration et d'émulation pour leurs contemporains.

Le théâtre des Caritats de Béziers est un théâtre majoritairement en occitan, langue maternelle pour bien des habitants à cette époque. Pourtant, et ce dès les années 1615-1620, le français s'insère progressivement dans la trame de ces réalisations. Les langues se partagent alors les rôles en fonction des fonctions de chacun. La mégère, le soldat français et la Paix sont ainsi en français dans les pièces de Béziers de cette période, tandis que Pépézuc et le Soldat Gascon sont occitans. Les auteurs biterrois, dont François Bonnet, circulent hors de l'aire purement locale. Bonnet se rend ainsi à Toulouse, pour y rechercher une plus large consécration. Le public assistant aux représentations est également bien plus cosmopolite que la seule population locale.

Parmi les visiteurs célèbres figure selon toute vraisemblance le jeune Molière. Les spécialistes ayant analysé les pièces recueillies du théâtre de Béziers et un ensemble de pièces de l'auteur parisien, notent ainsi un grand nombre de ressemblances entre des personnages et des situations déjà développées par des auteurs biterrois. Ainsi " la répugnante dégustation d'urine à laquelle se livre Sganarelle dans le Médecin volant [...] ne va ni plus loin ni plus bas, en ce genre de comique dégoûtant, que les licences ordinaires du Théâtre de Béziers" très certainement issue de la pièce La Pastorale du berger Célidor et de Florimonde sa bergère, de 1629. (cf. ALBERGE Claude, Les voyages de Molière en Languedoc. Montpellier : Presses du Languedoc, 1988). Auguste Baluffe voit de même dans "un monologue de 1635", la Boutade de la Mode (recueil de 1644) tel ou tel passage de l'École des Maris.

 

  • Monsieur de Pourceaugnac
Des traits qualifiés de méridionaux par différents spécialistes, ainsi qu'une palette de personnages de Molière, comme Don Juan (double littéraire du Prince de Conti), semblent témoigner d'une influence de l'époque languedocienne sur l’œuvre de Molière, sans que celle-ci ne doive être exagérée.

Peu de sources en effet concernant la vie de Molière à cette période permettent de définir nettement l'empreinte du Midi, de sa culture et de sa langue – l'occitan – sur le jeune auteur. Parmi tous les exemples que nous pourrions donner, citons la pièce Monsieur de Pourceaugnac (créée en 1669), qui esquisse quelques souvenirs potentiels du passé méridional de l'auteur. Le personnage principal est un Limousin portraituré par Molière sous les traits du "parfait" provincial, source de ridicule et de comique. L'auteur y adopte les lieux communs de son époque sur l'opposition Paris/ province, que ses séjours dans le sud de la France ne semblent pas avoir nuancés.

La particularité de cette pièce, réside en fait dans l'intervention de la jeune Lucette, demoiselle originaire de Pézenas (Luceta est d'ailleurs un prénom fréquent dans cette zone). La jeune femme s'exprime dans un bon "languedocien", émaillé ici et là de gallicismes, certainement destinés à rendre les interventions de Lucette plus accessibles à un public parisien francophone. Celles-ci sont transcrites dans le texte en graphie phonétisante qui semble témoigner de la bonne connaissance orale de l'occitan par Molière, qui reproduit sans trop d'erreurs une langue entendue près de dix ans plus tôt au cours de ses séjours en Languedoc (cf. à ce sujet : MARTY, Jacqueline. « Quelques emprunts de Molière au Théâtre de Béziers : le canevas de Monsieur de Pourceaugnac » in Revue des Langues Romanes, LXXXI, I, 1975, Pp.43-66.).

Extrait de texte: Monsieur de Pourceaugnac, Acte I, scène VII. (Paris, 1669).

"MONSIEUR DE POURCEAUGNAC 
Qu'est-ce que veut cette femme-là ? 
LUCETTE 
Que te boli, infame ! Tu fas semblan de nou me pas connouysse, et nou rougisses pas, impudent que tu sios, tu ne rougisses pas de me beyre ? Nou sabi pas, Moussur, saquos bous dont m'an dit que bouillo espousa la fillo ; may yeu bous declari que yeu soun sa fenno, et que y a set ans, Moussur, qu'en passan à Pezenas el auguet l'adresse dambé sas mignardisos, commo sap tapla fayre, de me gaigna lou cor, et m'oubligel praquel mouyen à ly douna la man per l'espousa. "

 

III/ Théâtre d'oc et patrimoine vivant de la cité

Ville où s'illustra Molière, Pézenas est ville de théâtre. La tradition théâtrale est ici à la fois ancienne et récente, quoi qu'il en soit bien réelle en ce début du XXIe siècle, et ouverte à bien des expérimentations qui dépassent la seule commémoration d'un passé moliéresque.

 

  • Une tradition théâtrale d'importance en Piscénois

Au XIXe siècle, Pézenas outre le souvenir laissé par le passage de l'auteur du Tartuffe, prolonge et enrichit la tradition théâtrale qui est la sienne en ouvrant dans les murs de l'ancienne chapelle des Pénitents Noirs (fin XVIe siècle-1789) un théâtre dont la salle peut accueillir 500 personnes. Fermé en 1947, il accueillit en son temps les acteurs de la « Comédie Française » et bénéficie aujourd’hui d'une restauration.

En 1959, André Cros inaugure à Pézenas un Centre Culturel du Languedoc, et souhaite utiliser la ville comme décor de son Fuente Ovejuna. Quelques années plus tard naissent la Compagnie de L'Illustre Théâtre, proposant des visites nocturnes théâtralisées de la vieille ville, ou le Théâtre des Treize-Vents. Boby Lapointe, le comique et ami de Georges Brassens, est également piscénois. Les muses sinon grecques du moins occitanes, semblent inspirer ici les auteurs et comédiens de tous horizons.

 

  • Renouveau du théâtre d'oc à Pézenas

Le théâtre occitan est paradoxalement tout à la fois riche et méconnu, victime d'impressions trop rares ou depuis longtemps disparues. Il est pourtant le fruit d'auteurs variés, y imprimant leur style dans une représentation du quotidien de leurs contemporains riche en couleur, et une démonstration de la langue en action, trésor inestimable pour ceux qui souhaitent découvrir ou interroger ce patrimoine vivant.

Pézenas, ville dans lesquelles traditions et coutumes demeurent particulièrement actives, proposent parallèlement une importante création théâtrale occitane contemporaine. Parmi les figures locales d'importance en ce domaine, notons bien sûr celle de Claude Alranq, acteur, auteur et spécialiste dans le domaine de l'ethno-sociologie, piscénois d'origine. Il investit l'ancienne Gare du Nord de la ville, cadre de ses recherches et créations théâtrales, puisant dans la langue et la culture d'oc, une inspiration depuis jamais démentie.

 

  • Claude Alranq et le Teatre de la Carrièra

Claude Alranq s'inscrit dans le renouveau théâtral occitan des années 1970. Le piscénois parcourt les routes du Languedoc pour présenter aux côtés d'autres jeunes acteurs occitans, leur jeune création, Mòrt e resureccion d'Occitania. De passage à Valros durant l'été 1971, Claude Marti assiste à l'une des représentations publiques de la pièce.

« Il y a là, sur la place, un camion asthmatique, beaucoup de décors en cartons, beaucoup de pancartes, et des gens qui s'agitent, se préparent au milieu de ce matériel pour le moins sommaire. Il fait beau, tout le village est là, les enfants, les femmes, les hommes, dans une atmosphère de petite fête.

Et la pièce commence. Incantatoire. Sous un linceul rouge marqué du drapeau occitan, il y a un mort. C'est M. Occitania, un petit viticulteur. Un tribunal est là qui disserte sur les causes de sa mort. Une sorcière apparaît : "Cessez vos trucs et manigances ! Occitania, je vais te ressusciter. Tu auras trois jours pour trouver les causes de ta mort. Si au bout de trois jours tu n'as pas trouvé, tu disparaîtras à tout jamais." C'était la pièce Mort et Résurrection de M. Occitania.

Et tout le monde est saisi, époustouflé, on n'avait jamais vu ça. On était devant un théâtre réellement populaire, qui touchait profondément les gens tout en étant très pédagogique. On voit des personnages que tout le monde reconnaît : Parloplan, le notable, Digeraplan, le banquier ; les gens se reconnaissent dans M. Occitania, ils rient, ils applaudissent, ils prennent parti ; un passage est en occitan, un autre est en français, comme dans la réalité vécue... ». Extrait de l'ouvrage Homme d'oc. Claude Martí, Michel Le Bris. Stock, Paris, 1975.

L'impact de Mòrt e ressuccion d'Occitania est réel, sur le public et la création théâtrale occitane elle-même, qui se renouvelle au contact d'une production qui bouleverse les codes et pratiques d'alors. La pièce conduit à la création de la compagnie Lo Teatre de la Carrièra, poursuivant et approfondissant les bases nouvelles posées par cette pièce fondatrice.

 

  • Vers un théâtre de civilisation

 

Depuis le tournant des années 1970, le théâtre contemporain occitan n'a eu de cesse de se développer, de se diversifier, mais également d'évoluer, prenant en compte les particularités de chaque époque traversée (place des femmes dans la société, rapport à l'Histoire et à la Mémoire...).

La fin des années 1970 s'accompagne ainsi d'une mutation d'un théâtre militant en un théâtre de civilisation. La production théâtrale s'accompagne dès lors d'un devoir de mémoire qui n'exclut pas la réactivation, la réappropriation et la recréation, et la recherche historique vient accompagner la démarche créative, proposant des pistes nouvelles quant aux sujets abordés, mais également la scénographie, les costumes et les décors.

 

Pézenas, cité dans laquelle la mémoire et l'actualité du patrimoine culturel immatériel est extrêmement vive, a vu fleurir une nouvelle génération d'auteurs et d'acteurs occitans, proposant une création puisant dans l'héritage de la ville, notamment ses traditions carnavalesques. Le Théâtre des Origines, compagnie née dans les rangs de la licence Acteurs Sud fondée par Claude Alranq, propose depuis près d'une dizaine d'année des créations où se mêlent traditions carnavalesques et arts de la rue, réinvestissant au cours de moments clés, telles la Saint Jean ou la Sant Blasi, les rues de la ville invitant la population à participer au renouveau de ses traditions en un rituel festif.

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Mélanges sur les langues, dialectes et patois / publ. par E. Coquebert de Montbret et J. Labouderie
Coquebert de Montbret, Eugène
Labouderie, Jean de (1776-1849)
Ce volume rassemble une partie de la documentation recueillie par Charles-Etienne et Eugène Coquebert de Montbret dans le cadre de l'Enquête impériale sur les patois (1807-1812), première grande enquête officielle, conduite par le Ministère de l'Intérieur sur les langues parlées en France. La méthode de l'enquête prévoyait d'obtenir, via l'administration départementale, les traductions en "idiome local" de la Parabole de l'enfant prodigue

>> Accéder au document sur le site de la Bibliothèque nationale d'Autriche
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Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Notes et documents sur les patois de la France
CIRDÒC-Mediatèca occitana

Histoire du fonds

Ces cinq volumes de manuscrits sont liés à l’Enquête impériale sur les patois conduite de 1807 à 1812 par Charles-Etienne Coquebert de Montbret et son fils Eugène dans le cadre des activités du bureau de la Statistique du ministère de l’Intérieur. Interrompue en 1812, la documentation rassemblée par l’Enquête impériale est dispersée entre plusieurs fonds et établissements documentaires. La majeure partie se trouve à la Bibliothèque de Rouen (fonds Coquebert de Montbret), dans la section de linguistique de la Collection Coquebert de Montbret de la Bibliothèque nationale de France (NAF 20080-20081), et aux Archives nationales (F17 1209).

Voir tous les fonds de l’Enquête impériale sur la patois : corpus “Enquêtes linguistiques sur l’occitan”

Description du fonds

Les cinq volumes réunis sous le titre de « Notes et documents sur les patois de la France, recueillis par les préfets des différents départements de l'Empire, vers 1811 et 1812 » (BnF - NAF 5910-5914) contiennent les envois de plusieurs départements au ministère de l’Intérieur en réponse à l’Enquête impériale sur les patois, en particulier la traduction en « idiome local » de la Parabole de l’enfant prodigue conformément aux directives de Charles-Etienne Coquebert de Montbret. Seul le premier volume (Ain, Eure) ne concerne pas la langue occitane. Les volumes II (Gard), III (Haute-Vienne), IV (cartes dialectologiques) présentent un intérêt pour la sociolinguistique de l’occitan. Le volume V concerne la littérature languedocienne à l’époque moderne.

Contenu :

- NAF 5910 - vol. I : Ain, Eure.
- NAF 5911 - vol. II : Gard, Nord.
- NAF 5912 - vol. III : Oise, Haute-Vienne.
- NAF 5913 - vol. IV : Cartes des dialectes.
- NAF 5914 - vol. V : « Recueil de poésies languedociennes, tant anciennes que modernes, en patois de Montpellier. — 1812 ».

Importance matérielle :

5 vol., (388, 374, 359, 46 f., 105 p.)

Pour le consulter :

Identifiant du fonds :

NAF 5910-5914

Instruments de recherche disponibles :

BnF - Archives et manuscrits (catalogue en ligne : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/)
Accéder directement à l’inventaire du dossier “Notes et documents sur les patois de la France...” [Enquête impériale sur les patois] (NAF 5910-5914) : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000040922
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Flous d'amour : Libre 1er / Joseph Chauvet
Chauvet, Joseph (1794-1875)
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